25 oct. 2020

RETOUR A PURGATORY PEAKS

 


Purgatory Peaks, en temps normal, fait partie de ces petites villes tranquilles, où il ne se passe pas grand-chose. La police est surtout occupée à donner des contraventions pour excès de vitesse envers des conducteurs ayant trop abusé de leur fin de soirée au bar du coin, des violences conjugales, ou des jeunes, en mal d’occupation, trouvant fun de balancer des œufs sur les fenêtres de leur tête de turc préféré, pendant que ses parents sont absents. Rien de bien original. Mis à part quelques altercations entre voisins à cause de la fumée du barbecue salissant le linge étendu, c’est à peu près tout ce qu’on peut y trouver en terme d’animation. Quant au cinéma de quartier, les films proposés trouvent rarement un public, du fait d’une programmation imbécile établie par un fana des années 50, ayant oublié que d’autres films ont été tournés depuis cette période. Non, vraiment, cette ville pourrait être désignée comme l’une des villes les plus ennuyeuses du pays. A part le jour d’Halloween.

Ce jour-là, les habitants retrouvent le goût de faire la fête, décorant les vitrines de citrouilles effrayantes à souhait, parsemant leurs maisons de décors constitués de squelettes dansant, d’épouvantails ricanant, ou encore de démons rugissant. Le soir venu, les familles envahissent les rues, revêtus de déguisements confectionnés mains, ou achetés chez Finney’s, spécialiste du tout et n’importe quoi, dont Halloween lui permet de multiplier son chiffre d’affaire par 3. C’est le soir où chacun retrouve son âme d’enfant, ses rires véritables, et oublie l’ennui des jours précédents. Même les personnalités les plus respectables, qu’ils soient agents immobiliers, notaires, médecins ou fonctionnaire municipal se joignent à la mouvance populaire, persuadés que ce jour-là, il ne peut rien arriver de plus que les autres soirs de l’année. Grave erreur, car ce soir, quelque chose va arriver. En fait, à l’heure où débute cette histoire, une sorcière et un vampire ont déjà fait augmenter le taux de criminalité de la ville, sans que les habitants s’en soient rendu compte. Et ce n’est pas fini. Car un nouvel arrivant s’apprête à débarquer dans cette petite ville à priori tranquille.

En fait, cette personne est sur le point d’y revenir, car elle en est partie il y a déjà longtemps, espérant retrouver les personnes qui lui sont chères l’accueillir à bras ouverts. Mais ça ne vas pas se passer exactement comme elle l’aurait voulu. Jarrod Forkes a été absent depuis longtemps de l’ambiance de cette ville, et à dire vrai, il n’a jamais vraiment connu l’euphorie propre à Halloween, ses parents ne portant pas cette fête dans leur cœur, qu’ils considéraient comme une abomination païenne. Du coup, chaque année, Jarrod restait cloîtré chez lui, ignorant tout de la gaieté s’appropriant les rues aux sons des musiques de films d’horreur, des nombreux « Trick or Treat » vociférés par des gamins de tout âge et des masques divers arborés par des fans de Michael Myers, Freddy Kruegger, Ghostface ou Jason Voorhees, véritables stars de cette nuit. Il devait se contenter de l’ennui annuel d’une soirée placée sous le signe des chants religieux s’échappant du tourne-disque de ses parents. Puis, vint la délivrance. Jarrod fit le choix de devenir soldat, au grand désespoir de sa mère, qui craignait de ne pas le voir revenir, mais rendant fier son père, en ancien lieutenant de l’armée qu’il était.

Alors, il partit. Il découvrit que l’horreur ne se trouvait pas toujours sur un petit écran de télévision, pendant les infos du soir, ou en allant voir un film au cinéma. Non, l’horreur, il l’a vécue de plein fouet, à travers les corps éventrés de ses camarades sur les champs de bataille, soufflés par l’explosion d’un obus. Il l’a vue, en assistant, impuissant, au calvaire de femmes ou d’enfants, criblés de balles, alors qu’ils tentaient de fuir une guerre stupide. Une horreur bien réelle, dépourvue de tout maquillage, de tout effet visuel et de tout scénario logique. Car, pour Jarrod, la guerre, contrairement à ce que lui avait dit son père, n’avait rien de merveilleux, ou d’élément de fierté. Il avait honte d’être soldat. D’enlever la vie à des gens qu’ils ne connaissaient pas. De priver de père, de fils, de cousin des familles entières, ignorant encore qu’ils ne verraient plus leurs proches. Malgré tout, il faisait ce qu’on lui demandait. Un jour, il se releva au sein de la tranchée où il avait l’habitude d’attendre l’ennemi, et s’aperçut qu’il était seul. Les bruits des balles sifflantes s’étaient tus. Ses camarades avaient disparus. Le champ de bataille était vide. La guerre était finie, pensait-il. Sinon, pourquoi n’y aurait-il plus personne ? Alors, il décida que comme il n’y avait plus rien à faire ici, il était temps de rentrer à la maison.

Temps de revoir sa jeune sœur qui avait du bien grandir depuis toutes ces années d’absence, sa mère et même son père, même s’il lui en voulait de l’avoir plus ou moins envoyé découvrir cet enfer. Jarrod prit donc le chemin du retour pour Purgatory Peaks. Un long périple, qui dura plusieurs jours, parcourant seul, à  pied, des territoires immenses. Mais quelque chose l’étonnait. A chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un, celui-ci se sauvait à sa vue, comme s’il avait vu une créature de l’enfer. Le monde était-il devenu fou ? Ou bien était-ce lui qui ne comprenait pas ce qu’il était devenu ? Qu’importe, se disait-il. Seul comptait de revoir Trudy, son père et sa mère. Et enfin, il parvint à Purgatory Peaks. Le soir d’Halloween. Il n’avait jamais connu la ville dans un tel état d’effervescence. Toutes ces lumières, ces décorations, ces gens en costumes… Tout cela était nouveau pour lui qui n’avait jamais connu l’esprit de cette fête qu’était Halloween. Cependant, il y avait quelque chose de plaisant dans tout ça. Les gens ne fuyaient pas en le voyant. Au contraire, ils lui souriaient. Ils le félicitaient pour son costume et son maquillage. Un maquillage ? Il n’avait pas de maquillage. Pourquoi tous ceux qu’ils croisaient pensaient-ils qu’il en portait ? C’était curieux. Mais Jarrod se disait que c’était sans doute dû à l’ambiance de la fête.

Il continuait à marcher au sein de petits diablotins courant, un petit pot en forme de citrouille à la main, garni de friandises diverses ; de monstres dégoulinant de bave verdâtre, avec un couteau dans la tête ; ou encore de jeunes filles dont le visage était rempli de veines ressorties, les cheveux en bataille, aux habits semblant déchirés. Décidément, quelle fête curieuse que cet Halloween. Mais il devait avouer qu’il trouvait cette ambiance très plaisante. Pourquoi son père et sa mère n’avaient-ils jamais voulu qu’il y participe ? Certains personnages croisés étaient quand même bizarre. Tel cet homme, avec une blouse de scientifique, portant à sa main droite ce qui avait tout l’air d’un Katana japonais. Et, contrairement à ce qu’il avait vu auparavant, cela n’avait pas l’air d’un jouet. Il aurait voulu lui demander où il allait avec cette arme dangereuse, mais il était déjà loin. Jarrod poursuivit son périple jusqu’à chez lui. Et là, il la vit. Sa maison.

Elle n’avait pas changée. A quelques exceptions près. Elle était décorée, comme les autres maisons, de citrouilles, de lumières orangées, de fantômes en papier mis en banderolles sur les murs. Quel changement ! Qu’est-ce qui avait bien pu faire changer ses parents au point de perdre leur foi, et s’adonner à cette « fête du diable », comme ils la désignaient ? Il n’allait sûrement pas tarder à le savoir, car il se trouvait maintenant sur le perron. Il sonna à la porte, tout heureux de voir le visage radieux des membres de sa famille. Comme ils allaient être contents de le revoir !  Il sonna à la porte, le sourire aux lèvres, impatient. Au bout de quelques secondes, la porte s’ouvrit. Une jeune fille d’une rare beauté se montra. Même si elle avait beaucoup grandi, il reconnut son visage : c’était Trudy, sa jeune sœur. Il allait entrer, quand celle-ci se mit à crier, en lui disant de partir. Elle dit qu’elle ne trouvait pas cette blague très drôle, même le jour d’Halloween. Pourquoi disait-elle ça ? Puis, il vit s’approcher son père et sa mère. Même réaction. Ne comprenant pas, il demanda pourquoi il le repoussait. Il était revenu. Ils devraient être contents.

Et là, son père lui annonça que son fils était mort il y avait déjà 15 ans de ça. Qu’il devrait avoir honte de se moquer de leur malheur en prenant son aspect, avec l’apparence d’un zombie tout juste sorti de la tombe. Et avant qu’il essaie de comprendre cette phrase, un jeune homme sortit avec une batte de base-ball, en lui demandant de partir s’il ne voulait pas se prendre un coup dans la tête. Il voulait encore essayer de parler. Leur dire qu’ils se trompaient. Qu’il n’était pas mort, puisqu’il se tenait là devant eux. Son père revint alors, avec un papier. Un certificat de décès. Cette fois, Jarrod devait se faire à l’évidence. Il était donc bien mort. C’était impossible. Il resta figé ainsi plusieurs minutes. Puis, son père lui demanda de partir, en le poussant violemment. D’un seul coup, le comportement de Jarrod changea. Sans qu’il sache pourquoi, il sentit un sentiment de colère, de haine l’envahir de tout son être. C’était sa faute. C’était à cause de son père s’il s’était engagé dans l’armée. C’était à cause de lui s’il était mort. A cause de lui s’il était devenu cette… «chose». Un zombie. C’était le mot qu’ils avaient employé. Il avait déjà entendu ce mot auparavant, par le biais de ses amis férus de films d’horreur. Un zombie est un mort revenu à la vie qui mange de la chair humaine.

La haine qui le submergea alors lui fit perdre le peu d’humanité qui lui restait. Comme obéissant à un instinct qu’il avait refoulé en lui, il se jeta sur son père, croquant à pleine dents son visage, avant d’avaler la chair au fond de sa gorge. Une curieuse sensation s’imprégna alors en lui. Il aimait ça. Non. Il adorait ça. Il en voulait encore. Il se dirigea alors à nouveau vers son père, pendant que celui-ci tentait de se relever, alors que du sang coulait à profusion sur le gazon, accompagnés de lambeaux de chair. Trudy et le jeune homme, terrorisés, s’enfuyaient vers la maison, laissant seul Jarrod et son père. Celui-ci le suppliait de le laisser en vie. Il s’excusait de ce qu’il venait de lui dire. Mais Jarrod était parti. Il ne restait plus qu’une créature avide de chair humaine, qui s’empressa d’arracher un à un la chair délicieuse de l’homme qui avait été autrefois son père. Maintenant, ce n’était plus qu’un morceau de viande. Alors qu’il continuait à dévorer goulûment ce corps au goût exquis, le jeune homme ressortit. Il tenait un fusil à la main cette fois. Derrière lui, Trudy lui criait de revenir, les larmes aux yeux. Jarrod délaissa sa victime, puis, comme guidé par un instinct primaire, se releva et se dirigea vers sa nouvelle proie. Ce dernier tira sur Jarrod, mais les balles ne faisaient que s’enfoncer dans son corps, sans lui faire le moindre mal. Il continuait à avancer. D’autres balles furent tirées. Sans plus de résultat. Puis, un bruit de cliquetis se fit entendre. Plus de balles. Le jeune homme, pris de panique, tenta de s’enfuir, mais Jarrod lui attrapa une jambe, et mordit dedans avec force, faisant tomber sa proie au sol. Jarrod continua à mordre, avalant la chair, remordant, entama les bras, pendant que celui-ci hurlait de plus belle. Ses cris étaient insupportables pour la créature, qui remonta jusqu’à sa gorge, qu’il arracha d’un coup.

Pendant que le zombie continuait à croquer et dévorer le jeune homme, il vit sa mère venir à la porte de la maison, voulant empêcher Trudy de venir à la rescousse de l’homme qui servait de repas à Jarrod. Alerté par ces nouveaux cris, le zombie se releva, et se dirigea vers la maison, prenant pour cible Trudy et sa mère. Ayant enfin réussi à convaincre sa fille de rentrer se barricader à l’intérieur, les deux femmes se faufilèrent à l’intérieur de la maison. Mais, alors que Trudy était déjà monté à l’étage, suivant les recommandations de sa mère, cette dernière ne put empêcher Jarrod de parvenir à accéder à la maison. La faute à la batte de Base-ball du jeune homme, que celui-ci avait laissé à terre, avant de prendre le fusil, et qui bloquait la porte de la maison.

La mère ne s’en était aperçu que trop tard, et Jarrod, comme pour ses précédentes victimes, lui fonça dessus, prenant pour cible sa joue gauche, et lui arrachant, comme il avait arraché les parties du corps de ses autres proies, mettant à découvert les os de son visage. Elle avait beau crier, suppliant son fils de redevenir ce qu’il était, cela ne servait à rien, et la créature avide de chair, s’affaira à déguster le corps de son ancienne mère, pendant que celle-ci hurlait à tout rompre. Enfermée dans sa chambre, Trudy ne tenait pas en place. Elle ignorait encore que sa mère avait déjà perdu la vie, et pensait que cette dernière avait réussi à repousser cette créature horrible qui avait dévoré son père et son petit ami.  Elle avait les yeux dans le vide, complètement paniquée, attendant que sa mère remonte les escaliers pour lui dire que tout danger était écarté. Soudain, elle entendit des pas sur les marches. Des pas lents, mais plein d’assurance. Pour Trudy, il était clair que ce n’était pas ceux de sa mère. Cherchant autour d’elle un moyen de barricader sa porte, elle jeta son dévolu sur sa petite coiffeuse, et commença à la pousser. Mais elle avait pris trop de temps à se décider, et Jarrod était déjà à la porte.

Et alors que celui-ci commençait à tourner la poignée, en proie à une panique incontrôlée, Trudy ouvrit la fenêtre, et commença à escalader le rebord de celle-ci. Si elle sautait de cette hauteur, elle risquait de se rompre le cou. Elle jeta un coup d’œil derrière elle. Jarrod commençait déjà à avancer vers elle, posant un pied après l’autre, alors que Trudy hésitait encore. Elle eut l’inconscience de fermer les yeux quelques secondes, comme pour se donner du courage, ou peut-être espérait-elle que ce cauchemar serait terminé quand elle les rouvrirait. Mais en les rouvrant, Jarrod était là, à quelques centimètres de son visage, prêt à croquer son nouveau repas. Il s’approcha encore. Trudy, prise d’un réflexe qu’elle-même ne saurait expliquer, s’empara de la petite paire de ciseaux sur le bureau à proximité. Les ciseaux qui lui servaient pour confectionner ses robes, dont sa mère et elle-même étaient si fières. Sans réfléchir plus, se souvenant des méthodes pour tuer de telles créatures, elle enfonça alors la paire de ciseaux en plein milieu du front du zombie qui avait autrefois été son frère adoré. A la fois paniquée, et retrouvant un courage qu’elle pensait s’être enfui, elle appuya encore plus sur les ciseaux, enfonçant ceux-ci plus profondément. La créature s’arrêta net, comme si le « moteur » qui la faisait avancer jusque-là venait de rendre l’âme.

Soulagée, Trudy esquissa un sourire nerveux. Un signe de soulagement pour avoir enfin mis un terme à ce cauchemar vivant. Mais le destin trouve toujours le moyen de tout compliquer, et la panique fait oublier parfois des éléments essentiels. Le zombie, bien que mort, bascula en avant, vers Trudy, son corps n’étant plus régi par rien. Comme un objet tombant au sol. Pensant que Jarrod était encore en vie, sans penser à l’endroit où elle se trouvait, Trudy recula, et bascula dans le vide. Elle n’eut pas le temps de crier, et tomba avec force au pied de la maison, la tête en avant, se brisant net le cou, rejoignant ainsi les autres membres de sa famille parmi les victimes de ce soir. Un soir bien rempli en morts de toutes sortes, entre celles de la sorcière revancharde, le néo-vampire et le zombie inconscient de son état. Demain matin, le calme de la petite ville de Purgatory Peaks allait être chamboulé pour la première fois de son existence, et la police de la ville allait se trouver face à une série de crimes complètement inexplicables, donnant le champ libre aux théories les plus farfelues. Alors qu’il n’y a rien de plus simple à expliquer que dire que la nuit d’Halloween, tout peut arriver. Les monstres et créatures que nous aimons tant représenter et imiter ne sont pas toutes issues d’un imaginaire débordant. Elles sont juste cachées dans l’ombre, attendant le moment où elles pourront se révéler aux yeux de tous. Un moment que l’on nomme Halloween.

 

Publié par Fabs

20 oct. 2020

L'APPEL DU SANG

 


S’il existe bien une chose qui effraie l’être humain plus que toute autre chose, c’est bien le changement, quel que soit sa forme. Il y a le changement physique : le vieillissement du visage, qui cause la peur d’être perçu autrement et montre à soi, plus encore qu’aux autres, que l’on a dépassé la ligne nous rapprochant de la mort ; une étape qui est le point de départ de questions sur le temps passé et la pertinence de ses choix, qu’ils soient passés ou futurs. Autre forme de changement physique, celui du à un accident causant des malformations irrémédiables du corps, modifiant le regard des autres, indiquant la vraie valeur de ses proches, ses amis, ou toute connaissance ne vouant qu’intérêt qu’au culte du corps, et la célébrité causé par l’apparence. Il y a ensuite le changement moral, la perte de ses convictions les plus profondes, capable de faire basculer vers des extrémités au-delà de tout entendement humain, pouvant faire changer un agneau en loup, par le biais d’un choc visuel, la perte d’un être cher, ou même un endoctrinement par des personnes dénuées de tout sens éthique, et profitant de ce moment de faiblesse. Il y a enfin la métamorphose complète : à la fois physique et mentale, faisant basculer un être humain, aussi bien par son comportement et ses actions, que par ses pensées, à un état proche de l’animal, n’obéissant qu’à des instincts primaires incontrôlés et bestiaux, sans pouvoir se l’expliquer. Un état de transe où toutes les connaissances acquises lors de sa vie actuelle ou antérieure, deviennent des poussières effacées d’un seul coup. Il suffit parfois de peu de choses pour passer de l’état d’humain à celui de créature capable du pire, sans le moindre état d’âme. En tout cas, pas dans l’immédiat.

 

Un simple flacon d’un produit à priori inoffensif et attirant peut suffire pour transformer de manière radicale une personne attisant la sympathie de ses proches. L’histoire a déjà prouvé maintes fois que parmi les 7 pêchés capitaux, l’Envie est celle qui provoque régulièrement les conflits les plus irrémédiables. C’est cette même envie qui va faire plonger Casey dans un autre monde que celui qu’il avait toujours connu, par la simple visite à un de ses amis, scientifique renommé, au sein de son laboratoire de recherches, peu avant le soir d’Halloween. Le destin peut parfois être bien facétieux de choisir ce jour précis, où tous les monstres de toutes sortes farandolent dans les rues, dans un pur esprit de fête familiale par excellence. Mais ceux-là ne sont qu’un amalgame de maquillages, costumes, et autres subterfuges factices. Pour Casey, c’est à une autre espèce de monstre qu’il va devoir faire face : lui-même.

 

En fin d’après-midi du 31 Octobre, donc, Casey se rend sur le lieu de travail de son ami, Philip, histoire de prendre de ses nouvelles. Ce dernier étant plus à l’aise au milieu de ses éprouvettes, machines d’analyses et autres joyeusetés dignes d’un geek, que parmi les autres éléments de son espèce. Limite asocial, ne supportant pas qu’on vienne le déranger pendant ses recherches, et ça comprenait surtout ses collègues. Mais Casey, allez savoir pourquoi, était une exception, et était même le seul à pouvoir parfois parvenir à lui décrocher un rictus de sourire, par ses blagues stupides mais efficaces. Halloween oblige, la plupart des collègues de Philip étaient déjà rentrés chez eux, affairés à préparer la fête à venir. Du coup, Casey n’eut même pas à justifier de sa présence, si ce n’est le garde de faction à l’entrée, mais celui-ci avait l’habitude des visites de Casey, et avait des consignes de la part de Philip de le laisser entrer à sa guise.

 

Au bout de quelques minutes, Casey était devant la porte du laboratoire de son ami, et entra sans même frapper. De toute façon, la plupart du temps, Philip était tellement absorbé dans son travail qu’il ne se rendait pas compte du moindre coup sur la porte. Casey entra donc dans l’antre aux milles couleurs de Philip. Ce dernier, comme à son habitude, était concentré sur ses formules, ses tubes à essai, et l’écran de son ordinateur. Il s’était toujours demandé quel secret pouvait bien renfermer tant de mystère et d’importance, pour évincer ses collègues de cette manière. Mais Casey s’en moquait. Après tout, il n’était pas scientifique pour un sou, et c’était sûrement pour cette même raison d’ailleurs que Philip ne voyait pas d’objection à ce qu’il soit le seul à entrer ici, dans ce capharnaüm de machines en tout genres, aux noms imprononçables. Tout en s’avançant, il remarqua sur l’une des tables un objet assez inhabituel au vu de la personnalité de Philip, pour qui l’alcool n’était qu’un mal à éliminer, selon ses propres mots. 

 

Pourtant, c’était bien ce qui ressemblait à une bouteille qui était sur la table. Ou plutôt, s’il se rappelait bien ses cours d’histoire, les seuls sur lesquels ils ne s’endormaient pas lors de son enfance, une petite amphore, d’origine grecque ou assimilée. Philip aurait-il dégotté un cru unique qui lui serait réservé ? Il se souvenait qu’il lui avait fait un cadeau similaire il y avait de ça quelques années, à une époque où il n’était pas encore devenu cet ermite de la science. Une bouteille datant de la Révolution Française. Mais le contenu était de la vraie piquette made in années 2000.Totalement imbuvable. C’était la manière de blaguer de Philip.

 

Sans se préoccuper plus des détails ayant amené Philip à avoir cette mini amphore ici, et persuadé que Philip avait voulu lui faire un coup à l’identique, Casey s’approcha. Aucune odeur. Pas même un semblant de renfermé au vu de l’âge de l’objet. Il s’attendait à un goût au moins aussi horrible que la dernière blague du même type dont il avait fait l’objet, mais Casey était bon prince. Et il était prêt à accepter cette forme d’humour douteuse de la part de Philip. Alors, il posa ses lèvres sur le bord de la petite amphore, et fit basculer lentement celle-ci, afin de faire glisser son contenu vers son gosier. Mais à peine avait-il le liquide en bouche qu’il crut avoir avalé un corps en décomposition, tellement le goût était infect. Pire que la dernière fois. Casey ne put s’empêcher de recracher une partie de ce qu’il pensait être un vin immonde. Mais une infime partie seulement. Le reste s’était bien installé à l’intérieur de sa gorge. L’action de Casey fit se retourner Philip, qui, comme pris de panique, arracha l’amphore, encore dans les mains de Casey, en demandant s’il en avait avalé.

 

C’était la première fois qu’il voyait Philip aussi énervé. Il le reconnaissait à peine. Il avait le sentiment que s’il lui avouait qu’il en avait bu une infime partie, il risquait de voir un visage encore jamais vu chez son ami. Et il devait s’avouer que ça l’inquiétait, sans qu’il sache se l’expliquer. Alors, il lui mentit. Il lui dit que c’était l’odeur dégagée par l’amphore qui l’avait fait presque gerber. Il savait pertinemment que l’amphore ne dégageait aucune odeur, tout comme il était persuadé que Philip le savait parfaitement. Cependant, à cette déclaration, ce dernier sembla rassuré, et il s’empressa de mettre l’amphore dans un petit coffre à combinaison placé dans un recoin du labo. Depuis quand il avait ce coffre ? Il n’était pas là la dernière fois qu’il était venu. Du coup, le contenu de l’amphore l’intriguait encore plus. 

 

Il ne savait pas ce qu’était exactement que ce liquide, mais ça semblait être le cœur des recherches de Philip, au vu de sa réaction.  Ce dernier s’excusa auprès de Casey de s’être soudain agacé. Et presque aussitôt, il s’excusa aussi de ne pas avoir de temps à lui consacrer ce soir. Mais il était sur le point de faire une découverte capitale, et il ne voulait surtout pas être dérangé pendant ce temps. Néanmoins, avec le sourire qui le caractérisait, il lui dit que ce n’était que partie remise, et qu’il lui promettait de faire la sortie des bars d’ici quelques jours. Une fois que ses recherches auraient abouties.  Casey s’excusa lui aussi. Il n’aurait pas du toucher cette amphore sans lui demander. Et tout en partant il lui donna rendez-vous pour la semaine prochaine. A peine dit cela que Philip replongea sur l’écran de son ordinateur.

 

Casey repartit donc comme il était venu, laissant son ami dans ses formules, et retourna en direction de son appartement, pour une soirée en solitaire. Pas qu’il n’aimait pas Halloween, mais seul, ça n’était pas vraiment marrant. Et encore plus quand on n’avait pas de costume. Alors, il traversa la pénombre naissante qui envahissait les rues de la ville, pour revenir chez lui. Sur le chemin, il croisa nombre de gamins costumés, les mains déjà pleines de bonbons, et leurs parents qui peinaient à les suivre. Plus loin, il passa près du petit parc, où il vit une vieille femme à moitié exténuée, quelques centaines de mètres plus loin. Il avait envie de lui demander si elle se sentait bien, mais au même moment, il entendit une bande d’abrutis, visiblement bourrés, qui se dirigeait dans la même direction. Comme il n’était pas de nature courageuse, et encore moins envie de se bagarrer, il préféra s’éclipser plus loin, en prenant soin de ne pas être vu, et continua son chemin. Il espérait juste que ces imbéciles n’allaient pas prendre pour cible cette pauvre vieille sans défense. Oubliant d’un coup la vieille et les alcooliques au fur et à mesure, il parvint enfin chez lui. A peine rentré, il se sentait bizarre. Pris de nausées, suant comme jamais, il fut pris de vertiges, et eut tout juste le temps de rejoindre sa chambre pour s’allonger. Là, il lui semblait que toute la pièce autour de lui tournait dans tous les sens, comme pris dans un tourbillon sans fin. Pris de douleurs lui donnant l’impression d’avoir un marteau-piqueur dans la tête, il bougeait sans cesse, se tenant le ventre qui semblait s’être transformé en volcan, ses yeux lui donnaient l’impression de vouloir sortir de leur orbite. Une sensation qui lui sembla durer des heures, avant de finalement s’évanouir, envahi de transpiration, ses yeux étant devenus d’un rouge vif, et ses gencives saignaient d’une manière irréelle, déversant du sang en abondance sur les draps du lit, et au sol. Lui-même semblait être passé de vie à trépas.

 

Il resta ainsi inerte près d’une heure, avant de soudain se relever sur son lit, les yeux dans le vague, comme étant soudain en transe. Il se mit alors debout, comme mû par un instinct qui semblait le contrôler, et se dirigea vers la porte de son appartement. A peine sorti, toujours dans cet état de transe, il descendit les escaliers le séparant de la porte d’entrée de l’immeuble où il vivait. Sur son chemin, le propriétaire l’aborda, lui réclamant le loyer en retard qu’il lui devait. Mais Casey ne semblait pas réagir à ses paroles. On aurait dit un zombie tout droit sorti d’un film de Romero. Quand soudain, il sembla se rendre compte de la présence de son interlocuteur, le regardant fixement, comme un gosse face à un gâteau au chocolat le jour de son anniversaire. Et d’un coup, il se rua sur l’homme, lui tenant les bras, pendant qu’il le mordit à la gorge, lui arrachant un énorme morceau de chair, faisant gicler un torrent de sang sur les marches de l’escalier et les habits de Casey. L’homme hurla de douleur, se tenant la gorge, regardant Casey comme s’il était un monstre sorti tout droit de l’enfer. Devenu livide, tenant sa blessure, il tenta de reculer pour échapper au fou furieux qui était devant lui. Mais il n’eut pas le temps de s’enfuir. Dégringolant les escaliers jusqu’en bas, il voulut se relever, mais Casey était déjà sur lui, avec un regard de dément, et il replongea ses dents sur l’autre côté de sa gorge,  arrachant un autre morceau de chair. Il recommença à plusieurs reprises, avant de se mettre à boire le sang coulant des ouvertures du malheureux devenu inconscient. Il était pareil à un fauve de la Savane buvant à un point d’eau. Mais ici, l’eau était remplacée par des rivières de sang. Plusieurs minutes passèrent, Casey ne remontant la tête que pour mieux digérer le sang absorbé, avant de reprendre son repas sanguinaire. Puis, semblant repu, il sortit de l’immeuble, laissant le corps de l’homme gisant dans son propre sang, les deux côtés de la gorge arrachée, tel une proie laissée aux vautours. Casey était maculé de sang sur tout le corps, ses yeux étaient devenus aussi rouge que le sang absorbé, sa démarche donnant l’impression qu’il se dirigeait au hasard, sans trop savoir où il allait. 

 

S’il avait déambulé ainsi n’importe quel jour de l’année, il aurait sûrement affolé nombre de passants, qui aurait immédiatement avertis les autorités. Mais on était le soir d’Halloween. Le seul soir où ce genre de créature passe inaperçue. Alors, il continua son chemin, comme mû par un instinct qu’il ne semblait pas comprendre, car il n’était déjà plus lui-même. Plus loin, il croisa un groupe d’enfants le félicitant pour son maquillage. Il leur sourit, sans trop savoir pourquoi. Puis, deux jeunes filles déguisées, l’une en sorcière, l’autre en Elvira, lui demandèrent si elles pouvaient faire un selfie avec lui. Il hocha la tête presque instinctivement. Alors, la fille au costume d’Elvira, posa sa joue à côté de la sienne, mettant l’écran de son téléphone portable loin devant eux, afin de prendre une photo. Mais avant qu’elle puisse appuyer sur le bouton déclencheur, Casey, comme il l’avait auparavant avec son propriétaire, mordit sauvagement la fille, arrachant une grande partie de son épaule, à travers son costume. Sous l’effet de surprise, elle tomba au sol, se tenant l’endroit de la blessure. L’autre fille tenta de s’interposer, mais en voyant les yeux de Casey et sa bouche tenant encore la chair de l’épaule de son amie, elle s’enfuit en courant, laissant son amie aux prises avec ce monstre qu’était devenu Casey. Celui-ci s’agenouilla tranquillement auprès de la jeune fille, qui tentait de reculer en s’aidant de ses jambes, la douleur l’empêchant de se relever. Mais elle ne put aller très loin. Casey se jeta sur elle, prenant d’assaut sa gorge, arrachant à nouveau sa chair, et se nourrissant du sang ainsi mis à découvert. La fille hurlait, demandant à des passants au loin de l’aider. Mais ceux-ci, pensant qu’il s’agissait d’une animation de rue se contentèrent de montrer leur pouce vers le haut, comme pour signifier qu’ils appréciaient le spectacle, avant de continuer leur chemin. Il ne fallut que quelques minutes pour que la jeune fille succombe à ses blessures, pendant que Casey continuait à s’abreuver de son sang, se déversant le long du trottoir, jusqu’à arriver au caniveau proche.

 

Puis, comme avec sa précédente victime, il se releva, et continua au hasard des rues, laissant le corps inerte de la jeune fille au sol. Combien de victimes fit-il ce soir-là ? Difficile de le savoir. A chaque fois, c’était le même scénario. Seules ses victimes différaient : hommes, femmes, enfants, seuls ou accompagnés. Les rues se pavèrent bientôt de rouge, laissant une trace de passage unique. C’est d’ailleurs grâce à cette ribambelle de victimes laissées sur le sol, qu’une autre personne retrouva Casey. Cette personne, c’était Philip. Il savait ce que Casey était devenu. Il avait des doutes quand son ami lui avait dit qu’il n’avait rien bu du contenu de l’amphore. Un doute qui le poussa à aller le voir chez lui, pour juger de son état. C’est là qu’il avait trouvé le corps sans vie de son propriétaire, la gorge arrachée. C’est là qu’il savait qu’il devait absolument retrouver Casey avant que la ville soit parsemée de victimes innocentes, face à sa soif de sang incontrôlée. 

 

Finalement, suivant les corps laissés sur sa route, il avait fini par le retrouver, aux abords d’un terrain vague faiblement éclairé. Il l’appela par son prénom, mais il ignorait s’il avait vraiment compris, ou s’il ne s’était retourné que par le son de l’appel. Philip tenta de réveiller l’ami qui dormait dans la créature en face de lui, lui rappelant certains souvenirs, mais en vain. Casey n’était mû que par l’instinct de se nourrir d’encore plus de sang. Philip s’en voulait tellement de voir son ami être devenu ce monstre sanguinaire. C’était sa faute. S’il n’avait pas trouvé cette amphore lors d’un de ses congés dans les ruines d’un temple oublié, sur une île grecque, snobée par les touristes. S’il n’avait pas découvert que son contenu était du sang. Du sang particulier. Du sang de vampire. A la suite d’expériences sur des rats de laboratoire, transformés comme Casey après l’avoir inoculé dans leur corps, il en était arrivé à cette conclusion. C’est à partir de là qu’il avait voulu cacher ses recherches auprès de ses collègues. Il avait bien trop peur de ce que pourrait faire certains en mettant au jour cette découverte. Lui, au contraire, il tentait de trouver un remède. Et il pensait en être proche. Puis, Casey est arrivé au labo, et il a bu de ce sang de vampire. Le transformant à son tour. N’étant pas encore parvenu à un résultat, il ne lui restait qu’une solution, la mort dans l’âme, pour sauver ce que son ami était devenu. Et surtout empêcher que le massacre continue. Ou pire encore, qu’il parvienne à contaminer certaines victimes ayant parvenues à survivre.

 

En suivant ses traces, il avait vu l’une d’entre elles, agonisant mais vivante, montrer les mêmes signes de transformation. Il avait du l’achever. Et maintenant, il devait s’occuper de Casey. C’est la raison pour laquelle il avait pris le Katana que Casey arborait fièrement au mur de son appartement. Il savait que c’était la seule solution pour l’arrêter. Il ignorait les effets du sang à long terme, mais il semblait évident qu’une fois transformé, il n’y avait plus de retour en arrière possible. Alors, il prit en main le sabre japonais qu’il avait emmené jusqu’ici, et se dirigeait vers Casey. Tentant à nouveau de réveiller ses souvenirs. Sans plus de succès. Soudain, Casey se mit à le fixer, tel un tigre prêt à bondir sur sa proie. Pour Philip, le moment était venu de dire adieu à son ami. Des larmes coulaient le long de ses joues. Et quand Casey se décida à foncer vers lui, il n’hésita pas une seconde, et dirigea la lame mortelle vers le cou de son ancien ami, tranchant net sa tête, qui s’envola sous le coup de l’impact, avant de rouler au sol, et s’arrêta au pied de la palissade du terrain vague. Le reste du corps de Casey s’écroula net au sol, déversant une quantité de sang qui semblait ne plus s’arrêter. Philip fixa le corps quelques secondes, avant de se diriger vers la tête tranchée. Remarquant qu’elle avait toujours les yeux ouverts, il apposa ses doigts sur les paupières, et les ferma doucement, avant que la raideur cadavérique fasse son œuvre. Mais n’était-il pas déjà un cadavre en y repensant bien ? Il n’avait de toute façon plus rien d’humain. 

 

Philip se releva, en donnant un dernier regard derrière lui, et se dirigea vers son labo, où il avait la ferme intention de détruire le sang. A cause de lui, il avait transformé son meilleur ami en vampire assoiffé de sang. A cause de lui, des innocents étaient morts ce soir, dans d’atroces souffrances. Cela suffisait. Il ignorait comment cette amphore était parvenue jusqu’à ce temple perdu, et surtout pourquoi il avait été conservé ainsi. Mais il aurait préféré ne jamais le découvrir. La seule chose qu’il était sûr maintenant, c’était que les vampires existaient bel et bien. Et qu’ils étaient réellement des créatures de cauchemar, bien loin de l’imagerie romantique à la « Twilight ». Et s’il existait un remède à ce mal, ce ne serait pas lui qui le découvrirait. Ce secret était bien trop dangereux. Alors, Philip s’avança dans les ténèbres de la nuit d’Halloween, afin d’expier ses fautes, en espérant qu’il n’existait pas d’autres reliques comme celle-ci. Si c’était le cas, il préférait ne pas savoir ce qu’il adviendrait de l’humanité si quelqu’un les découvrait.

Publié par Fabs

14 oct. 2020

LA MALEDICTION DE LA SORCIERE

 


Halloween… La nuit des vampires, loups-garous, zombies et autres créatures, qui depuis des temps immémoriaux ont toujours fascinés les êtres humains, au point qu’ils se revêtent cette nuit-là de leur apparence, se prenant au jeu, du soir au lever du jour. Bien sûr, ce ne sont pour la plupart que des costumes, des masques, des maquillages, pour jouer à se faire peur, qu’on soit enfant ou bien adultes. Mais sous ces faux visages se cachent parfois une réalité bien tangible, capable de jouer des tours bien plus dangereux que ceux des petits monstres mignons faisant le tour des maisons en quête de bonbons, chocolats et autres friandises, à même de satisfaire leur gourmandise exacerbée. Tous les chapeaux pointus n’ont pas forcément été fabriqués, puis vendus aux fêtards en tous genres, dans une boutique colorée de toiles d’araignées factices, de citrouilles éclairées par une bougie et de mannequins aux effigies des grandes figures des films d’horreur. Certains sont bien réels, tout comme leur propriétaire. Et il n’est pas toujours bien sage de provoquer leur colère, sous peine de découvrir le vrai sens du mot terreur.

 

Un mot qui va montrer toute sa substance à Stanley et sa petite bande de potes, tout juste sortis d’un début de soirée sous l’emprise de l’alcool, après que ceux-ci aient eu la malencontreuse idée de s’amuser aux dépens d’une vieille femme aux habits élimés se trouvant sur leur route. Vêtue, comme nombre d’autres ce soir-là, du classique costume de sorcière, noir comme la nuit, et de son chapeau long assorti. Assise aux abords d’un parc, semblant se reposer d’un voyage fatiguant, elle attira l’attention de la petite bande éméchée à l’extrême, qui, la bêtise due à leur âge aidant, commença à user de grimaces pour se moquer de son aspect et de son visage qu’ils pensaient fait de latex propre aux masques disponibles dans n’importe quelle boutique spécialisée dans les fêtes célébrant l’évènement du 31 octobre. Sans doute agacés par son impassibilité, ils redoublèrent de stupidité en poussant la vieille contre la petite clôture où elle s’était adossée. Lui retirant son chapeau, le délabrant, malgré les protestations de cette dernière, qui tentait visiblement de garder son calme face à cette horde de pénibles demeurés. Une résistance qui ne fit qu’augmenter le degré d’irrespect de Stanley, la jetant au sol violemment, la rouant de coup avec ses pieds, bientôt imités par ses camarades, agissant comme de braves petits soldats obéissant aux agissement de leur chef. Le traitement dura plusieurs minutes, frappant toujours plus fort, côtes, jambes, bras et visage, sans tenir compte des hurlements de douleur de la pauvre vieille, riant comme s’ils se trouvaient face à un spectacle comique.

 

Au bout d’un moment, sans doute lassés de ne plus voir leur victime d’un soir bouger, sans même se poser la question de son état de santé, finirent leur œuvre en lui crachant dessus. Stanley parachevant l’œuvre dont il était l’initiateur en urinant sur le visage tuméfiée de la vieille femme, réveillant celle-ci de la torpeur due à la pluie de violence dont elle venait d’être victime. Mais la petite troupe ne s’était pas rendu compte de ce retour à la lumière, car ils étaient déjà en route pour d’autres probables méfaits. Tentant non sans mal de se relever, malgré les courbatures l’assaillant de toute part, la vieille femme trouva la force de se mettre à genoux, fusillant du regard les jeunes délinquants qui s’éloignaient peu à peu de son regard. Son visage, auparavant serein et fatigué fit place à la colère et la haine envers ses tourmenteurs. Elle psalmodia quelques phrases dans une langue inconnue, tenant à la fois du latin et d’un dialecte disparu, proférées en direction de la bande, les sourcils froncés, la bouche mauvaise, faisant ressortir les veines parsemant son visage bleui par la sauvagerie de son agression gratuite. Au bout de quelques minutes, elle arrêta sa mélopée vengeresse, en esquissant un petit sourire sardonique, visiblement satisfaite de son rituel quasi inaudible.

 

Plus loin, Stanley et sa bande continuaient leur épopée aux vapeurs alcoolisée, sans trop savoir où aller, se dirigeant presque par instinct au gré de la route qui se dressait devant eux. Au bout d’un moment, une étrange brume venant du ciel descendit lentement sur le petit groupe, les enveloppant peu à peu, avant de se densifier, formant un épais brouillard irréel. Ayant du mal à réaliser ce qui arrivait, à cause de la quantité de bières ingurgitées, sans même s’apercevoir de quoi que ce soit, les 4 membres du groupe, Stanley, Phil, Dorian et Stacy, se retrouvèrent séparés les uns des autres, plongés au cœur du brouillard, de plus en plus épais, formant une sorte de barrière naturelle, une zone qui allait bientôt leur révéler sa vraie nature, les emmenant en plein cœur de leurs pires cauchemars. Stacy, la seule à avoir encore un brin de lucidité, malgré son ébriété, fut la première à se rendre compte de l’absence de ses camarades, et de la présence du brouillard qui l’entourait. Elle appelait Stanley, mais il ne répondait pas. Commençant à quelque peu s’inquiéter de se retrouver seule au milieu de nulle part, elle cria plus fort, tentant d’obtenir une réponse de Stanley, puis de Phil et Dorian. Mais plus elle s’époumonait, plus la peur s’emparait d’elle, à mesure que le silence alentour s’était emparé de son espace. Elle commençait à paniquer fortement, quand elle aperçut devant elle une silhouette qui se dessinait au cœur du brouillard. Rassurée, elle se dirigea vers l’ombre rassurante, pressant le pas, pour être plus  près. 

 

Mais une fois arrivée devant la silhouette dont les traits étaient devenus visible, elle eut un mouvement de recul en voyant qui était devant elle. Son visage devint blafard, en proie à une panique profonde. Elle ne pouvait croire ce qu’elle voyait. C’était impossible. Devant elle se trouvait son père, mort depuis près de 5 ans. Mais son expression était pleine de vide dans son regard. On aurait dit une marionnette qui se serait libérée de ses fils. Puis, ce dernier sourit. Mais ce n’était pas vraiment un sourire à proprement parler. Plutôt un rictus. Exactement le même qu’il arborait avant de la frapper quand il était encore de ce monde. Elle ne comptait plus le nombre de bleus que ce dernier lui avait infligé durant son enfance, des coups par centaines. Donnés parfois simplement parce qu’elle avait eu le malheur de mettre de la terre dans l’entrée. Ou parce qu’elle avait mis la musique trop forte. Il l’avait terrorisée pendant des années, à tel point qu’elle supportait à peine quand quelqu’un lui touchait le bras. Elle s’était sortie de ce cauchemar grâce à un conseiller du lycée qui avait remarqué un bleu sur le haut de son cou. Une enquête s’ensuivit, et son père fut emprisonné. Quelques mois plus tard, on lui apprenait la mort de celui-ci, suite à une querelle avec un autre prisonnier. Un soulagement pour elle. Et le début d’une nouvelle vie. C’est après qu’elle avait rencontré Stanley et les autres.

 

Et pourtant, malgré la certitude qu’il était mort, il était bien là devant elle. Elle n’arrivait même plus à bouger, tellement elle était en proie à la panique. Panique qui augmenta quand son père défunt montra sa main pourvue d’un rasoir, qui semblait étinceler malgré le brouillard environnant. Elle aurait voulu à nouveau crier, mais elle n’y arrivait pas.  Elle ne pouvait pas non plus bouger, comme si une force invisible la retenait. Et quand son père s’approcha d’un coup pour lui trancher la gorge, elle eut à peine le temps de comprendre ce qui lui arrivait, avant de s’écrouler au sol, gisant dans une mare de sang, agonisant peu à peu, pendant que son père continuait de sourire en la regardant. En quelques secondes, sa vie s’arrêta. Au même moment, son père s’évanouit dans le brouillard comme il était venu.

 

Dans le même temps, à un autre endroit, Phil, comme Stacy avant lui, s’inquiétait de ne voir personne lui répondre, malgré les appels incessants qu’il lançait régulièrement. Ce silence l’angoissait. Il commença à fouiller sa poche afin d’en sortir son inhalateur. Mais dans la panique, tremblant des mains, il fit tomber celui-ci dans le brouillard. Se mettant à 4 pattes dans l’espoir de le retrouver, il entendit soudain des pas s’approchant de lui. Pensant dans un premier temps qu’il s’agissait d’un de ses camarades, il appela à nouveau dans la direction d’où venaient les pas. Mais ceux-ci lui semblaient curieux. Des pas lourds, avec un bruit de cliquetis. Comme des lames s’entrechoquant. Ça lui rappelait quelque chose, mais il n’arrivait pas à se souvenir. Se relevant peu à peu, peinant à respirer, il vit une silhouette qui perçait bientôt le brouillard. Et là, la peur l’envahit, en même temps qu’il commençait à suffoquer. Devant lui se trouvait le boucher qui lui faisait tellement peur quand il était enfant. A chaque fois qu’il devait aller acheter de la viande dans sa boutique, à la demande de ses parents, il bredouillait. En plus de ça, le boucher n’était pas vraiment un modèle de patience, et le pressait de lui demander ce que ses parents lui avaient demandé de prendre. Ce qui le faisait paniquer encore plus. Et une fois sur deux, il sortait de la boutique en courant, sans prendre quoi que ce soit. Et c’était son frère qui était obligé d’y aller à sa place. 

 

Mais il ne pouvait pas être là. Il avait été renversé par une voiture l’année des 15 ans de Phil. Un accident horrible. Le choc avait été tellement violent que ses tripes garnissait la route, maculant les trottoirs de sang, la tête avait été arrachée sous l’impact, et avait atterrie sur le capot de la voiture l’ayant renversée. Et pourtant, il était bien là en face de lui, la tête sur les épaules, ses tripes bien à l’intérieur, et avec toujours son air menaçant. Phil cherchait désespérément son inhalateur autour de lui. Il suffoquait de plus en plus à mesure que le boucher approchait. Soudain, il sourit : son inhalateur était là, à quelques centimètres. Mais alors qu’il se penchait pour le récupérer, un réflexe lui fit lever la tête. Juste à temps pour voir le boucher au-dessus de lui, brandir son hachoir dans sa direction. Phil n’eut pas le temps de crier que déjà l’instrument de mort s’abattit sur son crâne, le fendant en deux avec une force inimaginable, laissant échapper un flot de sang dans les airs, et mettant à nu son cerveau. Phil s’écrasa au sol, mort sur le coup, pendant que l’intérieur de son crane se déversait lentement devant lui, et que le boucher, satisfait, repartait d’où il était venu, dans les limbes du brouillard.

 

A quelques mètres, Dorian, tout comme ses malheureux amis avant lui, avait lui aussi tenté de faire connaître sa présence en criant, dans l’espoir d’une réponse. Mais en vain. Il ne comprenait pas. Il y avait seulement quelques instants, il n’y avait même pas de brouillard. Comment celui-ci s’était-il développé aussi vite ? C’était à n’y rien comprendre. En plus de ça, il avait horreur de se retrouver seul. Ca le mettait dans une panique démesurée. Sa claustrophobie lui avait toujours causé les pires terreurs. Pourtant, il n’était pas à proprement parler dans un endroit clos et fermé. Mais ce brouillard était tellement étrange, que le résultat était le même. Alors qu’il s’apprêtait à appeler à nouveau les autres, il entendit quelque chose derrière lui. Un son qu’il n’avait pas entendu depuis des années. Un grognement de chien. Mais pas n’importe quel grognement. Il ne reconnaissait que trop bien celui-ci. A cause de son bruit caractéristique de crissement de dents l’une sur l’autre qui semblait se mettre au diapason du son sortant de la gorge de l’animal. Il avait 9 ans à l’époque. Le voisin avait un rottweiler qui le terrorisait à chaque fois qu’il passait devant la barrière du jardin de ce dernier. Montrant les dents avec ce son particulier, comme pour lui signifier qu’il était prêt à lui sauter dessus. Un jour, n’y tenant plus, il avait balancé dans le jardin un morceau de viande, imbibé de mort aux rats. L’animal était mort dans d’atroces souffrances. Même si le voisin l’avait soupçonné, il n’avait jamais pu prouver que Dorian était à l’origine de l’empoisonnement constaté par le vétérinaire après l’autopsie. 

 

Pourtant, c’était ce même grognement qu’il entendait. Il n’osait même pas se retourner, tellement sa peur était grande. Il resta ainsi plusieurs minutes, alors que le grognement se faisait de plus en plus proche. La terreur l’envahissait à chaque seconde, n’osant toujours pas se retourner. Puis il se dit que c’était sûrement son imagination. Ce chien était mort. Il ne pouvait pas être là. Dorian prit alors une grande inspiration et se retourna d’un coup. Et là, le chien de son voisin, celui qu’il avait empoisonné était bel et bien en face de lui. Grognant et bavant. Et cette fois, il n’y avait pas de barrière pour les séparer. Ils restèrent ainsi plusieurs secondes à s’observer, avant que Dorian tente de s’enfuir en courant. Mais c’était peine perdue. Le chien lui sauta dessus, dirigeant ses crocs acérés vers sa gorge, qu’il déchiqueta à plusieurs reprises, arrachant des lambeaux de chairs qu’il jetait au loin, avant de reprendre son œuvre. Déversant une rivière de sang tout autour. Dorian tenta de se débattre, refoulant les attaques. Mais bientôt, ses forces l’abandonnèrent au fur et à mesure que sa gorge ressemblait plus à un trou béant qu’à autre chose. Au bout d’un instant, Dorian succomba aux morsures du molosse, et resta immobile, définitivement. Semblant satisfait, le chien cauchemardesque repartit à l’intérieur du brouillard.

 

Plus loin, Stanley, qui s’était assoupi sous l’effet de l’alcool, commençait à émerger peu à peu. Il lui semblait avoir entendu des cris dans son demi-sommeil. Mais il avait sûrement rêvé. Il voyait bien qu’il était seul. Il pestiférait, car il était persuadé que les autres l’avaient laissé là, à cuver sa bière. Il regardait autour de lui. Il venait juste de s’apercevoir de la présence du brouillard. Il y avait autre chose. Une odeur de brûlé. Mais il ne voyait aucun feu. En même temps, avec l’épaisseur du brouillard, s’il y avait un incendie quelque part, c’était presque impossible de voir quelque chose. Ce qui était bizarre, c’était que l’odeur semblait se rapprocher. Et plus elle se rapprochait, plus il entendait comme une sorte de grésillement. Comme quand un corps est en proie aux flammes. Un souvenir lui revint alors en tête. Ce fameux jour où il avait abandonné son petit frère dans cette cabane pourrie. Ca remontait à l’année dernière. Ce jour où, il avait voulu montrer à son jeune frère comment faire un feu. Comme ça ne prenait pas à cause du bois humide, il n’avait rien trouvé de mieux de vider sa fiole d’essence à briquet. Le feu était devenu incontrôlable. A cause de la panique, il s’était enfui, laissant son petit frère périr dans les flammes. Au bout de quelques minutes, pris de lucidité, il était revenu en arrière pour le sortir de là. Mais il était trop tard. Il voyait encore son petit frère se faire brûler vivant sous ses yeux, avec cette odeur et ce grésillement. 

 

C’était la même odeur que ce qu’il sentait en ce moment. A peine repensait-il à ça qu’il vit un corps en flammes traverser le brouillard. Un corps d’enfant. La sueur perlait sur son front à sa vue. Mais ce n’était pas à cause de la chaleur. C’était de la peur. C’était son frère qui était en face de lui. Son frère qu’il avait laissé mourir à cause de sa stupidité, et sa lâcheté. C’est après ça qu’il s’était mis à boire à outrance. Et il n’avait jamais arrêté depuis. Mais ça ne pouvait pas être vrai. Son frère était mort, il en était sûr. Il avait vu son corps carbonisé. Alors, comment pouvait-il être là, en face de lui ? Stanley voulait bouger, mais il avait l’impression que ses pieds étaient collés au sol. Impossible de les bouger. Et son frère qui continuait à brûler en s’avançant. Il lui criait de partir. Qu’il était désolé. Il ne voulait pas mourir. Mais ses paroles n’eurent aucun effet. Son jeune frère se colla à lui, l’entraînant dans une farandole de flammes. Stanley hurlait, pendant que les flammes décollaient sa peau, faisant fondre son visage et carbonisait le reste de son corps. Jamais il n’avait ressenti une douleur aussi intense. C’était comme si tout l’enfer s’emparait de lui. Il avait l’impression que plus il hurlait, plus la douleur s’intensifiait. Mais bientôt, il ne parvenait plus à crier. Son corps était réduit à un tas d’os et de chair brûlé, où les flammes continuaient à danser. Stanley n’était plus de ce monde, et au même moment les flammes qui avaient causé sa perte avaient disparues dans les hauteurs du brouillard.

 

Au bout de quelques minutes, le brouillard devint moins épais, s’amenuisant, avant de remonter vers le ciel d’où il était venu, laissant dans la rue 4 corps affreusement mutilés à la vue de tous. Des pas se firent bientôt entendre, se dirigeant vers le lieu du massacre. C’était la vieille femme venue constater la réussite de sa vengeance. Terrible, mais à la hauteur du crime dont elle avait été la cible. En tout cas, de son point de vue. Jetant un dernier regard sur ses anciens tortionnaires, elle tourna les talons, puis, quelques mètres plus loin, elle claqua des doigts, et en un instant, disparut dans un éclair de lumière incandescente, en plein cœur de la nuit d’Halloween.

Publié par Fabs

12 oct. 2020

LE BERCEAU




A quoi se résume le bonheur d’un couple ? A un amour mutuel, bien sûr, un partage de goûts communs, une vision d’un avenir où chacun apporte sa pierre au futur édifice. Puis vient le moment de la vie à deux dans le même espace, signe d’une confiance l’un envers l’autre total, et la preuve que l’un ne peut vivre sans la présence de sa moitié, son âme sœur. Et la conclusion se traduit souvent par le désir d’avoir un enfant. Un mélange fusionnel des 2 amoureux, qui assoit définitivement la passion qui se dégage entre eux.

 

C’est à cette étape que sont parvenus Samantha et Travis, après avoir vécu dans leur appartement. Ils en en sont parvenus à la 2ème étape de leur vie de couple en choisissant de vivre dans une maison pour s’épanouir pleinement, et couper court aux nombreux préjugés sur leur union. Préjugés se basant sur le passé de Samantha, rempli de pleurs et de sang, qui l’ont mené vers un asile psychiatrique après le meurtre de ses parents, pour lequel elle avait été jugée coupable. Elle aurait pu leur dire ce qui s’était vraiment passé ce jour-là, mais elle était confrontée à 2 problèmes de taille. Le premier, c’est qu’elle était persuadée que personne ne la croirait sur les évènements qui s’étaient déroulés. Le deuxième, c’était que suite à cela, elle avait perdu l’usage de la parole. La conséquence d’un choc extrême auquel les  médecins les plus réputés ne trouvaient pas de réponse de traitement, car trop ancré en elle. Seul Samantha était capable de retrouver la possibilité de parler à nouveau. Mais quelque chose en elle bloquait cette faculté, comme si cela la rassurait de ne plus pouvoir le faire. Ainsi, elle ne pourrait pas raconter ce qu’elle a vécu, et on ne la jugerait pas pour plus folle que ce qu’on la croyait déjà.

 

Suite à cela, elle est donc restée enfermée 3 ans au sein de cet  hôpital psychiatrique, où chaque membre du personnel la traitait comme la criminelle qu’elle était censée être. Tous, sauf un. Travis, l’infirmier chargé de s’occuper d’elle, de lui apporter ses repas, de la laver le cas échéant, au fil des jours, s’était pris d’affection pour elle. Au départ, ce n’était sans doute que de la pitié. Mais progressivement, cette pitié s’est transformée en amitié, puis en sentiments, au fur et à mesure de leurs longues tentatives de communication. Travis avait même appris le langage des signes à Samantha, plus simple que par écrit. A ce stade, il était clair que Samantha ne pouvait être la meurtrière que lui dépeignaient sans cesses ses collègues. Pour lui, il était impossible que cette petite fille enfermée dans un corps d’adulte ait été capable d’une telle monstruosité. Il avait vu les photos du meurtre de ses parents. Une vraie boucherie. Son père et sa mère avaient eu le visage dévoré, comme grignoté par un animal, pas par un être humain. Leurs corps avaient été éventrés, leurs entrailles dispersées à travers la pièce. On avait retrouvés leurs cœurs disposés sur le mur avec une aiguille à tricoter, dégoulinants de sang. Leurs bras et leurs jambes avaient été écorchés sur toute leur longueur, et la peau ainsi enlevée placée sur les fenêtres, comme on dispose un rideau. Un rideau macabre. Et, comble de l’horreur, ce qui restait de leur crânes semblaient avoir été défoncés par une masse, tellement les os avaient été pulvérisés. Pour Travis, il était impossible qu’une personne de consistance aussi fragile que Samantha ait eu la force de tout cela. De plus, l’état dans lequel elle avait été trouvée ce jour-là, sanglotant et pleurant sans pouvoir s’arrêter, les yeux dans le vide, comme terrorisée, ça ne correspondait pas au profil d’un tueur sans pitié, tel qu’on la désignait.

 

C’est en se basant sur ces incohérences vis-à-vis du comportement de Samantha au sein de l’hôpital, de sa douceur presque angélique en totale contradiction avec la brutalité dont avait été victimes ses parents, que Travis entama une procédure judiciaire pour faire innocenter Samantha et la faire sortir de cet endroit qui n’était pas sa place. La procédure fut longue et pénible, et Travis avait dû se heurter à nombre de violences verbales de la part des autres membres de la famille, qui ne comprenaient pas qu’il veuille faire sortir un tel monstre dans la nature. Mais il avait tenu bon, et il avait fini par trouver un avocat pensant comme lui, et qui parvint à faire reconnaitre que Samantha ne pouvait décemment pas être la meurtrière. Samantha fut donc jugée non-coupable, et relâchée. Une relaxation qui provoqua un tonnerre médiatique initié par la famille de la jeune femme, et qui obligea Travis et Samantha à fuir vers un autre état, afin de protéger l’état mental de cette dernière. Il trouva un appartement au sein de la petite ville de Mackinaw City, dans le Michigan. Un petit village de moins de 1000 habitants, dénué de tous touristes, près de l’océan. Le cadre parfait pour recommencer une nouvelle vie.

 

Au cours de cette période, Travis et Samantha devinrent de plus en plus complices, leurs sentiments de plus en plus forts. Mais Travis ne voulait pas brusquer les choses, ayant toujours en tête la fragilité psychologique de Samantha. Alors, il attendait qu’elle se sente prête avant de passer à l’étape suivante. Une étape qui arriva plus vite qu’il ne l’aurait cru. Au bout de 2 mois de cette vie idyllique, Samantha se présenta à Travis un soir, alors en plein milieu de la rédaction d’un rapport pour la petite clinique locale, où il avait trouvé un emploi. Elle arriva derrière lui, lui tapota l’épaule comme pour lui indiquer de la regarder. Travis se retourna, et sans prévenir, Samantha se dévêtit silencieusement, totalement, et s’approcha de celui qui avait cru en elle, qui l’avait protégée, qui l’avait aimée, elle, la paria que tout le monde désignait comme une criminelle, et elle s’offrit à lui, sans la moindre retenue. Une nuit magique pour les 2 nouveaux amoureux où le plaisir des sens se mélangea à la tendresse commune.

 

Les jours se suivirent, et bientôt Samantha exprima le désir d’autre chose. Une preuve de leur amour naissant. Un enfant. Samantha voulait que Travis lui offre un enfant à chérir, à dorloter, à aimer. Elle qui n’avait jamais eu une vie facile auprès de ses parents, froids et distants avec elle depuis sa naissance non-désirée. Pour Travis, cette demande, il ne pouvait que l’exaucer car il partageait le même sentiment d’agrandir leur famille. Mais était-ce à cause du choc ? Ou bien autre chose de plus profond ? Toujours est-il que Samantha et Travis ne parvenait pas à obtenir ce qu’il voulait. Plusieurs mois passèrent, avec toujours le même résultat décevant. Ils finirent par se résoudre à faire des examens, afin de comprendre. Le verdict fut sans appel : Samantha était stérile. Ils n’auraient donc jamais d’enfant. Pensant que cela anéantirait Samantha, Travis chercha à la rassurer. Contre toute attente, Samantha ne tomba pas en pleurs. Elle comprenait. Elle était triste, mais elle comprenait. Tout ce qui importait pour elle, c’était de vivre avec Travis. Le reste n’avait que peu d’importance.

 

Le mois suivant, Travis arriva à l’appartement avec un immense sourire. Il avait réussi à obtenir l’achat d’une maison. Une belle maison, au bord de la falaise, à la sortie de la ville. Avec un terrain immense. Un peu réticente au début, Samantha ne voulait surtout pas briser le rêve de Travis d’avoir une maison bien à eux. Il lui en avait souvent parlé, mais elle évitait la conversation. Elle ne pouvait pas l’exprimer à Travis, mais vivre dans une maison risquait de lui rappeler le jour du meurtre de ses parents. Et le reste. Mais elle aimait trop Travis pour lui refuser quoi que ce soit. Et une semaine plus tard, ils emménagèrent dans leur nouveau foyer. Ce n’était pas une maison, mais un vrai palais pour Samantha. Une pure maison dans le style victorien, avec des  boiseries partout, un parquet étincelant, des draperies aux fenêtres, des luminaires tels qu’on en voyait dans les contes de fées. Et le 1er étage était tout aussi merveilleux. Cependant, elle sentait quelque chose de bizarre au sein de la maison, une impression qu’elle avait déjà ressenti des années auparavant. L’impression d’un mal insidieux qui la suivait partout où elle allait. Mais elle se disait que c’était sûrement son appréhension de vivre dans une maison qui lui donnait ce sentiment, alors  elle mit ses craintes de côté, et visita le reste de leur propriété.

 

Leur vie était devenu un vrai rêve, comme si ils étaient passés de l’autre côté d’un miroir d’une dimension où le bonheur devient idyllique et parfait. Un bonheur qui allait prendre une autre dimension un mois plus tard. Samantha se réveilla un matin avec une impression bizarre. Pas désagréable, mais bizarre. Puis soudain, elle ressentit une envie de vomir, sans qu’elle comprenne la raison, étant donné qu’elle n’avait pas encore pris de petit déjeuner. Elle se précipita dans les toilettes, heureusement proches, et lui sembla sortir tout ce qu’elle avait mangé depuis des jours. Se remettant à peine de ses émotions, elle eut, sans trop savoir ce qui l’avait poussée à cette idée, de revenir dans la chambre, et prendre un test de grossesse qu’elle avait dans un des tiroirs. Sans réveiller Travis, elle se dirigea à nouveau vers les toilettes, et fit le test. Positif ! Elle n’en revenait pas ! Comment était-ce possible ? Les médecins qui l’avaient examinée avaient pourtant été formels : sa stérilité était irréversible. Alors, comment pouvait-elle être enceinte ? Après tout, elle s’en moquait. Elle courait à vive allure vers la chambre, et réveilla Travis en le secouant frénétiquement, jusqu’à ce qu’il daigne ouvrir les yeux. A peine debout, Travis demanda ce qui se passait pour qu’elle le secoue comme ça. Sans donner plus d’explication, elle montra le test à Travis. Soudain, son visage s’illumina. Il n’en revenait pas. Un bébé ! Ils allaient avoir un bébé ! Il ne comprenait pas plus que Samantha la raison de ce véritable miracle, mais il s’en moquait. Leur rêve allait devenir parfait en tout point, et leur petite famille s’agrandir.

 

Dans les mois qui suivirent, Travis s’attela à transformer une des pièces de l’étage en chambre d’enfant, pour accueillir leur progéniture. Il était comme un gosse, y passant des nuits entières, et refusant que Samantha l’aide, pour ne pas qu’elle se fatigue. Samantha ne l’avait jamais vu aussi prévenant et attentionné. Plus encore qu’il ne l’était d’habitude. Mais elle ne s’en plaignait pas. Au contraire. Elle adorait ça. Au bout de quelques semaines, la chambre était finie. Une merveille. Samantha n’en revenait pas que Travis ait pu transformer à ce point une pièce froide et lugubre en havre de paix enfantin. Il avait tout fait lui-même : ravalement des murs, parquet, meubles, placement des tentures,… et un berceau magnifique. Entièrement fait en bois, drapé de soie, sur un piédestal à double colonne, et pourvu d’un système de balancement dont Travis n’était pas peu fier. Samantha était folle de joie. Mais elle avait encore cette sensation de mal-être qui ne la quittait pas. Une sensation qui s’était accentué ces derniers temps, mais elle n’avait osé en parler à Travis, afin de ne pas l’inquiéter. Il était tellement heureux. Elle ne voulait pas gâcher ça. Mais cette sensation se transforma bientôt en cauchemars récurrent, la réveillant en pleine nuit. Des cauchemars où elle revoyait son père et sa mère se faire massacrer et éviscérer par quelque chose qu’elle ne parvenait pas à identifier. Elle ne voyait que ses yeux. Des yeux profonds, noirs, parsemé de sortes de lignes ressemblant à des veines, et auréolés d’un rouge vif, presque vermillon. Plusieurs fois Travis avait voulu savoir ce qu’était ses cauchemars, mais Samantha ne voulait pas l’inquiéter. Même quand ces cauchemars évoluèrent en menaces physiques au sein de la maison quand Travis n’était pas là. Elle n’arrivait pas à déterminer si elle était éveillée à ces moment-là ou bien si elle dormait. L’impression constante qu’une ombre la suivait, mais quand elle se retournait, il n’y avait rien. Des ombres sur les murs qui semblaient se déplacer, des lumières qui scintillaient. Des petites choses qui étaient sûrement le fruit de son imagination. Elle savait que la nervosité de la grossesse pouvait amener à ce genre d’hallucinations. Du moins, c’était ce qu’elle tentait de se persuader.

 

Puis, le jour de l’accouchement arriva. Samantha ressentit des douleurs plus fortes qu’habituellement, et se força à venir prévenir Travis, occupé sur son ordinateur. Complètement paniqué en la voyant trempée de sueur, se tenant le ventre comme s’il allait tomber, il la prit dans ses bras, et l’emmena jusqu’à la voiture. Sans s’occuper de la vitesse, il fonça vers la clinique où il travaillait et cria comme jamais une fois arrivé pour qu’on prépare la salle pour Samantha. L’accouchement dura 3 heures. Etonnamment rapide pour un premier. Mais Travis et Samantha ne s’arrêtèrent pas à ce détail. Ce qui comptait, c’était qu’ils étaient parents. Quelques jours plus tard, Samantha fut autorisée à sortir pour rentrer chez eux. Le bébé, prénommé Dylan, fut installé dans son berceau au sein de sa chambre créée avec soin par Travis. Une fois endormi, Travis se rendit dans leur chambre, pendant que Samantha continuait de regarder son bébé dormir tranquillement. Soudain, elle sentit comme un souffle de vent envahir la pièce. Instinctivement, elle se retourna et regarda autour d’elle, comme pour chercher d’où venait ce souffle. Mais il n’y avait rien. Elle attendit quand même quelques minutes avant de sortir à son tour, non sans jeter un dernier coup d’œil avant de rejoindre Travis.

 

Les jours suivants, d’autres phénomènes se manifestèrent : claquement de portes, fenêtres qui s’ouvrent sans le moindre courant d’air ; l’impression d’un froid permanent à l’étage ; et toujours cette bizarre sensation d’une ombre la suivant. Cette fois, elle tenta bien de prévenir Travis, mais celui-ci la rassura, en lui expliquant que c’était sans doute du au stress post-natal. Que cela allait passer d’ici quelques jours. Rassurée, Samantha tenta de se persuader que Travis avait sans doute raison. Mais les phénomènes perdurèrent et s’intensifiaient quand Travis était absent. A chaque fois, elle se précipitait dans la chambre de Dylan. Et à chaque fois, celle-ci lui semblait moins lumineuse, comme voilée d’une aura maléfique qu’elle semblait reconnaître de plus en plus. Au bout de plusieurs semaines, ses cauchemars devinrent de plus en plus violents et persistants, rendant Travis inquiet au plus  haut point. Il avait beau la rassurer, cette fois, ce n’était pas suffisant pour Samantha, qui sentait que quelque chose de terrible allait arriver. Plus les jours passaient, plus le voile invisible et maléfique se propageait dans la chambre de Dylan, se rapprochant de plus en plus du berceau, ce qui rendait Samantha à chaque fois plus perturbée.  

 

 Un soir, en pleine nuit, Samantha, comme prise d’un instinct, se rendit à  nouveau dans la chambre de Dylan. Mais à peine avait-elle ouvert la porte qu’elle vit une ombre penchée sur le berceau. Une ombre teintée d’une aura rouge. Au même moment, l’ombre se tourna et dévoila ses yeux et une sorte de sourire à peine perceptible mais mettant Samantha dans tous ses états. Soudain, tout lui revint en mémoire : la nuit où ses parents sont morts, c’est la même ombre qui était présente. La même ombre qui les avait massacrés sous ses yeux. Et elle se souvenait que c’était entièrement de sa faute. Ce soir-là, ne parvenant pas à dormir, elle avait surpris ses parents occupé à invoquer un démon dans une des chambres d’ami, transformée en salle ésotérique. L’intervention de Samantha avait provoqué une brisure dans leur rituel, et le démon invoqué avait été libéré sans qu’il puisse être contrôlé. Les parents de Samantha avaient tenté de faire s’éloigner leur fille, pendant que celui-ci écorchait leur peau, transformant leur visage en charpie, dans une fureur inimaginable, où le sang teintait sur les murs de la pièce, et leurs entrailles finirent en décoration morbide et malsaine, comme un enfant détruisant un jeu qu’il déteste. Samantha était parvenue à se réfugier dans la penderie, entendant les bruits de mastication de la créature des enfers sur le visage de ses parents et sur le reste de leur corps. Elle aurait voulu ne rien voir, mais, mue par un instinct qu’elle ne comprenait pas, elle n’avait pas pu s’empêcher de regarder à travers les lamelles de la porte. Du coup, elle n’avait rien perdu du « spectacle », nouant sa gorge de telle façon qu’elle ne parvenait même pas à proférer le moindre son pour demander au démon d’arrêter, de laisser ses parents tranquilles. Puis, comme s’il l’avait entendu malgré tout, le démon s’était arrêté, avant de se diriger vers la penderie, l’observant à travers les lamelles. Et sans raison, il était parti. 

 

Toutes ces années, Samantha s’était demandée si elle n’était pas vraiment folle, ou si elle avait seulement rêvée cette scène, en se demandant pourquoi le démon l’avait épargnée. Maintenant, elle savait. Il avait deviné. Il savait qu’elle allait rencontrer Travis. Qu’ils allaient emménager ici. Qu’ils auraient un enfant. Peut-être même qu’il a influencé leur départ pour cette ville, pour cette maison. En fait, Samantha venait de comprendre que toute sa vie depuis ce soir où ses parents ont trouvé la mort des mains de ce démon sanguinaire, elle n’avait été qu’un pion. Manipulée de toutes parts. L’objectif du démon était son enfant depuis le début. Pourquoi ? Elle n’osait pas le savoir.

 

Sans se poser plus de questions, Samantha se rua vers l’ombre qu’elle traversa de part en part. Celle-ci la regardait avec un rire sardonique, tout en soulevant Dylan dans les airs. Elle voulut se relever, mais une force la retenait au sol. Et soudain, elle vit l’ombre faire venir à lui des effluves bleutées venant de Dylan et se dirigeant vers la bouche de la créature. Elle aspirait sa vie ! Et elle ne pouvait rien faire. Elle était condamnée à regarder comme avec ses parents. Pour Samantha, c’était comme si sa  propre vie partait en voyant son bébé se faire dévorer sa vie par ce monstre infernal. Ce n’est plus des larmes qui coulaient sur son visage, c’était des torrents. Et quand, au bout de quelques secondes, l’ombre cauchemardesque finit son œuvre, et faisant retomber le corps sans vie de Dylan, la douleur de Samantha lui fit sortir un cri terrible, presque interminable. Comme si toute sa souffrance venait de sortir d’un coup de son être. Pour toute réponse, le démon la regarda de son sourire, puis s’évanouit dans les airs, emmenant avec lui toute l’atmosphère maléfique dont il avait empli la chambre au fur et à mesure des jours, laissant Samantha en proie au désespoir.

 

Ayant entendu ses cris, Travis se précipité à son tour dans la chambre. Voyant Samantha en pleurs assaillie d’une douleur indescriptible, il eut le réflexe de se diriger vers le berceau de Dylan. Et là, il recula, comme pris d’un sentiment horrifié en voyant le corps sans vie de Dylan, les yeux révulsés, la peau asséchée, comme une momie égyptienne. Tétanisé devant ce spectacle, il ne vit pas Samantha, soudain libérée de la force qui la retenait, se diriger vers la fenêtre de la chambre, comme hagarde, ouvrant cette dernière. Elle tira à elle une chaise, monta dessus et sembla regarder l’horizon devant elle, comme pour lui demander ce qu’elle devait faire maintenant. Alors qu’elle montait sur le rebord de la fenêtre, laissant tomber la chaise au sol, Travis se retourna. Voyant Samantha au bord de la fenêtre, il lui cria de ne pas faire ça, qu’ils allaient surmonter ça. Samantha le regarda tendrement, comme pour le remercier de lui avoir fourni ce bonheur toute ces années, et elle sauta dans le vide. Travis tenta de la rattraper, mais il était trop tard : Samantha gisait plusieurs mètres plus bas, empalée de tout son long sur la petite barrière en fer forgée du potager qu’elle avait elle-même mis en place avant l’arrivée de Dylan dans leur vie. Fou de douleur, Travis sortit de la chambre, descendit les escaliers le séparant de la porte d’entrée, et fonça vers l’endroit où se trouvait le corps de Samantha. Elle était là, transpercée de part en part, son sang coulant le long de son corps et de la barrière, dénuée de toute vie. Complètement abattu, Travis mit les genoux à terre, n’arrivant pas à croire que Dylan et Samantha n’était plus de ce monde, et ne comprenant rien à ce qui s’était passé.

 

Soudain, il se releva, comme pris d’un instinct résolu, et se dirigea vers le garage situé un peu plus loin. Il entra dans ce qui avait été son atelier. Là où il avait conçu les plans du berceau qui aujourd’hui était devenu un symbole de mort atroce. Il se dirigea vers un des tiroirs de l’établi, l’ouvrit en sortit un révolver. Il n’avait jamais dit à Samantha qu’il avait cette arme, de peur de l’affoler. Elle avait horreur des armes. Mais il l’avait acquise au cas où ils seraient confrontés à des cambrioleurs, du fait qu’ils habitaient dans un endroit isolé. Puis, il ouvrit le barillet pour vérifier qu’il y avait bien des cartouches, le referma. Il inspira grandement, avant de poser le canon du révolver sur sa tempe droite, ferma les yeux, et pressa sur la gâchette. Le coup partit, faisant entendre un bruit assourdissant au sein de l’atelier, la balle traversant le crâne de Travis. Celui-ci s’effondra immédiatement sur le sol, rejoignant ainsi les êtres qu’ils aimaient le plus au monde. Il n’avait pu se résoudre à vivre sans eux. Et, pour lui, il n’y avait que cette solution pour affronter son chagrin. Il ne saura jamais ce qui s’était passé dans la chambre ce jour-là, mais il ne voulait pas savoir. Seule comptait de vivre avec sa famille dans l’au-delà, et vivre éternellement. Quitte à être damné.

 

Publié par Fabs