Je ne sais
plus où me cacher. Où que j’aille, j’entends ses pas. Pesants et lourds de conséquences
pour ma propre existence au sein de cet univers où la mort est omniprésente. Au
début, ce n’était qu’un simple jeu parmi d’autres. Une expérience différente, à
mi-chemin entre le cluedo et le jeu de survie. Sauf qu’ici, il n’y a ni
zombies, ni forces militaires surarmées. En revanche, il y a des créatures qui
n’ont pour seule fonction que de me dénicher et me tuer. Sans la moindre pitié.
Comme un virus ayant infecté le système et dont il faut se débarrasser. Ils
sont l’antivirus et je suis la menace au bon fonctionnement de cet univers à
leurs yeux. J’ignore combien de temps je parviendrai à tenir le coup, à leur
échapper. Tout dépendra de ma capacité à ne pas penser à créer tout ces ennemis.
A donner naissance à ces chasseurs. En fin de compte, mon pire ennemi, c’est
mon esprit.
Mais vous
devez vous demander de quoi je parle et pourquoi je suis là à essayer de vous
mettre en garde. Je me présente : je suis Lucifer Solitaire 666. Oui, c’est un
pseudo, vous l’aurez compris. Celui sous lequel tout le monde me connait, m’apprécie,
communique avec moi. Celui qui me permet de surfer un peu partout. Que ce soit
sur YouTube, Facebook, Instagram, Twitter
ou Twitch. Mais ce n’est pas ça le plus important. Qu’importe qui je
suis ou ce que je fais. Si je veux relater ce qui m’est arrivé, c’est pour vous
mettre en garde. Afin que vous non plus, vous ne vous retrouviez pas coincé ici,
sans espoir de revenir à la vie réelle. J’ai utilisé l’algorithme de dialogues
pour pouvoir vous envoyer ce journal écrit via le chat textuel, en hackant la
salle des machines où se trouvait le serveur du jeu. Sans que l’un d’entre eux
puisse se douter de quoi que ce soit. Comme quoi, certains tutos interdits peuvent
trouver une utilisation qu’on ne soupçonnerait pas. En tout cas, tant que les
créatures qui parcourent désormais le vaisseau ne me trouvent pas.
Mais il vaut
mieux que je vous explique comment tout ça m’est arrivé, afin que vous ne reproduisiez
pas la même erreur, et que vous aussi deveniez la proie des chasseurs du jeu.
Est-ce encore un jeu d’ailleurs ? Je n’en suis plus très sûr. Ça ressemble
plus à une succursale de l’enfer. Sauf qu’ici, il n’y a pas 9 cercles. Il n’y
en a qu’un, et à lui seul, il regroupe tout ceux énumérés par Dante Alghieri
dans la première partie de sa Divine Comédie. Mais trêve de bavardages. Venons-en
au fait. Je tiens à vous parler d’un jeu qui est devenu le plus dangereux du
monde depuis sa dernière mise à jour, le 31 Mars 2021. Depuis la mise en place
de sa carte « The Airship ». La promesse de nouvelles tâches au sein
du jeu, des raccourcis, et surtout de nouvelles animations de mort. Et c’est là
le nœud du problème. J’ignore qui a conçu ces nouvelles fonctions, mais il y a
manifestement eu un bug de départ lors du lancement de la mise à jour. Un bug
qui s’est amplifié, et s’est transformé en cauchemar pour quiconque aurait le
malheur de faire une partie.
Le 2 Avril
dernier, j’ai donc téléchargé la dernière mise à jour de « Among Us »,
un jeu que j’adore, où le principe réside à trouver un imposteur au sein d’une
équipe travaillant dans un vaisseau spatial. Enfin, c’est l’une des 4
possibilités de jeu. On a le choix entre un vaisseau, un bâtiment volant, une
base planétaire et un dirigeable volant. Mais j’ai toujours préféré le
vaisseau, à cause de son ambiance plus oppressante, dû au côté exigüe des
couloirs, des tunnels ou des salles. A bien y réfléchir, même si j’avais opté
pour un autre lieu, je ne pense pas que cela aurait changé grand-chose à ma
situation. Peut-être même que cela aurait empiré les choses. Car j’aurais été
plus facile à trouver. Pour revenir au principe du jeu, on a le choix entre
faire partie des « enquêteurs », chargé de réunir les indices pour
démasquer l’imposteur. Ou bien être l’un des « imposteurs »
justement, qui doit faire capoter les missions assignées à l’équipage, en
orchestrant des sabotages, pouvant réduire à néant ces dernières.
Je sais que
beaucoup préfèrent d’ailleurs être dans la peau d’un imposteur, trouvant cela
plus grisant et intéressant. Mais étant fana d’enquêtes et de mystères, je
préfère être de l’autre côté. J’aime beaucoup les séquences de réunion, ou l’on
s’échange les indices permettant de démasquer le ou les intrus. Car oui, il
peut y avoir plusieurs imposteurs, ce qui donne encore plus d’intérêt à l’intrigue.
Comme dit précédemment, c’est comme une sorte de partie de Cluedo, mais situé
dans un environnement futuriste. Mais le rôle des imposteurs ne se limite pas
aux sabotages. Ils peuvent également tuer, si cela garantit le succès de leur
mission. Et c’est cet aspect, je pense, qui plait le plus à un grand nombre.
Cette diversité de psychologie au sein du jeu fait qu’il a gagné en popularité
au fur et à mesure des années, depuis son lancement en 2018. Et c’est à cause
de cette particularité du jeu que je me retrouve aujourd’hui à vous tenir en
garde.
Au début,
tout se passait bien, et j’éprouvais toujours le même plaisir à enquêter,
discuter en réunion, parcourir les tunnels du vaisseau, et trouver l’imposteur
avant que celui-ci ne me tue. Jusque-là, cela restait du domaine du jeu. Mais c’était
avant que je me retrouve littéralement « absorbé » par le jeu, me
retrouvant au sein même de celui-ci. Voilà à quoi je voulais en venir. Si vous
vous mettez à jouer à 3 h 30 du matin, un rai de lumière va envahir l’écran,
vous enveloppant intégralement, jusqu’à ce que vous soyez réduits à un tas de
pixels, et projeté à l’intérieur du jeu. En tout cas votre esprit à proprement
parler. Votre corps, votre enveloppe de chair et d’os, elle, est toujours reliée
à la manette de jeu, la laissant dans une sorte de catatonie, cette maladie
donnant l’impression de la mort clinique. Au moyen-âge on pensait qu’elle était
la preuve d’une victime d’un vampire. Le corps ne bouge plus, totalement
immobile, sans montrer la moindre expression. Le teint se pâlit, tel un
cadavre, et le pouls n’est plus perceptible.
C’est ce qui
m’est arrivé. Au départ, j’ai pensé que j’étais tellement absorbé par le jeu que
j’avais cette impression de réel autour de moi. Je pouvais toucher les parois
du vaisseau, actionner les éléments de ma combinaison, discuter avec les autres
personnages. J’avais l’impression d’être dans un jeu VR, mais à un niveau
encore plus immersif. Et puis, il y a eu les premiers meurtres. C’est là que j’ai
commencé à paniquer. C’était trop réel. Je pouvais sentir l’odeur de mort, le
sang sur le sol était aussi fluide que dans la réalité. J’avais bien déjà
remarqué que palper les objets autour de moi donnait une impression très
étrange, une sensation que ce n’était pas qu’un simple jeu. Mais je me suis dit
que c’était mon imagination trop créative, et je n’y pas prêté plus d’attention
que ça.
Mais l’élément
déclencheur a été quand j’ai pensé, je ne sais pas pourquoi, à Ripley, le
personnage principal de la saga de films « Alien », et qu’elle est
apparue au sein du jeu. Ça n’avait aucun sens. Il n’y avait jamais eu le moindre
patch ou extension pour le jeu incluant ce personnage. Et elle interagissait comme
si elle sortait tout droit d’un des films, utilisant les mêmes gestes, les
mêmes paroles. C’était extrêmement curieux. Mais ce n’était pas le pire à
venir. Tellement bluffé du détail du personnage de Ripley, je me suis imaginé
la voyant combattre un Xénomorphe, exactement comme dans les films. Et là, il
est apparu en plein milieu de la scène de meurtre. Bavant son acide sur le sol,
et s’attaquant immédiatement à l’un des autres protagonistes. Celui-ci fut éventré
de toute parts, libérant ses boyaux, qui se déversèrent sur ses pieds, figeant
son visage dans la terreur la plus totale, avant de s’effondrer par terre.
Ripley a
réagi en sortant une de ses armes sorties d’on ne sait où, et commençant à
tirer sur le Xénomorphe, disant aux autres et moi-même de partir le plus loin
possible, de se cacher. Qu’elle s’occupait de l’Alien. C’était trop réel. Les
autres étaient complètement paniqué. Je voyais de la sueur perler sur leurs
visages à travers le verre du casque de leur combinaison. L’un s’est vautré au
sol en tentant de s’enfuir, pendant que les cris du Xénomorphe me brisait les
tympans. Je n’ai pas cherché à comprendre. J’ai aidé à relever celui tombé au
sol, et avec les deux autres survivants, on s’est enfuis à travers les tunnels
du vaisseau, afin d’échapper à la créature, ignorant si Ripley parviendrait à
en venir à bout. On n’était pas dans les films. C’était différent. Rien ne
garantissait qu’elle survivrait. Il n’y avait pas de scénario cette fois. Tout
ce qui arrivait était bel et bien réel. J’en étais persuadé à présent.
Pourquoi je
le sais ? Parce que j’ignore pourquoi, mais étant également fan de récits
creepypastas audio, j’ai également pensé à ce que ferait dans une telle
situation l’un de mes conteurs préférés. Et d’un coup, il est apparu devant moi,
avec le logo de sa chaine en guise d’étiquettes sur sa combinaison. C’est comme
ça que j’ai su que c’était lui. C’était complètement dingue ! Je sais que
ça peut paraître stupide dit comme ça, mais j’ai voulu lui demander s’il pouvait
me signer un autographe une fois mis en sécurité. Mais j’ai vu à son visage qu’il
se demandait comment il avait atterri ici. Il indiqua qu’il était en train d’écrire
sa prochaine histoire, quand il a été pris d’un horrible mal de tête, et
maintenant, il se retrouvait en plein cœur d’une aventure de science-fiction. Et
quand il a vu Ripley et l’Alien, je crois que sa raison a commencé à chavirer
très clairement. Il a voulu enlever son casque. Moi et les autres, on a essayé
de l’en dissuader, sans savoir trop pourquoi. Une intuition. Mais c’était trop
tard.
A peine son
casque enlevé, sa tête se mit à enfler, gonfler de manière grotesque, s’étirant
dans tous les côtés en même temps, avant d’exploser, projetant partout sur les
parois et sur nos combinaisons des morceaux de chair, de cerveau, d’os et de
sang. Le reste de son corps s’affalant au sol dans une bouillie infâme, comme fondant
littéralement à l’intérieur de sa combinaison. C’était comme si l’air ambiant
était rempli d’un acide rongeant toute forme de tissu organique. Complètement
paniqué, les autres se sont enfuis chacun de leur côté, pendant que l’Alien se
dirigeait vers nous. Apparemment, cette Ripley là n’était pas aussi badass que
dans la saga, et s’était faite démembrer en beauté. Ses bras et ses jambes
avaient été éparpillées à travers toute la salle de réunion où on se trouvait
il y avait à peine quelques minutes. Et là, j’ai remarqué autre chose. Les
décors autour de nous changeaient. Les tunnels du vaisseau laissaient place à l’intérieur
de la base spatiale, puis on se serait cru dans un avion, la rue d’une ville. C’était
aberrant. Ce jeu n’avait plus le moindre sens.
Contrôlant
ma peur, je m’enfuis également, ouvrant une porte sur ma droite, qui me menait
à une pièce totalement inconnue. On aurait dit le centre de contrôle d’un aéroport.
Je voyais sur les écrans les autres se faire massacrer par le Xénomorphe. Et
là, j’ai clairement pété un câble, tombant à genoux. Et, de la même manière que
précédemment, j’ai pensé à un autre de mes conteurs de creepypasta. Il est
apparu devant moi, aussi désorienté que le précédent, observant autour de lui,
et se demandant ce qu’il faisait ici ? Pourquoi j’ai fait ça à cet instant ?
Je n’en sais rien. Je n’arrivais plus à contrôler mes pensées, et j’ai pensé au
Prédator pour contrer l’Alien, comme dans les spin-off, me disant que c’était
la seule créature capable de la tuer. Mais à peine apparu, le Prédator s’en est
pris au YouTubeur, encore à se demander comment il avait pu apparaitre ici, le
décapitant d’un coup, envoyant sa tête sur la console du tableau de contrôle de
la pièce, le sang coulant en masse sur les boutons et lumières qui composaient le
pupitre de commande.
Je n’arrivais
même plus à bouger, comme semblant attendre ma sentence, résigné. Le Prédator s’avançait
vers moi, sans doute prêt à me faire subir le même sort que le YouTubeur, quand
son regard fut attiré par les écrans de contrôle. Il aperçut le Xénomorphe, et
d’un coup, il se désintéressa de moi, et se dirigea vers la porte de la pièce
qui donnait sur les couloirs du jeu. J’étais sauvé momentanément, mais pour
combien de temps ? J’étais en mode PLS, tellement j’étais terrorisé, et
mon esprit s’est déchainé faisant apparaitre d’autres YouTubeurs bien connus.
Mais cette fois, leur apparition au sein du jeu ne se faisait pas près de moi.
Je les envoyais au hasard des tunnels du jeu, se faisant éviscérer soit par le
Xénomorphe, soit par le Prédator. Mon cerveau étant devenu presque incontrôlable,
je fis apparaitre des dizaines d’autres. Je vis même une conteuse en plein
montage vidéo à travers les écrans de contrôle de la pièce où je m’étais
réfugié. Juste avant de la voir enveloppée de ce rai de lumière, laissant son
corps inerte, et l’instant d’après, elle apparaissait dans le jeu, au hasard d’une
pièce, pendant que d’autres créatures issus de ma culture de films SF
apparaissaient à leur tour : le Blob, la Mutante, et même le Terminator… J’avais
bien tenté de crier pour la prévenir avant, tapant sur les différents écrans,
espérant vainement qu’elle m’entende. Mais ça n’a servi à rien, et elle a été
propulsée dans le jeu comme les autres avant elle…
Toutes les
créatures éliminant sans vergogne chaque YouTubeur que je faisais apparaitre,
tout simplement parce que je pensais à eux. Il me fallut plusieurs heures avant
de parvenir à suffisamment contrôler mon esprit et ne plus penser à d’autres
personnes ou créatures. Je savais que tant que j’étais dans cette pièce, je ne
craignais rien, mais pour combien de temps ? Je voyais toutes les
personnes que j’avais inconsciemment introduites dans le jeu devenir tour à tour
des morceaux de chair, des proies réduites en bouillie à cause de moi. Mais je
ne pouvais pas rester ici. Il viendrait forcément un moment, une fois toutes
leurs proies annihilées, où toutes les créatures que mon esprit avaient fait apparaitre
viendraient s’occuper de moi, dans cette pièce, qui risquaient de se
transformer en véritable piège. Je profitais alors de ce que les créatures commencent
à s’affronter entre elles, n’ayant plus de gibier à chasser, pour sortir de la
pièce, et trouver un endroit plus apte à me cacher.
C’est là que
j’ai eu l’idée de prévenir les autres joueurs, que je me suis souvenu de l’heure
à laquelle j’avais commencé à jouer. Je savais que ce n’était pas anodin. Après
tout, j’avais déjà joué au jeu de nombreuses fois avant, sans qu’il y ait eu le
moindre problème. Même avec la mise à jour, avant que je sois happé par le jeu, j’avais déjà joué 3 ou 4
fois. L’heure était sûrement déterminante dans ce qui m’était arrivé. C’est
aussi là, alors que je parvenais peu à peu à reprendre le dessus,
intellectuellement parlant, afin de ne pas faire apparaitre d’autres créatures,
que débuta une traque intense entre moi, et mes « créations ». Au
détour des tunnels et pièces du vaisseau, je sentais, j’entendais les pas de
chacune d’entre elles, me traquant, me chassant sans qu’elle ressente la
moindre fatigue, contrairement à moi. A force de déambuler, je suis arrivé devant
la salle des machines, enchevêtrement de tuyaux et engins en tous genres. Un
véritable labyrinthe. L’endroit idéal pour me cacher.
En plein cœur
de ce dédale rempli de vapeurs et d’arcs électriques, je trouvais mon Graal.
Enfin, c’est comme ça que je le percevais à cet instant. Le moyen de prévenir
les autres joueurs du danger que représentait ce jeu à cause de la mise à jour
de Mars. Un serveur. Le centre permettant toutes les actions requises pour surveiller
et interagir sur l’ensemble du jeu. Y compris le chat textuel. Mes
connaissances me permirent de trouver le moyen de transcrire mon histoire à
travers les lignes de dialogue du jeu. Au début, cela paraîtrait sans doute
curieux aux futurs utilisateurs, le prenant sans doute pour un bug. Mais je
restais persuadé qu’il finirait bien par y avoir quelqu’un pour se rendre
compte que c’était autre chose. En tout cas je l’espérais vraiment. Afin que d’autres
ne subissent pas ce que j’ai vécu. Qu’ils ne se retrouvent pas piégé comme moi au
cœur de cette version infernale d’Among Us, faisant intervenir leurs plus
grandes peurs en mode réel, et surtout, en évitant l’heure fatidique de 3 h 30.
Alors, vous
qui lisez ces lignes, je vous en conjure : ne jouez plus à ce jeu ! Si
vous ne voulez pas qu’on finisse tous par se retrouver coincés à l’intérieur,
que ce soit ceux qui ont été happés en jouant, ou ceux qui ont été « invités ».
Et je ne parle même pas des créatures apparues à causes des esprits de chacun
se retrouvant piégés. Qui sait quelles créatures certains seraient capables de
faire apparaitre, se joignant à celles que j’ai déjà fait venir ? Prévenez
les concepteurs du jeu. Il faut qu’ils fassent une nouvelle mise à jour pour
éliminer celle-ci. En espérant qu’ils ne créent pas une version encore pire que
celle-ci…
Publié par Fabs