29 déc. 2023

LES VERITABLES STANDS DE JOJO'S BIZARRE ADVENTURE-Partie 2

 


Les premiers jours de tests ont été révélatrices des pouvoirs dévastateurs des différents Warsouls à plusieurs niveaux. En tant qu’observateurs, les scientifiques ne pouvaient qu’assister aux conséquences d’approches trop prononcées des 6 résidents forcés du Centre, se terminant par des morts horribles, invisibles pour ceux n’ayant pas été en contact direct avec les porteurs de WarSouls, comme l’avait été Pavel lors de l’attaque incontrôlée de celui de Malvina, Swarm. Un nom donné suite au témoignage du jeune soldat rescapé de justesse, décrivant ce qu’il avait vu, parlant d’insectes ressemblant à des abeilles traversant les corps comme s’il ne s’était agi que d’une vulgaire cloison en papier de riz, ou du bois pourri par l’âge.

 

Il fut constaté que certains soldats touchés par les assauts de Swarm n’étaient pas morts des perforations des insectes tueurs, mais de suffocation. Des traces d’un poison extrêmement virulent ont été détecté dans le sang des victimes. Après analyse, il fut constaté que ce qui avait été injecté dans les soldats aurait pu tuer un éléphant, avec une seule goutte, montrant une puissance de mort inégalée et jamais vu dans le monde animal. Mais pouvait-on parler véritablement d’êtres vivants concernant ces abeilles qui ne pouvaient être vues qu’une fois touchées par elles ?

 

En comparaison de ce qui a été constaté lors des observations, Swarm était loin d’être le plus dangereux et mortel des WarSouls, en termes de puissance dévastatrice. Les protecteurs vindicatifs de Zamir, Mira et du Dr. Suliman avaient une capacité létale encore plus étendue. C’est Pavel qui a permis de connaître les spécificités de chacun et chacune. Ceci en usant d’un mode opératoire qui ne laissait aucune place à un défaut de chronométrage de sa part. Les cellules, toutes dotées de caméra pour pouvoir analyser tous les comportements des sujets, étaient noyées dans un gaz anesthésique rapide de forte intensité, avant l’entrée de Pavel. Ce qui plongeait les manieurs de WarSouls dans un profond sommeil, parfaitement contrôlé. 

 

Du moins, c’est ce que tout scientifique chargé du projet pensait. Quelques mois plus tard, ils allaient s’apercevoir que les corps des hôtes de ces “âmes protectrices” s’habituaient peu à peu, assimilant les effets du gaz, et diminuant son action jour après jour, sans que personne ne se doute de rien. Une erreur d’appréciation qui causerait l’incident de grande ampleur dont je vous ai parlé auparavant. Ignorant ce fait, au même titre que les observateurs l’ayant payé pour leur donner les informations nécessaires pour comprendre le fonctionnement des pouvoirs des WarSouls, ainsi que leur apparence, Pavel s’est approché de ses “cibles”. Zamir fut le premier à bénéficier de cette technique hautement risquée. A ce moment, personne n’était sûr de rien, se basant sur l’expérience vécue du jeune soldat.

 

Mais on supposait qu’un contact avec les hôtes, même endormis, permettait au “palpeur” de voir les WarSouls. Cependant, cela s’accompagnait du réveil de ce dernier, et d’un risque d’infection si l’hôte agrippait le bras de Pavel, dans le meilleur des cas. L’autre scénario possible était que le WarSoul déclenche sa fureur sur l’imprudent ayant osé s’approcher, purement et simplement, sans le moindre préavis. Une protection avait été mise en place dans les cellules : Une barrière photosensible, composé d’un champ électromagnétique pouvant être déclenché par les observateurs, dès lors que Pavel montrait des signes de la présence de l’âme protectrice, en reculant au-delà d’une certaine limite au sein de la pièce.

 

Cette barrière pouvait bloquer la plupart des attaques des WarSouls. Je dis bien la plupart, car l’un de ces tests impliquant la participation de Pavel a bien failli lui coûter la vie. La barrière s’étant révélée insuffisante pour contrer le pouvoir déclenché par Sand, le WarSoul de Veli. Le pouvoir de ce dernier, qui avait été déjà à l’œuvre à l’hôpital, et évoqué par certains membres du personnel en ayant fait les frais, consistait à rendre le sol aussi mou et malléable que des sables mouvants, et pouvant engloutir sa cible. La barrière agissant sur des effets la frappant de plein fouet, le pouvoir de Sand s’en jouait allègrement, agissant sur l’ensemble du sol de la cellule. Pavel s’est retrouvé à moitié enfoncé dans le bitume devenu aussi flexible que du sable, se refermant peu à peu sur son corps au fur et à mesure qu’il plongeait dans une sorte de néant invisible. Il en résultait des douleurs immenses pour Pavel, tel un étau écrasant ses jambes et son torse pris au piège. L’intervention des observateurs à distance, déclenchant une nouvelle giclée de gaz anesthésique en grandes proportions permit de sauver le soldat paniqué, et pensant voir sa vie s’achever.

 

Quand Veli et Sand, son WarSoul, sont finalement retombés dans le sommeil, il ne fallut pas moins de 3 hommes pour sortir Pavel de son piège, usant de marteau-piqueur pour le déloger de son carcan de pierre et de béton dans lequel il s’était trouvé emprisonné. Pavel avait-il manqué de prudence lors de cette fois-là ? Ou bien était-ce, au contraire, les scientifiques observant la scène qui avaient sous-estimé la puissance et la portée de Sand ? Un peu des deux en fait. Ce jour-là, Pavel avait déjà “affronté” les actions de 3 autres hôtes : Mira, Zamir, et le Dr. Suliman. Ainsi que leurs WarSouls respectifs : Blood, Cloud et Reverse. Il pensait sans doute être désormais capable “d’affronter” le danger que représentait les autres hôtes, confiant dans la protection que représentait la barrière électromagnétique qui serait déclenchée en franchissant la “frontière” vue par les scientifiques derrière leurs écrans, et observant ce qui arrivait du début à la fin de l’intervention du soldat.

 

Mais cette fois-là, il dut rester au repos pendant deux semaines, afin de se remettre du choc traumatique reçu par son expérience avec Sand, qui avait bien failli être sa dernière. Il avait exprimé son désir d’arrêter, et de ne plus vouloir continuer, sachant qu’il lui restait encore à voir et analyser les capacités du dernier Warsoul dont les scientifiques ignoraient encore tout à ce moment : Iron, celui de Rifat. Ainsi qu’une nouvelle confrontation avec Swarm. Mais cette fois en milieu sécurisé, contrairement à l’attaque qui lui avait fait comprendre qu’il existait un moyen de voir les WarSouls.

 

Finalement, Pavel s’est laissé convaincre, et a accepté, moyennant une hausse de la prime promise pour son travail de la part de ses “employeurs”, avides de curiosité. D’autant que ces derniers, après l’incident causé par Sand, doutaient de trouver un autre soldat aussi téméraire pour se porter volontaire pour d’autres missions auprès des WarSouls. Pavel obtint malgré tout de ne plus avoir à exécuter d’autres tests auprès de Sand, arguant du fait qu’il avait bien failli mourir face à lui, et prouvant l'inefficacité de la barrière concernant ce dernier. Obtenant la promesse qu’il ne serait pas envoyé à nouveau dans la même cellule que Sand et son hôte Veli à l’avenir, il reprit les tests après sa convalescence.

 

Il y avait une autre raison pour que les scientifiques n’aient d’autre solution que de recourir à Pavel et son apparente facilité à s’approcher des manieurs de WarSouls, et qui n’avait rien à voir avec la possible couardise des autres soldats.Ceux-ci étant au courant de l’attaque de Swarm ayant coûté la vie à plusieurs des leurs, tout comme l’incident impliquant Sand. Une raison qui avait provoqué un autre drame, anéantissant la vie d’autres soldats. Bien que l’échec de cette mission eût été tenue secrète, obéissant ainsi aux consignes non seulement des scientifiques chargés du projet d’études, mais aussi des dignitaires militaires et politiques finançant le tout, un soldat avait été témoin de l’appel de détresse d’un de ses camarades, alors qu’il était en pleine discussion avec son supérieur et superviseur du projet au sein du Centre.

 

Par la suite, bien que ce soldat ait été sommé de se taire sur ce qu’il avait entendu par le colonel avec qui il se trouvait à ce moment-là, il y eut des fuites. On supposait que le visage blême du soldat avait alerté ses compagnons de chambrée. Ces derniers, soucieux de comprendre son angoisse apparente, et son désir de silence sur ce qu’il avait, ont vraisemblablement réussis à obtenir des bribes d’informations sur ce qu’il avait entendu. À partir de là, la nouvelle de nouvelles morts liées aux WarSouls et la force les créant s’est répandu comme une trainée de poudre au sein de l’unité de soldats en place au Centre. Ce qui fait que les scientifiques ne pouvaient compter que sur Pavel pour leur offrir les détails des WarSouls et leurs hôtes, enfermés dans leurs cellules en apparence, mais pouvant se montrer être la source d’un danger non négligeable, et étant l’origine d’un certain malaise de la part des militaires établis sur les lieux.

 

Cette mission, demandée par le gouvernement chinois, en accord avec leurs homologues albanais soumis à leur bon vouloir, elle consistait en une équipée au cœur de la grotte où tout avait commencé, près de celle de Pelumbas. Un petit détachement de 12 hommes s’est donc aventuré au sein de ce lieu renfermant le secret de la création des WarSouls, que les militaires pensaient pouvoir s’accaparer, afin de mieux étudier ses caractéristiques déclencheurs. Et ce, de manière moins risquée qu’en observant les hôtes actuels au nombre de 6. La rumeur des actions mortelles des WarSouls et ne pouvant être contrôlées par les porteurs eux-mêmes avait occasionné une défection de la part des plus téméraires soldats sur une demande express des dignitaires politiques chinois, désirant que certains se portent volontaires pour obtenir eux-aussi l’un de ces pouvoirs.

 

Le risque d’être tué au lieu de se voir affublé d’une force capable de consumer son propriétaire en cas d’incapacité à la contrôler, ça ne jouait pas en la faveur d’un volontariat très poussé. Le gouvernement chinois ne voulant pas prendre le risque de demander à des officiers de se prêter à ce qu’ils désignaient comme un “service à l’effort de guerre”, par peur de perdre des hommes primordiaux pour le bon déroulement de la lutte anti-américaine, il n’eut d’autre choix que de faire appel à de simples soldats. Ce que Pavel ignorait, c’est que certains de ses camarades, dans le plus grand secret, ont été sommés de se faire volontairement infecter par les manieurs de WarSouls, dans le but d’obtenir des personnes aptes à se montrer maîtres de ces forces.

 

 Les hauts dignitaires chinois étaient persuadés que l’impossibilité des 6 sujets présents au Centre albanais de pouvoir contrôler leurs WarSouls, tenait dans le fait qu’ils n’étaient pas dotés de forces mentales telles qu’en avaient des soldats formés à la dure, et habitués à résister à toute forme d’imposition de force psychologique. Que ce soient des interrogatoires, des séances de tortures ou autres éléments propres à détruire la volonté d’un militaire pour trahir le peuple chinois. Pour ce gouvernement, seuls des militaires, des soldats aguerris, et entraînés à supporter les pires conditions de vie, pouvaient se montrer à posséder les dispositions nécessaires pour une telle maîtrise de ces pouvoirs à la puissance démesurée. Des pouvoirs pouvant apporter à l’armée chinoise une suprématie militaire sur leurs ennemis, quels qu’ils soient, et représentant une mainmise politique immense sur les autres gouvernements, par la simple pression psychologique qu’était le plein contrôle de soldats surpuissants, capables de décimer des armées entières par l’action de leurs WarSouls.

 

Mais plusieurs échecs, causant la mort des courageux volontaires ou fortement incités à l’être, ont obligé les commanditaires du projet à bifurquer vers d’autres options. Les corps en lambeaux des malheureux ayant acceptés de se faire “posséder” par les détenteurs actuels des pouvoirs WarSouls, étaient éloquent en ce sens, et ont permis aux scientifiques de constater que la transmission du pouvoir ne se faisait pas au hasard. Il ne suffisait pas de se laisser infecter, en se faisant agripper le bras ou une autre partie du corps par l’un des hôtes connus, pour devenir un nouveau porteur, réveillant des cellules endormies au sein de l’être humain.

 

Ce qui devint vite une évidence, après plusieurs examens de Pavel, après que celui-ci venait de se voir en contact avec l’un des manieurs de WarSouls. Disposant d’un temps réduit pour analyser en profondeur les raisons permettant au soldat de “voir” les âmes protectrices, ils ont pu établir une partie du fonctionnement de cette force ayant infecté les 6 pensionnaires du Centre. Ils ont décelé chez Pavel une sorte de flux, une anomalie dans le sang du soldat, sous forme de résidu énergétique semblable à ceux qui régissent l’action des acides gastriques dans l’estomac d’un être vivant, et primordiaux pour la digestion des aliments.

 

Pour les scientifiques, cette force, c’était ça : une sorte d’alimentation organique, circulant telle un flux électrique dans le corps, se mouvant en suivant les dérivations sanguines jusqu’à atteindre les parties vitales de l’homme : cœur, poumons et cerveau en particulier. Mais s’insufflant aussi dans les nerfs et les muscles, augmentant leur masse et leurs possibilités, telle que l’acuité visuelle. Ce qui expliquait que Pavel pouvait voir l’invisible que représentait les WarSouls. A partir de là, ils ont pu établir le parcours de ce flux, et ce qu’il déclenchait au plus profond du corps humain. Ils ont découvert une activité anormale de cellules qu’on pensait propres à tout être humain, mais ne pouvant être réveillées que dans certaines conditions. Ce sont ces mêmes cellules qu’ils pensaient être indirectement liés à certains comportements d’ordre “surnaturel” chez certains patients. Télékinésie, psychisme, mémoire absolue… Et même certaines prédispositions à des domaines artistiques variés comme la musique, la danse, l’écriture... Ces cellules étaient connues depuis longtemps, et se composaient de diverses natures distinctes.

 

Au fil des ans, la science a identifié la plupart de ces cellules “dormantes”, les classant dans des catégories bien définies. Nombreux sont ceux qui croient que les facultés paranormales de certains êtres humains se situent dans les zones mortes du cerveau. Les fameuses “Dead Zone” cher au roman antonyme de Stephen King. Mais celles-ci sont en fait actionnées par le réveil antérieur des cellules dormantes situées dans d’autres zones du corps humain, et cachées profondément dans des endroits susceptibles de provoquer des capacités dites “surhumaines”. Si une grande partie se trouvent effectivement tout près de l'hypothalamus, d’autres sont à la base de la moelle épinière, près de la trachée, les nerfs olfactifs, ou encore, accolés à des artères indispensables à leur “vie”. Ce sont des faits qui restent cachés au grand public, de peur sans doute que cela incite des pseudo-savants à vouloir réveiller artificiellement ces cellules “miraculeuses”, par des méthodes peu propices à une éthique propre à la dignité humaine.

 

En ce qui concerne l’origine de la naissance des WarSouls, ce sont des cellules encore plus anciennes, enfouies d’une manière qu’on pourrait penser pernicieuse, du fait de leur emplacement situé souvent près des organes les plus vitaux de l’homme. Des cellules en très petit nombres, au contraire des autres évoqués précédemment, et déclenchant la plupart des émotions humaines, comme des capacités artistiques et sensorielles, formant la personnalité de chacun, différente suivant l’éducation et l’évolution reçues. Jusqu’à présent, personne dans le milieu scientifique ne savait à quoi servait véritablement ces cellules : c’était un mystère complet. L’analyse du flux sanguin de Pavel, et d’autres tests du même type, ont permis de comprendre le processus de réveil, mais seulement en partie. Les médecins du centre supposaient que ceux ayant péris par l’infection, leur corps n’ayant pas supporté l’implantation du corps étranger en son sein, représenté par cette espèce de flèche évoquée par le Dr. Suliman, avant qu’il ne se retrouve dans le clan des hôtes incapables de contrôler la force en lui.

 

Cette flèche, ça se rapprochait des récits des 4 spéléologues amateurs, indiqués avant que leurs WarSouls ne naissent. Leurs témoignages de leur excursion, leur contact avec cette sorte d’autel fait d’une matière inconnue, ces excroissances ayant percé leurs mains, avant de s’insinuer dans leur corps, ça s’ajoutait aux propos du Dr. Suliman. Quel que soit cette force ayant déclenché le réveil de ces cellules dormantes ayant toujours fasciné les scientifiques les plus aguerris, elle avait le pouvoir de se transmettre dans d’autres corps. Comme il était impossible d’analyser en profondeur les corps des manieurs, sans risquer de déclencher l’attaque de leur WarSoul, toujours aux aguets, en cas de contact considéré comme un danger potentiel pour leur hôte, il n’y avait pas de possibilité de savoir si ces morceaux de pierre ou de métal, ça aussi c’était une inconnue, se trouvait fichés dans le corps des 6 porteurs de WarSouls, attendant de trouver un nouveau corps où s’implanter, et y réveillant, à son tour, ses cellules dormantes, afin de provoquer la naissance d’une nouvelle âme protectrice. Bien sûr, beaucoup de ces éléments tenaient de la spéculation, mais l’expédition à la grotte allait mettre en lumière un autre fait indéniable et indispensable à la compréhension de ce don ou cette malédiction. Suivant ce qu’on pouvait penser de ce pouvoir.

 

Ce nouveau facteur était le choix fait par cette force d’accepter ou non de se transmettre à un nouvel hôte. Du choix de créer un nouveau WarSoul au cœur d’un autre être humain. Et, contrairement à ce que pensait le gouvernement chinois, pensant faire de la plupart de ses soldats des êtres d’élite à la puissance inarrêtable, la force canalisatrice semblait porter son intérêt envers des personnes dénuées au départ de toute intention belliqueuse. Ce qui veut dire que les militaires aimant la violence, adorant tuer son prochain, ne voyant pas d’objection à faire le mal autour d’eux, étaient systématiquement rejetés par le pouvoir réveillant les cellules dormantes de l’homme, et causant la création des WarSouls. C’était purement théorique bien sûr, mais il avait été prouvé que Pavel, malgré sa force de caractère et sa disposition à vouloir survivre, n’avait pas en lui la même noirceur qui caractérise un soldat dans la plupart des cas. Il était issu d’une famille pauvre, et avait choisi de devenir soldat pour aider financièrement sa mère, à défaut d’avoir pu trouver un métier où il ne serait pas renvoyé au bout de quelques jours. Il envoyait la quasi-totalité de sa solde à sa mère, et n’était soldat que par nécessité. Pas par envie.

 

Ça en faisait un soldat sortant de la norme, et pouvant expliquer l’acceptation du pouvoir de lui donner la possibilité de devenir, lui aussi, un potentiel manieur de WarSoul. Les spéléologues amateurs, tout comme le médecin et l’infirmier, avaient eux aussi des dispositions à l’humanisme important, et une faible constitution d’ordre musculaire et psychologique. Le médecin avait déjà été sujet à des mini-dépressions après s’être montré dans l’incapacité de sauver des patients. L’infirmier était malmené par sa mère très autoritaire, n’ayant jamais accepté qu’il se marie avec la femme qu’il avait choisie. Quant aux 4 amis ayant tout déclenché, chacun avait aussi une histoire propre une faiblesse de caractère qu’il ou elle tentait de dissimuler le plus possible à ses proches, pour ne pas les inquiéter probablement. La force créatrice des WarSouls semblait choisir des êtres ayant peu de dispositions pour se défendre efficacement contre toute forme de danger éventuel. Elle leur offrait un protecteur pour parer à leur manque de défense intellectuelle et physique, réveillant leurs aspects primaires inscrits dans leur code génétique dès la naissance, au même titre que n’importe quel être humain, afin de leur donner une aide pour survivre et s’assurer une continuité d’existence.

 

Cela avait un prix, car les WarSouls avaient la fâcheuse tendance à aller au-delà de leur rôle de base, et surprotégeant leurs hôtes à outrance, causant des attaques bestiales et hautement vindicatives, car considérant toute forme vivante s’incrustant de trop près d’un espace vitale défini comme un ennemi à éliminer pour que le manieur n’ait pas à craindre une menace future pour sa vie. Dans le même temps, le même WarSoul puisait sa force et ses pouvoirs dans le fluide vital de son hôte, causant une anémie et une baisse de force fluctuante, suivant la propension de son hôte à supporter cette ponction augmentant toujours plus, suivant l’importance du pouvoir et les capacités musculaires et psychologiques à disposition.

 

À terme, une personne trop faible pour modérer les actions de son WarSoul, non seulement elle se révèlerait vite incapable de calmer les ardeurs de son protecteur, car ne parvenant pas à canaliser sa fureur et sa puissance ; mais en plus de ça, l’énergie aspirée pour faire fonctionner les pouvoirs de défense du WarSoul affaiblissait le cœur et les ressources physiques, pouvant aller jusqu’à tuer le porteur, en cas de combat trop prolongé ou trop intense. C’est à dire utilisant trop de fluide vital d’un coup. Ce qui menait à un arrêt du cœur dans la moins pessimiste des prévisions, ou à un anévrisme du cerveau prononcé, voire un éclatement de celui-ci, dans le pire des cas.

 

Un peu comme dans “Scanners”, le film de David Cronenberg, si vous vous souvenez des scènes phares et gores de l’œuvre. Voilà ce qu’était les WarSouls : à la fois une bénédiction pour les êtres faibles, mais en même temps leur pire cauchemar, car pouvant causer leur perte irrémédiable à plus ou moins longue échéance. Le mieux pour eux et espérer vivre longtemps avec leur protecteur, c’était de vivre isolé loin de tout, sans aucun contact physique avec qui que ce soit. Autrement dit, ça revenait à faire d’eux des asociaux sous peine de tuer tout ce qui avait le malheur de s’approcher d’eux. Bien sûr, contrôler un tel pouvoir, pour des instances militaires, serait un apport fabuleux pour asseoir sa domination sur les autres pays. Mais à quel prix.

 

D’autant plus que, comme indiqué auparavant, tel que cela est précisé dans les rapports que j’ai lus et que je vous révèle aujourd’hui, cela ne peut pas être décidé par simple conviction d’accepter la présence d’un WarSoul en soi. Non. C’est la force inhérente à cette grotte, à cet étrange autel, qui décide qui a le droit de posséder ce pouvoir. C’est elle qui décide, via l’intermédiaire des déjà heureux élus, de s’implanter dans un autre corps, de l’infecter, plutôt que la tuer. Soit par l’action du WarSoul de l’hôte avec la personne a effectué un contact physique, soit parce que la force de la flèche aura occasionné des dégâts irrémédiables dans le nouveau corps, après avoir compris que ce dernier ne méritait pas sa présence et la création d’un protecteur à partir de ses cellules dormantes.

 

Un paradoxe qui n’a été une évidence qu’après cette fameuse expédition demandée par le gouvernement chinois au sein de cette grotte, et causant un carnage parmi la troupe chargée de ramener d’autres morceaux de l’autel. Ceci dans le but de l’étudier plus en profondeur et être en mesure de donner naissance à des WarSouls de manière contrôlée. Les membres de l’équipée n’auraient même pas le loisir de parvenir jusqu’à l’endroit où se trouvait la source des pouvoirs des WarSouls : ils seraient tous massacrés bien avant de façon horrible. Le seul élément apportant la preuve de ce massacre fut l’appel d’un des hommes, avant qu’il succombe à son tour à la puissance destructrice des lieux. Celle-ci refusant leur présence. Dans les documents en ma possession, figure une retranscription des conversations entre le soldat chargé de faire des rapports sur l’avancée du détachement au sein de la grotte et le Colonel dirigeant le Centre des Montagnes Maudites. Je vous mets ces dernières ci-dessous :

 

– Soldat Murat Gilvrim au rapport mon Colonel : je vous appelle conformément à ce qui était prévu pour vous faire part de l’expédition à la grotte.

 

– Bien reçu, soldat Gilvrim. Je vous écoute.

 

– Nous sommes devant la grotte à l’instant où je vous parle. J’avance dans le même temps. Il y a une sorte de rideau de plantes devant l’entrée, comme ce qui a été consigné dans le rapport des agents ayant rencontrés les patients zéro. Le sergent Tiphraim a dû procéder à la coupe de plusieurs de ces sortes de lianes, qui semblaient s’être enroulées autour du cou de deux hommes.

 

– Comment ça enroulées ? Vous voulez dire que ces plantes seraient douées d’une vie propre ? C’est bien ce que vous voulez me faire comprendre ?

 

– Affirmatif, mon colonel. Mes camarades Miran et Lorik écartaient les plantes, quand leurs bras, puis leurs cous se sont fait attaquer… Je m’excuse du terme, mais je ne vois pas comment le dire autrement. J’ai été témoin comme les autres de ce phénomène.

 

– Il n’y aurait donc pas que l’autel qui soit détenteur de pouvoir. Ça rejoint le témoignage d’un des hôtes indiquant avoir eu aussi un désagrément de ce type à leur arrivée.

 

– Tout à fait, mon colonel. C’est ce que le Sergent nous a expliqué aussi. Ce pourrait être une sorte de test pour savoir si on est autorisé à entrer, vous pensez, mon colonel ?

 

– Vu de quoi sont capable les WarSouls et donc le pouvoir qui en découle, je ne m’étonne plus de rien… Quoi qu’il en soit, vous me dites que le Sergent a résolu le problème ?

 

– Affirmatif, mon colonel. Le sergent a ordonné de trancher les plantes pour libérer les soldats attaqués. Elles se sont flétries immédiatement après la coupe, comme n’étant plus “alimentées” par le pouvoir leur donnant vie.

 

– Je vois. Très bien. Continuez votre avancée, et tenez-moi au courant de la suite des évènements.

 

– Très bien, mon colonel. Je vous recontacte plus tard.

 

Là, le rapport indique que le soldat a rappelé le Colonel environ 6 minutes plus tard, alors que le groupe était entré à l’intérieur de la grotte, et se trouvant dans le lieu où se trouvaient les stalactites et les stalagmites évoquées par les hôtes aux agents à l’hôpital.

 

– Soldat Gilvrim à nouveau, mon Colonel. Je… Je ne sais pas comment vous dire ça, tellement ça semble irréel. Un soldat a été comme pulvérisé littéralement par une stalagmite et la lumière en émanant. Il a glissé en voulant éviter une nuée d’insectes étranges au sol, grouillant comme une colonie. En voulant se raccrocher à une stalagmite proche de lui, pour éviter de tomber, nous l’avons vu se parer de fumée sortant de son corps. Une lumière intense partant de sa main a parcouru tout le soldat, le faisant bientôt ressembler à une torche vivante… Nous n’avons rien pu faire…

 

– ça aussi c’était dans le rapport. Cette faculté qu’avaient ces roches, tous comme les insectes. Préconisez au Sergent de ma part de ne surtout pas toucher toute forme de roche avec les mains.

 

– Le Sergent a déjà donné cet ordre, mon Colonel. Je…

 

– Soldat Gevrim ? C’est quoi ces cris que je viens d’entendre ? Et pourquoi y a-t-il des coups de feu ? Quelle est la situation ? Répondez soldat !

 

– Je… Ex… Excusez-moi, mon Colonel. Nous venons de perdre 3 nouveaux hommes. Les insectes… On nous avait dit qu’il mangeait uniquement de la roche… Mais ils sont en train de dévorer deux hommes à l’instant… À une vitesse délirante… C’est… C’est horrible… Il… Il ne reste que des os d’eux…

 

– Quoi ? Aucun insecte n’est capable de faire ça… Vous seriez dans l’eau, dans une région infestée de piranhas, j’aurais pu vous croire. Mais là…

 

– Je vous assure Colonel, que je ne mens pas. Il… Il ne reste rien d’eux… Juste des squelettes…. Les insectes sont partis juste après leur repas, en creusant une issue dans la roche. Les coups de feu que vous avez entendus, ce sont ceux du Sergent et d’autres hommes tirant sur les insectes. Mais les balles ricochent sur eux. L’une d’elle a atterri tout à l’heure en plein crâne d’un 3ème homme, le tuant sur le coup…

 

– Bon sang ! 4 hommes morts en à peine quelques minutes ! Comment les 4 patients Zéros ont-ils pu avancer sans être attaqués eux aussi ? Y-aurait-il un élément qui fait que la force en ces lieux ne veut pas que des soldats aillent plus avant ?

 

– Je… Je ne saurais pas vous le dire, mon Colonel… C’est possible… Les spéléologues n’avaient pas d’armes. Peut-être qu’aux yeux de l’entité en action dans cette grotte, ils ne représentaient pas de danger, et les ont laissé venir plus en profondeur…

 

– Ne vous laissez pas dominer par la peur pour autant ! Vous êtes un soldat ! Cette mission doit impérativement aboutir à la réussite. Sinon, que ce soit le sergent ou les autres, vous devrez répondre de votre échec ! Continuez la mission, c’est un ordre ! Et n’oubliez pas de me rappeler pour me tenir au courant de votre maitrise de la situation. Dites-le bien au Sergent ! Je n’accepterais pas qu’il envisage de rebrousser chemin simplement parce qu’il y a eu des morts !

 

Tr… Très bien, mon Colonel. Je lui fais part de votre ordre… À plus tard, mon Colonel…

 

Une nouvelle interruption dans le rapport spécifie que le soldat a finalement rappelé le Colonel une dernière fois environ 10 minutes plus tard, complètement paniqué, pleurant, et indiquant qu’il s’apprêtait à s’enfuir. Quitte à en subir les conséquences militaires.

 

– Mon Colonel… Ils… Ils sont tous morts ! Le sergent a été quasiment avalé par une paroi de la grotte… Je… Je sais pas comment décrire ça…

 

– Soldat Gevrim ! Calmez-vous et expliquez-moi ce qui s’est passé. Vous… Vous êtes en train de me dire que vous êtes le seul survivant ?

 

– Ou… Oui, mon Colonel. Le Sergent… Un morceau de la paroi s’est allongé, bloquant son avancée… L’entourant comme un tapis… Lui et les 4 hommes qui le suivaient… C’était… Monstrueux… On entendait leurs cris de douleur, leur os craquer… Et… Et quand la paroi est finalement revenue à sa place d’origine, il ne restait que du sang et quelques morceaux de chair sur le sol… Des yeux écrabouillés aussi, ainsi que quelques éclats de métal… Ce qui restait de leurs fusils… Moi et les deux soldats ayant échappé au massacre, on a pris peur… On a voulu s’enfuir… J’ai vu le sentier sur lequel ils étaient s’effondrer sous mes yeux alors qu’ils revenaient vers moi, les précipitant dans le vide…

 

– Bordel ! Je… Je ne comprends pas… Pourquoi ? Pourquoi cette grotte ne veut-elle pas que des soldats obtiennent le pouvoir qu’elle a accordé à de simples civils. Elle offre des pouvoirs incroyables à des hommes n’ayant rien de guerriers, et quand elle a la possibilité d’en avoir, par la présence de soldats en son sein, elle les rejette ? Ça n’a pas de sens… Qui de mieux que des soldats pourraient savoir comment maîtriser de tels pouvoirs ?

 

– Mon Colonel… Je… Je m’avance peut-être un peu, mais… C’est peut-être justement ça le critère qui définit le choix de la grotte et de la Force qui y habite… Elle offre peut-être du pouvoir à des personnes n’ayant pas les capacités de se défendre, car n’ayant pas de formation militaire, ou un tempérament de combattant…

 

– Je vois ce que vous voulez dire… À ses yeux, les militaires, les mercenaires, tous ceux étant capables de se défendre, car ayant la conviction de se battre, tout ceux-là n’ont pas besoin des protecteurs qu’elle offre. Ils savent comment combattre et affronter des ennemis. Elle ne fait cadeau de ce pouvoir qu’à ceux étant incapables de se défendre…

 

– C’est exactement ce que je pense, mon Colonel… Ça ne sert à rien d’insister… Même si on envoie d’autres soldats, des hommes plus adaptés à des situations dangereuses, des volontaires capables de s’adapter à tout type de terrain, et à tout type d’ennemi, ça ne changera rien… La grotte les éliminera sans vergogne, comme elle vient de le faire avec notre détachement… Je… Je sais ce que je risque, mon Colonel… Mais je tiens à ma vie plus qu’à mon grade ou mon poste de soldat… Je préfère subir la honte en tant que soldat ayant fui, plutôt que ne pas revoir ma famille… Désolé, Colonel… Mais je ne peux pas continuer… Je ne peux plus suivre vos ordres d’avancer pour ramener un morceau de cet autel… La grotte m’en empêchera…

 

– Soldat ! Je vous interdis de faiblir ! Qu’importe que les autres soient morts, la mission doit être suivie jusqu’à la fin ! Si vous reculez, je ferais de votre vie un cauchemar comme vous n’en avez pas idée !

 

– Colonel, avec tout mon respect… Je m’en fiche de ce que vous me ferez subir. Au moins, je serais vivant… Je n’ai jamais fait preuve de rébellion envers mes supérieurs, mais là… J’ai bien trop peur… J’ai une femme et une petite fille… Ils sont plus importants que ce pouvoir…

 

– Soldat ! Cessez vos jérémiades ! Je vous somme de…

 

A ce moment, le rapport indique que le Colonel a entendu un horrible cri, suivi de craquements terrifiants venant à son écoute. Juste avant que le silence remplace les bruits horribles d’écrasement entendus juste avant. Puis un son strident lui faisant penser que le talkie-walkie du soldat Gevrim venait d’être anéanti. Tout comme son propriétaire… Après ça, le Colonel a fait état de l’échec de la mission aux dignitaires du gouvernement chinois, attendant impatiemment le retour du détachement envoyé à la grotte, et espérant voir se dessiner à l’horizon une lignée de super soldats leur assurant une dimension et une emprise militaire et politique sans équivalent. Autant vous dire qu’ils furent très déçus, à en juger les lettres envoyées figurant dans le lot de documents que j’avais pu télécharger grâce à mon “fournisseur” privé.

 

Malgré tout, ils espéraient encore trouver le moyen de “copier” le pouvoir présent dans les hôtes de WarSouls se trouvant au sein des murs du Centre. Ils étaient persuadés que les scientifiques sur place parviendraient à identifier les facteurs de fonctionnement de ce pouvoir fabuleux, et même qu’il serait possible de créer des pouvoirs à la demande, une fois maitrisées ces capacités, synthétisées en laboratoire, et produit à grande échelle. Ils n’imaginaient pas que la suite des évènements allait leur faire subir une nouvelle désillusion…

 

Cependant, sa hargne n’ayant d’égal que son ego, le gouvernement chinois, vexé de ne pouvoir s’emparer du pouvoir de la grotte, ce qui aurait pu permettre d’en percer plus rapidement les secrets, ordonna la destruction des lieux. S’il ne pouvait disposer de cette puissance, personne n’aurait la possibilité de leur souffler la propriété. Ayant lu le rapport et la retranscription de l’appel entre le soldat Gevrim et le Colonel, il était néanmoins inenvisageable d'envoyer une nouvelle troupe au cœur de la grotte, pour y placer des explosifs. Avec le risque évident d’un nouveau massacre s’il ordonnait un tel déploiement. Décision fut prise alors de bombarder l’endroit.

 

Deux avions furent envoyés au-dessus de la grotte, afin de réduire à néant celle-ci, et tout le pouvoir qu’elle contenait. Les documents stipulent qu’à ce jour, la grotte n’est plus qu’un tas de gravats, ayant condamné une partie du sentier qui permettait d’y accéder dans le même temps. Du fait des déflagrations que les explosions causèrent. Nombre de personnes s’interrogèrent sur un tel acte jugé de vandalisme envers un environnement naturel, mais comme à leur habitude, avec la complicité du gouvernement albanais à ses ordres, qui a contraint les municipalités avoisinantes de ne pas traiter de cette action dans les médias, il n’y eut aucune suite de la part des curieux. Tous ceux tentant de savoir ce qui en était se trouvaient sommés de “réfléchir” avant de continuer leurs investigations par le biais de visiteurs inconnus, montrant un sourire sarcastique, et leur précisant qu’ils seraient seuls responsables du malheur s’abattant sur leur famille s’ils passaient outre ces “aimables recommandations”.

 

Presque tout le monde dans les environs ignorant l’existence de la grotte, pensant que les bombes lancées étaient un exercice militaire de plus dans la région, au détriment de la sécurité de ceux et celles arpentant la montagne, cet épisode ne fut bientôt plus que de l’histoire ancienne, et se rajoutant au mystère entourant les activités militaires en vigueur en Albanie, et ordonnées par le gouvernement chinois. Personne ne voulant mettre sa famille et ses proches en danger, chacun ravala sa fierté, effaçant son envie de connaître la vérité, et se conformant à la volonté de ce qu’il leur avait été imposé, ne voulant pas encourir les conséquences de leur obstination.

 

Toutefois, les soldats présents au Centre, ayant eu connaissance de l’échec de la mission par le biais de leur camarade ayant surpris la conversation entre le Colonel et le soldat Gevrim, comme je vous l’ai indiqué auparavant, cela a causé un sentiment de peur encore plus grand vis-à-vis des WarSouls et leurs hôtes. Ce qui se rajoutait aux disparitions de nombre de leurs congénères qui avaient été “invités” à participer à des missions secrètes au sein du Centre, avec la promesse de ne surtout pas parler du contenu de ces dernières, sous peine de sanctions. Même s’ils ne le disaient pas tout haut, les soldats voyant le nombre de leurs camarades se restreindre, comprenaient parfaitement qu’ils n’étaient ni plus, ni moins, que des “objets jetables” pour leurs supérieurs, ayant fait le lien entre les disparitions et les fameuses missions dont il était interdit de parler. Il y avait des témoignages discrets de soldats ayant parlé à leurs camarades sur ce qu’ils avaient aperçu en pleine nuit. Des scientifiques poussant des brancards vers les chambres d’incinération. Celles utilisées habituellement pour brûler le matériel ou les animaux issus d’expériences ayant mal tournées.

 

De là à penser que ces transports nocturnes dissimulaient les cadavres malheureux, ayant été contraints d’accepter ces “missions secrètes”, il n’y avait pas loin. On supposait que ces morts étaient le résultat de tentatives de contacts poussées avec les manieurs de WarSouls, afin d’augmenter les chances de compréhension ou d’acquisition des pouvoirs de ces derniers. Pour faire simple, les soldats prenaient conscience qu’on se servait d’eux comme cobayes pour tenter de créer de nouveaux WarSouls. Et comme jusqu’à présent personne n’avait entendu parler de nouveaux manieurs, il apparaissait évident que ces “tests” s’étaient tous soldés par un échec, conduisant à la mort du soldat volontaire. L’appât du gain ne fut bientôt plus suffisant pour trouver de nouveaux candidats, et le Colonel, tout comme les scientifiques, durent se résoudre à se contenter des résultats obtenus par les contacts de Pavel. Celui-ci devenant encore plus indispensable qu’avant.

 

Je vous ai dit qu’il avait, avant sa malheureuse expérience avec Sand, pu approcher et déclencher les WarSouls de Mira, Zamir et le Dr. Suliman. Pavel a été confronté en premier avec Cloud, le protecteur de Zamir, selon le processus que je vous ai déjà évoqué, usant de cette fameuse barrière électromagnétique, s’étant révélée inefficace face aux facultés de Sand, le WarSoul de Rifat, et son pouvoir de modifier le sol, le transformant en une sorte de sables mouvants. Cependant, au moment de sa 1ère tentative d’approche, cette barrière n’avait pas encore eu le loisir d’être testée, et les scientifiques, tout comme Pavel, ignoraient son degré d’efficacité. C’est donc la peur au ventre que le soldat s’est rendu dans la cellule où séjournait Zamir, celui-ci ayant été endormi avec le gaz anesthésique faisant partie du processus d’approche. 

 

Pavel tremblait de partout, et les paroles rassurantes que lui donnaient les scientifiques par le petit micro placé contre son oreille, afin de lui prodiguer les étapes à effectuer de la façon la plus efficace, ça n’était pas assez pour lui donner une confiance totale dans l’efficacité de la barrière. Si celle-ci ne marchait pas comme prévu, il savait qu’il subirait de plein fouet les attaques du WarSoul de Zamir. A ce moment, on ne savait pas grand-chose du pouvoir de celui-ci. Juste quelques infos récoltées auprès des membres de l’hôpital ayant subis ses attaques, et ayant pu fuir à temps avant d’être atteint pour certains, ou ayant été marqués profondément. Là encore, ceux et celles s’étant fait toucher avaient eu la chance de se voir sauver par un de leurs collègues, avant d’avoir de graves séquelles de l’assaut perpétré par celui qui porterait le nom de Cloud. Un nom donné à cause de ses spécificités, comme ce fut fait pour chacun des WarSouls, une fois connu ce dont ils étaient capables.

 

En ce qui concernait Cloud, en plus des offensives physiques communes à tous les WarSouls, occasionnant des dégâts sur le corps important mais soignables, il créait de petits nuages remplies de foudre. Des éclairs extrêmement violents, tel qu’il fut constaté en voyant les impacts sur le sol, creusant de véritables petits cratères fumants, et ce n’était pas le plus dangereux de son action. Le nuage pouvait se déplacer, et lancer des pluies capables de faire fondre n’importe quoi. Tout le revêtement de la cellule, ainsi que le matériel présent dans la pièce lors du test fut réduit à de la bouillie. Tout avait été fondu, comme s’il s’était agi d’une glace en plein soleil.

 

Quand Pavel avait touché le bras de Zamir, pourtant profondément endormi, la réaction du WarSoul a été instantané. Pavel a vu “l’âme” protectrice, ayant la forme d’un soldat du moyen-âge en armure, entouré d’une aura de couleur gris-bleu, se montrer à lui, l’air menaçant, et brandissant une épée longue. Une chance pour lui, Zamir ne s’est pas réveillé tout de suite, sans doute du fait de l’action du gaz, qui semblait avoir un impact important sur le manieur. De ce fait, Pavel a eu le temps de reculer avant que Zamir n’ait le réflexe de lui tenir le bras pour le bloquer, et débuter l’infection. Pavel s’est retrouvé à tomber en arrière, rampant sur le sol en bougeant son coccyx, jusqu’à franchir la limite pouvant faire agir la barrière.

 

 Les observateurs scientifiques ont réagi tout de suite, en déclenchant celle-ci dès que Pavel l’eut dépassée. Même s’ils ne parvenaient pas à voir, eux, le WarSoul, ni le nuage, ils furent témoins des impacts sur le sol des éclairs et la fonte de tout le matériel avoisinant situé derrière le champ électromagnétique. Zamir venait de se lever, et fixait Pavel. Il s’est approché, et a compris la présence de la barrière, sans pour autant pouvoir arrêter la fureur de Cloud, qui s’énervait de plus belle en voyant que ses attaques ne parvenaient pas à atteindre sa cible.

 

Bien que terrorisé par cette première expérience surveillée, Pavel s’est vite remis de sa peur, en voyant que le système de protection était aussi efficace que lui avaient promis les scientifiques du Centre. Un soldat fut chargé d’ouvrir la pièce, et fit sortir Pavel, avant de fermer la porte derrière eux. Après leur départ, une nouvelle giclée de gaz fut disséminée dans tout l’ensemble de la cellule. Dans les jours qui viendraient, des équipes mirent au point un dispositif permettant d’entourer Zamir du même principe de barrière, afin de pouvoir procéder aux réparations du sol, et au remplacement du matériel. Bien que prisonnier de cette sorte de bulle, à l’intérieur, Cloud déclenchait sa fureur, et les observateurs purent voir à quel point Zamir s’affaiblissait au fur et à mesure de l’intensité de la colère de son WarSoul. Afin de ne pas provoquer la mort de son hôte, et selon ce qui était prévu, une équipe fut chargée de déplacer Cloud et Zamir, toujours enfermés dans leur bulle électromagnétique, à l’aide de poignées spécifiques.

 

Il n’y a pas trop de détails indiqués sur le fonctionnement et le placement de ces poignées pour “accrocher” la bulle dans les documents. Je ne peux indiquer que ce qui est précisé dans les écrits lus. J’ai pu comprendre que, pour éviter un nouveau déclenchement de fureur de la part de Cloud, Zamir fut conservé dans la cellule qui aurait dû n’être qu’un lieu provisoire de détention, dans l’attente de la réparation de lieu de départ. Idée qui fut abandonnée, les scientifiques jugeant plus sage de laisser Zamir et Cloud dans cette nouvelle cellule.

 

Afin de laisser le temps à Pavel de respirer et se remettre de sa première confrontation directe, il ne fut interrogé que deux jours plus tard afin d’expliquer ce qu’il avait vu en détail concernant Cloud. Son apparence, celle de ses pouvoirs. À partir des vidéos de l’attaque, de la profondeur des impacts sur le sol, des vibrations enregistrées sur la barrière et d’autres éléments que je serais incapables de vous expliquer clairement tant c’est complexe, les observateurs purent délimiter le champ d’action des assauts de Cloud. Une portée de 10 mètres. Au-delà, les actions du WarSoul ne pouvaient agir. Sauf si Zamir se déplaçait bien sûr, et changeait le périmètre d’activité.

 

Tous les WarSouls semblaient eux aussi obéir à ces contraintes de distance, avec des portées différentes. La plus redoutable restait Malvina et son WarSoul Swarm. Le seul à avoir une portée redoutable, atteignant les 50 mètres. Les 5 autres montreraient des portées beaucoup plus faibles, de l’ordre de 2 à 10 mètres au maximum. Pour Reverse et son hôte, le Dr. Suliman, c’était 5 mètres ; pour Iron et son hôte, Rifat, c’était 2 mètres ; Pour Blood et son hôte, Mira, c’était 10 mètres ; et enfin pour Sand et son hôte Veli, c’était 5 mètres. Les semaines suivantes, désormais débarrassé de sa crainte, rassuré de la protection que lui apportait la barrière électromagnétique, Pavel procéda aux autres tests. À savoir ce qui l’amènerait à décrire les WarSouls du Dr. Suliman, Reverse, et celui de Mira, Blood. Si Cloud était déjà redoutable, et Swarm extrêmement dévastateur en termes de dégâts, Reverse et Blood n’étaient pas pour autant moins dangereux, bien au contraire.

 

Reverse, le WarSoul du Dr. Suliman, avait la capacité de changer de place des objets, mais aussi des organes vivants. Pour que vous compreniez bien, Reverse avait l’apparence d’un soldat romain, avec une aura vert foncé, et porteur d’une lance. Cette lance, dirigée vers une cible choisie, pouvait la faire échanger avec la position d’un autre objet. Par exemple, si sa cible de départ avait une petite lampe au-dessus de lui, et qu’à côté de Reverse il y avait un objet plus lourd et dangereux, disons le lit où se trouvait son hôte, il échangeait la position des deux. Ce qui fait que la cible se retrouvait avec un lit au-dessus d’elle tombant par l’action de la force de gravité.

 

C’était ce qui était arrivé à Pavel, et il a pu s’écarter à temps, et franchir la ligne limite pour le déclenchement de la barrière protectrice. Mais en fait, Pavel avait eu beaucoup de chance. Parmi les autres cobayes utilisés en secret pour tester les capacités d'assimilation du pouvoir des WarSouls, l’un d’eux a vu son cœur échangé avec une simple cuillère faisant partie du plateau repas de son hôte. Bien évidemment, la mort fut instantanée… C’est pour dire à quel point Pavel l’avait échappé belle. Les observateurs pensent qu’à ce moment, Reverse ne connaissait pas encore toute l’étendue de son pouvoir, ou que son hôte n’était pas assez réveillé pour disposer de l’énergie suffisante pour utiliser cette technique terrifiante.

 

Pour ce qui est de Mira, son WarSoul, Blood est encore plus effroyable. Blood a comme apparence une gladiatrice à l’aura bleue, et portant un bouclier. Il lance son bouclier à sa cible afin de le toucher. Une simple éraflure, aussi minime soit-elle, suffit à activer le pouvoir de Blood. La partie touchée fait bouillir le sang se trouvant sous la blessure, de plus en plus, jusqu’à explosion. Pavel a fait les frais de deux des doigts de sa main droite, réduits à un tas de bouillie. Je vous laisse imaginer la douleur qu’il a ressentie. Mais, là encore, il peut s’estimer heureux. Imaginez si Blood était parvenu à toucher sa poitrine ou son cou… En ce qui concerne le dernier dont je ne vous ai pas parlé, Iron, que Pavel affronterait après s’être remis de sa confrontation avec Sand, il avait un système de fonctionnement analogue à Blood.

 

Iron avait l’apparence d’un guerrier perse, avec une aura violette. Il extrayait le fer du corps de sa cible, de manière partielle ou complète, telle que les observateurs le supposaient, et à partir des cellules de fer extraites, remodelait celles-ci pour en faire une arme blanche. Couteau, dague, épée. Plus la quantité de fer extraite était importante, plus l’arme était imposante. Là aussi, ce sont les autres cobayes ayant été confrontés à Iron, et ayant eu le temps de donner quelques détails sur ce qu’ils avaient subis avant de mourir, qui ont permis d’établir le mode de fonctionnement de ce WarSoul au moins aussi redoutable que Blood en termes d’attaque à distance.

 

Pavel a réussi à atteindre la limite de déclenchement de la barrière de justesse, alors qu’il était très faible, Iron lui ayant pris une grande quantité de fer en lui afin de créer une épée, et il s’en est fallu de très peu qu’il périsse. Je me demandais si Pavel n’avait pas une sorte d’ange-Gardien, au vu de tout ce qu’il a vécu, échappant de peu à la mort à plusieurs reprises. À moins que sa confrontation avec Swarm, étant celui avec qui il est resté le plus longtemps en contact, lui ait apporté quelque chose en plus. Une forme de résistance accrue, apte à supporter des attaques massives d’autres WarSouls. On ne le saura sans doute jamais, au vu de ce qui finalement le terrassera. Mais j’anticipe. Ce n’est pas encore le moment de vous relater le destin de Pavel.

 

Comme vous avez pu le voir, les tests des scientifiques sur les WarSouls atteignaient leurs objectifs de compréhension. Ils en savaient désormais plus sur leurs capacités, leur mode de fonctionnement, le périmètre de leurs attaques, leur impact et leur puissance. Mais ils ne savaient toujours pas comment exploiter ces pouvoirs faramineux. C’est leur désir d’en savoir toujours plus qui allait déclencher l’incident. À cause aussi de la bêtise d’un soldat trop curieux voulant connaître ce qui était arrivé à son meilleur ami. Son obsession à découvrir la vérité sur celui qu’il considérait comme un frère l’a amené à se rendre là où il ne fallait pas, parvenant à déjouer la vigilance des équipes chargées d’empêcher d’accéder à la zone des cellules des manieurs de WarSouls, et se trouvant face à Blood, car ayant choisi de pénétrer là où ce terrible WarSoul se trouvait enfermé.

 

Il l’a réveillé, commettant la pire erreur de sa vie. Pour avoir sous-estimé la capacité de réaction des soldats à contrer ces puissances qu’étaient les WarSouls, ayant fini par avoir raison du mental de leurs hôtes, les scientifiques allaient en payer le prix. Et découvrir autre chose d’encore plus terrifiant : la solidarité qui existait entre les WarSouls dans des situations critiques. Blood ne ferait pas que semer le désordre et la terreur en s’échappant à cause de la bourde d’un soldat. Il allait libérer les autres, semant le chaos au sein du Centre. Espérer arrêter un WarSoul aussi dangereux que Blood était déjà illusoire. Imaginez ce qui a bien pu arriver une fois que ce dernier s’est retrouvé accompagné des 5 autres, chacun dévastant tout sur leur passage, et s’affairant à sortir de leur prison…

 

À suivre...

 

Publié par Fabs

21 déc. 2023

L'INVITE DE NOËL

 


Peut-on accorder sa confiance à des inconnus ? Est-il possible de n’avoir aucun à priori sur quelqu’un qui vient de vous inviter à participer à des festivités, dans le plus pur esprit de Noël, alors qu’il ne vous a jamais vu de sa vie ? Attention : je ne dis pas que certaines personnes ne sont pas habitées par la compassion à cette période de l’année, et que leur cœur n’est pas véritablement empreint d’une gentillesse et d’une charité exemplaire. A tel point qu’on se demande si elles sont véritablement humaines ? Je ne vous apprendrais rien en vous disant qu’à notre époque, c’est devenu un fait bien plus rare qu’on le pense. Une fois enlevé les masques d’un grand nombre de soi-disant philanthropes, se pressant de diffuser leur acte de générosité sociale envers un démuni sur les réseaux et auprès de leur proche, juste pour s’assurer une notoriété recherchée, que reste-t-il vraiment de leur fameux esprit de Noël, de leur fausse peine ressentie auprès de malheureux qu’ils indiquent haut et fort aider, en s’indignant de ceux et celles ne l’ayant pas fait, et ayant fermé les yeux sur leur condition ? Pas grand-chose à dire la vérité. Et je parle en connaissance de cause, car j’ai vécu ce type d’expérience, qui me marquera à jamais. Une épreuve qui m’a montré que sous ces auspices de famille parfaite voulant offrir du bonheur se cachent parfois la pire noirceur qu’il puisse exister.

 

Mais je ne me suis pas présenté : Alistair Meadows. Je suis SDF depuis près de 2 ans, vivant de la mendicité et des aides apportées par les brigades qui parcourent les rues en période d’hiver. Ceci afin de proposer des repas chauds et une nuit installée confortablement dans un lit douillet au sein d’un refuge. Si je devais montrer de la reconnaissance envers quelqu’un ou des personnes ayant une vraie envie de secourir des gens comme moi pour affronter la précarité extrême nous ayant frappé, moi et mes congénères, ce seraient justement les membres de ces brigades. Etant bénévoles, ils ne retirent rien à leurs actions d’un point de vue monétaire, et ça ne leur assurera pas une place privilégiée auprès d’une société pour évoluer. Ils font leur travail sans aucune arrière-pensée, et donnent de leur personne pour assurer un minimum de confort et de sécurité à des personnes dans le besoin. Rien d’autre ne leur vient à l’esprit en dehors d’une volonté d’aider ceux qui ont besoin. D’autant que leur mission ne s’arrête pas à diriger quelqu’un vers un refuge, et ne plus s’en soucier juste après.

 

Non. Ils font bien plus que ça. Ils donnent du réconfort psychologique, offrent la chaleur de leurs discussions afin que l’on se sente au mieux, ils sont à notre écoute dès qu’on en ressent le besoin et font tout ce qui leur est possible pour nous apporter un bien-être que l’on pensait appartenir au domaine de l’inaccessible. Le seul reproche que l’on pourrait faire à ces refuges et ces brigades arpentant les rues à la recherche de nécessiteux n’ayant plus de toit, ce serait le fait d’opérer le plus activement l’hiver, alors que la misère est présente toute l’année. Mais je ne peux pas leur en vouloir. Ce ne sont pas eux qui choisissent les règles à ce niveau, dépendant entièrement de subventions fournis par les communes, qui, elles, ne voient pas d’intérêt à agir en dehors de l’hiver. Ou disons plutôt qu’elles le font uniquement dans un souci électoral. Ça fait toujours un bon effet de montrer qu’on s’intéresse aux pauvres et aux SDF, en l’annonçant publiquement pour le prestige de l’étiquette qu’elles arborent fièrement. 

 

C’est justement cet état d’esprit qui enveloppait la famille Torwing. Une fratrie bien sous tous rapports comme on dit. Un père gagnant sa vie grâce aux efforts des autres, ce qu’on appelle communément un PDG ; une mère prenant soin de l’éducation impeccable de ses enfants, et hautement active aux seins de multiples clubs où se retrouve l’élite des femmes de personnalités ; un fils qui passe plus de temps à se soucier de son apparence qu’à ses devoirs, et chouchoute une voiture dont le prix pourrait rembourser le PIB des pays les plus ancrés dans la décrépitude ; et une fille, enfin, accro aux réseaux sociaux, s’étant auto-proclamée reine du savoir-vivre en société, à l’égo démesuré, ignorant ce que signifie le mot “modestie”.  Bref, le genre de famille que les plus riches adorent, mais détestée par les moins bien lotis sur le plan social. Mais vous savez ce que c’est : pour ce type de personnes, on n’en fait jamais assez pour bien se faire voir. Et les Torwing avaient décidé de jouer sur la fibre “j’aide mon prochain, et je le montre”, pour mieux asseoir leur réputation de “famille idéale” de l’année, telle qu’on lui prêtait.

 

Leur objectif de cette année était d’offrir le gîte et le couvert à un malheureux qu’ils auraient choisis et vivant dans la rue. Ce qui avait été annoncé en grand pompe sur les chaines locales de télévision, ainsi qu’à la radio. Un choix visant celui ou celle qui méritait le mieux, selon les critères des Torwing, de bénéficier de leur générosité pour vivre un “vrai Noël” comme on ne le vit qu’une fois dans sa vie. Une manière de démontrer à toutes et tous que leur famille était la plus soucieuse du bien-être de leur prochain. Evidemment, la majorité de l’opinion, quel que soit le statut social, a été touchée par cette décision se trouvant dans le plus pur esprit de Noël. Bien que la plupart a été plus ou moins influencé par la fille, Trudy. Cette dernière s’étant empressée de parler du “beau geste” de ses parents à travers ses comptes Instagram, X et autres, et voyant ses propos relayés par tous ses fans. Pour un grand nombre, c’était la preuve de la marque de confiance qu’on donnait à cette famille, oubliant le fait qu’elle avait dépensé une fortune marketing pour acheter un droit de passage télé et radio afin d’annoncer leur « opération du cœur ». Ce qui leur assurait de se faire bien voir sur les réseaux.

 

Restait aux Torwing à trouver l’heureux bénéficiaire de leur générosité, et c’est là que j’interviens. Comme je vous l’ai dit précédemment, je vis dans la rue depuis 2 ans. Mais contrairement à d’autres SDF comme moi, je n’aime pas me positionner sur un “territoire” défini, dont les « gérants » voient d’un mauvais œil les nouveaux arrivants pouvant leur voler leur “clientèle” fidèle de bons samaritains. Ceux-là même qui les gratifient régulièrement d’oboles substantielles pour leur permettre de continuer à vivre décemment sous leurs toits de fortune. Des demeures bricolées comme ils peuvent pour supporter froid, pluie et autres aléas de la météo toute l’année. Non, moi, je préfère laisser ces petits esclandres intérieurs à ceux qui y voient une manière de se sentir vivant, en montrant leur détermination à protéger ce qu’il considère leur appartenir. Je vous assure que nombre de ceux et celles vivant dans la rue ont parfois des notions de propriété sur leur généreux donateurs qui dépasse l’entendement. C’est tout juste s’ils n’affirment pas que leurs initiales sont tatouées sur leur “bétail”, ou bien indiquant que les limites de leur territoire est marqué, comme le ferait un chien ou un chat sur un canapé ou un coin de mur, quand il débarque chez ses nouveaux maîtres.

 

Je n’aime pas cette façon de voir, qui ne me semble guère mieux qu’un chef de guerre s’étant adjugé une portion de pays, simplement parce qu’il estime que les branches de son arbre dépassant la frontière lui donnent le droit d’accaparer tout ce qui se trouve en dessous. Bon, l’image est peut-être un peu exagérée, j’en conviens, mais je pense que vous avez saisi l’idée. Du coup, pour ne pas me retrouver dans de véritables conflits entre clans parce que l’un a dépassé son territoire pour avoir un peu plus de “revenus”, lui faisant s’attirer les foudres du “chef de territoire”, je préfère ne pas m’attarder à des lieux précis, et je voyage souvent de ville en ville. Comme un héros de road-movie en quelque sorte. Pour vous donner une idée du semblant de philanthropie des Torwing, soucieux de préserver un certain “standing” dans leur choix, j’ai eu l’honneur d’avoir été “élu” par Gary, le père de famille, alors que je venais de me poser en périphérie d’une artère commerciale désertée par mes “collègues” SDF. Un lieu plutôt chic, à la clientèle triée sur le volet, je tiens à le préciser. De ma propre expérience, je savais que les autres sans-abris s’installaient rarement à de tels endroits, loin des passages importants des passants pouvant leur apporter leur pécule quotidien.

 

Ça me permettait d’éviter des remarques désobligeantes du “chef de secteur”, m’indiquant que si je voulais rester dans le coin, je devrais partager ma récolte. Ceci afin de bénéficier d’un accueil au sein de leur petite communauté et de leur “protection”. Je vous jure que j’ai vraiment été confronté à des gars comme ça, se comportant comme des parrains de la mafia. Ces lieux que j’affectionnais n’avaient certes pas beaucoup de monde, et je ne pouvais pas m’approcher plus des grandes surfaces proches sous peine de me faire embarquer par la police, par suite d’un appel des gérants desdits commerces. Malgré ça, en général, c’était bien plus intéressant en termes d’argent reçu. Une manière bien à moi, rodée depuis mes “débuts”, de cibler mes donateurs. Ce qui m’avait valu de porter une tenue plus décente au fur et à mesure des sommes obtenues. Le fait d’avoir sur soi des vêtements plus propres que la moyenne, car les lavant le plus souvent possible au détour d’une rivière lors de mes déplacements d’une ville à une autre, ça apportait je pense, une certaine “classe” aux yeux des gens m’offrant parfois bien plus que de l’argent. Sandwichs, chaussures, sacs, gamelles… Vous n’imaginez pas les présents que j’ai réunis après ces deux ans de “service” dans la rue.

 

Les personnes me voyant avec ma tenue très différente de la plupart des autres SDF vivant en ville, je leur donnais plus confiance, car je leur ressemblais plus. Même les plus snobs et aisés aimaient discuter avec moi, comme si j’étais un ami proche, ne craignant pas de se voir gratifier de poux ou d’odeur nauséabondes, tel que je le supposais. En plus de mes vêtements, je me baignais aussi très souvent dans les rivières ou bien sous les douches au sein des refuges. Là où j’attirais l’attention par une certaine prestance dégageant de moi. C’est ainsi que Gary Torwing m’a remarqué. Mon allure inhabituelle pour un SDF, ça devait le rassurer sur le fait de faire venir chez lui un inconnu. Je ne salirais pas son canapé de la souillure du gras de mon pantalon ; je n’attirerais pas d’insectes peu ragoûtants à cause d’un “parfum” analogue aux autres résidents sans toit ; et je n’infecterais pas sa salle de bains, en imprégnant ses belles serviettes immaculées, ou le sol carrelé brillant à s’en éblouir, de la saleté de mes pieds et mes mains. J’étais celui qui serait parfait pour ne pas perdre la face aux médias en devant s’acquitter de sa promesse, et dont la présence au sein de sa demeure serait approuvée à 200 % par les membres de sa famille.

 

Satisfait d’avoir trouvé la perle rare, Gary m’a donc accosté, m’expliquant son désir de m’offrir de passer un Noël de rêve au sein de sa famille, dans son foyer, autour d’une table garnie de mets que je n’aurais jamais pensé me délecter de toute ma vie. Même avant les évènements m’ayant amené à devenir ce que j’étais. Pour l’instant, je préfère ne pas vous préciser cette partie de ma vie, car elle m’est encore douloureuse aujourd’hui. Néanmoins, je vous en donnerais un bref résumé une fois que je vous aurais relaté mon aventure au sein de la famille Torwing et ses secrets inavouables. Car oui, vous vous doutez bien que si je parle de mon histoire aujourd’hui, ce n’est pas pour vous révéler un merveilleux souvenir comme vous en voyez tant chaque année à travers des téléfilms insipides diffusés sur vos écrans de télévision, et comportant une interprétation sans âme de la part de ses acteurs. Une habitude qui existait déjà avant que je séjourne dans la rue, et je ne peux que deviner que c’est toujours le cas aujourd’hui, même sans avoir vu le moindre programme depuis lors.

 

Bien évidemment, si je vous parle de mon expérience, c’est parce que cette soirée s’est révélé très différente de ce que Gary, son épouse Beverly, sa fille Trudy et son fils Grayson ont annoncé dans les médias. Cette famille, sous ses atours bienveillants, prompts à aider son prochain dès lors que cela fait parler d’elle, a montré son vrai visage en ma présence. Tout comme la réalité de leur “opération Noël” bien loin du caractère festif qu’elle supposait. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai. En un sens, elle avait véritablement une ambition de donner de la gaieté et du bonheur. Mais il n’a jamais été question que ce soit moi qui sois le bénéficiaire d’un tel moment de plaisir non dissimulé. Le but était de satisfaire les déviances morbides des Torwing à tous les niveaux. Dès lors que j’eus franchi le seuil de la porte de leur domicile, le piège s’est refermé sur moi, sans possibilité d’en réchapper. Du moins, c’est ce que Gary et les siens avaient prévu de prime abord. Mais il y a eu un grain de sable dans la prévision des “festivités” qu’ils avaient prévus, et dont je devais être le clou du spectacle. Quelque chose qu’ils ont négligé, car ayant trop confiance en eux, et qui me permet aujourd’hui de vous en raconter la teneur.

 

Au début, tout se passait effectivement comme annoncé. Il faut dire aussi que Gary avait demandé la présence des caméras de la chaîne locale de télévision, la même où il avait exposé son désir d’offrir du bonheur à un sans-abri. J’ai cru comprendre que ce n’était pas la première fois que les Torwing bénéficiaient des largesses des représentants de cette chaîne. Celle-ci ayant l’habitude d’avoir l’exclusivité des évènements tournant autour des Torwing, étant l’origine de la popularité de cette famille au sein de la ville, et même un peu plus loin. Se trouvait sur place une équipe réduite de deux personnes : un caméraman, et une ingénieure du son. Cette dernière se chargeait aussi de la lumière propre à offrir une future vidéo parfaite, dans le but d’accentuer l’aura des Torwing au cours de la prochaine édition du journal de leur chaîne.

 

J’étais le centre de l’attention. On m’interrogeait sur mon “parcours”, mais j’expliquais que je préférais ne pas faire revenir à ma mémoire mon passé difficile. J’ai senti la déception de Gary et Trudy, qui comptaient manifestement jouer sur l’effet “larmes” pour obtenir plus d’émotion aux yeux du public pour l’un, et plus de likes pour ses réseaux pour l’autre. Néanmoins, Beverly a montré sa compréhension, et a demandé à son époux et sa fille de ne pas insister. Après avoir été invité à prendre une douche avant de revêtir des habits destinés à être ceux que je porterais pour le reste de la soirée, la confiance en ma capacité à ne pas faire ressortir des odeurs indésirables n’étant pas aussi élevée aux yeux des Torwing qu’ils voulaient le faire penser, je me suis donc attablé. Je ne me suis pas trop attardé jusqu’à présent sur ce qui composait l’intérieur de la maison, parce que ça ne me semblait pas le plus primordial.

 

Mais en ce qui concerne le salon où se tenait la table du repas, je devais avouer avoir l’impression de me trouver dans un de ces téléfilms de Noël dont je vous ai parlé auparavant. C’était comme si je me trouvais en plein milieu d’un tournage, tellement la ressemblance avec ces véritables clichés se montraient de plein fouet à mes yeux ébahis, je devais bien l’admettre. Que ce soient les décorations de table et sur les murs, la vaisselle, les plats, le sapin décoré de mille couleurs positionné près de la cheminée tout aussi étincelante d’objets en tous genres et de toute tailles, tout était comme dans un rêve éveillé. Tout pour endormir ma méfiance. Le réveillon fut somptueux en tout point, et je ne pouvais cacher que j’attendais le moment décisif de la soirée, à savoir l’ouverture des cadeaux. C’est là que le cauchemar a commencé, montrant le vrai visage des Torwing…

 

A la fin du repas, alors que la caméra continuait de tourner, les deux membres de la petite équipe se relayant afin de permettre à l’un et l’autre de profiter eux aussi des victuailles, Beverly a annoncé l’heure sonnant le moment phare de la soirée. A ce moment, elle s’est levée de table, et m’a invité à venir me rapprocher du sapin. Tout le monde a suivi, mis à part Gary, qui était occupé à donner des recommandations au caméraman. A ce moment, ça semblait anodin, mais en y repensant maintenant, je me dis que j’aurais dû plus prêter attention au manège qui s’orchestrait près de la table. J’ai vu le caméraman retirer la carte mémoire de sa caméra, et la remplacer par une autre. Je ne m’y connaissais pas trop dans le domaine, mais je me disais qu’après tout, c’était peut-être normal. S’agissant d’une chaîne de télévision locale, le budget alloué au matériel ne permettait sans doute pas d’avoir recours à des cartes mémoires de grande capacité. D’où le fait d'en changer pour le restant de la soirée. Mais la suite allait me faire comprendre que ce qui paraissait être un geste technique, somme toute secondaire dans le déroulement de tout ça, était quelque chose de bien plus calculé et machiavélique.

 

Jusque-là, le fils, Grayson, s’était montré assez discret. S’inquiétant plus de l’angle de vue utilisé par l’équipe de télévision pour le mettre le plus en valeur qu’autre chose. Pourtant, près du sapin où Trudy et Beverly me demandaient d’ouvrir le premier paquet m’étant destiné, je l’ai vu sourire. Un sourire loin de ce que l’on attend de voir lors de tels moments. Ce n’était pas un signe de bienveillance dans l’attente d’être satisfait de mon futur bonheur en découvrant mon présent. Non, là c’était plus sournois. Vous savez ces sourires faits par les vilains dans les films de super-héros, quand ils pensent qu’ils vont enfin se débarrasser de leur éternel Némésis ? C’était exactement le même type de sourire. Malgré tout, je me disais à cet instant que je me faisais des idées, et j’ai déballé mon cadeau. Comment exprimer mon étonnement quant à la teneur du contenu ? Je ne comprenais pas. C’étaient des menottes et ce qui ressemblait à un bâillon en cuir tressé, ainsi qu’une sorte de corde faite de filins métalliques. Je relevais la tête, interrogeant Beverly du regard pour qu’elle me dise ce que signifiait cette bizarrerie, quand j’ai entendu à ce moment Grayson me dire que j’allais vite comprendre. J’ai eu tout juste le temps de me retourner dans sa direction pour le voir brandir une batte de baseball qu’il venait vraisemblablement de sortir de derrière le sapin, ou en tout cas à proximité de là où il se trouvait.

 

J’ai cru entendre des milliers de cloches à l’impact du coup. Je chancelais, mais je parvenais quand même à ne pas tomber, malgré la douleur. Cependant, un deuxième coup, plus violent encore que le premier, me fit m’affaler au sol et me faisant sombrer dans l’inconscience. J’ai été réveillé un peu plus tard par Trudy, me demandant de sortir de ma petite sieste, car elle et sa famille allaient m’offrir mes vrais cadeaux. J’ai ouvert les yeux, et j’ai vu l’ensemble des membres des Torwing habillés à la manière des bourreaux du moyen-âge. Portant des cagoules noires sur la tête. En dehors de Trudy que je savais près de moi, et de Grayson, dont la taille était différente de ses parents, je ne savais pas très bien qui était Gary et qui était Beverly sous leurs accoutrements dignes d’un film de mauvais goût dédié à d’anciennes techniques d’interrogatoire. Je ne pouvais pas parler car ma bouche était parée du bâillon de mon “cadeau” ouvert peu de temps avant. Mes mains étaient attachées par les menottes qui se trouvaient aussi dans le paquet, et reliées à une chaîne, elle-même fixée au mur. Je manifestais par des marmonnements mon désir de savoir à quoi rimait cette mascarade, quand Grayson a débuté les hostilités en me tailladant le visage à l’aide d’une sorte de dague, tout en ricanant comme un névrosé sorti de l’asile.

 

Dans le même temps, Trudy, reconnaissable à son rire que j’avais entendu plus tôt dans la soirée avant que je ne me retrouve dans cette situation, s’affairait à m’arracher la peau du cou avec je ne sais quel instrument. Je sentais bien qu’elle y prenait un grand plaisir. Grayson s’attaquait à mon bras gauche, pendant que Trudy continuait sur sa lancée en écorchant mon épaule droite. Puis, ce fut à Gary, ou Trudy, je ne savais pas lequel des deux à ce moment, de me décocher un violent coup de poing dans l’estomac, ce qui me fit gerber une partie de ce que j’avais mangé lors du repas. Vu la force du coup, je ne pouvais que supposer qu’il s’agissait de Gary. Son épouse s’est alors approchée à son tour, s’accroupissant, tenant une sorte de tenaille dans la main. Je ne m’en étais pas aperçu, trop affairé à tenter de comprendre ce qui se passait l’instant d’avant, mais mes pieds avaient été délestés de leurs chaussures. Beverly se mit alors à tirer sur mes ongles avec sa tenaille. Dire que je ressentais d’intenses douleurs serait un euphémisme, tant la souffrance ressentie était indéfinissable.

 

Pendant ce temps-là, le caméraman ne manquait rien du “spectacle”, pendant que sa compère veillait bien à ce que mes cris marmonnés soient enregistrés correctement, en se mettant le plus près possible de la scène du supplice. Le petit jeu dura jusqu’à ce que je m’évanouisse. A demi-inconscient, j’ai entendu la voix de Gary indiquer qu’ils faisaient une petite pause avant de reprendre d’ici une petite heure, puis j’ai sombré. Plus tard, on m’a sorti violemment de mon sommeil à coups de gifles et d’un seau d’eau versé sur ma tête. Là, Gary, le sourire aux lèvres, m’a expliqué la raison de leur petit jeu. Son père était au plus mal depuis plusieurs mois. C’était un ancien tortionnaire spécialisé dans les interrogatoires “musclés”, agissant au secret pour le compte de personnes diverses. Son rôle était d’obtenir des aveux de la part de personnes soupçonnées d’être des espions pour le compte de puissances étrangères, de posséder des secrets industriels, d’être les seules à connaître l’emplacement d’une grosse somme d’argent suite à une succession n'ayant pas été acceptée par d’autres membres d’une même famille, ou encore des détenteurs de formules scientifiques intéressant des groupuscules appartenant à des organisations criminelles. Tout ce qui nécessitait d’obtenir des informations.

 

Eckhart, le père de Gary, était une sorte de “travailleur freelance” dans le domaine, se faisant grassement payer pour ses services par nombre de clients, y compris les services secrets américains. Il était connu pour son sens aigu du secret et sa discrétion lors de ses interrogatoires. Un homme fortement apprécié pour son efficacité. En 20 ans de “métier”, il n’a jamais failli à sa réputation, obtenant toujours ce qu’il voulait pour satisfaire ses clients, fort de son expérience préalable au sein de l’armée américaine, où il avait effectué, de manière non-officielle, les mêmes fonctions. Avec le temps, Eckhart a appris à aimer ce qu’il faisait, il prenait du plaisir à chaque contrat. Il a toujours caché ce qu’il faisait à son fils et sa famille. Mais dernièrement, on lui a déclaré qu’il était en phase terminale d’un cancer des poumons, après avoir longtemps lutté seul pour combattre le mal qui le rongeait. Apprenant cela, Gary a accepté de répondre aux dernières volontés de son père, tel que ce dernier les a désignées. Il l’a fait sortir de l’hôpital afin qu’il vive ses derniers instants dans sa maison. Il reste sous la surveillance d’un infirmier. Ce dernier était en fait son assistant qui le suivait dans ses opérations d’interrogatoire, chargé de soigner juste ce qu’il fallait les blessures des victimes d’Eckhart, afin que ces dernières restent dans un état suffisant pour obtenir les aveux.

 

C’était une personne fiable en qui le père de Gary avait toute confiance, et il ne voulait personne d’autre pour être auprès de lui afin de lui prodiguer les soins dont il avait besoin. Gary a appris à ce moment le lourd secret des activités de son père et ce dernier lui a alors fait une demande singulière. N’étant plus en état de continuer ce qui était pour lui presque une passion, il voulait que son fils lui fournisse des vidéos de personnes subissant des techniques d’interrogatoire telles qu’il en avait le secret. Bien que réticent au départ, Gary, voyant la détresse dans le regard de son père, ce dernier ne supportant plus de ne plus pouvoir rien faire de ses mains, il a fini par accepter. Lars, l’assistant d’Eckhart, a enseigné à Gary les techniques secrètes d’interrogatoire qu’il devrait effectuer et faire filmer. Profitant de son statut, Gary a soudoyé deux employés de la chaîne de télévision spécialisée dans sa médiatisation personnelle, pour qu’ils acceptent de filmer ces séances privées auprès de personnes dont personne ne se soucierait, avec l’excuse de festivités particulières. Ne pouvant cacher cette activité à sa famille, Gary, avec l’accord de son père, a parlé de son projet à son épouse et ses enfants.

 

Bien qu’offusqués au départ, comme Gary l’avait été à la demande de son père, ils ont fini par accepter d’assister aux séances. Ceci afin de respecter les volontés d’Eckhart, et dans un souci de solidarité familiale. Au fur et à mesure, Grayson a exprimé son désir de participer, puis Trudy. Malgré son désaccord de voir ses enfants devenir des êtres violents, Beverly a dû baisser pavillon devant les étincelles dans les yeux qu’arboraient Trudy et Grayson, et a même pris goût à regarder des pauvres hères se faire tabasser à mort durant des heures dans la cave de leur maison, pendant que le tout était filmé, sous l’anonymat de tenues spéciales. Ces tenues, c’était la particularité d’Eckhart. Il portait le même type d’accoutrement lors de ses interrogatoires. Ce qui lui avait valu dans ce milieu fermé le surnom de “Bourreau”. A son tour, Beverly a voulu tenter de faire comme son époux et ses enfants, et est devenu accro à la pratique. Les Torwing “invitaient” des SDF, cibles parfaites pour leurs petites exactions privées, pour des raisons à chaque fois différentes. Le plus souvent de manière discrète, en prospectant dans la rue, et en offrant une soirée digne d’un roi aux sans-abris, le temps d’un soir ou d’un week-end.

 

Trop heureux de cette opportunité, ces derniers acceptaient avec joie, tombant dans le piège tendu. Ce Noël, c’était la première fois que les Torwing organisaient leur pratique à ciel ouvert, en faisant une annonce publique d’invitation. Une forme de test pour ne plus à avoir se cacher pour trouver de nouveaux “volontaires”. Personne ne s’inquièterait de la soudaine disparition d’un SDF après coup, vu qu’il y aurait une vidéo officielle pour montrer tout le bonheur de celui-ci lors de la soirée, et diffusée en grande pompe à la télévision locale. C’était ce qui serait montré à partir de la première carte mémoire. L’autre carte, changée après le repas, servant à filmer les séances destinées à être confiés à Lars, qui les montreraient à Eckhart. Ces vidéos étaient à ce dernier ce que d’autres ressentaient en regardant un film. Du plaisir de passer une bonne soirée. Eckhart avait à ce jour une bonne trentaine de vidéos fournies par son fils. Quand aux cadavres, c’était Lars qui se chargeait de les faire disparaître. Quand celui-ci venait récupérer les vidéos, il emmenait les corps, discrètement, profitant de l’obscurité de la nuit, en les plaçant dans une camionnette aux couleurs opaques et sombres. Toujours dans un souci de discrétion. Gary n’a jamais su de quelle manière Lars faisait s’évanouir les corps des victimes.

 

 J’étais sous le choc des révélations que Gary venait de me faire. Il me disait alors que s’il me confiait tout ça, c’était par pure malice. Il était persuadé que je ne pourrais jamais rien révéler. Alors il jouait avec mes nerfs pour me déstabiliser encore plus en m’annonçant ce qui m’attendait : une mort lente et douloureuse, effectué par une famille soudée et désireuse d’accomplir le souhait d’un homme mourant. Quand il eut fini, je souriais, riant même. Surpris par ma réaction, Gary me demandait la raison de mon hilarité. Je lui posais alors une question : connaissait-il l’existence des traceurs sous-cutanés ? Ces petits appareils miniaturisés qu’on glisse sous la peau pour suivre le parcours d’une personne infiltrée ? Devant son désarroi, je lui précisais que dans le cadre de ces opérations, toute détérioration ou destruction de ce traceur entraînait systématiquement l’intervention d’une escouade armée pour se rendre compte de la raison de l’arrêt de signal de l’appareil. Ce qui pouvait signifier la mise en danger de l’infiltré et la découverte du dispositif par la cible de l’enquête.

 

Toujours souriant, j’informais Gary que je n’étais pas un SDF. J’étais lieutenant d’une section policière chargée de comprendre la disparition étonnante de plusieurs sans-abris depuis plusieurs mois. Tous ayant eu en commun d’avoir été invités pour des soirées mémorables par un inconnu costumé. C’est ce qu’ont indiqué d’autres SDF ayant été témoin des invitations. Contrairement à ce que pensait Gary, il était loin d’avoir été aussi discret qu’il le pensait lors de ces escapades. Et surtout, l’un de ces disparus était mon propre frère. Il avait été expulsé de chez lui il y avait de cela 3 mois. J’avais l’habitude de lui envoyer habits et nourriture, ainsi qu’un peu d’argent, à des commissariats où il pourrait se rendre pour les réclamer. Je prévenais les policiers pour qu’il puisse reconnaître mon frère quand il se présenterait.

 

Mon frère avait la bougeotte, et surtout il avait peur d’être vu par des personnes qu’il avait connu avant sa “chute”. D’où son besoin de se déplacer souvent de ville en ville. Il avait toujours refusé que je lui paie le loyer pour un appartement, et il ne voulait pas que nos parents soient au courant de ce qu’il subissait. Il avait trop honte de leur avouer. C’était notre petit secret. Il avait accepté que je l’aide, comme dit précédemment, à force d’insister. Tout comme le fait de porter sur lui un téléphone portable pour que je puisse lui indiquer à quel commissariat se rendre en mon nom. Et puis, un jour, il ne s’est pas rendu à l’un d’entre eux pour récupérer ses affaires, comme d’habitude, alors que ses différents périples l’avaient ramené à notre ville brièvement. Etonné de son silence, j’ai mené mon enquête, et découvert qu’il y avait eu d’autres volatilisations soudaines. Comme il s’agissait de SDF, personne ne s’était inquiété de ces disparitions. J’ai rapproché tout ce que je pouvais comme informations, et j’ai fini par avoir certains détails sur la tenue de l’inconnu approchant ces SDF. Ce qui m’a mené à soupçonner la famille Torwing. A cause d’une paire de chaussures porté par Gary lors de ses excursions à la recherche de futures victimes.

 

Des chaussures particulières, un modèle unique, créé spécialement par une grande ligne de boutiques, spécialisée dans les souliers de luxe. Il y avait un signe distinctif : un dessin en forme de fleur de lys sur le dessus. Les Torwing descendaient d’une lignée de nobles français s’étant établie en Amérique il y avait longtemps de ça. La fleur de lys faisait partie de l’armoirie figurant sur tous les documents et contrats qu’ils faisaient établir. A partir de là, il fut aisé de comprendre que cette famille était mêlée de près ou de loin à toute cette affaire. J’ai donc joué le rôle de mon frère, en me faisant passer pour un SDF nouvellement arrivé, et en adoptant les vêtements qui auraient dû être les siens avant qu’il disparaisse mystérieusement. A ce titre, je me suis fait installer un traceur sous la peau. L’idée était de me faire remarquer pour bénéficier d’une “invitation”, et savoir ce qu’il advenait des disparus. Le reste, Gary savait ce qui en était. Je précisais que comme Grayson avait détruit mon traceur en tailladant mon bras, en ce moment, il était certain que mes hommes étaient sur le point de débarquer d’un instant à l’autre au sein de leur maison.

 

Je l’informais aussi que, même s’il me faisait disparaître comme les autres, après avoir filmé sa petite vidéo mortelle, il n’aurait pas le temps de cacher mon corps chez lui, à défaut de pouvoir le fournir à Lars, comme les précédentes victimes. D’autant que mes hommes fouilleraient de fond en comble la maison, et ne repartiraient pas avant de me trouver. Que je sois vivant ou à l’état de cadavre. A cette nouvelle, Gary voulut une preuve de ce que j’avançais. Une preuve de l’existence de mon traceur. Je lui disais donc de regarder là où son fils m’avait bousillé le bras : il devrait trouver une boursouflure. En dessous, il trouverait le dispositif abîmé par son fils. Paniqué, Gary s’exécuta, pendant que Beverly, Trudy, Grayson, et les deux membres de la petite équipe chargée de filmer, revenaient au sein de la cave quittée auparavant quand je m’étais évanoui, et demandant ce qui se passait. Gary était comme fou, il m’a écorché le bras sur une bonne partie de sa longueur pour vérifier ce dont je lui avais parlé. Il a finalement trouvé le traceur, coupé en deux par les déflagrations de son fils. Il s’est effondré sur le sol, les yeux dans le vide, ne répondant pas aux appels de Beverly qui s’inquiétait de son état et son silence. Elle me criait dessus, voulant savoir ce que je lui avais dit pour le rendre amorphe de la sorte. Je me contentais de dire qu’elle saurait ce qui en est bien assez tôt.

 

Trudy et Grayson, furieux, se sont acharnés sur moi, pendant que Beverly tentait de faire “revenir” son mari. Le caméraman ne filmait plus, semblant comprendre plus ou moins que ça sentait le roussi. Une demi-heure plus tard, mes hommes ont déferlé dans la maison. Malgré la demande de Beverly à tout le monde de se taire, elle n’a obtenu qu’un répit : enfermés dans la cave, sans espoir de s’en sortir, les Torwing et leurs deux complices ont finalement vu mes hommes arriver, me retrouvant dans un état proche de la mort. Je n’ai dû ma survie qu’à leur réactivité immédiate, appelant les secours pour me transporter d’urgence à l’hôpital le plus proche. Je suis resté plusieurs jours en observation, après avoir subi je ne sais combien d’heures au sein de la salle d’opération. J’ai appris par la suite que les Torwing avaient tous été mis sous les verrous. Gary et Beverly ont été incarcérés dans une prison d’état. A mon réveil, j’ai pu témoigner de ce que j’avais appris. Une équipe a été envoyée au domicile d’Eckhart. Arrivé sur place, elle n’a trouvé que deux cadavres : Eckhart avait été égorgé par Lars, ce dernier ayant fait de même sur lui. Durant le laps de temps où j’étais dans un état comateux à l’hôpital, après l’intervention des médecins sur mes multiples blessures, ils avaient dû apprendre que toute la famille Torwing et leurs deux complices avaient été démasqués. Pour ne pas subir la honte d’une arrestation, Eckhart avait dû exiger de son infirmier et assistant de lui ôter la vie, sans savoir qu’il se donnerait la mort aussi après coup.

 

Le procès des Torwing a fait la une des médias durant plusieurs mois. Mon témoignage sur leurs actes, avec mes blessures comme preuve, auquel se sont rajouté les aveux de Gary, qui a craqué en apprenant la mort de son père, tout ça a passionné le public, et je suis devenu bien malgré moi un héros. Vous vous souvenez de ce que je vous avais dit sur la confiance au début de mon récit ? Vous voyez comme il est facile de tromper les gens. Je vous ai fait croire dès le début que je n’avais été qu’une victime s’étant sorti in extrémis d’une situation compliquée, ce qui est le cas en un sens. Cependant, je vous ai affirmé que j’étais un SDF depuis longtemps. Ne mentez pas : vous avez cru à ce passage. Sans retenue. Dans toute cette partie, en fait, je parlais de mon frère. Je me suis substitué à lui pour vous montrer à quel point il n’y a rien de plus simple que de berner quelqu’un en jouant sur la corde sensible, sur l’émotion. C’était le but de la manœuvre : au même titre que les Torwing, des dérangés complets se servant de l’excuse de respecter les dernières volontés d’un mourant pour justifier les actes horribles dont ils étaient coupables, j’ai menti de manière subtile, arrondissant les angles, créant un masque suffisamment solide pour que tout ceux m’ayant écouté y croient dur comme fer.

 

Ah je ne vous ai pas indiqué le destin des deux enfants de la famille. Grayson est devenu complètement barge en voyant mes hommes, de ce que je sais. Il s’est rué sur eux, arme à la main, et a dû être abattu sur place.  Beverly a hurlé et trois gars ont été nécessaires pour la calmer et la faire sortir de la cave. Elle a dû subir une thérapie dans une clinique avant d’être transférée à la prison d’état où se trouvait son mari. Quant à Trudy, elle est devenue quasiment un légume à la suite de ça. Elle n’a plus dit un seul mot depuis l’arrestation. D’après mes hommes, il n’est même pas sûr qu’elle ait compris qu’on l’emmenait. Les médecins de l’institut où elle a été placée ne sont pas trop optimiste sur son devenir : elle a eu un tel traumatisme en voyant son frère mourir sous ses yeux, se rajoutant au fait de comprendre que sa jolie vie familiale était anéantie, qu’ils doutent qu’elle retrouve un jour une stabilité mentale. Tout ça est arrivé à cause d’une confiance. Celle d’un père persuadé que son fils saurait lui faire retrouver les sensations qu’il avait perdu en ne pouvant plus pratiquer lui-même un métier particulier. Celle d’une mère et de deux enfants voulant faire plaisir à celui qui représentait l’image du père et du mari idéal. Celle enfin de deux techniciens pensant gagner de l’argent facile en se taisant sur les secrets d’activité monstrueux d’une famille connue, et persuadés qu’ils ne risqueraient jamais rien du côté de la justice, car se pensant protégés par ces “intouchables”.

 

Vous voyez ? La confiance est une arme. La plus terrible qui soit. On mesure difficilement les conséquences qui peuvent arriver quand on fait confiance à quelqu’un et qu’on se retrouve pris dans l’engrenage du mensonge, de la trahison. Réfléchissez bien avant d’accorder votre confiance à une personne de votre entourage. Que ce soit un membre de votre famille, un ami d’enfance ou un simple contact avec qui vous aimez discuter et plaisanter régulièrement sur les réseaux sociaux : aucun d’entre eux n’est infaillible à 100 %. On ne connaît jamais assez les gens. Ne faites confiance à personne, sauf à vous-même. Et encore. Il m’arrive parfois de douter de mes propres résolutions et de mes choix. Et vous ?

 

Publié par Fabs