14 févr. 2023

BLOODY MARY-ORIGINES (Partie 2 : La Fille du Dr. Mumford)

 

 

Harriet était obsédée par son désir de trouver un riche époux, qui lui permettrait de découvrir d’autres horizons, et partir hors des murs de ce qu’elle appelait parfois sa prison. Bien qu’ayant de bons termes avec ma fille, elle me reprochait de plus en plus de ne pas pouvoir vivre une vie comme ses pairs, et jalousait les potins rapportés par le personnel féminin, lui relayant les nouvelles leur venant de leurs familles respectives, concernant les tendances vestimentaires, les soirées ou autres sujets pouvant faire naitre des étoiles dans les yeux de quelqu’un comme Harriet, toujours avide de vie trépidante.

 

Il y avait une légende tenace qui indiquait que si une fille regardait fixement un miroir à certains moments de la journée, celle-ci pouvait voir apparaitre le visage de son futur époux. Harriet, en plus de sa curiosité et sa hardiesse, était très coquette. Elle pouvait passer des heures à arranger sa coiffure, surveiller que sa robe n’avait pas de plis, et autres petites choses du même style. Une coquetterie qui avait été encouragée par sa mère, y voyant un moyen pour Harriet d’oublier son enfermement au sein de notre maison, avec juste comme plaisir de parcourir le jardin fleuri autour des murs de notre propriété. Je ne l’apprendrais que par sa bouche que bien plus tard, mais un après-midi, elle brisait son miroir où elle aimait s’admirer, et tenter de voir le visage de l’homme qui la libèrerait de sa cage dorée. Désespérée, et craignant une remontrance, le miroir ayant coûté une petite fortune, elle se souvenait m’avoir entendu parler d’un miroir, alors que je pensais être seul dans l’une des ailes de notre demeure. Elle n’avait entendu que des bribes de ma conversation à moi-même, ce qui explique son erreur d’interprétation.

 

Sans en dire mot à quiconque, elle profitait de mon absence, et de la sieste de mon épouse, pour se faufiler dans mon bureau, que je laissais toujours ouvert, pensant que le coffret de mon secret était suffisamment caché. Avec détermination, fouillant chaque recoin, elle finissait par tomber sur le coffret, et découvrais le morceau de miroir, seul souvenir restant de Mary Worth. Un peu dépité de voir qu’elle avait mal comprise le sens de mes mots, elle fut malgré toute comme attiré par ce vieux morceau de verre sale, et tachée de traces sombres. Ignorant qu’il s’agissait de sang. Sortant le bris de son écrin secret, elle voulut observer de plus près ce dernier, et se coupa la paume de la main, en serrant trop fort. Cela eut pour effet de faire s’illuminer le morceau, pendant qu’Harriet ressentait une force étrange s’insinuer en elle. Elle lâchait le morceau prestement sur le sol, pendant que son sang coulait sur le plancher et sur ledit éclat de miroir.

 

Elle vit alors un visage se refléter sur celui-ci. Un visage de femme ensanglanté la regardant fixement. Terrifié, elle déchirait un morceau de sa robe, enveloppait le morceau, et le remettait là où elle l’avait pris, pendant qu’elle tentait tant bien que mal de panser sa plaie ouverte, où le sang continuait de sortir abondamment. Puis, elle sortait du bureau, refermant derrière elle, et se dirigeait vers la cuisine, afin de demander aux domestiques de l’aider à soigner sa blessure, et demandant qu’ils ne disent rien à ses parents de sa mésaventure. Ni moi, ni Millicent ne nous aperçûmes de rien, les domestiques ayant respecté leur promesse de ne rien dire sur le petit incident d’Harriet, qui, de son côté, omettait volontairement d’indiquer que son miroir fétiche, qui ne la quittait jamais, n’était plus qu’un tas de verre brisé. Lui aussi dissimulé par ses complices qu’étaient le majordome, les commis de cuisines et les femmes de chambre, discrètement, dans un coin du jardin, enterré en un endroit qui ne pourrait être trouvé.

 

Ignorant le drame qui était en train de se jouer, je me suis aperçu, quelques jours plus tard des premiers changements d’Harriet. Elle se plaignait régulièrement d’une forme de paralysie de la main, dont une plaie ancienne se faisait voir. Jusqu’à alors, elle était parvenue à la dissimuler, par le port de gants. Cela ne m’avait pas surpris de prime abord, connaissant la propension d’Harriet à se parer de toutes sortes d’accessoires propre à montrer son extrême coquetterie. Mais voyant qu’elle ne parvenait plus à avoir une mobilité normale de ses doigts, et une tache de liquide se montrant sur la surface du gant cachant sa main raidie, je demandais à voir l’état de celle-ci. Millicent et moi furent horrifiés en voyant une ulcération très profonde s’étant formée sur la paume de sa main, composée de membranes nombreuses. En plus de cela, Harriet avait la gorge prise de manière très prononcée, ayant même du mal à parler, et respirer. Je reconnaissais ce mal dont il n’existait pas de remède à ma connaissance : une esquinancie... Une maladie terrible se montrant sous une forme aigüe d’angine, pouvant créer des problèmes cardiaques et neurologiques. Et pouvant mener à la mort par suffocation si elle n’était pas traitée à temps, en plus d’être extrêmement contagieuse.

 

Je ne comprenais pas. Le seul cas sur ce continent de cette maladie avait été répertorié en Irlande, soit à des milliers de kilomètres de là. Harriet ne pouvait pas avoir été contaminée par du lait importée de ce pays, vecteur principal de la propagation de l’esquinancie. Ni même de contact avec des bovins, comme cela avait été rapporté par des collègues. Harriet ne sortait jamais plus loin que le jardin, et il n’y avait aucun troupeau dans les environs. C’est là qu’elle me confiait, péniblement, du fait de sa grande difficulté à parler, de son escapade dans mon bureau, du morceau de miroir trouvé dans le coffret, et de sa blessure à son contact. Elle me confiait également avoir vu le visage d’une femme dans le morceau de verre. J’étais atterré, ne pouvant empêcher les larmes de couler de mes yeux. Voyant mon épouse voulant prendre sa fille dans ses bras, je lui en empêchais prestement, insistant sur le caractère contagieux de cette maladie.

 

Je n’avais jamais eu connaissance que Mary avait en elle cette maladie. Mais peut-être était-elle un patient zéro, expliquant qu’elle ne montrait pas les signes extérieurs de la bactérie à l’origine de ce mal, mais bien présent dans son sang. Et sans doute ses facultés, tant qu’elle était vivante, lui avait permis de ne pas me la transmettre lors de notre relation. C’était la seule explication possible à la contamination subie par Harriet. Immédiatement, j’escortais ma fille, en tenant une distance raisonnable d’elle, jusqu’à sa chambre. J’interdisais formellement qu’aucune personne ne rentre dans la chambre tant que la maladie dont souffrait Harriet n’avait pas été éradiqué. Ses repas devraient être déposés devant sa porte, et je me chargerais de les récupérer, usant de gants épais, pour éviter toute propagation. Tout ce qui composait les plateaux, par mesure de sécurité, devant être brûlé après usage. Millicent m’envahissait de questions chaque jour, étant le seul à voir notre fille, en me parant de mouchoirs pour protéger mon visage, et de gants pour les mains. Ceci afin de tenter de prodiguer les soins nécessaires pour endiguer la maladie, pratiquant des saignées quotidiennement, et espérant que cela serait suffisant pour sauver ma fille. Après tout, par le passé, il existait des cas où des personnes atteintes d’esquinancie avaient survécus, en suivant ce processus de traitement.

 

Cependant, ces miraculés avaient dû de se sortir de ce mal parce que la maladie avait été détectée très tôt. Les symptômes étaient connus depuis les grandes vagues pandémiques en Italie en 1617, 1621 et 1632. Mais dans le cas d’Harriet, celle-ci ayant cachée qu’elle était atteinte, la bactérie était déjà à un haut niveau d’infection, et je n’étais sûr de rien. Mais je gardais espoir. Cependant, dans les jours qui suivirent, la situation devenait de plus en plus compliquée. Plusieurs fois je surprenais Millicent attendant anxieuse, derrière la porte d’Harriet, discutant avec elle, celle-ci répondant du mieux qu’elle pouvait, ayant énormément de mal à faire sortir des mots de sa bouche, et cela provoquait des quintes de toux prononcées. De plus, par sa présence, il y avait un risque trop grand de contamination, si Millicent touchait sans protection l’un des plateaux destinés à notre fille. La mort dans l’âme, je dus recourir à une technique qui me révulsait. Mais elle était nécessaire pour que le mal distillé par le sang de Mary ne provoque plus de ravages…

 

Je demandais aux domestiques de creuser une tombe dans le jardin, à l’abri de la lumière. Un trou pas trop profond, de façon que le cercueil qui y serait placé soit à la lisière du sol, afin que je puisse l’ouvrir fréquemment pour porter les repas à Harriet moi-même, et pratiquer ses saignées. Depuis la veille, la respiration d’Harriet s’était quelque peu améliorée, et la plaie sur sa main était moins vilaine. L’espoir renaissait en moi de pouvoir la sauver. Mais pour être certain que Millicent ou un des domestiques ne soit atteint avant la guérison complète, menaçant de créer un autre foyer de maladie, je n’avais d’autre choix que de recourir à ce stratagème. Une fois la tombe creusée, et après y avoir placé un des cercueils familiaux figurant dans la crypte de notre demeure, une tradition typiquement britannique pour prévenir de morts soudaines, je continuais les soins d’Harriet, me rendant plusieurs fois par jour pour la voir, et lui permettant de se relever en ma présence, afin de se sustenter, et me laissant pratiquer les saignées salvatrices.

 

Chacune d’entre elles semblaient libérer le corps de ce mal insidieux. Cela prendrait certainement beaucoup de temps, et imposait à Harriet de rester couché dans l’obscurité, avec pour seule lumière une bougie près d’elle, dans le cercueil. Celui-ci était pourvu d’une petite tirette, reliée à une clochette située à l’extérieur. De cette manière, si Harriet avait des complications, je pourrais entendre le son de mon bureau. La tombe d’Harriet était peu éloignée de celle-ci. Cependant, Millicent avait beaucoup de mal à admettre que notre fille se trouvait dans un cercueil, seule de longues heures par jour, quand je n’étais pas là pour lui administrer son traitement et lui apporter ses repas. A de nombreuses reprises, je la trouvais installée près du cercueil, parlant peu, pour ne pas risquer de ralentir le processus de guérison, en affaiblissant la voix d’Harriet, et qui pourrait entraîner des conséquences sur son cœur. Dans la journée, je trouvais cela rassurant qu’Harriet ait de la compagnie. Même quand elle ne parlait pas, elle savait que sa mère était près d’elle. Cela la rassurait, et lui faisait accepter sa position inconfortable, mais nécessaire.

 

Mais Millicent passait également de longues heures la nuit près de notre fille, luttant contre le sommeil, pour être sûre de ne pas louper un éventuel appel à l’aide d’Harriet actionnant la clochette de l’intérieur de son cercueil, au cas où la maladie reprendrait le dessus. J’avais du mal à accepter que mon épouse mette elle-même sa santé en danger, en proie au froid de la nuit, qui commençait à se faire insistant. Plusieurs fois je lui ai demandé de rentrer se coucher, lui garantissant que j’étais à l’écoute au cas où la clochette retentirait durant la nuit. Mais elle ne voulait pas écouter la voix de la raison. Après trois jours et trois nuits où Millicent suivait ce rythme, m’inquiétant des conséquences, malgré mes mises en garde, restant à observer de loin dès que je venais pour les soins d’Harriet et ses repas, je dus me résoudre à intervenir sans le consentement de Millicent. Afin de ne pas perdre mon épouse également. La 4ème nuit, après qu’elle n’avait dormi que 4 heures depuis la veille, je m’approchais d’elle, et profitant de son inattention, je lui injectais une dose de morphine dans le bras, afin qu’elle puisse avoir la dose de sommeil qu’elle se devait de prendre.

 

L’instant d’après, je l’emmenais péniblement vers notre maison, montant les escaliers, et me dirigeant vers notre chambre. Une fois dans celle-ci, je vérifiais son pouls, juste pour être sûr que son corps supportait la dose un peu forte de morphine que je lui avais administrée. Rassuré, je la déshabillais, lui mettait sa tenue de nuit, et la couchait. Je souriais en observant son visage paisible. Je me sentais un peu coupable de mon acte, mais je n’avais pas eu le choix, pour ne pas la perdre, et être à l’origine d’un nouveau drame. Ce que j’ignorais, c’est qu’au même moment, dans le jardin, au sein de son cercueil, Harriet, affolée de ne pas sentir la présence de sa mère, s’étant habitué à échanger quelques mots avec elle à chacun de ses réveils parfois imprévisibles, était en proie à la panique. Craignant qu’il soit arrivé quelque chose à sa mère, et ne pouvant sortir d’elle-même du cercueil, celui-ci étant vissé par mes soins, pour éviter que Millicent ait l’idée de toucher notre fille, Harriet vit la peur l’envahir. Elle avait beau agiter la clochette, car sentant sa respiration s’affaiblir, du fait de l’anxiété, personne ne venait, et pour cause. De l’étage où j’étais, occupé à veiller à ce que Millicent dorme paisiblement, je ne pouvais pas l’entendre.

 

Je l’apprendrais d’elle par la suite, sous une forme autre que celui d’être vivant, mais Harriet tirait sans relâche sur la corde agitant la clochette à l’extérieur. Sans résultat. Personne ne venait, augmentant son angoisse qui grossissait à vue d’œil, permettant à la maladie de reprendre le contrôle, car dépendante de l’état neurologique du corps qu’elle habite. Et celui d’Harriet montait à un niveau très élevé, et plus encore quand la corde qu’elle tirait nerveusement sans s'arrêter, se cassait. En proie à une panique totale, Harriet se mettait à crier, sans plus de résultat, avant de tomber dans un état d’hystérie. Grattant le bois du cercueil au-dessus d’elle, jusqu’à avoir les doigts en sang, celui-ci perlant sur son visage, en même temps que des copeaux de bois, lui rentrant dans les yeux, blessant ceux-ci, et provoquant encore plus de panique de la part d’Harriet. Pour tenter d’enlever les brisures de bois lui brûlant les yeux, Harriet se les frottait frénétiquement, se blessant le visage, et finissant par se crever les yeux, attaquant à nouveau le bois du cercueil, et renouvelant ces phases en un enchainement sans fin.

 

Son visage, ses mains, ses doigts, avaient les chairs à vifs, à force de gratter. Sa respiration se faisait de plus en plus saccadée, le rythme de son cœur s’accélérait, et après près d’une demi-heure, ses forces s’affaiblissaient. Sa panique ayant encore augmenté d’un cran, à cause de la bougie qui venait de s’éteindre, la plongeant dans le noir total, son cœur ne parvint pas à résister, et s’arrêtait, laissant Harriet sans vie, au sein de ce cercueil qui aurait dû être son espoir de vie. Au lieu de ça, il avait rempli sa fonction première. Qui était de faire séjourner les corps morts. Ce n’est que le lendemain matin, alors que j’avais veillé toute la nuit dans mon bureau, la fenêtre ouverte, résistant au froid, en m’aidant d’un petit poêle à charbon près de moi, sans savoir qu’Harriet n’était déjà plus de ce monde, que je découvrais toute l’horreur dont j’avais été la cause, et que je ne pourrais jamais me pardonner. En ouvrant le cercueil, et en découvrant le visage et les mains ensanglanté d’Harriet, son corps dénué de toute vie, ne pouvant même plus plonger mon regard dans le sien, car ses yeux avaient été remplacé par des trous béants, je tombais en larmes. Désespéré, je prenais le corps d’Harriet dans mes bras, la serrant comme jamais je ne l’avais fait auparavant, en proie à la douleur la plus intense de toute ma vie. Plus encore que le jour où Mary et notre enfant furent massacrés à plusieurs mètres de moi…

 

Mary, justement. Son souvenir se rappelait à moi. Parce que j’avais conservé ce morceau de miroir, Harriet était morte. Encore une fois, du fait de mon absence. Mais la série n’allait pas s’arrêter là. A côté du bras gauche d’Harriet, j’apercevais un petit miroir dont le verre était brisé. Millicent. Je ne savais pas comment, mais elle était parvenue, à mon insu, à ouvrir le cercueil et à donner ce miroir à notre fille. L’avait-elle touchée alors que la maladie était encore active dans son corps. Harriet ayant perdu la vie, et au moment de la serrer contre moi, étant pourvu des protections habituelles, aucun espace de ma peau n’avait été en contact avec la maladie. Mais pour Millicent… Je la connaissais trop pour savoir qu’elle n’avait certainement pas résisté à la tentation de cajoler sa fille, même sachant les risques…

 

Et les jours suivants me donnèrent raison. Deux jours après l’enterrement de notre fille, que j’avais voulu se dérouler en toute intimité, au sein de notre propriété, à l’endroit même où sa vie s’était enfuie de son corps, au sein de ce cercueil, les premiers signes de la maladie se manifestèrent chez Millicent. Je n’avais même plus les mots. Je ne savais pas quoi lui dire. Comment la blâmer d’avoir voulu étreindre notre fille, provoquant l’irruption de la maladie dans son propre corps ? J’en étais incapable. Millicent voyait ma détresse. Elle me rassurait, en me disant qu’elle avait fait un choix, et qu’elle ne le regrettait pas. Elle ne le regretterait jamais. Il lui avait été insupportable de voir la détresse de notre fille. Elle s’était procuré un outil pour desserrer les vis du cercueil, dans la cabane servant aux outils de jardin. Le petit miroir, elle l’avait fait acheter en secret par un des domestiques, avec consigne de ne surtout pas m’en parler. Elle savait qu’en le voyant, j’aurais eu des soupçons sur ce qu’elle comptait faire de ce miroir. J’avais tellement envie de faire la même folie qu’elle, la prendre dans mes bras, et laisser ce mal pénétrer en moi. Mais Millicent, devinant mes intentions, s’y opposait. Elle voulait que je vive, car j’étais destiné à de grandes choses en tant que médecin. Et elle refusait que je me sacrifie à mon tour. Notre famille devait continuer d’exister à travers moi. Elle me demandait de ne pas l’oublier, elle et Harriet, mais de penser à moi. Trouver une autre femme aimante, qui ferait don d’autres enfants.

 

Je ne voulais pas d’une autre famille. J’en avais déjà perdu deux, et il était hors de question que je provoque la mort d’une autre. Millicent me regardait, elle me disait qu’elle comprenait mes ressentiments, en me faisant promettre d’y penser malgré tout. Elle savait qu’elle ne pourrait pas me faire changer d’avis, mais elle espérait que je reviendrais sur ma décision. Le lendemain, à mon réveil, ne trouvant Millicent nulle part dans notre demeure, je fus pris d’une panique immense, remuant tous les murs, mobilisant tous les domestiques pour la retrouver, craignant le pire. Le majordome finit par m’avertir qu’il l’avait trouvé son corps, les yeux embués de larmes. Je ne savais que trop ce que cela signifiait, pour avoir moi-même tant eu la même expression sur le visage. Millicent s’était pendue dans la crypte, son corps se balançant au bas des escaliers. J’étais anéanti. Je ne voulais plus que personne ne me côtoie. Je déclenchais la mort à tous ceux qui m’approchaient. J’ai renvoyé tous les domestiques, en leur fournissant l’équivalent d’un an de salaire, de manière à leur laisser le temps de trouver d’autres maitres qui ne risqueraient pas de mettre leur vie en danger, en vivant à leurs côtés.

 

Le cœur gros, tous me firent leurs adieux. C’était quelques jours après les funérailles de Millicent. J’avais fait creuser une tombe juste à côté de celle d’Harriet. Mais mon histoire ne s’arrête pas là. Alors que je me lamentais devant les tombes de ma famille perdue, deux apparitions vinrent à moi, me sortant de ma tristesse. Juste sous mes yeux m’apparaissait Mary et Harriet. Mary m’expliquait que je ne devais pas s’en faire pour Millicent. Là où elle allait, elle reposerait en paix, en attendant que je vienne la rejoindre un jour. Pour Harriet, en revanche, son destin était tout autre. Mary était désolée pour ça, mais parce qu’elle avait reçu son sang, par l’intermédiaire de ce morceau de miroir, elle devrait partager avec elle la vengeance qu’elle avait entamée. Harriet ne pourrait jamais rejoindre sa mère. Elle était condamnée à vivre dans le monde des ténèbres, avec elle, partageant son désir de punir celles qui auraient l’arrogance de demander leurs services. Elle avait déjà parlé à Harriet de son futur rôle, et celle-ci était d’accord pour ça. De toute façon, elle n’avait pas vraiment le choix. C’était elle qui avait décidée de sa place auprès de Mary. En prenant ce morceau de miroir, elle avait déjà inscrit son nom auprès d’elle.

 

Mary me confirmait que les morts en son nom s’étant déroulé en Amérique étaient bien dû à la Malédiction des Chantres, au rituel qui en découlait, de sa propre initiative. L’arrogance des filles, des femmes, qui avaient recours au rituel, se pensant au-dessus de tout, croyant qu’elles pouvaient manipuler le destin, en se servant de la vie des autres, étaient vouées à mourir, par leur choix. Sauf si l’une d’entre elles réussissait à triompher du défi qu’elle leur proposait, en retour d’une vision de leur avenir, ou d’un vœu. Désormais, avec la présence d’Harriet à ses côtés, il n’y aurait plus une Bloody Mary, mais deux. Deux instruments de vengeance pour punir les orgueilleuses, les vaniteuses, celles qui abritent des penchants en elle qui ne leur donnent pas le droit de prétendre être humaines. Dans son cercueil, Harriet, en mourant, à cause du mal transmis par Mary, a vu son âme transférée dans le miroir brisé à ses côtés. Un miroir qui s’est séparé en trois morceaux. Trois morceaux qui ont décidé du nombre de fois nécessaires pour la contacter. 

 

Celles désirant l’invoquer devront dire à haute voix à 3 reprises le nom de Bloody Mary. Si elles parviennent à remporter le défi qu’elle leur donne, à savoir tenir son regard pendant 7 minutes, le temps qu’il a fallu pour que le cœur d’Harriet s’arrête complètement, elles auront le droit de faire un vœu. Quel qu’il soit. Les forces du monde des ténèbres lui donne le pouvoir de réaliser à peu près tout et n’importe quoi. Seuls faire tomber amoureux quelqu’un d’un autre, même si ce n’est pas l’invocatrice victorieuse du défi, et ressusciter une vie, ne font pas partie des possibilités. Celles qui choisissent de connaitre leur avenir devront dire à haute voix le nom de Bloody Mary à 13 reprises. Dans ce cas, c’est Mary qui apparaitra. Si l’invocatrice parvient à tenir sa main sur le miroir, face à sa propre main du côté des ténèbres, pendant 10 minutes, le temps qu’il a fallu pour qu’elle-même voit sa vie s’enfuir de son corps, après que la malédiction a été déclamée, Mary lui permettra de voir la portion d’avenir que l’invocatrice désire. Mais jusqu’à présent, personne n’a été en mesure de remporter les défis qu’elle proposait seule auparavant.

 

Avec l’arrivée d’Harriet, cette tâche sera donc remplie à deux. Et pour que chacune des générations à venir connaissent bien toutes les contraintes pour le rituel, Mary me chargeait de retranscrire toutes les consignes dans un journal. Précisant bien que toutes celles qui échouent à surmonter les défis se verront mourir dans d’atroces souffrances. Elles seront lacérées, les yeux arrachés, leurs organes extirpés de leur corps, leur sang étalé sur les murs. Pour signe qu’elles ont échouées, la bougie nécessaire pour le rituel, préalablement allumée avant de prononcer le nom de Bloody Mary, s’éteindra. Inutile de tenter de s’enfuir. Où que se trouvent les invocatrices ayant échouées, elles subiront leur sort. A moins qu’elles indiquent explicitement transmettre le résultat de leur échec à un être cher. La personne qui compte le plus pour elle au monde. Si ce n’est pas le cas, rien ne changera : l’invocatrice périra de manière violente et sanglante. Et si la pièce où se déroule l’invocation ne se trouve pas dans l’obscurité la plus totale, ni elle, ni Harriet n’apparaitra. Car les conditions indispensables pour le rituel n’auront pas été réunis.

 

Mary soulignait autre chose : pour les plus intrépides désirant plus que tout braver la mort, qui, par arrogance, s’adresserait à elle en indiquant les mots « J’ai tué ton bébé », il n’y aura pas de défi, il n’y aura pas de portion d’avenir, il n’y aura pas de vœu à obtenir. Une mort encore plus effroyable que pour les autres l’attendra. La seule échappatoire pour elle sera de transférer son châtiment à l’être qui compte le plus à ses yeux. Telles étaient les conditions du rituel que Mary me demandait de consigner dans un journal. Le même journal que vous êtes en train de lire actuellement. Après ça, Mary me demandait de ne surtout pas culpabiliser pour sa mort, pour celle de notre enfant, et pour le sort d’Harriet. Ce n’était pas mon absence qui avait provoqué leur mort. Ce n’était que le fruit du destin qui l’avait voulu ainsi. Je ne devais pas m’en vouloir. Même pour Millicent. Celle-ci a choisi de ne pas attendre une mort lente et perturbante pour moi. Elle avait choisi que je ne voie pas son calvaire. C’était son cadeau d’adieu, pour que je ne souffre pas davantage. Car j’avais déjà bien trop subi. Je ne lui avais jamais parlé de mon histoire avec Mary, mais elle l’avait appris, sans jamais avouer qu’elle connaissait mon passé. Là encore, pour me préserver.

 

Mary et Harriet précisaient que s’il me venait l’envie de les revoir, à n’importe quel moment, il me suffirait de penser très fortement à elles, et elles viendraient à moi. Comme en l’instant où elles se trouvaient devant moi. Elles me firent alors un geste de leurs mains, ponctuée d’un sourire, avant de disparaitre petit à petit. Je ne les ai jamais revues. Je n’avais pas le courage de les revoir. Pas que je ne le désirais pas, bien au contraire. Mais j’avais bien trop peur de me faire submerger par l’émotion à chacune de leurs visites. Me séparer d’elles par deux fois m’avait déjà été très pénible, je ne voulais pas revivre cette expérience.

 

Alors, voilà, vous savez la véritable histoire des Bloody Mary. La raison pour laquelle les défis à relever, et le nombre de fois où il faut invoquer leurs noms sont différents, le pourquoi de la cruauté dont elles font part en cas d’échec, le rôle du miroir, de la bougie… Je ne cautionne pas l’acte de vengeance de Mary, ni le fait qu’Harriet soit son assistante éternelle pour cette tâche. Mais je comprends ce qui l’a poussé à mettre en place cette malédiction des Chantres. Je le respecte, à défaut d’être d’accord sur le fait de massacrer des jeunes filles l’invoquant par ce qu’elles considèrent comme un jeu. Une dernière chose, et j’espère vraiment que l’une des personnes qui lira ces lignes saura comprendre ma demande. Il y a un moyen de libérer Mary et Harriet, et de leur permettre de sortir du monde des ténèbres. J’ignore où leurs âmes iront, Paradis ou Enfer, n’étant pas responsables au départ de ce qui les a poussées à devenir ce qu’elles sont. Mais au moins, leur malheur se finira.

 

Pour cela, une fois que vous aurez invoqués l’une d’entre elles, dès l’annonciation du défi à exécuter pour avoir ses services, il vous faudra vous entailler la paume de votre main avec une lame, ou tout autre outil coupant constitué d’argent. Une fois fait, avec l’un des doigts de votre autre main, il vous faudra tracer en lettres de sang, utilisant celui sortant de votre paume coupée, ces simples mots : « Je suis Bloody Mary ». En faisant cela, vous accepterez d’endosser son rôle. Vous accepterez d’accueillir en vous toute leur souffrance, leur douleur, leurs larmes. Vous accepterez de voir le carrousel de toutes les morts qu’elles ont causées à l’intérieur de votre tête. Vous accepterez de devenir Elle… Dès lors, vous renoncerez à votre propre vie, vous oublierez qui vous êtes, vos amis, votre famille… Tous vos proches ne seront plus que des souvenirs effacés. Vous serez la nouvelle Bloody Mary, et vous libérerez Mary et Harriet. Les deux étant liées, il suffit de libérer l’une pour que l’autre soit libérée également, et elles pourront enfin goûter au repos qu’elles méritent.

 

Je sais que c’est un énorme sacrifice pour la personne qui opérera à cette action. Vous aurez accès ainsi à tous les souvenirs passés de Mary et Harriet. Les bons, comme les mauvais. Vous ne saurez plus rien de ce qui était vous. Dès cet instant, vous serez Bloody Mary jusqu’à ce qu’une autre, à son tour, accepte de vous remplacer, et libère votre âme. J’ignore si cela arrivera un jour, car je ne serais plus là pour le voir, mais je ne peux que supplier qu’une telle âme charitable, consciente de la souffrance continuelle endurée par Mary et Harriet, soit à même de comprendre, et acceptera de bon cœur d’endurer leur calvaire à leur place. Je dois vous laisser à présent, et retourner à ma misérable vie, respecter ma promesse faite envers Millicent. Vous êtes libre de vos choix désormais, car vous savez toute la vérité sur la légende de Bloody Mary. Vous êtes désormais prévenus, vous qui lisez ces lignes : réfléchissez bien avant de dire le nom de Bloody Mary devant un miroir…

 

Publié par Fabs

13 févr. 2023

L'ECOLE DE LA DERNIERE CHANCE

 


 

Bienvenue à vous chers nouveaux élèves de l’école de la dernière chance. Vous êtes ici parce que vos parents espèrent parvenir à faire de vous des personnes responsables, et surtout capables de respecter la discipline, l’ordre et l’assiduité qui vous manquent, et cause de votre présence ici. Dans vos anciennes écoles, vous avez fait preuve de graves infractions aux règles, causant des troubles au sein de vos établissements respectifs. Chacun de vous a montré sa méchanceté, son refus du respect des lois scolaires, son mépris des autres. Vous vous êtes rendus coupables de harcèlement envers vos camarades, de moqueries, les photographiant ou les filmant à leur insu, dans des situations embarrassantes, et diffusant ensuite le produit de vos méfaits sur les réseaux, provoquant honte et humiliation. Certains élèves victimes de vos farces douteuses ont du déménager, ou ont tenté de mettre fin à leur vie, ne supportant plus les regards moqueurs des autres élèves.

 

Vous vous êtes moqués de vos professeurs en adoptant des attitudes désinvoltes, répondant à ceux-ci lorsqu’ils vous demandaient de vous tenir bien, lançant des objets sur vos camarades, sur le tableau, abîmant leurs affaires volontairement, volant leurs fournitures ou de l’argent, en profitant de leur manque de vigilance à votre encontre. Vous avez tagué les murs, créé des batailles de nourriture à la cantine, crevé les pneus des voitures des enseignants, arrivant systématiquement en retard aux cours, quand vous daigniez venir, usant de votre force pour obliger vos amis à vous servir d’alibi. Parfois même vos parents eux-mêmes, qui n’osaient pas vous contredire, de peur de votre réaction violente. Pour tout ces crimes intolérables, vous avez reçu des sanctions, sans que cela change quoi que ce soit à votre comportement.

 

C’est pourquoi vous vous retrouvez ici, et j’aime autant vous dire que ce que vous avez fait dans vos écoles, vous ne serez pas en mesure de le faire en ces lieux. Cette école n’est pas qu’un simple établissement. Il y règne une discipline de fer, avec des règles que même des écoles militaires ne seraient pas en mesure d’appliquer. Les méthodes pratiquées ici ne sont que la surface de ce qui vous attend. Non seulement les sanctions pourront y être très lourdes pour toute infraction, mais en plus de cela, vous serez amenés à vous méfier de presque tout si vous ne vous pliez pas aux règles de l’établissement. Pas toujours par crainte des punitions exercées par moi-même ou les professeurs, ainsi que les gardiens. Mais aussi parce que cette école n’a rien à voir avec tout ce que vous avez connus jusque-là. Mais alors vraiment rien du tout. Cet endroit est unique en son genre, et vous allez vite vous en rendre compte une fois commencé les cours, et entendu les règles.

 

Je tiens à vous prévenir que cette école n’est pas située dans le monde que vous connaissez. Le bus qui vous a emmené ici est particulier. C’est le seul véhicule capable de traverser la barrière qui entoure l’établissement. C’est un Kekkai : une barrière invisible pour tout être humain à l’extérieur de celle-ci. Même vous ne pouvez la voir une fois qu’elle a été franchie pour vous y emmener. Seul le personnel de l’établissement connaît son emplacement. Si vous tentez de vous enfuir, dès que vous atteindrez le Kekkai sans le savoir, vous serez immédiatement ramené au sein de mon bureau. Je saurais ainsi que vous avez essayé de partir, et j’appliquerais la sanction qui s’imposera.

 

Cette école, comme son nom l’indique, est votre dernière chance de devenir des élèves modèles, vous n’en aurez pas d’autres. Si vous échouez à réussir l’examen de fin d’année, vous ne reviendrez jamais dans votre monde. A titre d’exemple, l’année dernière, sur les 344 élèves qui ont rejoint le programme de l’école, seuls 89 d’entre eux ont réussi à atteindre les épreuves finales. Parmi eux, 37 ont obtenu leur diplôme, faisant d’eux des personnes aptes à revenir chez elles. Pour les autres, ce sont devenus des éléments de cette école, pour l’éternité. C’est le sort qui leur a été réservé pour n’avoir pas pu devenir des exemples de perfection scolaire.

 

Parmi tout ce que vous voyez autour de vous, dites-vous qu’un grand nombre d’objets, de fournitures, de plantes, de minéraux, ou des animaux qui vivent dans le périmètre direct de l’école, dont ceux qui servent pour les cours de sciences naturelles, dont les dissections, sont d’anciens élèves. Même les bancs sur lesquels vous êtes assis en ce moment sont vos prédécesseurs. Et cela ne concerne que les plus chanceux. Dont ceux qui n’ont fait qu’échouer à l’examen de fin d’année, ou des règles de base, parmi les moins dures en exercice ici. Les autres, ceux qui ont enfreint les parties du règlement faisant partie des primordiales, ont eu un sort moins heureux. Soit ils ont été envoyés dans les grottes que vous pouvez voir à l’horizon, à travers les fenêtres de l’école, où ils ont été offerts en pâture à des créatures dont il vaut mieux que vous ne sachiez pas la nature et les habitudes alimentaires ; soit ils séjournent sous vos pieds, dans les gouffres infernaux où ils subissent des tortures dont vous n’avez même pas idée de la cruauté de la part d’autres créatures adorant faire souffrir des petites raclures comme vous, qui se croient supérieurs aux adultes, et à leurs propres parents.

 

Et il y a les autres. Ceux qui ont crus pouvoir défier certaines règles à caractère plus défensif, pour votre propre sécurité, des contraintes éducatives faisant partie de la vie de l’établissement. Pour tous ces imbéciles, c’est la mort dans d’horribles souffrances qui les a accueillis. Vous vous demandez sans doute comment vos parents ont pu accepter de vous envoyer ici au vu du risque de ne jamais vous revoir, si vous ne parvenez pas au bout du programme mis en place ? Pour répondre à cela, repensez à tous les torts que vous leur avez fait subir, aux larmes de vos mères en apprenant ce que vous aviez fait endurer à vos camarades innocents, coupables seulement de n’avoir pas eu la force de s’opposer à vous. Mettez-vous à la leur place en comprenant que votre comportement était tout sauf celui d’un enfant psychologiquement normal, un véritable monstre, parfois pire qu’un serial killer en devenir…

 

Quand nos représentants dans le monde humain ont fait parvenir les flyers vantant les capacités à changer leurs enfants à vos parents, ces derniers, même conscients des dangers et des sanctions pouvant survenir à leur progéniture, n’ont pas hésité un seul instant. Il y en a bien qui ont refusé, mais je pense qu’à l’heure actuelle, ils réfléchissent encore s’ils ont fait le bon choix. Et je reste persuadé qu’ils changeront d’avis, et nous recontacteront par le biais de l’adresse mail spéciale qui figure sur le flyer en leur possession, afin que les professeurs et moi-même les prenions aussi en charge pour la prochaine session. Car oui, une fois que les inscriptions sont faites pour l’année en cours, il n’y a pas de possibilité de faire venir d’autres élèves par la suite. Ceci dans un but d’équité, afin que tout le monde soit au même niveau, et commence avec les mêmes chances de réussir, et le même temps en termes de mois d’éducation.

 

Ainsi, comme les années précédentes, vous êtes aujourd’hui 344 élèves. Combien en restera-t-il qui auront la chance de revenir chez eux à l’issue de l’année scolaire ? Cela dépendra entièrement de vous et votre capacité à vous plier aux règles inhérentes à cet établissement. Et pour rentrer dans le vif du sujet, il est temps pour moi de vous donner connaissance de ces règles. Je vous prierais de n’émettre aucun mot, aucune objection durant l’énonciation de celles-ci, sous peine de sanctions envers les contrevenants. Les 3 gardiens qui sont situé à la porte et aux deux extrémités de cette salle seront chargés d’appliquer la punition immédiatement. Et je préfère prévenir qu’ils ne feront preuve d’aucune empathie à votre encontre, en cas de larmoiements indiquant vos regrets d’avoir parlé stupidement. Une fois que j’ai prononcé une sanction, ils l’appliquent à la lettre, et rien ne saurait les arrêter. Je conseille d’ailleurs à tous de ne pas intervenir durant les éventuelles sanctions. Auquel cas, vous subiriez la même chose. C’est la première règle : la loi, ici c’est moi.

 

Oubliez tout ce que vous connaissez dans votre monde : plus rien de ce que vous avez connu en matière de discipline n’est en place ici. Je suis le seul juge des fautes envers le règlement que vous aurez commis, toutes et tous qui êtes devant moi en ce moment. Inutile de tenter de m’apitoyer : ça ne marchera pas. Comme vous avez du le deviner, à moins que vous soyez complètement idiot, et en ce cas, je ne donne pas cher de votre peau dans les prochaines semaines, je ne suis pas humain. Aucun des membres du personnel ne l’est. Donc, oubliez toutes vos méthodes habituelles pour pousser les autres à vous pardonner : c’est voué à l’échec. Bien. Ceci étant dit, passons aux autres règles :

 

Règle N° 2 :

Le respect envers les professeurs et les gardiens est primordial. Tout manquement à cette règle sera sanctionné d’un séjour de 6 jours dans une des cellules de l’aile Ouest de l’établissement. Sans nourriture, sans eau, dans le noir complet, et attaché par des fers à l’un des murs. Murs constitués de tessons de verre qui vous rentreront dans le dos à chacun de vos mouvements. La sueur tombant de votre front sera votre seule possibilité de ne pas vous déshydrater : faites en sorte de ne pas en gaspiller la moindre goutte.

 

Règle N°3 :

Tout retard occasionnera le tranchage d’un doigt. Vous pourrez choisir lequel. Faites en sorte de ne pas être coutumier du fait. Si vous perdez trop de doigts, vous serez dans l’incapacité de travailler, et si vous devenez inutile en tant qu’élève, vous servirez de repas aux chiens dont vous entendez les aboiements à l’heure des repas chaque soir à 21 heures. Ils adorent la viande fraiche, et particulièrement celle des enfants.

 

Règle N°4 :

Tout acte de violence, de vandalisme, de vol ou de destruction de matériel de l’établissement, ainsi que les fournitures d’élèves ne sont pas tolérées, et feront l’objet de sanctions lourdes. Je me chargerais d’évaluer la gravité de la punition à appliquer aux coupables de tels actes. Cela peut aller du nettoyage des couloirs à celui d’envoi direct dans les grottes du néant, dont je vous ai parlé précédemment, où vous devrez tenter de survivre aux créatures y vivant. Mais sachez que jusqu’à présent, personne n’est jamais ressorti de ces grottes.  D’autres sanctions intermédiaires, comme le fouettage en place publique, l’écorchement d’une partie du corps, un envoi dans les gouffres infernaux où vous serez torturés tout le restant de votre vie humaine, ou un placement d’une heure en chambre froide font partie des joyeusetés offertes aux petits « durs ». Tout récidiviste sera envoyé directement, dès la 2ème incartade, aux grottes du Néant.

 

Règle N°5 :

L’accès aux sous-sols du Niveau 2 est strictement interdit aux élèves. Ne vous y aventurez pas. Ceci pour votre propre sécurité. Il n’y aura pas de sanctions si vous le faites, car les bêtes qui vivent à cet endroit s’en chargeront. Il vaut mieux pour vous que vous soyez des cracks à la course pour espérer leur échapper. Quant à la nature des bêtes, vous saurez ce qu’elles sont si vous êtes assez stupides pour vous aventurer à ce niveau. C’est un lieu où l’on stocke les résultats des expériences ratées lors des cours de sciences. Et les années précédentes, il y a eu beaucoup, beaucoup de ratages, occasionnant donc un grand nombre de bêtes. En général, elles se mangent entre elles, mais comme certaines sont capables de se régénérer, elles sont toujours en grand nombre, et ne sont pas contre de changer leur menu à la faveur de visites sur leur territoire…

 

Règle N° 6 :

Si vous entendez un appel par le micro, énonçant votre nom, et vous demandant de vous rendre dans la salle 123, n’y prêtez pas attention. Dites-vous que vous serez le seul à entendre cet appel. Par le passé, on m’a déjà rapporté plusieurs cas de celui-ci par des élèves, et nous ignorons qui en est à l’origine. D’autant que la Classe 123 n’existe pas au sein de l’école. Elle semble n’apparaitre qu’à ceux et celles qui entendent leur nom prononcer à travers le micro. Plusieurs disparitions montrent que ce n’est pas à prendre à la légère. Si vous l’entendez, faites-en part à l’un des gardiens de sécurité, qui me transmettra l’information, et ne cherchez pas à vous rendre dans la salle 123 qui apparaitra devant vous.

 

Règle N°7 :

Il est interdit de se rendre dans le jardin situé derrière l’établissement en dehors des cours de botanique, ni après 20 heures. Le jardinier a horreur qu’on prenne son lieu de vie comme terrain de promenade ou pour draguer. Il est d’un caractère très irascible et a tendance à s’emporter rapidement envers ceux et celles qui ne respectent pas cette mesure mise en place à sa demande. Je saurais immédiatement si vous n’avez pas respecté cette consigne, par l’apparition de nouveaux épouvantails sur la petite butte qui surplombe le jardin, juste à côté de la maison du jardinier. Sachez qu’une fois mis sous cette forme, il n’y a aucune possibilité de retour à votre forme première, mais vous restez conscient malgré tout. Vous ne pouvez pas bouger, du fait de votre nature d’épouvantail, mais vous ressentez et voyez tout ce qui se passe autour de vous. Vous êtes prévenus…

 

Règle N° 8 :

Les toilettes du 5ème étage comportent une cabine qui est en fait une prison dimensionnelle à un change-peau. Ignorez ses demandes d’ouvrir la porte. Si vous le faites, il vous délestera de votre peau, prenant donc votre apparence, et vous enfermera à sa place dans la cabine. Je ne peux pas vous expliquer pour quelle raison, mais cette cabine est le seul endroit où on peut enfermer ce change-peau. Il ne sera pas difficile de le rattraper une fois découvert votre présence dans sa prison. Sa voix est caractéristique, et il ne peut pas la modifier. Toutefois, une fois remis à sa place, nous ne pourrons pas vous raccrocher votre peau, et de toute façon, cette infraction à cette règle occasionnera de devenir un élément de l’école de votre choix : meuble, plante, pierre, partie de mur, tableau, animal… Je vous laisserais le choix de votre nouvelle apparence. Contrairement aux épouvantails, votre changement de nature impliquera tout anéantissement de votre nature humaine d’origine.

 

Règle N° 9 :

Ne sortez pas de votre chambre entre Minuit et 2 heures du matin. Dans ce créneau horaire sort l’esprit d’une ancienne élève maudite, qui fut assassinée par une créature inconnue dans les couloirs. Epris de vengeance, toute personne présente durant cette période d’heure est considérée à ses yeux comme celui ou celle qui l’a tué, et elle vous pourchassera sans relâche jusqu’à ce qu’elle parvienne à vous rattraper, et vous fasse subir ce qu’elle-même à du supporter. Sachez que 25 % des élèves de l’année précédente n’ont pu parvenir à l’examen final de l’école à cause de cet esprit, qui les a massacrés. Pensez aussi à vos camarades qui seront obligés de nettoyer vos restes dans le couloir, ainsi que le sang sur les murs…

 

Règle N° 10 :

Ne passez jamais devant l’horloge de l’aile Nord de l’école à Midi pile. La créature qui vit à l’intérieur vous ferait regretter votre imprudence. De plus, cet acte provoquerait un arrêt du temps. La créature étant affilié à cette dernière, dès qu’elle sort pour attaquer les imbéciles ne respectant pas cette règle, cela bloque le temps jusqu’à ce que la créature réintègre l’horloge. Si, par le plus grand des hasards, vous parveniez à survivre à l’attaque, il en résulterait une sanction à votre encontre pour dommages collatéraux allant à l’encontre de la vie scolaire. La punition pour cela vous fera envoyer en salle des sévices, où vous pourrez juger de l’importance du temps. Vous serez plongé dans une cuve en présence de parasites qui s’incrustent dans les corps humains par tous les orifices possibles, et provoquent, une fois entrés, des démangeaisons terribles que vous ne serez pas en mesure de faire cesser. A moins de vous mutiler pour extraire les parasites l’un après l’autre. Ce que je ne vous conseille pas, car cela vous mettrait dans la position d’un élève inutile, dont je vous ai déjà évoqué le sort précédemment.

 

Voilà. Ça se sont les 10 règles de base du fonctionnement de cette école. Il en existe d’autres, mais vous comprendrez que je ne peux pas toutes vous les énoncer aujourd’hui, car cela prendrait trop de temps. Il y en a 34 au total. Avec des degrés divers de sanctions ou d’avertissements selon les cas. Dès que vous aurez rejoints vos chambres, qui vont vous être attribués par le régisseur présent dans le couloir situé derrière la porte bleue sur ma droite, je vous invite à lire le règlement intérieur au complet. Les deux premiers jours, afin de vous laisser le temps de tout lire et assimiler, les sanctions éventuelles pour des délits mineurs verront leur exécution adoucies ou repoussées à la semaine prochaine, suivant la gravité. Les actes de violence et de rébellion ne sont pas inclus dans ce sursis. Je vois à vos visages, ayant changés de couleur,  que la plupart d’entre vous ont compris ce qu’il en était, et qu’il était sage de se conformer aux règles de l’école. Ce dont je me réjouis.

 

Bien. Maintenant, je vais vous laisser réfléchir à tout ça, de manière à ce que vous compreniez bien que tout acte irréfléchi de votre part conduirait à des souffrances que peu d’humains sont capables de supporter, voire à votre élimination directe du futur examen de fin d’année. Alors soyez intelligents, respectez les règles, faites preuve d’assiduité pour obtenir votre diplôme, et vous verrez que vous ressortirez (ou non) avec un état d’esprit tout neuf, et empreint à voir votre monde bien plus agréable que vous ne le pensiez, en comparaison de ce qui vous attend ici si vous jouez les rebelles. Je finirais en vous laissant aux mains des professeurs et des gardiens et en vous souhaitant un excellent séjour au sein de l’Ecole de la Dernière Chance. Soyez doués, soyez attentifs, soyez respectueux et vous pourrez revoir votre monde, vos parents, vos amis, afin de leur montrer que vous n’êtes plus le même qu’avant. Pour les autres qui veulent persister dans leur attitude, vous savez déjà ce qui vous attend…

 

Publié par Fabs