30 août 2021

TELEPHONE MORTEL

 


Au Japon, comme dans d’autres pays asiatiques, certains chiffres sont considérés comme portant malheur. Il est courant de voir dans des hôtels, des hôpitaux, des immeubles, de constater que ceux-ci sont dépourvus de 4ème étage, et c’est la même chose pour les chiffres « dérivés » : 14, 24, 104, … Quand on reçoit la monnaie après avoir payé un commerçant, et que le montant reçu comporte un multiple de 4, c’est signe qu’un malheur va arriver dans la journée. Et il n’est pas rare que certaines personnes préfèrent s’enfermer chez elles, suite à cela, pour éviter de se trouver confrontées à quelque chose de mauvais si elles sortent, quitte à ne pas se rendre à leur lieu de travail, et risquer d’être licenciées. Bien sûr, ce sont des cas extrêmes et isolés. Néanmoins, le chiffre 4 est proscrit dans beaucoup de domaines.

 

Cela est dû à l’écriture et la prononciation de ce chiffre. En chine, cela se prononce « Si » ; au japon, c’est « Shi » ou « Yon » par le biais du Kanji correspondant. Ce son signifie « mort », ou « mourir ». Faisant donc de ce chiffre un présage funeste. Raison pour laquelle plusieurs endroits s’abstiennent de l’utiliser, en particulier ceux propices à voir circuler un grand nombre de personnes, afin de ne pas attirer le malheur sur leur établissement. Cette peur de ce nombre se répercute également sur des numéros de série de matériel électronique, aéronautique, automobile, … Quand on ne peut pas faire autrement que de l’utiliser, par exemple pour des numéros de voitures pour un rallye, ou des bus pour un voyage scolaire, on utilise le Kanji « Kotokubi », qui signifie également 4, mais qui a le sens de « Félicitation », afin de conjurer le sort. Ce préambule est là pour vous faire mieux comprendre le sens de l’histoire qui va suivre….

 

Daisuke Hironaga est un jeune homme de 21 ans qui est un passionné de technologie, sous toutes ses formes. Il passe énormément de temps sur les Réseaux Sociaux, comme Line, l’équivalent de WhatsApp au Japon, mais aussi NicoNico, le YouTube japonais, Mobage, application de partage de jeux de développeurs, et Gree, spécialisée dans les jeux mobiles. Rarement sur Facebook ou Twitter, dont une majorité de japonais se méfient, les considérant comme nuisibles au bien-être, car porteur de rumeurs et fakes trop importants, et agissant sur le moral et les relations. Seul 5, 5 % des Japonais utilisent ces réseaux, contre 80 % aux USA, pour vous donner un comparatif. Daisuke est ce qu’on pourrait appeler un « Geek », un mordu des nouveautés, que ce soit des jeux, des fonctionnalités pour ordinateur dernier cri, des applications de toutes sortes, parfois éphémères, des casques audio aux capacités auditives toujours plus performantes, ou encore des gadgets virtuels, lui permettant une immersion parfaite dans ses jeux en ligne préférés.

 

Et pour pouvoir s’ajouter à la perfection à tout ça, Daisuke a besoin de posséder le must des modèles de téléphones mobiles sortis. C’est pourquoi il se tient toujours au courant pour savoir quel est le téléphone le plus performant du moment, aussi bien en vitesse de réception des messages ou de chargement des pages Internet, qu’en fluidité pour les jeux mobiles. C’est ainsi qu’il est entré en possession du dernier modèle d’Apple, le I-Phone 13, un prototype en fait, avant que l’officiel sorte en masse. Un privilège que Daisuke doit à sa popularité auprès de sites de jeux en ligne, où il bat régulièrement des records en matière de scores, finissant des jeu bien plus rapidement que d’autres, faisant de lui une sorte de star des Gamers. Ce qui lui a valu de se faire approcher par des sociétés voulant bénéficier de sa notoriété pour mettre en avant leurs produits, lors de ses Stream sur les réseaux. Un privilège dont Daisuke se sert pour obtenir des produits bien avant leur sortie officielle, comme le I-Phone 13, offert par l’un de ses sponsors, afin qu’il le mette en avant quand il se connecte.

 

De ce fait, Daisuke a testé l’appareil et a vite été bluffé par la fluidité bien plus rapide que le précédent modèle, au niveau du chargement des pages web, mais aussi pour le lancement des applications. Mais ce qu’il était loin de se douter, c’était que ce téléphone allait le faire plonger dans un cauchemar sans équivalent. Le jour-même de son acquisition, Daisuke s’était empressé de se vanter auprès de ses proches de l’avoir eu bien avant sa sortie, grâce à sa popularité. Montrant, par le biais de captures vidéo, les capacités de son nouveau jouet technologique, faisant l’admiration de ses amis, ses fans et ses frères et sœurs, dont il était devenu le modèle. Mais le lendemain, il apprit le décès de l’un de ses jeunes frères, retrouvé mort dans sa chambre, d’une insuffisance cardiaque. Pour Daisuke, ça n’avait pas de sens. Son frère Toshiro n’avait que 12 ans. Comment aurait-il pu développer un problème cardiaque à son âge, sans que le médecin de la famille n’ait pu le détecter ? A ce titre, ses parents jugeant responsable ce dernier, ils lui intentèrent un procès qui fit la une des médias. Mais ce ne fut pas le seul cas de mort invraisemblable qui arriva.

 

Deux jours plus tard, Daisuke apprit que sa grande sœur, Midori, avait été retrouvé sans vie dans les vestiaires de son club d’Aïkido, dont elle était la championne. Diagnostic : insuffisance cardiaque. Et cette fois, le médecin ne pouvait pas être mis en cause, puisqu’il était sous le coup d’une procédure de radiation de l’ordre des médecins, suite au battage médiatique orchestré par ses parents. Son père étant une personnalité politique importante, cela avait sûrement joué dans la balance. Le lendemain, Daisuke apprenait la mort de 3 de ses amis, et de son oncle d’Osaka. Il adorait son oncle, et sa mort l’avait encore plus affecté. Bien plus que son jeune frère et sa grande sœur, avec qui il n’avait pas vraiment d’affinités, et dont la mort ne l’avait pas perturbé plus que ça. Bien sûr, il avait été choqué de la nouvelle de leur mort, mais pas plus que d’apprendre le décès d’une célébrité au journal télévisé. Le lendemain, de nouvelles morts survinrent. Des amis, des fans, des représentants de sponsors, d’autres membres de sa famille. Une vraie hécatombe. Et tous étaient morts d’insuffisance cardiaque. Comme un virus particulier ne touchant que ceux que Daisuke connaissait, et avec qui il avait été en contact ces derniers jours. Depuis qu’il avait obtenu son nouveau téléphone.

 

Au début, Daisuke crut à une mauvaise blague, se croyant plongé dans un mauvais remake de la saga « Ringu ». Sauf que là, les morts n’attendaient pas 7 jours pour se manifester. Et surtout, Daisuke se rendit compte d’une chose. Tous ceux ayant trouvé la mort, il les avaient appelés avec son téléphone quelques heures avant leur décès. Aussi improbable que cela pouvait être, Daisuke était persuadé que cela avait un lien. Est-ce que ce serait l’œuvre d’un autre Gamer, jaloux de son succès, étant parvenu, d’une manière ou une autre, à hacker son téléphone, et s’en prenant à ceux qui l’avaient appelé ? Une sorte de Serial Killer d’un nouveau genre, en quelque sorte… Mais c’était ridicule… Comment aurait-il pu connaitre les adresses des victimes ? Daisuke n’entrait jamais ce genre d’informations sans prendre la peine de protéger ces données avec les meilleures coffres-forts virtuels, et une protection contre les cyber-attaques irréprochable. Même le meilleur des hackers n’aurait pu pénétrer les pare-feu et autres systèmes de sécurité dont bénéficiait ses différents comptes et son Cloud. C’était impossible. Cependant, cette situation l’inquiétait au plus haut point, et lui qui ne pouvait passer une journée sans passer un coup de fil, il n’osait plus appeler personne, de peur de déclencher de nouvelles morts.

 

Mais cette vague de décès devint encore plus inquiétante quand Daisuke découvrit avec stupeur que le simple fait que des personnes cherchent à l’appeler, même s’il ne répondait pas, se retrouvait dans la liste des victimes quelques heures après. Daisuke ne comprenait plus rien. 8 membres de sa famille était déjà décédées suite à des appels. Pour protéger les autres, il avait envoyé des mails, à partir de son PC fixe, leur demandant de ne surtout pas l’appeler sur son téléphone, que c’était une question de vie ou de mort pour eux. Bien qu’étonnés des dires de Daisuke, tous avaient acceptés de se plier à ses exigences. Comme il ne savait pas si le problème de fuite de données étaient dû à son seul téléphone, ou si cela concernait l’ensemble de ses réseaux, il ne savait pas vraiment quoi faire. C’était comme… une malédiction. Cette pensée déclencha quelque chose dans l’esprit de Daisuke. Une intuition dirait certains. Il repensait à cette vieille superstition du chiffre 4. Celle indiquant que ce chiffre portait malheur s’il était apposé quelque part.

 

Raison pour laquelle hôtels, immeubles ou hôpitaux ne possédaient pas de 4ème étage par exemple. Et c’était pareil pour les numéros de série des appareils photos, de PC, de téléphone ou tout autre matériel technologique. Voulant vérifier son idée, il se rendit dans les paramètres de son téléphone, afin de voir le numéro MEID de celui-ci. Les commerciaux vendant les I-Phone au Japon connaissaient la superstition du 4, et donc qu’il ne fallait pas que ce chiffre apparaisse  dans les numéros de série des appareils vendus sur le territoire. Mais il suffisait d’une erreur, ou d’une personne en charge de la commercialisation des téléphones, ignorant ce détail, pour créer une vague de malheur sur le pays. Et bientôt ses doutes se transformèrent en affirmation. Sur le numéro MEID, le 5ème chiffre était…. Un 4 ! Alors, toute ces histoires à propos de ce chiffre étaient donc vraies ? Daisuke avait toujours pensé que ce n’était qu’une simple légende urbaine comme il y en a tant sur le Net. Ou  bien des racontars de vieux croulants, dont l’origine se perd dans les temps anciens…

 

Mais les faits étaient là. Et les morts aussi. Mais quelque chose de plus inquiétant assaillait alors Daisuke. La sortie officielle de l’I-Phone 13 sur le territoire japonais… C’était aujourd’hui ! Depuis la nuit dernière même en fait, certains magasins ayant fait des ouvertures nocturnes, en vue du rush que cette sortie très attendue au Japon risquait de provoquer. Un grand nombre d’exemplaires s’étaient déjà arrachés en quelques heures seulement dans les points de vente le proposant. Et la ruée avait continué depuis ce matin. Daisuke regardait l’heure sur son téléphone : 14 h 38. Cela faisait donc plus de 15 heures que l’I-Phone 13 était en vente au Japon. Et avec lui, la possibilité que d’autres numéros de série comporte le numéro 4… Et comme pour conforter ses peurs, les journaux, les médias sur les grands panneaux fixés sur les immeubles et les grandes tours de la ville, commençaient à relater une vague de morts à travers tout le pays. Toutes étaient des insuffisances cardiaques… Et ce n’était que le commencement de ce qui s’annonçait comme un véritable fléau comme jamais le Japon n’en avait connu… Pour une simple erreur, pour un simple chiffre, des centaines, des milliers de morts endeuillait le pays, le transformant peu à peu en un cimetière d’une ampleur inimaginable…

 

Était-ce dû à la combinaison du chiffre 4, synonyme de malheur au Japon, et au chiffre 13 du nouvel I-Phone ? Un chiffre qui, lui aussi, est un mauvais présage dans les pays occidentaux, mais aussi au Japon. Car, en plus du chiffre 4, certains établissement publics évitent d’utiliser le chiffre 13. L’association de ces 2 nombres considérés comme funeste au Japon aura peut-être eu comme résultat de déclencher la plus grande malédiction de l’histoire du pays…

Publié par Fabs


29 août 2021

LA FILLE DES ENFERS

 


 

La rancœur d’un être humain se divise en plusieurs morceaux. Il y a ceux qui pardonnent, malgré l’incompréhension de ses proches ; il y a ceux qui ont le courage d’affronter celui qui leur a fait du tort, capable de le mettre à terre, ou s’humiliant davantage en échouant, mais avec la satisfaction d’avoir tenté de laver son honneur ;  il y a ceux qui se taisent, gardant cette rancœur en eux, qui grossit au fil des jours, des mois, des années, apprenant à vivre avec ; et enfin il y a ceux qui ne veulent pas pardonner, mais qui ont besoin de quelqu’un pour parvenir à se venger. Ken’Ichiro Towamatsu fait partie de ceux-là. Ce n’est pas qu’il est faible à proprement parler. Mais il veut d’abord peser le pour et le contre dans tout choix, avant de se décider vers l’un ou l’autre. C’est un indécis qui ne peut prendre une décision sans avoir un avis extérieur. Une sorte de mal dont il ne peut se défaire, qui s’est amplifié à la mort de ses parents, dont il se sent responsable. L’explosion ayant suivi l’une de ses impossibilités de choisir est dû à son oubli d’éteindre le gaz, ne sachant quel thermostat il fallait pour faire cuire le gâteau qu’il voulait préparer pour l’anniversaire de sa mère.

 

S’en est suivi un drame quand ses parents sont revenus. Tout à la surprise de les voir revenir si tôt, alors que son indécision l’a fait laisser le gaz ouvert, il s’est précipité à leur rencontre, ayant tout juste eu le temps de les enserrer ce qui devait être une dernière fois. Était-ce le destin malicieux ? Toujours est-il qu’il fut appelé au même moment sur son téléphone par son oncle, pour qu’il l’aide à ranger la livraison du jour de son échoppe, située un peu plus loin dans la rue. Il était à peine sorti de l’immeuble où il habitait avec ses parents quand l’explosion eut lieu, résultat de l’allumage d’une simple cigarette de la part de son père, alors que le gaz avait envahi une bonne partie de leur appartement, celui-ci et son épouse n’ayant remarqué que trop tard l’odeur étrange qui avait envahi les lieux. Le faits divers a fait  les grands titres des journaux, parlant d’une négligence de la part du couple.

 

Mais Ken’Ichiro savait la vérité, et chaque jour, il devait vivre avec cette culpabilité en lui. Seul son oncle avait fini par lui faire avouer sa faute, alors qu’il se prostrait des heures entières dans un coin du magasin qui était devenu son nouvel habitat, auprès de cet oncle bienveillant. Depuis, cette malédiction qui le tenaillait pour ce défaut de choix n’avait fait que devenir son fardeau. Il avait fini par être persuadé qu’il n’était pas responsable de la perte de ses parents, grâce aux paroles de son oncle, devenu son tuteur légal, mais il ressentait toujours cette peur d’agir en lui, craignant de faire le mauvais choix encore plus qu’avant, et préférant demander aux autres de l’aider à prendre la bonne décision, plutôt que de provoquer un autre drame, une autre erreur qui pourrait, à plus ou moins long terme, avoir des conséquences sur sa vie. Un mode de vie qui en faisait l’un de ces élèves dont presque personne ne remarque la présence dans la classe, pour ne pas savoir comment aborder les autres, à part un ou deux lui adressant un sourire de temps à autre.

 

C’est dans ce contexte de sa vie que Ken’Ichiro remarqua un jour une jeune fille au sein de sa classe. C’était la première fois qu’il la voyait à son grand étonnement. Habituellement, les nouveaux venus étaient présentés par les professeurs. Mais cette fille, il ne se rappelait pas l’avoir vu donner son identité aux autres élèves. Elle semblait être un peu comme lui, à l’écart des autres, mais avec un regard vide, comme absente à ce qui pouvait se dérouler pendant les cours. Son uniforme impeccable et ses longs cheveux noirs lui tombant jusque dans le milieu du dos trahissaient le soin évident qu’elle semblait avoir à son apparence. Son teint légèrement pâle et sa posture droite rajoutait à cette impression étrange qui se dégageait d’elle. Il l’observait depuis un petit moment déjà, quand elle dirigea son regard vers lui, comme si elle avait deviné l’intérêt que Ken’Ichiro lui portait. Un peu confus et honteux de l’avoir dévisagée de la sorte, celui-ci reprit sa position initiale, espérant qu’elle n’ait pas mal pris le fait qu’il l’ait observé de la sorte.

 

Soudain, le professeur annonça la présence d’une nouvelle élève au sein de la classe. Celle-ci se montra devant tout le monde, affichant un sourire radieux, plein de joie de vivre :

 

« Bonjour ! Je m’appelle Tsugumi Shibata. Je viens d’emménager avec mon papa, qui est journaliste. Je suis très heureuse de faire votre connaissance à tous ! »

 

En seulement quelques minutes, Tsugumi s’était apporté l’adhésion de toute la classe, les garçons ne manquant pas de constater sa beauté, ainsi que son côté Kawaï, et les filles attendant avec impatience de connaitre plus de détail sur elle dès la fin des cours, la considérant déjà pratiquement comme une petite sœur à part entière. Dès cet instant, la vie de Ken’Ishiro allait changer du tout au tout, même s’il l’ignorait encore. A la demande du professeur, Tsugumi chercha un pupitre où s’installer au sein de la classe. Quelle ne fut pas la surprise de Ken’Ichiro lorsqu’elle choisit de s’asseoir à côté de lui. Lui, le garçon invisible que tout le monde évitait, à cause de son côté taciturne qui effrayait autant qu’il intriguait.

 

« Je peux m’asseoir à côté de toi ? ça ne te dérange pas ? »

 

Ken’Ichiro bafouillait à cette demande inattendue :

 

« N…Non. Bien sûr que non ! Tu…Tu peux t’asseoir… Aucun souci ! »

 

Tsugumi lui offrit un sourire qui aurait pu faire fondre n’importe quel garçon. Et il senti soudainement que lui qui n’intéressait personne habituellement, était devenue dès ce moment le centre d’intérêt de toute la classe, par le simple fait que Tsugumi ait choisie de s’asseoir à côté de lui. Un sentiment de jalousie semblait se déverser à son encontre, pendant que son visage rougissait involontairement.

 

« Tu es tout rouge… C’est à cause de moi ? »

 

Ken’Ishiro ne savait pas quoi répondre, toujours en proie à son indécision maladive. Pourtant, il sentait qu’il pouvait contrer celle-ci, par la simple présence de la jeune fille. C’était un mélange d’assurance et de confusion qui l’envahissait, et, à dire la vérité, c’était loin de lui déplaire…

 

« Oui…Enfin, non… Je veux dire… »

 

Tsugumi souriait à niveau, tout en cherchant à le rassurer :

 

« Tu n’as pas à avoir honte de ça. Je peux comprendre. Moi aussi, j’étais timide dans mon ancienne école. Je peux t’aider à surmonter ça si tu veux… Tu veux bien qu’on soit amis ? Je ne connais encore personne ici, et j’ai l’impression qu’on peut bien s’entendre toi et moi… »

 

Encore un peu honteux, Ken’Ishiro lui répondais par l’affirmative, tout heureux au fond de lui d’avoir une amie, lui, l’éternel solitaire. Même s’il avait quelques autres amis avec qui il lui arrivait de discuter de temps en temps. Mais c’était des garçons, c’était différent. C’était la première fois qu’une fille s’intéressait à lui, et le fait qu’elle lui ait demandé d’être son amie lui donnait l’impression de passer un cap qu’il pensait ne jamais franchir. Le reste du cours continua, avec cette sensation de libération pour Ken’Ishiro, qui n’avait jamais été aussi à l’aise avec quelqu’un. C’était très agréable. Dans le même temps, il aperçut l’autre jeune fille regarder dans leur direction. Elle semblait viser Tsugumi d’une manière curieuse, fronçant les sourcils, comme si la présence de cette dernière la contrariait fortement. Ken’Ishiro ressentit comme une aura sombre se dégager alors d’elle, le mettant mal à l’aise. Puis, aussi soudainement, elle reprit sa position initiale, comme si rien ne s’était passé.

 

A la fin des cours, Tsugumi entraîna Ken’Ishiro avec elle. Elle lui avait dit qu’elle voulait lui présenter son père, qui devait l’attendre dehors, avant qu’elle rentre chez elle. Ken’Ishiro ne pouvait rien refuser à une fille qui l’avait d’emblée choisi comme ami, et réveillé en lui une sensation de bien-être qu’il pensait refoulée en lui pour toujours. A l’extérieur, un homme qui ne devait pas avoir plus d’une quarantaine d’années, portant une barbe de quelques jours, ouvrit grand les bras à la vue de Tsugumi

 

« Tsugumi ! Alors, dis-moi : ta première journée s’est bien passé ? »

 

« Ouiiiiii ! Je me suis même fait un ami. »  

 

« Un ami ? Déjà ? Tu es bien ma fille. Toujours directe dans tout ce que tu entreprends ! »

 

Tsugumi sourit à son père, puis prit la main de Ken’Ishiro :

 

« Le voilà. Je te présente Ken’Ishiro-Chan. Ken’Ishiro-Chan, je te présente mon papa ! Il s’appelle Hajime. C’est le meilleur des papas ! »

 

Hajime semblait gêné par les paroles de sa fille et arbora un grand sourire

 

« Je ne suis qu’un papa parmi tant d’autres tu sais… »

 

Puis, s’adressant à Ken’Ishiro :

 

« Enchanté de faire ta connaissance, Ken’Ishiro-kun. »

 

« Moi de même, Hajime-Sama ! »

 

La conversation s’engagea sur un peut tout et rien, échangeant leurs passions, Hajime parlant de leur quotidien l’obligeant à souvent faire changer sa fille d’école, ce pourquoi il était très heureux qu’elle se soit déjà fait un ami. Quand Ken’Ishiro demanda pourquoi il se déplaçait autant, le visage d’Hajime changea d’expression, ne semblant pas quoi dire

 

« Tu peux lui en parler. J’ai confiance en lui… »

 

Puis elle rajouta :

 

« Aï était là. Je l’ai vu dans la classe… »

 

« Je vois… Tu crois vraiment que je peux lui en parler dès maintenant ? Je sais que ce n’est pas vraiment un secret, mais tu es sûre de toi ? »

 

« Totalement sûre ! »

 

Le visage d’Hajime redevint alors radieux, et il expliqua à Ken’Ishiro que, comme sa fille avait dû déjà lui dire, il était journaliste. Il enquêtait sur un certain site web qui n’apparaitrait qu’aux douze coups de Minuit. Un site où on peut inscrire le nom d’une personne dont on veut se venger. Par la suite, une fille vient rendre visite à la personne et lui propose une poupée, dont la couleur peut varier, suivant lequel de ses serviteurs l’incarne. Mais toujours porteuse d’un fil rouge. Si l’on défait ce fil, le pacte est accepté, et la fille des enfers, tel que Hajime la désignait, se chargeait d’opérer à la vengeance. Mais cela avait un prix. Une fois la vengeance accomplie, celui ou celle qui a pactisé se voit porteur d’une marque indélébile. Et à sa mort  naturelle, le porteur de la marque sera lui aussi entraîné en enfer.

 

Hajime lui indiqua que cette fille s’appelait Aï Enma. Elle était souvent accompagnée de 3 serviteurs. Un vieil homme, une femme et un autre homme plus jeune. Ils l’aident dans l’accomplissement de la vengeance à accomplir. Hajime lui demanda de ne jamais faire appel à eux. Se venger n’apportait que souffrance, et le prix à  payer pour cette vengeance était trop lourd. Il s’était donné comme mission de prouver l’existence d’Ai, et de mettre fin à ses actes. Il précisa à Ken’Ishiro que si elle venait à entrer en contact avec lui, ou s’il apprenait que quelqu’un l’avait fait, de le tenir au courant, et de ne surtout pas défaire le fil rouge. Et même de lui apporter la poupée. Cela lui servirait de preuve. Ken’Ishiro donna son accord, même s’il avait encore un peu de mal à croire à tout ça. Un site où on pouvait se venger ? la Fille des Enfers ? Un pacte ? Tout ça semblait un peu tiré par les cheveux, mais néanmoins, il ne voulait pas faire de peine à Tsugumi. Par la suite, cette dernière et son père finirent par prendre congé, et le laissèrent seul, Tsugumi lui souhaitant une bonne soirée, et qu’elle avait hâte de le revoir dès demain. Ce qui fit à nouveau rougir Ken’Ishiro. Une fois partis, il se remit à penser à tout ce qu’Hajime lui avait dit malgré tout. Au moins, il savait que cette jeune fille étrange dans la classe s’appelait Ai. Mais de là à croire qu’elle puisse venir des enfers…

 

Au même moment, son regard fut quelque peu attiré par le trottoir en face. Ai était là, semblant le fixer, l’air impassible, ce qui eut pour effet de le faire se sentir mal à l’aise. Il l’observa un moment  son tour, et finit par repartir vers le magasin de son oncle. Alors qu’il eut disparu au travers des rues, Ai se fit rejoindre par 3 personnes.

 

« Encore lui ? Pendant combien de temps encore il va nous suivre ? ça devient lourd à force »

 

« On devrait peut-être s’en occuper. Lui donner la peur de sa vie. C’est un Shibata après tout »

 

« Doucement vous deux. Notre mission c’est de faire en sorte que les vengeances demandés s’accomplissent. Pour le reste, cela est du ressort de la jeune maitresse »

 

« Ouais, je sais, je sais. Mais cet empêcheur de vengeance commence sérieusement à me taper sur les nerfs… »

 

« Je comprends ce que vous ressentez. Il m’est moi-même difficile de me retenir de ne pas le faire brûler, comme j’ai fait brûler ceux qui m’ont enterrée vivante. Mais vous savez comme moi qu’il ne peut rien faire contre nous. Et à dire la vérité, ce n’est pas lui qui m’inquiète le plus. Tsugumi, et sa fâcheuse tendance à savoir où nous nous rendons, et avec qui nous voulons prendre contact, me pose bien plus de souci… »

 

« Oui, il faudra que l’on prenne un jour une décision envers elle. Avant que ce soit l’Araignée qui s’en charge, ce qui aurait pour effet qu’elle ait plus de pouvoir contre  la jeune maîtresse. »

 

« Hors de question que ça arrive ! J’ai déjà du mal à supporter la manière dont elle nous regarde. Comme si on n’était que des mouches prêt à lui servir de repas »

 

« En ce qui te concerne, Ren, tu es tellement nerveux que tu pourrais bien lui donner des aigreurs d’estomac… »

 

« Très drôle, Hone… »

 

« Ne vous en faites pas. L’araignée n’aura pas l’ascendant sur moi. Jamais. Quant à Hajime et Tsugumi, je prendrai une décision les concernant après la prochaine vengeance à accomplir. Ce qui ne saurait tarder… Ken’Ishiro sera bientôt face à moi… Donc, préparez-vous à intervenir dans très peu de temps »

 

A ces mots, les 3 comparses d’Ai se mirent à sourire. Un sourire rempli de satisfaction et d’impatience. Puis le petit groupe disparut dans les ténèbres du soir. Pendant ce temps, Ken’Ishiro était arrivé devant le magasin de son oncle, là où il vivait. Mais son sang sembla se glacer en voyant qu’un autre homme était dans la boutique avec lui. Un homme qu’il ne connaissait que trop bien. Un membre de la mafia locale, qui se faisait appeler un « protecteur ». L’oncle de Ken’Ishiro devait verser une partie de ses maigres recettes à cet homme pour ne pas voir sa boutique prise dans un incendie, ou noyant dans des gerbes de sang. Il détestait cet homme arrogant, qui prenait un malin plaisir à terroriser son oncle à chaque fois qu’il venait, se permettant même de faire son marché gratuitement. Et mon oncle ne pouvait rien dire, sous peine que celui-ci en réfère à son patron, et ordonne des représailles. Et puis, il vit que ce soir, l’homme de main passa un cap de violence. Mettant son oncle au sol, le rouant de coups. L’oncle de Ken’Ishiro pissait le son, hurlant de douleur. Ken’Ishiro entra en trombe dans le magasin, criant à l’homme de laisser son oncle tranquille. Ce à quoi son oncle indiqua de ne surtout pas intervenir. Que c’était sa faute. Il était en retard pour payer la caution de protection.

 

L’homme s’arrêta, réitérant à l’oncle de Ken’Ishiro ses obligations de payer s’il ne voulait pas avoir des ennuis, puis partit, non sans emporter au passage un pack de bières. Ken’Ishiro aida son oncle à se relever, puis l’emmena dans sa chambre, située au 1er étage au-dessus du magasin, le soigna, et l’aida à se coucher. Après avoir fermé la porte de chambre, laissant son oncle s’endormir, Ken’Ishiro sentit son sang bouillir. Il savait que son oncle était incapable de payer la somme demandée. Les clients étaient rares en ce moment, et si son oncle payait, il ne leur resterait plus rien pour vivre. Cette situation était intenable, et il se demandait comment en sortir. Puis, il se rappela ce dont lui avait parlé le père de Tsugumi. La fille des Enfers. Pour Ken’Ishiro, submergé par la colère, c’était la solution pour que son oncle n’ait plus à subir le racket dont il était la victime. Sans trop réfléchir, il s’installa devant l’ordinateur de sa chambre, et chercha le fameux site. Mais il se rappelait que celui-ci n’apparaissait qu’aux douze coups de Minuit. Il attendit donc l’heure fatidique, se faisant à manger, avant de lire quelques mangas, histoire de se calmer un peu.

 

Puis vint l’heure attendue. Ken’Ishiro se retrouva sur le site, composé d’une page noire, où brillait une barre de recherche en son milieu.  Au-dessus de cette barra figurait le message suivant : « Nous vous vengeons, en votre nom ». Ken’Ishiro  inscrivit le nom de la personne dont il voulait se venger. Il le connaissait bien, puisque ce dernier se vantait suffisamment d’appartenir à une grande famille du banditisme, en l’indiquant à chaque fois qu’il venait prélever son « dû ». Ken’Ishiro, pour une fois, n’hésita pas une seconde, déterminé à faire cesser ce calvaire à son oncle, et valida la demande en cliquant sur le bouton d’envoi. Mais rien ne se passa dans l’immédiat, et il laissa échapper un petit rire, comme pour se dire à lui-même qu’il était vraiment idiot de croire qu’une telle chose puisse exister. Le courrier des Enfers… Quelle blague se disait-il. Et puis, il sentit comme une présence derrière lui. Il se retourna, et il la vit. Ai Enma. La fille des Enfers. Toujours habillée de son uniforme d’écolière. Soudain, sa vue se troubla, et l’instant d’après, il se retrouva dans un paysage étrange, aux couleurs oscillant entre le rouge et l’orangée. Il se frotta les yeux, et aperçut Ai devant lui, au pied d’un cerisier en fleurs, dont les pétales étaient balayés par un vent invisible. Elle s’adressa alors à Ken’Ichiro :

 

« Je m’appelle Ai Enma. Tu m’as appelé, n’est-ce pas ? »

 

Ken’Ishiro n’osait rien dire, pendant qu’Ai s’avançait vers lui, tenant une sorte de poupée de paille, ornée d’un fil rouge, tel que lui avait décrit Hajime.

 

« Cet endroit est l’enfer. Je t’ai emmené ici afin que tu aies un aperçu de ce qui t’attend une fois que tu auras scellé le pacte qui nous liera. Es-tu toujours décidé à te venger ? »

 

Ken’Ishiro, encore un peu sous le choc, acquiesça de la tête. Puis, Ai lui tendit la poupée de paille.

 

« Vas-y, prends-la. Si tu veux vraiment obtenir réparation, tu n’as qu’à dénouer la ficelle. Une fois le nœud défait, tu seras lié à moi par contrat. Je te vengerai. J’enverrai ton ennemi en enfer. Mais... tu dois savoir autre chose. Une fois la vengeance accomplie, tu me devras une compensation. Deux tombes pour une malédiction. Quand viendra le jour de ta mort, ton âme ira aussi en enfer. Tu seras condamné à errer toujours, meurtri par mille souffrances et jamais il ne te sera possible de connaitre le paradis. Tu ne connaîtras que l’enfer ! A toi de décider du reste ! »

 

Ken’Ishiro prit la poupée de paille dans ses mains, toujours incapable de proférer le moindre mot, observant la ficelle rouge qui signifierais le point de départ d’un changement radical de son mode de vie. Ai repris :

 

« Je te laisse réfléchir. Mais n’oublie pas : une fois ta décision prise, et le fil dénoué, il n’y aura pas de retour en arrière possible. Le pacte sera scellé, je te vengerais, et ton âme sera destiné à finir ici, en enfer »

 

L’instant d’après, il y eut un nouveau flash, et Ken’Ishiro se retrouva dans sa chambre, en proie à mille questions. Alors tout ça n’était pas une blague ? C’était bien réel ? Ai Enma, le pacte, la poupée, les enfers… Cela faisait beaucoup à emmagasiner dans son cerveau. Ai lui avait dit qu’il pouvait réfléchir. Tant que le fil rouge n’était pas délié, il avait encore la possibilité de renoncer à la vengeance. Mais cela signifierait que son oncle subirait encore les coups de son racketteur. Et peut-être pire encore… Il se retrouvait à nouveau face à son vieux compagnon de voyage, le doute, l’indécision. Pour le moment, il avait besoin de dormir. Demain, il pourrait réfléchir à tout ça.

 

Les jours suivants, Ken’Ishiro en était encore à se demander si accepter de finir en enfer pour se venger était valable. La présence d’Ai dans la classe, avec toujours son air impassible, ne faisait que renforcer son doute, se demandant s’il n’allait pas faire une erreur qu’il regretterait. Et puis, il se passa un évènement qui allait renforcer encore plus ce sentiment. Tsugumi vit la poupée dans le sac de Ken’Ishiro.

 

« Tu as rencontré Ai, malgré ce que mon père et moi t’avons dit sur elle ? Tu n’es qu’un imbécile ! »

 

Ken’Ishiro se sentit comme un petit garçon face aux remontrances de Tsugumi.

 

« Je… Je sais bien… Mais mon oncle…. Cet homme qui le harcèle… Je ne supporte plus cette situation… »

 

« Et tu crois qu’aller en enfer est la meilleure solution ? En faisant ce choix, tu ne vaux pas mieux que la personne dont tu veux te venger… »

 

A ce moment, Tsugumi vit que le professeur regardait dans leur direction, et s’adressa à nouveau, à voix plus basse à Ken’Ishiro :

 

« On reparlera de ça dehors. Avec mon père »

 

Ken’Ishiro sentit que Tsugumi était en colère. En contactant Ai, il n’avait fait que s’attirer la colère de la seule amie qu’il avait. Et se sentait encore plus mal qu’avant. A la fin des cours, Tsugumi expliqua la situation à son père :

 

« Ken’Ishiro-kun, pourquoi ? Nous t’avions pourtant mis en garde. Se venger n’est pas la bonne solution. Ne fais pas comme ceux qui ont laissé leur destin entre les mains d’Ai avant toi. Tu vaux mieux que ça, j’en suis persuadé. Je ne vais pas te demander de me donner la poupée aujourd’hui, mais réfléchis bien à ce que le fait de dénouer le fil implique. L’éternité plongé dans la souffrance après ta mort. C’est vraiment ce que tu veux ? »

 

« Je… Je ne sais pas… J’ai agi sous le coup de la colère… Mon oncle était à terre…J’ai cru qu’il allait mourir à cause de cet homme… »

 

« Je comprends ça, crois-moi Ken’Ishiro-Kun. Mais en faisant ça, en dénouant ce fil, tu deviens un meurtrier. Repense à ça. Dès que tu seras persuadé de faire le bon choix, et je suis sûr que tu le feras, donne la poupée à Tsugumi. Nous saurons quoi en faire, et surtout j’aurais la preuve qu’elle existe, et j’aurais les moyens de la combattre  plus efficacement. Tu me promets d’y réfléchir sagement ? »

 

« Oui… Oui, je vous le promet Hajime-Sama. »

 

Hajime fit alors un grand sourire, et Tsugumi fit de même, avant de lui apposer un baiser sur la joue, et de partir avec son père. Ce dernier s’adressa à nouveau à Ken’Ishiro :

 

« Souviens-toi : tu m’as promis Ken’ishiro-Kun ! »

 

Ken’Ishiro observait Hajime et Tsugumi partir. Puis il regardait la poupée de paille dont la tête ressortait de son sac. Repensant à ce qu’avait dit Ai, Hajime et Tsugumi. Il avait encore la tête pleine de questions, quand soudain son téléphone se mit à sonner. Au bout du fil, il entendit son oncle hurler. Le racketteur était revenu, faisant pleuvoir les coups. Son oncle avait dû essayer de téléphoner, mais il avait dû faire tomber le combiné à cause des coups portés, et Ken’Ishiro entendait toute la scène. Il se rua en direction du magasin de ce dernier, les larmes aux yeux, pendant que plus loin, Ai, Ren et Hone l’observaient :

 

« Tu crois  qu’il va prendre la décision qu’il faut ? »

 

« S’il veut que son oncle vive, c’est ce qu’il a de mieux à faire. Sinon, il passera le reste de sa vie à regretter de ne pas avoir choisi suffisamment vite… »

 

« C’est à lui de choisir son destin. Nous ne sommes que ceux qui lui ont donné le moyen de prendre le chemin qui lui semble le plus logique. »

 

Ken’Ishiro arriva au magasin, pour y voir son oncle maculé de sang, ses yeux à demi-fermés par les coups, son bras droit semblant ne plus pouvoir bouger, sans doute parce qu’il était brisé. Il cria à l’homme d’arrêter, de laisser son oncle tranquille. Ce dernier se mit à ricaner, continuant de frapper son oncle au sol, et demandant qu’est-ce qu’un gosse pouvait bien faire face à un adulte, et homme de la mafia qui plus est. Qu’il ferait mieux de la fermer, et s’estimer heureux qu’il ne le frappe pas aussi. Les larmes remplies de colère, Ken’Ishiro sortit la poupée de paille de son sac, lâchant celui-ci au sol, et, sans hésiter, dénoua le fil rouge. La poupée se désagrégea alors, ses morceaux devenant de la poussière s’élevant dans le ciel. Au même instant, le sceau du pacte se grava sur le bras droit de Ken’Ishiro, pendant que Ren et Hone , installés en face du magasin, virent leurs visages se marquer d’un sourire. Peu après, parée d’un kimono coloré, amenée par Wanyudou des enfers, Aï apparut à leurs côtés.

 

« La vengeance sera accomplie… »

 

Dans le magasin, l’homme vit sa victime se volatiliser d’un seul coup, pendant que les murs de la boutique changeait de forme, semblant fondre, les étagères s’écroulant. Paniqué, l’homme se dirigea vers le fond du magasin où se trouvait une femme habillée d’un kimono, lui demandant de le suivre…

 

« Venez, la sortie est par là… »

 

L’homme demandait à la femme qui elle était, indiquant que c’était la première fois qu’il la voyait ici. Puis, tout souriant, il rajouta qu’il appréciait l’aide, et qu’il voyait bien de quelle manière la remercier, avant de franchir la porte. Mais devant lui, il n’y avait qu’un long couloir au fond duquel se trouvait un mur, sans la moindre possibilité d’aller plus loin. Il se retourna, voulant demander ce que ça signifiait.

 

« Vous voyez, ce mur, c’est comme les faux-espoirs donné à toutes vos victimes. Leur faisant croire qu’ils vont pouvoir vivre. Alors que vous savez déjà quel sera leur sort »

 

Alors, sous ses yeux, la femme se transforma, révélant ses os sortant de son corps, faisant tomber la chair au sol. Terrorisé, et s’enfuyant, l’homme cherchait malgré tout une issue en courant dans le couloir, suivi par le squelette vivant. Puis, une porte sembla se dessiner sur un côté du mur, d’où sortirent deux hommes, l’un jeune, l’autre plus âgé, lui faisant signe de le suivre :

 

« Venez avec nous, vite ! »

 

Sans se faire prier, l’homme suivit les deux hommes. La porte se referma derrière lui, le plongeant dans le noir. Il appela, espérant que ses deux sauveurs l’aide à se diriger. Puis il sentit des liens s’enrouler autour de ses bras et ses jambes, et il fut propulsé vers un mur où se trouvait dessiné une cible géante, pendant que la pièce s’illuminait, révélant les deux hommes qui l’avait sauvé devant lui, revêtu de costumes de gangster comme ceux qu’on en voit dans les vieux films policiers. Lui se trouvait plaqué et attaché contre cette cible géante, sans pouvoir parvenir à se libérer de ses liens. Il entendit alors les deux hommes parler :

 

« Je parie que j’utiliserais moins de balles que toi pour lui éclater la tronche »

 

« Vantard ! J’utilise peut-être plus de balles, mais les miennes font plus mal »

 

« Ah ouais ? Eh ben on va voir qui lui fait  le plus mal »

 

Là-dessus, les deux comparses tirèrent une pluie de balles sur l’homme, dont le corps se para de dizaines de trous sur tout le corps, déchiquetant ses bras, ses jambes, faisant tomber ses oreilles à force de recevoir des balles, pendant qu’il hurlait de la douleur ressentie, et qu’il sentait sa vie s’enfuir de lui, ses yeux se fermant. Quelques instants plus tard, il se réveilla au même endroit, toujours attaché à la cible, mais sans la moindre trace de balles sur lui, comme si rien de ce qu’il avait vécu n’était arrivé. Il releva la tête, puis vit une jeune fille habillée d’un kimono de cérémonie, portant des décorations florales. Elle s’adressa alors à lui :

 

« Pauvre âme égarée dans les profondeurs des ténèbres… Tu fais le mal et méprise ton prochain… Ton âme est à jamais souillée par le crime… Veux-tu… goûter à la mort ? »

 

Elle étendit son bras droit, et de son kimono sortit les mêmes motifs ornant les autres parties de l’habit, recouvrant toute la pièce, jusqu’à ensevelir l’homme de ses couleurs. L’instant d’après, il se retrouva au milieu d’une barque, la jeune fille en face de lui, faisant avancer la barque sur un fleuve paré de dizaines de lampions, alors qu’ils se dirigeaient vers un portique devant eux. Encore sous le choc de ce qu’il venait de vivre, l’homme demanda où il était et ce que tout cela signifiait. Pour toute réponse, Ai se contenta de cette phrase :

 

« La vengeance a été accomplie. Les enfers t’attendent »

 

Peu après, Ken’Ishiro, ayant vu l’homme qui rackettait son oncle disparaitre sous ses yeux, se dirigea vers son oncle, afin de vérifier que celui qui l’avait élevé depuis la mort de ses parents était toujours en vie. Une fois rassuré de ce fait, il appela une ambulance qui arriva rapidement, et l’emmena à l’hôpital le plus proche. Deux jours plus tard, Ken’Ishiro revint en cours, qu’il avait délaissé, le temps d’être sûr que son oncle survivrait de ses blessures. Entretemps, il avait trouvé un acquéreur pour la boutique, afin que son oncle n’ait plu à subir d’autres éventuels racketteurs. L’argent de la vente leur permettrait de déménager dans une demeure où ils pourraient vivre sans craindre pour leur vie de la part d’autres hommes du même type. En cours, Ken’Ishiro s’asseya à sa place habituelle, où se trouvait déjà Tsugumi, qui s’était inquiété de son absence. Il la rassura, en lui disant que tout était fini, et qu’elle  n’aurait plus à s’inquiéter d’Ai. Tsugumi remarqua alors la marque sur le bras de Ken’Ishiro, et comprit que ce dernier avait finalement fait le choix de dénouer le fil rouge de la poupée. Elle comprenait mieux l’absence d’Aï dans la classe, mais ne dit rien, et respectant le choix de son ami. Mais elle savait aussi que cet échec signifiait pour elle de partir à nouveau, afin de continuer la quête de son père.

 

Elle apprit par la suite ce qui s’était passé. L’oncle de Ken’Ishiro, l’homme de la mafia, le séjour à l’hôpital, et comprenait le choix de son ami. A dire la vérité, même si elle respectait le combat de son père, en entendant le récit de son ami, et en voyant la mine réjoui de celui-ci, malgré le fait qu’il savait qu’il irait en enfer lui aussi, elle ne pouvait s’empêcher de penser que son geste avait permis de sauver une vie qui ne méritait pas de mourir sous les coups d’un bandit sans scrupules, ni morale. Et elle se demandait même si finalement les actions d’Aï étaient si mauvaises que cela. Peut-être qu’elle et son père se trompaient sur son compte, et que son rôle était nécessaire pour qu’une certaine justice puisse équilibrer le monde des hommes. Mais pour l’instant, elle préférait ne pas penser à tout ça, et elle se contentait de profiter des quelques jours qu’il lui restait à profiter de la compagnie et l’amitié de son ami, avant qu’elle parte à nouveau sur les traces des prochains clients d’Aï et ses comparses…

 

Publié par Fabs