30 oct. 2023

KRIEGERISHER WOLF PROJEKT-Partie 2 : Le Territoire des Loups-Guerriers

 


Au centre de la pièce se trouvait une grande table comme on en voit dans les salles de chirurgie des grands hôpitaux. Métallisée, comportant sur les côtés des sangles épaisses en cuir fixées à la table. Les nombreuses traces de sang figurant sur sa surface ne laissaient aucun doute sur son utilisation, et je ne pouvais m’empêcher de penser aux sinistres travaux de Josef Mengele dans le cadre de l’expérimentation humaine. J’avais eu l’occasion de voir le résultat de certains « tests » à Auschwitz à une époque, et bien que soldat aguerri, je n’avais pu réfréner des hauts le cœur en voyant les monstruosités qu’il avait pratiqués sur les prisonniers lui servant de cobayes.

 

Je ressentais le même sentiment de malaise ici, bien que m’employant à ne pas le montrer à Hans et Alix. L’endroit était parsemé de meubles divers remplis d’instruments ensanglantés sur des tissus tout aussi imprégnés de taches de sang séchées, dont un grand nombre m’étaient inconnus, me faisant me demander quelles pouvaient bien être leurs fonctions exactes en dehors de déchirer des corps. Il y avait des multitudes d’autres formes de matériels, des armes au mur, et partout où je regardais on voyait des dizaines de pages écrites parsemant le sol, et des vestiges de ce qui avait sans doute été des éprouvettes ou quelque chose d’assimilé, totalement brisées. Le craquement du verre sous nos pieds formait une série de sons se rajoutant à l’atmosphère pesante qui englobait la pièce. Mais ce qui nous interrogea le plus, ce fut la présence d’une sorte de grande arche vers le fond de la pièce, dont la fonction nous échappait.

 

Cependant, ayant cru comprendre que les scientifiques travaillant ici étaient spécialisés dans l’étude des dimensions parallèles à la terre, ouvrant vers d’autres mondes, il était aisé de deviner que cette arche avait dû servir de portail menant à ces derniers. Il y avait des traces de coups à plusieurs endroits, ayant abîmé les boutons de l’espèce de panneau de contrôle rattaché à cet étrange appareil de forme rectangulaire, occupant tout l’espace du fond de la pièce Sur les côtés figuraient des grandes machines munies de centaines de voyants, de touches, de leviers, d’écrans. Ainsi que ce qui s’apparentait à un sonar de sous-marin.

 

Là aussi, il y avait des marques typiques d’une tentative de destruction de tout cet arsenal technologique comme jamais je n’en avais vu auparavant. En tout cas, pas d’aussi complexe. Certains leviers avaient été arrachés, jetés sur le sol, des morceaux de verre étaient disséminés sur les pupitres, des écrans étaient brisés, et on voyait très nettement des brûlures par endroits, indiquant qu’un incendie, sans doute provoqué par les nombreuses marques se voyant partout, s’était déclaré. On pouvait d’ailleurs remarquer des cendres à d’autres endroits du sol. A première vue, des carnets ou des livres avaient été détruits par le feu eux aussi. Tout ça montrait très clairement que la ou les personnes qui étaient ici avaient tentés de détruire toute cette installation, y compris l’arche. Soudain, alors qu’Alix et moi étions fascinés par ce curieux enchevêtrement mécanique et de câbles reliant les pupitres au portail qui jonchaient le sol également, nous entendîmes Hans s’exclamer :

 

Hans :

Was ist das ? [Qu’est-ce que c’est ?]

 

Nous nous retournions alors, et on voyait ce qui avait surpris le soldat, qui avait toujours montré jusqu’ici les preuves d’une force de caractère puissante, propre à un soldat du 3ème Reich et n’ayant peur de presque de rien, depuis le temps qu’il avait vu toute sorte d’étrangetés en notre compagnie. On avait senti un tremblement dans la voix, inhabituel de sa part, ce qui n’avait pas manqué de nous étonner et nous avait incité à nous diriger vers lui immédiatement. Ce fut à  notre tour d’être en position de surprise.

 

Fixé au mur avec des chaînes, se trouvait un squelette des plus singuliers. Une sorte d’amalgame entre un humain et un animal. Si le crâne, le torse et les bras semblaient bien être ceux d’un humain, tout comme une infime partie du visage, en revanche les os arqués des jambes, la forme des pieds et des mains, et plus encore ce qui s’apparentait à un museau en lieu et place de la bouche du nez, ainsi que la partie inférieure de la tête, étaient plus proches d’un… loup. C’était ça. Ce squelette avait toutes les caractéristiques d’un homme-loup, le lycanthrope présent dans plusieurs légendes de l’Europe, mais en même temps très différent. Les mythes traitant de ce type de créature indiquaient des transformations totales des humains atteint de ce mal les métamorphosant en animal avide de chair et de sang, prédisposé à tuer ceux se trouvant sur son chemin. Tandis que là, on avait l’impression que cette… chose avait vu sa mutation se figer, au vu du mélange homme/animal que l’on pouvait apercevoir.

 

Major Rosenhoff :

 - Vous pensez la même chose que moi, je pense, tous les deux ?

 

Andreas :

Que cette créature vient d’un autre monde ? Qu’elle a été ramenée via ce portail au fond de la pièce, celui qu’on vient de voir ?

 

Major Rosenhoff :

Exactement… Aussi dingue que ça puisse être, il est évident que ce squelette est une monstruosité venue d’une dimension autre que la nôtre… Himmler serait fasciné par ça, j’en suis persuadée. Bien qu’il n’aurait sans doute pas apprécié le fait qu’on fasse souffrir un animal, quel qu’il soit…

Se retournant vers Hans qui touchait le squelette :

Ne touchez à rien Hans ! Tant qu’on n’en sait pas plus sur tout ça, je pense qu’il vaut mieux agir avec prudence…

 

Je n’étais pas sûr de moi à ce moment, raison pour laquelle je n’ai rien dit à Alix, mais il m’avait semblé qu’Hans cachait sa main gauche, de façon à ce qu’on ne voit pas quelque chose s’y trouvant. Comme une marque de griffures. Cela aussi faisait partie des particularités de la chose enchaînée au mur. Ses mains, ou plutôt ses pattes, étaient constitués de longs doigts se terminant par de longues structures osseuses, propres à des griffes. Je voyais aussi Hans semblant s’appliquer à cacher du pied un élément au sol, sans doute du sang résultant de sa probable blessure, et il semblait nerveux.

 

Néanmoins, au même titre qu’Alix, j’étais curieux de savoir quels mystères cette pièce nous réservait encore. C’est alors que cette dernière mit la main sur ce qui semblait être un journal. Il y avait un titre évocateur : « Kriegerischer Wolf Projekt ».  La couverture comportait des traces de griffures et du sang. D’ailleurs, on avait remarqué d’autres traces brunâtres un peu partout sur les appareils et les murs, comme s’il y avait eu une lutte ici, et expliquant le désordre ambiant. Immédiatement, Alix m’a demandé de lire la dernière page du journal, histoire d’y trouver une explication à nos interrogations, pendant qu’elle farfouillait d’autres documents :

 

« 15 Avril 1943. Je n’ai pas eu le choix. J’ai dû tuer mon bien-aimé Patrick. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas trouvé le moyen de le rendre à son état humain. Je n’ai pas pu isoler le gêne entraînant la mutation. Je ne supportais plus ses yeux embués de larmes, enfermés sous la carapace de ce monstre, au sein de sa cage. Comme les autres cobayes avant lui. Ceux-là même dont deux avaient réussis à s’enfuir hors de la maison, défonçant en partie la porte d’entrée, et les vitres du rez-de-chaussée. Les gardes ont réussi à les abattre à temps, avant qu’ils ne sèment la panique aux alentours, et alertent sur ce que nous faisons ici.  J’ai commis l’erreur de croire que je pourrais maîtriser la bête qu’était devenue Patrick. Je pensais avoir réussi à réveiller sa part humaine. Il avait même commencé à donner des signes indiquant qu’il me reconnaissait. Mais ce n’était qu’un leurre. A peine libéré de sa prison, il s’en est pris aux deux soldats SS chargés de nous surveiller présent à mes côtés. Ce qu’il leur a fait… Je préfère ne pas l’écrire, tellement c’est horrible. J’ai honte de moi : en tant que médecin, j’aurais dû tout tenter pour sauver ces hommes, m’employer à remettre Patrick dans sa cage. Mais j’avais peur.

 

La mutation agit plus rapidement suivant le nombre de blessures. Et il était déjà trop tard pour les soldats au vu de l’attaque dont ils avaient été victimes. Les cris des soldats, les hurlements de celui qui avait jadis été mon époux ont alertés les autres gardes, qui sont arrivés à leur tour dans la pièce. En voyant que leurs camarades montraient des signes de transformation, avant même qu’ils deviennent eux aussi des monstres, ils n’ont pas eu le même ressentiment que moi envers Patrick : ils les ont abattus, logeant plusieurs balles dans leur crâne. Ils ont bien tiré sur celui qui était la cause du changement de leurs camarades, mais ils étaient tellement terrorisés qu’ils n’ont pas pu viser la tête, et ils ont subi le même sort. Contrairement aux deux premiers, je n’ai fait qu’entendre leurs cris de souffrance et d’agonie. Durant le temps où ils subissaient ce déferlement de violence sur leur corps, j’ai pu décrocher un fusil dans l’autre pièce, et l’armer. Je n’ai jamais autant pleurée de toute ma vie. Patrick s’est écroulé devant moi en recevant la balle dans la tête que je venais de tirer. Avant de mourir, bien qu’il semblât avoir perdu la faculté de parler, tout en revêtant un semblant de forme humaine, j’ai croisé son regard. J’ai eu l’impression qu’il me pardonnait mon acte. J’ai pleurée de plus belle. Quand il a fermé les yeux, j’ai eu moins de difficulté à tirer sur les autres soldats en phase de mutation. 

 

16 Avril 1943. Je ne comprends pas vraiment la raison, mais les soldats blessés par Patrick, bien que morts, ont continués leur transformation, prenant les caractéristiques de cette maudite créature qui a franchi le portail dimensionnel. A mi-chemin entre l’humain et le loup. Je ne sais pas quoi faire. La radio des soldats a été détruite lors de leur confrontation avec Patrick. Je n’ai pas de moyen de communication. Je ne peux prévenir personne. J’aurais voulu expliquer que ce n’était pas ma faute à celui qui est la cause de toute cette folie. Je ne veux pas qu’il tue mes enfants. J’ai déjà perdu mon époux.

 

17 Avril 1943. Je crois que je vais devenir folle. Je ne m’en suis pas aperçue tout de suite. Sans doute à cause de la douleur de la perte de Patrick et le désespoir de ne pas pouvoir contacter le secrétariat d’Himmler. Si je ne parviens pas à lui parler très rapidement, il va croire qu’on a échappé à la vigilance de ses soldats, et qu’on s’est enfui. Et il tuera caroline et pierre. Mais il y a pire que ça. Enfin, ce n'est peut-être pas la meilleure expression à adopter. Rien ne peut être pire que la possible perte de ses enfants. Une minuscule trace de griffure au niveau du coude. Sûrement un « souvenir » de Patrick. Vu son emplacement, ça ne m’a pas sauté aux yeux. Je vais devenir comme « eux ». La griffure est très petite. Ce qui veut dire que la mutation va s’étaler sur plusieurs jours. Comme les premiers cobayes. Ceux qu’on mettait en contact direct avec cette créature. Ça me laisse le temps de mettre fin à cette aberration, ce projet et ses conséquences. On ne peut pas les contrôler. Je n’ai pas les mêmes compétences que Patrick pour mettre au point un produit permettant de soumettre ces monstres à une volonté. Une fois atteint par le mal, on devient des machines à tuer vivantes, ne cherchant qu’à augmenter sa meute.

 

18 Avril 1943. J’ai pris la décision de tout détruire. Je sais que je vais en souffrir, mais je sais que je ne verrais plus jamais mes enfants. J’espère qu’ils ne souffriront pas trop lors de leur exécution, qui semble inévitable désormais. Cela fait trop longtemps qu’Himmler est sans nouvelle du projet. Je suis sûr qu’il a déjà tenté de contacter ses hommes. En l’absence de réponse, il n’est pas difficile de comprendre qu’il a appliqué ses menaces concernant caroline et pierre. Je pourrais mettre fin à mes jours, mais jamais je n’en trouverais le courage. En tout cas, pas avec une arme. Prendre la décision de tuer Patrick m’a déjà été douloureux. Appliquer la même sentence sur moi, je sais que je ne pourrais pas.

 

19 Avril 1943. Je vais quitter cette maison et tenter de trouver un endroit où je pourrais mourir des pattes d’un animal sauvage. Je ne vois que ça pour résoudre le problème que constitue mon état. En espérant être dévoré pour ne pas nuire. J’ai pu constater à quel point les facultés de régénération de ces créatures dépassent tout ce qu’il est possible de concevoir. Seule la destruction du cerveau est efficace. J’ai brûlé tous mes travaux. Personne d’autre ne sera capable d’ouvrir le portail. Je voulais détruire le squelette aussi, mais ces choses n’en finissent pas de me surprendre dans le mauvais sens. Le feu ne les atteint pas, les températures très basses non plus. Ça ne fait que les ralentir un peu. Il n’y a que les lames d’arme blanches ,et les balles à pouvoir pénétrer la carapace que constitue leur épiderme. Et il faut que ce soient des balles particulières, telles que celles que Patrick a conçues. Il ne m’en reste que 4. Je ne sais pas comment en refaire.

 

20 Avril 1943. Je m’en vais sans regrets. J’ignore de quoi demain sera fait. Plus jamais quelqu’un ne doit accéder à ce monde. De ce que j’ai vu, seules les créatures vivantes peuvent transmettre le mal. J’espère ne pas m’être trompée. Ce sont mes derniers mots. A ceux qui liront ce journal, quel qu’ils soient, je vous en conjure : ne commettez pas la même erreur. Manipuler les mondes, créer des monstres pour gagner une guerre, c’est la pire idée qu’il puisse y avoir. Adieu.

 

Charlotte Tronheim. »

 

Major Rosenhoff :

Je vois… Voilà qui explique bien des choses… Donnez-moi ce journal Andreas. Je pense que l’intégralité de sa lecture m’apportera les éléments à savoir sur le déroulement de ce qui est arrivé ici dans les détails. Himmler devrait être intéressé également…

Voyant Hans rester appuyé sur le mur où se trouvait le squelette, elle s’adressa alors à lui :

Hans, vous allez bien ? Vous êtes blanc comme un linge…

 

Hans :

Oui… Enfin, je crois… Je… Je ne sais pas ce que j’ai… Excusez-moi Sturmbannführer… Je n’ai pas été franc… J’ai commis une erreur… J’avais peur de votre réaction après avoir vu ce que vous aviez fait à Günther…

 

Andreas :

Je crois comprendre… Vous avez touché le squelette n’est-ce-pas ? Ses griffes je parie…

 

Hans ne disait rien, mais son silence était éloquent…

 

Major Rosenhoff :

Ich habe die schnauze voll ! [J’en ai assez !] Blödian ! [Abruti !] Vous m’aurez vraiment tout fait ! Si vous n’étiez pas dans un tel état, je vous aurais fait comprendre ce que veut dire « ne pas toucher ». Esel ! [Ane Bâté]

S’adressant à moi :

Andreas ! Ramenez cette andouille dans la pièce principale. Installez-le sur le sol en attendant. Demandez à Gerhard de le surveiller, et cherchez un matelas, des couvertures, tout ce qui peut permettre de le coucher. Quand ce sera fait, vous irez avec Gerhard en chercher d’autres pour nous… Gib daz ! [ Dépêche-Toi !]

 

Je m’employais à aider Hans à rester debout, et, péniblement, je le ramenais de l’autre côté, après avoir confié le journal à Alix. Celle-ci nous emboitait le pas, avant de prendre les devants.

 

Major Rosenhoff :

Gerhard ! ça avance cette radio ? Vous avez trouvé ce qu’il faut pour la réparer ?

 

Gerhard :

Nein, Sturmbahnnführer [Non, Major] ! J’ai bien pu récupérer quelques éléments susceptibles d’être utile, mais ça va vraiment être très compliqué de réparer avec ça… Je vais faire ce que je peux, mais je ne garantis rien…

 

Major Rosenhoff :

Klären sie es ! [Débrouillez-vous] Avec ce qu’on vient d’apprendre, je dois faire mon rapport à Himmler le plus vite possible. Et surtout lui demander de nous sortir de ce pétrin en nous envoyant du renfort rapidement…

 

Gerhard me vit alors transporter un Hans étant au plus mal, tenant à peine debout, transpirant à grosses gouttes, et peinant à respirer. Immédiatement, il vint à notre rencontre :

 

Gerhard :

Oh, Mein Gott ! [C’est pas vrai] Hans ! Qu’est-ce que tu as ?

 

Andreas :

Je vous expliquerais plus tard. Occupez-vous de lui, installez-le du mieux que vous pouvez. Je vais tâcher de trouver ce qu’il faut pour l’allonger décemment… Et pour nous aussi…

 

Major Rosenhoff :

Cherchez aussi des médicaments ! Il doit bien y avoir de quoi faire baisser une fièvre dans cette maison ! Schneller ! [Plus Vite ! ] Quel imbécile ce Hans… Je suis entourée d’idiots finis. A part vous, Andreas bien sûr…

 

Les heures qui suivirent furent très tendues. Pendant qu’Alix consultait en détail le journal de Charlotte Tronheim pour en savoir plus, Gerhard et moi on s’était employés à mettre Hans en position confortable, sur le matelas que j’avais réussi à trouver dans la maison, avec plusieurs couvertures pour nous tous, à défaut d’autres matelas. J’avais aussi trouvé des médicaments, mais au vu du mal dont était atteint Hans, je doutais qu’ils servent à grand-chose. Alix était devenue nerveuse, et chaque contrariété était sujet à passer ses nerfs sur nous. Gerhard trimait comme pas possible sur la radio, mais avec le peu de matériel dont il disposait pour réparer, c’était quasiment mission impossible. Pour ma part, je restais au chevet d’Hans, dont l’état empirait d’heure en heure.

 

Malgré la tension, on a quand même fini par se coucher tard dans la nuit et à s’endormir. Le lendemain, on a pu s’apercevoir des premiers changements notables de Hans. Sa peau s’était durcie, se couvrant de poils épais, sa mâchoire commençait à s’allonger, tout comme ses doigts de mains et de pieds, ainsi que ses oreilles. Il passait son temps à gémir de manière quasi-continue, traversé de douleurs, se contorsionnant de partout, ce qui augmentait la tension déjà présente…

 

Major Rosenhoff :

On perd notre temps… J’ai lu tout le journal… Hans montre les signes évidents de mutation. Si on ne veut pas finir comme ceux qui étaient ici, on ferait mieux de l’achever… Regardez-le : c’est un futur danger. Il n’a déjà presque plus rien d’humain…

 

Gerhard :

Vous ne pouvez pas dire ça, Sturmbannführer ! Hans, c’est comme mon frère ! Il guérira, j’en suis certain…

 

Des mots qui accentuèrent l’agacement d’Alix, que je ne reconnaissais plus :

 

 Major Rosenhoff :

Au lieu de vous soucier d’Hans, occupez-vous de réparer cette foutue radio ! Elend assel ! [Misérable cloporte]

 

Pour ma part, j’avais pu trouver un peu de nourriture, et en voulant en donner un peu à Günther, qui s’était muré dans le silence depuis sa conversation « musclée » avec Alix, j’ai cru que cette dernière allait me tuer, me prenant une boite de corned-beef récupérée dans la cuisine que j’avais en main, la jetant au loin, les yeux injectés de sang.

 

Major Rosenhoff :

-   Lassen sie es ! [Laissez-le] Un traitre n’a pas besoin de manger ! Si je vous vois encore une seule fois tenter de lui donner ne serait-ce qu’une bouchée, je vous abats sur place avec lui… Cette petite merde devrait déjà être morte d’ailleurs… J’ai promis à Hans de le laisser le tuer, mais vu l’état dans lequel cet abruti se trouve, je devrais m’en occuper dès à présent…

 

Andreas :

Attendez au moins qu’Hans aille mieux avant de revenir sur votre décision. Si Hans se rétablit et qu’il voit que vous avez failli à votre parole, vous perdrez le respect qu’il vous témoigne désormais. Je sais à quel point vous étiez ennemis, mais il a changé depuis.

 

Alix me regardait, semblant indécise. Elle avait déjà son Luger en main, et l’avait pointé sur la tête de Günther, prête à tirer. Elle fixait mon regard quelques instants, avant de remettre son arme en poche.

 

Major Rosenhoff :

Très bien, Andreas. Je vais attendre encore 24 heures, juste pour vous faire plaisir. En témoignage d’amitié de notre passé commun. Passé ce délai, j’abattrais ce chien de Günther ! Keine einwände ? [Pas d’objection ?]

 

Andreas :

- C’est très clair, Sturmbannführer… Si demain matin Hans n’a pas retrouvé des signes de rétablissement, et se montre donc incapable d’accomplir sa tâche, je ne ferais plus preuve d’impudence, et vous pourrez tuer le traitre…

 

Major Rosenhoff :

Bien… Parfait, Andreas… Dites-vous que je vous fais une fleur pour cette fois. Mais s’il vous prend l’envie de me contredire à nouveau à l’avenir, quelle que soit la raison, je n’aurais aucune pitié à votre encontre. Habe ich mich richtig verstanden ? [Me suis-je bien fait comprendre ?]

 

Andreas :

 Sehr klar, Sturmbahnnführer [Très clair, Major]

 

Alix montrait un sourire satisfait, et retournait dans le petit coin qu’elle s’était aménagée, à l’écart de nos lieux de couche, afin de montrer son rang. Depuis le temps que je la connaissais, c’était la première fois que j’avais ressentie une vraie frayeur en sa présence. La trahison de Günther l’avait complètement transformée, et ce que nous avions découvert dans cette fameuse pièce où Hans avait contracté ce mal n’avait pas vraiment arrangé les choses. C’était même pire qu’avant. La Alix que je connaissais n’aurait jamais levé la main sur un de ses hommes, même pour une faute grave. Je la considérais comme un modèle de compréhension, pensant même qu’elle soit capable de pardon, chose rare pour un officier SS. Mais je m’étais trompé. Elle venait de montrer à quel point sa personnalité avait été façonnée par Himmler. Celle-ci s’était cachée pendant de longues années au fond d’elle, mis en retrait depuis sa rencontre avec Günther qui avait réveillé la fibre maternelle qu’elle refusait d’accepter.

 

Mais désormais, il n’y avait plus rien de cet Alix-là… Elle était devenue une pure SS. Peut-être même pire que ses homologues masculins. On ne connaît jamais vraiment les gens, et je le découvrais à cet instant. Gerhard ne disait rien, mais il ressentait la même peur que moi en présence d’Alix. Son expression quand elle lui avait crié dessus tout à l’heure, c’était de la terreur. Au même titre que moi il y avait quelques secondes, il avait craint pour sa vie, l’espace d’un instant. Lui qui suivait Hans dans son jeu de confrontation avec Alix, gagnant de la confiance, il était clair qu’il n’userait plus jamais de ce comportement. Si on sortait vivant de là, nos rapports avec notre Major, ce désormais inconnu au vu de la personnalité qui était en elle désormais, ne seraient plus jamais les mêmes. Mais pour l’instant, je me préoccupais plus de l’état d’Hans qui montrait de plus en plus les traits du visage des corps amassés dans la pièce où se situait la cage. Le loup prenait l’ascendant sur lui de manière exponentielle. Le lendemain, tout bascula. Après une nuit agitée, ou presque personne n’avait dormi du fait des gémissements de plus en plus importants d’Hans, le matin arrivé, on n’entendait plus celui-ci.

 

Pris d’inquiétude, je me levais en sursaut et regardais vers le lit de ce dernier. J’y trouvais un lit vide. Mais il n’y avait pas que ça. Les couvertures et le matelas étaient couverts de griffures, faisant sortir la bourre de la couche. Et… Et un grognement bien distinct se faisait entendre tout près de l’endroit où se trouvait Günther… Je regardais dans cette direction, et m’apercevais que Gerhard et Alix s’étaient rapprochés de moi, fixant le même endroit. Devant nous se trouvait la version en chair et en os du squelette que l’on avait vu dans la pièce du portail. Je crois qu’on a tous eu du mal à croire ce qui se trouvait devant nous. Mais il n’y avait pas de doute possible.

 

Hans avait laissé place à un lycanthrope, familièrement appelé loup-garou, posté en face de Günther qui affichait un air terrorisé, semblant nous demander de l’aide du regard. La bête qu’était devenue Hans se rapprochait encore plus, grognant de plus belle, pendant qu’Alix nous faisait signe de se rapprocher de l’escalier. Nos fusils, on les avait laissés près de la table où se situait la radio. Impossible de s’en rapprocher sans risquer de se faire attaquer par la créature. Et il y avait autre chose qui posait un problème. Le bouton. Le bouton qui permettait d’ouvrir les volets fermant toutes les issues de la maison. Il était juste derrière la chaise de Günther, juste derrière la créature.

 

Néanmoins, sur le coup, on n’avait pas vraiment le temps de réfléchir à ça. Rester dans cette pièce en présence de ce monstre, c’était voué à une mort certaine à plus ou moins long terme. Et alors, tout s’enchaîna. Les grognements furent remplacés par un hurlement terrifiant, ainsi que des cris de Günther, suivi d’un son de morsure, de mastication de la chair, de griffes s’abattant sur notre ancien compagnon. L’ancien traitre était réduit à un jouet pour ce loup hybride. Bientôt, il fut valdingué sur un côté de la pièce, toujours attaché sur sa chaise mais ne bougeant déjà plus, juste avant que le lycanthrope se jette sur lui et multiplie les attaques sur ce qui n’était plus qu’un tas de pâtée pour chien. Enfin pour loup en l’occurrence.

 

Gerhard a réagi plus vite que moi. Voyant l’opportunité qui nous était offerte, il a foncé droit vers le bouton d’ouverture, appuyant dessus, ce qui déclencha le système d’ouverture, dans un bruit cacophonique bien plus important que lorsqu’on l’avait entendu la première fois. Il revint tout de suite vers nous, sans pouvoir s’emparer d’un fusil, ceux-ci étant bien trop près de l’endroit où la bête se trouvait, et montrant un temps d’arrêt au vu du son des volets s’ouvrant dans la maison. Était-ce la peur qui fit modifier cette impression de son plus strident ? En tout cas, dès que Gerhard revint vers nous, il fonça directement vers l’escalier, sans se préoccuper d’autre chose. Je le suivais immédiatement, avec Alix juste derrière nous qui nous criait de courir le plus vite possible vers le haut de l’escalier.

 

 On a entendu d’autres grognements, plus intenses cette fois, alors que nous grimpions les escaliers, ouvrant la porte, et nous faufilant dans la maison. Les grognements s’intensifiaient, bien plus fort que tout à l’heure. Comme si… Comme s’il n’y avait pas qu’un seul monstre à nos trousses. Nous étions dans le couloir quand nos craintes se confirmèrent. Il y avait désormais un 2ème lycanthrope avec Hans. Le journal nous avait appris que plus les blessures par une créature étaient importantes, plus la phase de mutation s’accélérait. Et vu l’état de rage dont avait fait preuve Hans sur le pauvre Günther, cette phase avait sans doute battu tous les records de transformation.

 

Major Rosenhoff :

Los ! Los ! Avancez !] Je les retiens du mieux possible ! Ne vous occupez pas de moi !

 

Andreas :

-   Impossible Sturmbannführer : on ne peut pas vous laisser ici face à ces…

 

Major Rosenhoff :

C’est un ordre Sturmann ! Si vous ne partez pas immédiatement, je vous abats pour que vous ne subissiez pas de transformation ! Schneller !! [Plus Vite !]

 

Gerhard :

-   Sturmann ! On doit obéir ! C’est notre seule chance de survie ! On doit profiter de son sacrifice !

 

Je savais que les paroles de Gerhard étaient pleines de bon sens, mais mes jambes refusaient de bouger. Elles refusaient d’abandonner le Major, Alix. Je ne pourrais jamais lui avouer ce que je ressentais pour elle après cette foutue guerre. Comme si elle avait lu dans mes pensées, Alix m’adressa ses dernières paroles avant d’être à court de balles. L’intelligence des créatures leur avait donné l’instinct de se protéger la tête à chaque balle tirée par le Major, conscientes que c’était leur point faible. Même si je n’étais pas sûr que des balles normales puissent percer la peau de ces monstruosités. Mais je n’oublierais jamais ses derniers mots :

 

Major Rosenhoff :

 Andreas ! Je connais vos espoirs me concernant ! Je suis désolée que vos rêves ne pourront jamais être accomplis ! Oubliez ce que j’ai fait ces derniers jours, et ne gardez de moi que le souvenir de notre enfance !

 

Elle avait à peine eu le temps de me dire ça, que les créatures se ruèrent sur elles. Juste avant, elles semblaient la narguer, avançant lentement, j’avais même presque eu l’impression qu’elles souriaient, bien que sachant que c’était peu probable. Mais dès lors qu’elles ont compris qu’Alix n’avait plus de balles, elles ont changé de tactiques en accélérant leurs déplacements. J’ai tourné les talons, suivant Gerhard qui me criait de le suivre, courant sans m’arrêter. On est sorti de la maison, fuyant droit devant nous, quand on s’est retrouvé face à un nouvel obstacle. Une patrouille de soldats français se dressait sur notre chemin, nous tenant en joue, et nous sommant de nous rendre.


Au même instant, un énorme fracas venant de la maison se faisait entendre, causant un fébrilement de la part des mains tenant les fusils des soldats. On profitait de leur surprise pour tenter de se diriger vers le petit bois tout proche. Mais on a été pris dans la fulgurance de l’attaque de nos anciens compagnons devenus lycanthropes. On a malgré tout eu le réflexe de se jeter à terre pour éviter d’être touchés par le feu des balles crépitant des fusils des soldats terrifiés, criant en voyant déferler 3 monstres sur eux, déchirant leurs chairs, arrachant leurs gorges, plongeant leurs griffes dans leurs poitrines dans une farandole macabre de chair, de sang, et d’os.

 

 Gerhard était en retrait par rapport à moi, plus près que je ne l’étais du groupe se faisant massacrer par les 3 créatures qui furent jadis Hans, Günther et Alix. Cette dernière se démarquait des deux autres par son pelage, mais n’en était pas pour autant moins terrifiante. Je parvenais à attraper la main de Gerhard, le traînant quasiment par le bras pour le hisser jusqu’à moi, le forçant à se relever à la hâte, afin de courir vers le bois, laissant sur place ce maelström de cris de terreur où se mélangeait morsures, grognements et tirs de balles impuissantes à arrêter une telle fureur dévastatrice animale.

 

On a continué à courir le plus loin possible, s’enfonçant dans les bois, cherchant la sortie de la forêt afin de s’éloigner de ces lieux maudits. Après une heure de course quasi-ininterrompue, Gerhard montrait des signes de fatigue, demandant qu’on fasse une petite halte dans un recoin du bois. J’étais fourbu moi aussi, et je n’entendais ni grognements, ni bruit de pas pouvant indiquer la présence de ces monstres ou des soldats français. On pouvait reprendre notre souffle quelques minutes, sans trop de risques apparents. On devait s’être éloigné suffisamment pour considérer être plus ou moins en sécurité. Ne serait-ce que de manière éphémère. Mais on ne devrait pas s’attarder pour autant, trouver les nôtres, se diriger vers un camp, tout ce qui pouvait nous offrir une porte de salut.

 

A ce moment, je pensais qu’on serait tous les deux les rescapés de ce cauchemar. Mais je me trompais. Si je parviendrais à me tirer de cette situation, me permettant d’écrire mon récit par la suite, ce ne fut pas le cas de Gerhard… A dire vrai, je pense que s’il a manifesté son désir de s’arrêter, c’est justement parce qu’il s’était rendu compte de ce qu’il allait m’apprendre, m’obligeant à prendre la 2ème plus douloureuse décision de ma vie, juste après l’abandon d’Alix.  J’étais assis sur une souche d’arbre quand il s’est approché de moi, traînant la jambe.

 

Andreas :

Gerhard ! Tu es blessé ? Attends, je vais essayer de soigner ça avec les moyens du bord…

 

Il me faisait un signe de la main, pour stopper mon entrain, les larmes aux yeux.

 

Gerhard :

Inutile, Sturmann. Cette blessure-là, elle ne peut pas être guérie…

 

Andreas :

Cesse de dire n’importe quoi. Et tu peux m’appeler par mon prénom. On est entre nous ici. Tu n’es plus tenu par l’obligation militaire, vu notre situation.

 

Sa tristesse redoublait. Il montrait le bas de son uniforme plus en détail, dévoilant une longue trace de griffure. Je me retenais de pleurer à mon tour.

 

Andreas :

Quand ? Quand ça t’est arrivé ? Mais ça peut être soigné… Je suis sûr qu’une fois rejoint un camp, les médecins sauront…

 

Là encore, il faisait un geste de la main, avant de montrer plusieurs autres traces de griffures : sur sa jambe gauche, sur ses flancs et sur son épaule droite…

 

Gerhard :

Vous voyez, il n’y a plus rien à faire… Je suis foutu…

 

Andreas :

Arrête de me vouvoyer idioten ! [Idiot] Ne sois pas défaitiste… On peut encore…

 

Il ne me laissa pas finir ma phrase…

 

Gerhard :

Mein Sturmann… [Mon caporal] Je veux finir en soldat. C’est aussi pour ça que je refuse de vous tutoyer pour mes derniers instants. Je veux être digne jusqu’au bout. Mais pour ça, j’ai besoin de votre aide. En tant qu’officier, en tant que soldat, et en tant qu’ami. Je ne pourrais pas le faire seul…

 

Je craignais de deviner ce qu’il voulait dire. Je voulais lui signifier mon refus de mettre fin à sa vie. Je savais que c’est ce qu’il me demandait. Mais avec ce qui suivit, je n’eus pas vraiment le choix que d’accéder à sa demande… Il commençait à grimacer, se tordre de douleur, son visage débutait de se transformer, tout comme ses mains. Il résistait à la douleur, il me tendait son couteau, celui que nous avions tous, en plus de nos armes à feu.

 

Gerhard :

Je vous en prie, mein Sturmann. [Mon caporal] Je veux mourir pendant qu’il me reste un peu d’humanité. Je ne veux pas mourir en tant que monstre. Comme Hans et les autres. Vous… Vous devez… me tuer… La tête… Plantez le couteau… Dans la tête…

 

Il tombait à genoux, tentant de résister tant bien que mal à la mutation s’accentuant encore, de plus en plus visible, le loup prenant le dessus sur l’homme.

 

Gerhard : 

Tuez… Moi…Mein Sturmann... Vite….

 

Il avait fait tomber son couteau au sol, devant lui, hurlant à cause des douleurs de la transformation, mais parvenant à rester dans une position qui me permettrait de lui ôter sa vie. Tremblant à la fois à cause de la tristesse et de la peur, je me baissais, ramassais son arme, regardais une dernière fois celui qui avait autrefois été un ami en plus d’un soldat. Un ami que j’avais mainte fois tenté de soustraire à l’emprise d’Hans, en vain. J’avais failli en ce qui concernait ce fait. Je voulais rattraper mon erreur de ne pas avoir pu l’aider à ce moment. Et d’un coup net, je plantais le couteau au beau milieu de ce qui ressemblait de moins en moins à un front humain. J’ai laissé le couteau fiché dans la chair, poussant légèrement vers l’arrière le corps sans vie qui s’affala lourdement sur la terre du bois. J’ai fermé les yeux, ne les rouvrant qu’une fois avoir le dos tourné, et j’ai couru à nouveau, pour ne pas avoir la tentation de voir une dernière fois mon ami. Si je l’avais fait, je savais que je n’aurais pas pu repartir, et je serais resté auprès de son corps sans vie, jusqu’à ce que mon corps n’ait plus la force de rester debout et le rejoigne dans la mort.

 

J’ai avancé en perdant toute notion de temps, sans regarder en arrière, et j’ai fini par apercevoir un détachement armé avec des tanks devant moi. Mais cette partie-là, je vous l’ai déjà racontée. Voilà ce qui s’est passé et que j’ai raconté au Dr. Köllner et au Général Eberwald. Ai-je vécu tout ça ou non ? Je ne sais plus quoi croire en vérité. Je me souviens des paroles entendues lorsque j’ai relaté toute cette horreur, me heurtant à des regards qui en disaient long sur leur frontière d’acceptation.

 

Général Eberwald :

Vous ne pensez pas sérieusement que je vais croire toutes ces idioties indigne d’un soldat tel que vous, Sturmann ? Vous me décevez. Je pensais que vous auriez au moins la décence de reconnaître que vous aviez lâchement abandonné votre Major et vos hommes à leur sort. J’hésite entre vous exécuter pour désertion ou vous laisser enfermé ici à vie, jusqu’à ce vous vous décidiez à me dire la vérité…

 

Andreas :

Je vous aie dis la vérité, Grüppenführer, aussi aberrant soit-elle. Je vous avoue que j’ai parfois un peu de mal à y croire moi-même, mais mes souvenirs sont là pour me rappeler que je n’ai pas rêvé tout ça…

 

Dr. Köllner :

La mémoire peut nous jouer des tours, Sturmann. Il nen faut pas toujours s'y fier. Vous venez de vivre un traumatisme qui aurait pu briser n'importe qui. Pour ma part, je pense surtout que vous êtes en plein déni : votre inconscient refuse de vous faire voir les vraies images de ce qui s'est passé là-bas...


Andreas : 

Vous avez envoyé quelqu’un sur place ?

 

Général Eberwald :

Vous voulez m’apprendre mon métier, Sturmann ? Évidemment qu’une patrouille a été envoyée. Contrairement à vous, qui vous appuyez sur vos mensonges, je suis un soldat responsable, et surtout j’ai des comptes à rendre. Je me dois de donner des explications à Himmler. Expliquer pourquoi des scientifiques primordiaux pour la victoire ont subitement disparus avec les gardes chargés de les surveiller, et le fait que vous soyez le seul rescapé d’une mission basique qui s’est transformée en hécatombe. Ce qui me semble suspect.

 

Andreas :

Grüppenführer. Je ne suis pas un menteur. L’attaque que nous avons subie d’une troupe française, la fuite, la maison, les corps trouvés, la cage, le portail, le journal, les lycanthropes, tout est vrai. Comment je pourrais inventer un truc pareil ?

 

Dr. Köllner :

Vous savez, tous ceux travaillant pour l'Ahneberbe sont plus ou moins capables d'une grande imagination. Entre ceux disant avoir échappé de justesse au flux de lumière de l'Arche d'Alliance, et d'autre jurant avoir rencontré un diable rouge, fumant le cigare, et enrôlé au sein d'une organisation secrète, j'en ai entendu de toutes les couleurs...


Général Eberwald :

Mais moi, je ne suis pas un enfant croyant des contes de fées simplement parce que c’est relaté dans un livre. Alors, vous voulez vous taire, vous voulez persévérer dans vos inventions de romans n’ayant aucun sens ? Très bien. Faites comme bon vous semble. Mais vous en subirez les conséquences. Dès que j’aurais le rapport de la patrouille envoyée à la maison des « loups-garous », si vous échappez à une mise à mort, vous vous en tirerez bien. Sans compter que vous avez avoué avoir tué un soldat de sang-froid. Bien. J’ai assez perdu de temps. Je vous laisse avec votre dément, Herr Doktor…

 

Dr Köllner :

Je vous suis, Grüppenführer. Je ne vois pas l'utilité de rester plus, tant que le Sturmann refusera d'admettre avoir été victime d'un traumatisme ayant affecté sa vision des choses...


Et ça aurait pu effectivement en rester là, me faisant attendre le sort décidé par des hauts dignitaires mécontents d’avoir perdu deux scientifiques qui aurait pu leur offrir des chances d’avoir un avantage sur l’ennemi. Pour ceux-là, je suis le bouc émissaire idéal. Le général Eberwald a beau dire, je sais très bien qu’ils ont besoin d’un coupable pour expliquer l’échec de toute cette opération. Je peux dire tout ce que je veux, même s’il n’y avait pas eu la présence de ces créatures, et que Alix, Hans, Günther et Gerhard étaient morts différemment, à partir du moment que j’ai survécu, je suis celui qui doit payer. C’est aussi simple que ça. De toute façon, j’ai accepté mon sort. Et ce n’est pas la fin de l’histoire, comme ces derniers mots pourraient vous le faire penser. Non. Ce n’est que le commencement.

 

Au moment où j’écris ces lignes, j’ai entendu des centaines de cris venant de la cour, des grognements que je ne reconnaissais que trop bien, des bruits de morsures, de déchirures de vêtements, de griffes s’enfonçant dans la chair, des tirs de fusils qui ne pourraient arrêter le cataclysme en route. Le Général Eberwald m’a dit qu’il avait envoyé une troupe là-bas. Il y a un truc que j’ai bien compris avec ces lycanthropes. Bien qu’ayant oublié leur nature humaine, sombrant dans la partie animale en eux, ils sont capables de se souvenir d’élément-clés de leur vie d’humains. Comme se rappeler l’emplacement de camps, les heures les plus propices pour attaquer ce dernier, le nombre de fusils ou d’autres armes susceptibles de les mettre en danger, etc… etc… etc… Et surtout, ils savent que le secret de réussite d’une attaque, c’est de savoir anticiper les réactions de l’ennemi, et d’être en nombre, jouer de la surprise…

 

C’est de la stratégie militaire me direz-vous. Mais c’est exactement ce que sont ces lycanthropes : des stratèges cachés sous des poils et des mâchoires de loups. Mais contrairement à de simples soldats, ils sont capables de se déplacer à grande vitesse, d’utiliser leur environnement pour surprendre leur adversaire par des attaques en hauteur, et sont doté de pouvoirs de régénération et d’une force immense, leur assurant la mainmise sur les pauvres humains que nous sommes. Ce que j’entends au-dehors, c’est le résultat sans doute de plusieurs semaines où la petite troupe attaquée par Alix et les autres a grossie les rangs de cette menace en devenir, s’en prenant à d’autres groupes à leur tour, que ce soient des Allemands ou des Français. 

 

Peu leur importe la nationalité qui rejoint leurs rangs. Les lycanthropes sont tous frères, ils sont une véritable unité, au sens propre du terme. De ce que j’entends, le camp où je me trouve va encore plus agrandir la meute, et faire s’étendre toujours plus leur domination. Beaucoup s’inquiètent de savoir qui sera en mesure de gagner la guerre. Que ce soit l’alliance formée par les Britanniques et les Français ou l’autre côté. Aucun n’a vu venir la progression d’un autre type d’armée, plus sournoise, plus insidieuse, plus radicale dans ses actions. Ces lycanthropes, conscients de leur pouvoir, sont-ils capables d’adopter des attitudes humaines, afin d’inspirer encore plus de terreur ? Porter des uniformes, des fusils, mettre en place une hiérarchie, ou d’autres comportements propres à l’humain ?

 

Au vu de ce que je vois en cette seconde précise, je dirais que oui. La porte de ma cellule a volé en éclats quelques minutes après ce déferlement de terreur à l’extérieur. Une silhouette se montre dans la pénombre, avant de s’avancer vers moi. Malgré sa forme de lycanthrope, je sais que c’est elle. Son pelage, son regard, je n’ai aucun doute sur qui elle est : Alix. Et elle sait que c’est moi. Elle a sans doute reconnue et suivie mon odeur en entrant dans l’infirmerie. Elle ne parle pas, mais c’est inutile. Je sais ce qu’elle attend de moi. Elle veut juste que j’accepte de devenir comme elle, comme eux. Elle veut que je fasse partie de la meute.  Elle me laisse finir mon texte. Ce sera un souvenir pour ceux et celles se demandant comment l’invasion a commencée.

 

Elle est une Alpha. Je pensais qu’il nous serait impossible de nous réunir un jour, après ce qui s’est passé dans cette maison. Je me suis trompé. Je vais vous laisser maintenant. Alix m’attend pour que je rejoigne leurs rangs. Je suis impatient qu’elle me morde, qu’elle me griffe le corps autant qu’elle le voudra. Je me livrerais à elle sans concession. Hans, Gerhard et même Günther sont là, derrière elle. Il fut un temps où l’homme dominait le règne animal. Ce temps est révolu. Désormais, c’est l’ère du loup qui va s’installer. L’ère du Lycanthrope…

 

Publié par Fabs

KRIEGERISHER WOLF PROJEKT-Partie 1 : L'AUBE DES LOUPS-GUERRIERS

 


Est-ce que tout ce que j’ai vu et vécu n’est qu’un mauvais rêve, comme a tenté de me le faire persuader le Docteur Köllner ? J’aimerais tant que ça soit le cas. Que toute la terreur qui m’a submergé au sein de cette maison, l’horreur de voir mes camarades tomber les uns après les autres ne soit qu’un songe imaginé par mon cerveau. Une forme de défense intérieure car refusant la dure réalité des combats auxquels j’ai été confronté, et inventant un ennemi fantastique pour oublier que tous ceux de mon groupe sont tombés sous les balles des français? Le docteur dit que j’ai subi un tel traumatisme en assistant à leur mort, impuissant, incapable de les sauver et de les soustraire à leur sort, que mon esprit a créé de toutes pièces cette fantasmagorie. Pour lui, je subis les contrecoups de la culpabilité de n’avoir pu empêcher leur mort, et obligé de fuir pour sauver ma propre peau.

 

Pourtant, je ne peux enlever ce doute qui subsiste en moi que tout ceci s’est bel et bien passé. Sinon, comment expliquer l’état de mon uniforme, parsemé de traces de griffes sur sa surface ? J’ignore comment j’ai pu éviter que ma peau, ma chair soient touchées par ces dernières. Peut-être, comme le dit le général Eberwald, que j’ai bénéficié de l’action de l’ange gardien des déserteurs. Je sais qu’il disait ça sous le ton du sarcasme. Une manière pour lui de m’indiquer qu’il ne croyait pas à mon histoire, persuadé que je n’avais fait qu’abandonner à leur sort mes compagnons.

 

Peut-être qu’il y a une part de vrai là-dedans, que j’ai bénéficié d’une aide de la part d’une force qui dépasse l’entendement humain. Il me reste à découvrir le pourquoi d’un tel privilège, alors qu’Hans, Günther, Gerhard et le Major Rosenhoff sont tous devenus des créatures que je pensais n’appartenir qu’aux mythes. Je me rappelais certaines histoires délirantes entendues parfois dans les chambrées, traitant de recherches scientifiques élaborées par nos savants les plus aguerris, et empreints de l’idéologie ésotérique de notre Führer.

 

J’ai toujours cru que ces fables n’existaient que dans un but dissuasif pour les jeune recrues issues des jeunesses hitlériennes, afin de les inciter à ne pas trahir ou déserter, sous peine de finir comme cobaye pour ces expériences farfelues. Dans le même temps, je ne peux pas véritablement croire que j’ai tout imaginé. Il y a trop d’images insistantes véhiculant dans ma tête. J’ai encore le souvenir des cris de souffrance de Gerhard en proie à cette métamorphose me terrifiant, alors que nous avions réussi à échapper à cette unité des alliés français, qui avait subie l’attaque de nos anciens compagnons ayant mutés en ces « choses ». Avant tout ça, nous pensions que rien de pire de ce que nous venions de vivre au sein de cette maison ne pouvait arriver. Nous étions sous le joug des armes des soldats français quand ce qu’étaient devenus le Major, Hans et Günther se sont abattus avec force sur les ennemis venant de surgir devant nous. L’horreur qui suivit est presque indescriptible.

 

J’ignore comment Gerhard et moi sommes parvenus à ne pas nous faire massacrer sauvagement par ces… monstres. Il n’y a pas d’autre mot pour les désigner. Nous pensions nous en être sortis sains et saufs, jusqu’à ce que Gerhard montre les signes de mutation dont nous avions été témoins dans la cave de cette maudite demeure. Il m’a supplié, car il ne voulait pas devenir comme « eux ». Il voulait mourir pendant qu’il restait encore en lui une part d’humanité. Ses yeux embués de larmes se sont mêlés aux miens. J’ai dû fermer les yeux, ne supportant pas de devoir observer la vie de mon ami s’enfuir de son corps. J’ai entendu ce dernier s’écrouler sur la terre du bois où nous avions fui. Je n’ai pas voulu non plus voir si ses mains et son visage avaient repris les traits que je lui connaissais. Des traits humains. J’ai immédiatement tourné les talons, et je n’ai ouvert mes yeux qu’après avoir laissé son cadavre dans mon dos, courant sans m’arrêter devant moi, sans me retourner, dans l’espoir de rejoindre le camp le plus proche.

 

J’ai parcouru le bois, le traversant de toutes parts, mes oreilles attentives au moindre son pouvant me signifier « qu’ils » étaient à ma poursuite. Une fois arrivé dans la plaine jouxtant la forêt, j’ai eu la chance de croiser un détachement de mes compatriotes. Je ne sais plus trop ce que je leur ai dit à ce moment. Leur-ai-je parlé de ces monstruosités, ou bien n’ai-je évoqué que les soldats ennemis en proie à la fureur d’un même ennemi commun ? Je n’en ai pas le souvenir. Mais je me souviens très bien en revanche de leurs yeux, mélangeant surprise et interrogation à mes paroles. C’est ainsi que je me suis retrouvé ici, au cœur de cette cellule collée à l’infirmerie du camp dans lequel je suis actuellement.

 

De ce que le docteur Köllner m’a fait comprendre, j’étais dans un tel état de surexcitation et de terreur que c’était la solution la plus logique qui ait été trouvée pour m’empêcher de faire du mal par inadvertance aux autres. Et aussi à moi-même. Il n’y a que 2 jours qu’on m’a enlevé la camisole de force qui recouvrait mon corps. Le docteur, tout comme le général Eberwald qui a assisté à toutes mes séances d’interrogatoire pour savoir ce qui m’était arrivé, à moi et mon groupe, a finalement jugé que j’étais revenu à une stabilité psychologique.  6 jours ont passés depuis que je suis enfermé ici, devant raconter ce que j’ai vécu, devant expliquer pourquoi j’étais le seul survivant. 

 

Je sais qu’ils ne croient pas ce que j’ai raconté, une fois que j’étais revenu à un calme permettant de m’interroger, juste après mon arrivée au camp. Ils sont persuadés que je délire, mélangeant fiction et réalité, traumatisé par la mort de mes camarades. Mais maintenant que j’ai à nouveau toutes mes facultés, contrairement à ce qu’ils pensent, je sais que je ne peux pas avoir imaginé ce dont je me souviens. C’est impossible. Il y a trop de détails qui me reviennent en mémoire, trop d’exactitude dans mes souvenirs pour que mon esprit ait créé ça de toutes pièces. J’ai pu obtenir d’écrire tout ce dont je me souviens. Un carnet et un stylo : c’est le matériel qui m’a été accordé. Le docteur Köllner pense que cela m’aidera à faire la différence entre ce que j’ai cru voir, et ce qui est réellement arrivé. Ça me permettra de faire la part des choses, entre l’insensé et le crédible, acceptable par le Général. J’ai donc commencé à relater mon histoire, celle de mes camarades, alors que nous avions commis l’erreur de rejoindre cette maison, le but de notre mission, après que toute notre section se soit faite décimer.

 

Ce devait être le lieu idéal pour nous donner le temps de réparer la radio endommagée qu’Hans avait réussie à sauver de la destruction, en la prenant sur le corps de Fritz. Ce pauvre Fritz, soufflé par une explosion de mortier à quelques mètres de lui. J’ai vu son corps balayé comme un fétu de paille, valdinguant dans les airs, avant de retomber comme une poupée désarticulée sur le sol, sans qu’il ait lâché une seconde sa radio. Fritz savait à quel point celle-ci pouvait être précieuse, et à aucun prix il ne l’aurait laissé aux mains de l’ennemi, tant qu’il vivrait. Hans l’a vu lui aussi, et tout comme moi, il s’est précipité vers ce qui restait de Fritz. Son corps était en lambeaux, complètement déchiqueté de toutes parts. C’était un miracle que la radio n’ait pas été anéantie. Elle était en piteux état, mais c’était réparable. Fritz avait fait ce qu’il fallait pour ça, faisant rempart de son corps pour protéger l’appareil, se recroquevillant autour de ce dernier, pendant que l’explosion ravageait son dos, ses jambes et l’arrière de son crâne.

 

Hans et moi, à ce moment, on a aperçu le Major surgir des fumées présentes partout sur la plaine, appelant Günther à le rejoindre, alors que ce dernier tentait de trouver une échappatoire à toute cette folie nous entourant. On a senti qu’il hésitait à répondre à l’appel de notre supérieure, et on aurait dû comprendre le pourquoi de ce moment de doute de sa part pour venir vers nous. Mais nous étions dans un tel désarroi au vu de la situation dans laquelle nous étions, qu’on a juste pris ça pour de la peur. Finalement, devant l’insistance du Major, il n’a pas pu refuser de se rallier au petit groupe que l’on formait. On a retrouvé Gerhard plus tard, caché au sein de ce qui restait d’une ferme proche ayant subi les déflagrations d’obus. Les corps des fermiers étaient étalés au milieu de la cour, baignant dans des mares de sang, leurs boyaux ressortis. On cherchait de quoi trouver un semblant de nourriture au sein des décombres fumants de l’habitation principale, quand Gerhard nous est apparu, sortant de la cuisine, un sac plein à la main. Il montrait un visage rempli de joie de nous voir, nous expliquant qu’il avait pris tout ce qu’il pouvait y avoir de récupérable.

 

Gerhard :

-  Hans, Andreas, Günther, vous êtes vivants ! Sturmbannführer, vous aussi ! Ich freue mich dich zu sehen… [Je suis si heureux de vous voir]

 

Major Rosenhoff :

-   Behalten sie ihre Begeisterung [Gardez votre enthousiasme] Gerhard… Il n’y a vraiment rien d’autre là-dedans ? 

 

Gerhard :

-   Nein, rien du tout. Le reste de la maison a été détruit. C’est tout ce que j’ai pu récupérer. Tut mir leid…  [désolé]

 

Major Rosenhoff :

 -   Ne vous en voulez pas, Gerhard. Ne restons pas ici : on doit s’éloigner le plus possible d’ici, ou on rejoindra nos camarades tués au combat…

 

Hans :

-   Sturmbannführer [Major]… où allons-nous ? la radio a besoin d’être réparée si on veut espérer communiquer. Et je doute trouver ce qu’il faut ici, vu l’état des lieux…

 

Major Rosenhoff :

-   On trouvera ce qu’il faut une fois atteint notre objectif. Avant tout, on doit sauver notre peau. Verstanden ? [Compris]

 

Bien que peu rassuré sur les possibilités de survie, on faisait confiance au Major. Maintes fois, elle nous avait mené à sortir de situations impossibles de justesse. Dont un grand nombre dues à des maladresses de la part de Günther, causant la colère de nombre de soldats de notre unité. Certains avaient déjà eu du mal à accepter d’être dirigés par une femme, du fait de leur fierté de mâles. Mais elle avait été formée par le Reichsführer Heinrich Himmler lui-même, grand ami de son père. Alors ils gardaient leur ressenti en eux, lui montrant le respect dû à tout officier. En revanche, le fait qu’elle protégeait systématiquement les bévues de son « chouchou », comme nombre de soldats l’appelait, à savoir le fameux Günther, celui-là même ayant hésité à répondre à l’appel pour nous rejoindre lors de la débâcle de nos troupes face aux alliés français, ça passait beaucoup plus mal.

 

Hans et Gerhard faisaient partie des soldats acceptant mal cette protection inconvenante à leurs yeux, au même titre qu’ils montraient une certaine réticence d’avoir une femme leur donnant des ordres, plutôt qu’un homme. Hans avait montré cette opposition à l’autorité du Major dès son arrivé dans l’unité, il y avait de ça quelques mois. Il faut savoir qu’il se sentait déjà victime d’une injustice. C’était un soldat qui désirait plus que tout intégrer la Wechmacht, et son physique de blond aux yeux bleus, conforme à la race aryenne idéalisé par le Führer, aurait dû lui ouvrir grandes les portes de celle-ci. D’autant qu’il faisait partie des meilleurs soldats lors de sa formation. Malheureusement pour lui, il a eu la désagréable nouvelle de savoir que son rêve lui serait refusé. La faute à un membre de sa famille, son oncle pour être précis, qui avait été reconnu en tant que traître, et fusillé pour l’exemple. A partir de là, toute la famille a été discréditée, et tous ceux prétendants à des postes de valeurs voyaient systématiquement leurs demandes évincées.

 

Soit ils étaient purement et simplement mutés à des postes mineurs, soit relégués à des tâches administratives. Ceci afin qu’ils n’aient pas droit à des honneurs non voulus, et que le nom de la famille du traître n’entache pas le prestige de l’armée allemande.  C’est ainsi qu’Hans s’est retrouvé au sein de notre unité. Quand il a appris qu’en plus, il devrait obéir à un supérieur femme, c’en était trop pour lui, faisant preuve de son animosité envers le Major à plusieurs reprises, n’acceptant pas de recevoir des ordres d’une « femelle », selon ses propres termes. Malgré les sanctions reçues à ce titre, pour comportement irrespectueux envers un supérieur, ou refus d’obéir à un ordre direct, ses capacités en tant que soldat lui ont évité des punitions plus lourdes, lui faisant obtenir dans le même temps une certaine notoriété auprès de l’ensemble de ses camarades, dont Gerhard, devenu très vite son « disciple » le plus fidèle.

 

Hans appréciait Gerhard à plusieurs titres. Sa fidélité bien sûr, mais aussi le fait que c’était un albinos. Le seul de l’unité, ce qui en faisait, aux yeux de Hans, une curiosité. Hans voyait en celui qui devint très vite son meilleur ami, une « espèce » à part, propre à mériter un prestige au moins aussi important que la race aryenne auquel il revendiquait légitimement son appartenance. Bien que Gerhard, au contraire de son mentor, n’avait pas la force de caractère suffisante pour discuter les ordres du Major, il n’hésitait pas à soutenir Hans lorsque ce dernier discutait de manière virulente avec elle. Hans espérait faire flancher sa supérieure, et qu’elle demande à être mutée ailleurs. 

 

C’était sous-estimer la force mentale de la cible privilégiée de ses attaques récurrentes, qui avait toujours tenu tête à l’opposant habituel de ses ordres. Je dirais même que c’était devenu comme une sorte de « jeu » entre eux, un rituel régulier. Plus Hans usait de tentatives pour la déstabiliser, plus le Major renforçait son prestige en tant qu’officier auprès des soldats. Même s’ils acceptaient mal la protection dont elle faisait preuve envers Günther, ils respectaient l’officier qu’elle était, obéissant à ses ordres, parfois à contre-cœur, car elle était avant tout leur supérieure.

 

Ce qui ne les empêchaient pas d’opérer à des « punitions » quotidiennes envers le « chouchou » du Major discrètement, souvent au sein des dortoirs, sous les encouragements d’Hans qui cherchait à faire sortir de ses gonds sa cible, en se servant de Günther comme souffre-douleur. Mais celui-ci subissait leurs sévices sans rien dire à sa « maman » d’adoption, un quolibet que les soldats utilisaient pour décrire la relation entre le Major Rosenhoff et Günther, quand ils se retrouvaient seuls avec le petit « chouchou », sans doute à cause de son naturel réservé. Günther craignait aussi les conséquences que pourrait engendrer une plainte de sa part sur les actes envers lui de ses camarades, et pouvant briser l’entente entre sa protectrice et les soldats sous ses ordres.

 

 Ça formait une certaine instabilité dans notre unité, avant qu’on se retrouve à 5 au beau milieu de la cour de cette ferme où nous avions échoués, et il n’était pas impossible de penser que nombre de soldats aient finis par développer certaines réticences à donner suite aux ordres qu’ils recevaient de la part de leur Major, voire n’en faisaient qu’à leur tête, sous l’impulsion d’Hans. Ce qui avait pu mener au manque d’organisation lors de l’attaque surprise du groupe des forces françaises envers notre unité, alors que nous étions en marche vers l’objectif de notre mission.

 

Si on rajoute à ça que c’était la première sortie d’envergure de notre Major, alors que nous étions relégués auparavant à des missions de reconnaissance ou de soutien secondaire à des sections déjà en place, accentuant le sentiment de mépris au sein de soldats fiers, autant vous dire que la réputation du Major risquait de subir des désagréments importants si elle ne parvenait pas à sauver le peu qu’il restait de notre unité. Tout ceci n’avait fait que renforcer le caractère impassible de notre dirigeante envers nous. Elle ne le disait pas ouvertement, mais on sentait qu’elle tenait une grand part des soldats comme responsables des pertes subies, car leur misogynie envers elle, et la difficulté pour eux de lui obéir, avait dû contribuer à leur défaite monumentale. Le fait de garder ça en elle devait peser sur chaque moment ayant suivi notre fuite du champ de bataille, n’ignorant pas que Hans et Gerhard faisaient partie de ses détracteurs. Je devinais qu’elle ressentait une grande honte d’avoir failli à sa 1ère grande mission principale lui ayant été confiée.

 

Elle savait aussi que sa relation ouvertement mère/Fils qu’elle entretenait avec Günther n’allait pas dans le bon sens de son autorité. Je n’ai appris que plus tard le pourquoi de cette protection exacerbée entre elle et lui. Je n’entretenais pas vraiment des rapports conflictuels avec Günther, mais je n’étais pas non plus proche de ce dernier. Pas que je m’y refusais, bien au contraire. J’étais toujours prêt à m’ouvrir à quelqu’un ayant besoin d’un réconfort, d’un confident, à défaut d’une vraie amitié durable, faisant fi de nos grades. Mais si nous étions distants l’un de l’autre, c’était surtout du fait de la méfiance de Günther envers l’ensemble des soldats. La faute sans doute aux multiples attaques silencieuses qu’il avait subi au camp, lui ayant fait développer une forme de nature asociale envers tous ceux tentant de l’approcher. A ses yeux, et je pouvais le comprendre, n’importe quel soldat était un potentiel bourreau.

 

Mais pour l’heure, nous devions nous serrer les coudes au vu de notre situation actuelle. Le plus important était de trouver un refuge où nous cacher des éventuels groupes de reconnaissance alliées français dans les environs, afin de réparer notre radio. Et à ce titre, la maison qui était le but premier de notre mission, avant d’être attaqués, représentait cet abri futur. L’objectif étant de communiquer avec nos supérieurs afin de demander de l’aide, après leur avoir détaillé notre déconvenue. Le Major était conscient de ce que cet aveu de défaite pouvait avoir comme conséquences sur son avenir en tant qu’officier, mais elle assumait sa faute de n’avoir pas su mettre à bas les réticences de ses hommes de se conformer à son rang et son statut. Sa dureté envers nous les prochains jours étaient le résultat de ce ressentiment.

 

 Il y avait autre chose qui entrait en compte dans l’animosité des soldats envers elle. Personne n’ignorait qu’elle n’était pas destinée au départ à être officier au sein de l’armée nazi. La famille Rosenhoff était particulière au sein des SS. Le père était bien un pur patriote allemand, fier d’obéir aux ordres venant de Berlin, que ce soit d’Himmler, un ami d’enfance, ou bien du Führer lui-même. Celui-ci savait que Dieter Rosenhoff était marié avec une Française, Emily, mais ne lui en tenait pas rigueur, au vu de ses états de services élogieux dans l’armée allemande. Un mariage qui avait eu lieu avant la montée du parti du futur Führer, et s’étant déroulé en France.

 

Le couple s’était rencontré lors d’une permission de Dieter. Celui-ci, appréciant la culture française, avait décidé de s’offrir cette pause en se rendant donc en France. Il avait rencontré Emily lors d’une balade au sein d’un parc public, dans le Sud du pays. Emily était alors membre d’un petit orchestre local, et jouait chaque dimanche. Bien que celle-ci était pourvue d’un physique pas vraiment aguicheur, Dieter a été charmé par la prestance de la jeune femme, jouant du violoncelle à la perfection. Il lui a alors fait une cour incessante, qui a fini par porter ses fruits. Devant revenir en Allemagne pour y poursuivre ses fonctions militaires, Dieter ne manquait pas de correspondre régulièrement avec Emily.

 

Au bout de quelques mois, profitant d’une nouvelle permission, Dieter demandait Emily en mariage. Par la suite, accédant à la demande de son mari, Emily emménagea en Allemagne afin d’y vivre auprès de son époux, ne voulant pas vivre une vie maritale séparée par des centaines de kilomètres l’un de l’autre. Dieter désirait plus que tout un héritier mâle, à qui il apprendrait le métier de soldat. Mais malgré leurs efforts, les époux ne parvenaient pas à obtenir ce qu’ils voulaient. Emily subit 3 fausses couches, désespérant le couple d’avoir un enfant. Puis le miracle arriva, à l’aide de l’intervention d’un médecin réputé, spécialisé dans ce domaine. Un médecin recommandé par Heinrich Himmler, ami d’enfance de Dieter Rosenhoff, comme je vous l’ai précisé auparavant.

 

Mais l’héritier attendu était une fille, Rosa. Qui plus est, la naissance fut difficile, et provoqua l’impossibilité pour Emily d’avoir d’autres enfants par la suite. Dieter, désespéré de ce coup du sort, décida de faire de sa fille le garçon qu’il n’aurait jamais. Il l’éduqua dans ce sens, l’habillant avec des habits masculins, lui prodiguant à user de manières propres aux hommes, et obtint d’Himmler de la faire former en tant que soldat.  Ce dernier comprenait le désir de Dieter, qui adorait sa fille malgré tout, très attentif à elle. Une fille qui ne voulait pas perdre l’affection de son père auquel elle tenait plus que tout, acceptant toutes les demandes de son père pour faire d’elle un garçon. Himmler, sensible à la relation entre Dieter et Rosa, car ayant une proximité identique avec sa propre fille Gudrun, accéda à la demande de son ami.

 

Il s’occupa personnellement de superviser et former Rosa, renommée Alix après le décès de sa mère. C’était le désir de Dieter, afin de parfaire la mixité de son enfant, en choisissant un prénom attribué aussi bien aux filles qu’aux garçons en Allemagne. Cependant, Himmler ne put répondre aux attentes de son ami qui voulait voir Alix à la Wechmacht. Étant de « sang-mêlé », il était impossible pour Himmler d’y faire intégrer Alix. Et son statut de femme lui empêchait aussi de la placer au sein de la Schutzstaffel, réservée aux soldats nés de sang impur, c’est-à-dire dont les parents n’étaient pas tous les deux nés allemands, car elle était une femme. C’était d’ailleurs l’autre raison pour laquelle Alix ne pouvait intégrer la Wechmacht.

 

Himmler avait beau être influent, et la fille de son ami arborer une tenue et une apparence très masculine, s’il mentait sur son sexe et que le Führer en venait à apprendre qu’une femme était soldat dans une des deux principales organisations militaires de l’armée SS, cela aurait de graves conséquences pour lui. Risque qu’il ne voulait pas prendre. C’est alors qu’il proposa une alternative à Dieter : sa fille serait formée pour intégrer l’Ahnenerbe, un institut dédié aux recherches pour prouver les fondements de l’idéologie nazie, par le biais de l’archéologie, l’anthropologie, l’astronomie, l’occultisme, la biologie, la génétique, la linguistique et la médecine. Institut dont il était le fondateur, et qu’il supervisait. A travers le monde, des dizaines de sections ont été mise en place depuis 1935 pour procéder à des fouilles et des missions militaires, ceci afin de récolter des artefacts dont les pouvoirs pouvaient contribuer à renforcer la puissance allemande.

 

De nombreuses expériences étaient pratiquées régulièrement dans le même but. Scientifiques, universitaires et spécialistes de l’histoire de l’humanité se côtoyaient, et pour Himmler, n’ignorant pas la passion de la fille de Dieter pour l’ésotérisme, ce serait le cadre idéal pour qu’Alix puisse exercer une carrière militaire sans trahir les règles. Ayant tout pouvoir pour décider qui peut y avoir une place d’officier, personne ne trouverait à redire sur la présence d’Alix en tant qu’officier d’une unité de cet institut. Dieter accepta la proposition de son ami avec enthousiasme.

 

Alix grimpa très vite les échelons dans l’armée, s’intégrant parfaitement dans l’armée nazi, tout en perfectionnant ses connaissances historiques et ésotériques. Du fait de sa coupe masculine, de l’ablation de ses seins, celle-ci ayant été faite à sa demande afin d’avoir encore plus l’allure masculine désirée par son père, Alix gagna la confiance des autres soldats, beaucoup d’entre eux ignorant que le désormais nouvel officier d’une des sections de l’Ahnenerbe était née fille. Himmler avait choisi de la placer dans une des unités de la section implantée en France. Alix parlait couramment français, sa mère lui ayant apprise la langue, ce qui pouvait faciliter la compréhension des documents liés aux artefacts sur ce territoire. Quand elle obtint le commandement d’une unité, faisant la fierté de son père, elle dut, malgré tout, faire face à une rumeur lancée au sein de son unité, elle aussi persuadée qu’Alix était bien un homme au départ, et indiquant le secret de sa naissance. 

 

Le fait d’un officier jaloux, car briguant le commandement de la même unité, et lui ayant été refusé. Par dépit, après avoir appris qu’Alix était une femme, il donna cette information auprès d’un des soldats de la section. Sachant en plus qu’elle était née d’une relation entre un Allemand et une Française, alors qu’on était en temps de guerre et en conflit avec la France, cela rajoutait à la méfiance des soldats ayant appris toutes ces informations sur leur supérieure. C’est à peu près au même moment qu’Alix découvrit que, parmi ses hommes, se trouvait un jeune homme avec qui elle avait suivi sa formation militaire auparavant. Une amitié sincère auprès du jeune militaire s’était installée, bien qu’il était plus jeune de 5 ans qu’elle.

 

 Le jeune homme, Günther, avait du mal à se faire à la rigueur militaire, et elle lui a alors prodigué de nombreux conseils et apprentissages en dehors de la formation, afin qu’il puisse obtenir l’équilibre dont il avait besoin. Le jeune homme avait été forcé par son père à devenir militaire, et il n’aimait pas cette vie. Se retrouvant quelque peu en lui, ayant vécu une situation similaire, bien qu’elle ait acceptée ce bouleversement de son quotidien, elle débuta cette relation de protection envers lui, un peu malgré elle, et suivant un instinct maternel qu’elle pensait avoir réussie à endormir.

 

En voyant qu’il avait rejoint son unité, elle décida de continuer sur sa lancée, voyant l’air déprimé continuel de Günther, car n’acceptant toujours pas son statut de soldat « forcé », et couvera ses « gaffes », volontaires ou non, pour lui éviter des sanctions qui ne ferait que renforcer son mal-être de la vie de militaire. Ce qui a conduit à la situation particulière liant Alix Rosenhoff, notre Major, à Günther le mal-aimé. A vrai dire, connaissant désormais la nature féminine de notre supérieure, beaucoup comme moi soupçonnions qu’Alix, sans doute frustrée de ne pouvoir jamais être mère malgré sa condition de femme, avait en quelque sorte jeté son dévolu sur ce soldat fragile mentalement.

 

Elle en a fait son « fils » spirituel, même si elle ne le désigne pas de cette manière, car consciente qu’un tel aveu lui vaudrait les foudres de ses supérieurs, et même de son père. Ne voulant pas nuire à la réputation de ce dernier, ni provoquer sa colère s’il apprenait ses désirs maternels, elle niait chaque allégation indiquant qu’elle se servait de Günther comme faire-valoir à sa frustration. Ce petit aparté étant fait, qui était nécessaire pour que vous compreniez mieux les oppositions de mes camarades Hans et Gerhard envers Günther et notre Major, reprenons le fil du récit.

 

Nous venions de quitter la ferme, profitant de la nuit afin de ne pas nous faire repérer par une quelconque patrouille française, quand nous sommes arrivés à notre objectif : une vieille maison de maître typique de la région où nous nous trouvions. En son sein vivait un couple de scientifiques, anciens généticiens, et spécialisé dans les portails dimensionnels ainsi que d’autres théories ésotériques du même ordre. Il opérait en secret à des expériences, au cœur d’une cave aménagée sur ordre d’Himmler, constitué d’un laboratoire de recherches et d’autres salles. Ni nous, ni le Major ne savions en quoi consistait exactement ces expériences. Tout ce dont nous étions au courant, c’était que plus aucune nouvelles n’avaient été données depuis plusieurs semaines de la part des scientifiques, ni des soldats leur ayant été assignés afin de surveiller leurs travaux. Nous savions également, afin que le couple ne cherche pas à fausser compagnie à ses surveillants, que les deux enfants des scientifiques avaient été placées au sein d’une famille de militaires SS. Celle-ci ignorant les détails concernant les enfants dont elle avait la charge, mais devant prendre le plus grand soin d’eux.

 

Pour permettre une collaboration totale, des photos des enfants, des dessins, des lettres de ces derniers étaient acheminées chaque mois aux soldats chargés de surveiller le couple et leurs avancées, les montrant aux parents pour leur prouver leurs bons soins, et les décider à continuer leurs travaux pour le compte de l’Ahnenerbe.  Ce silence étant anormal, notre unité avait donc été chargée d’aller sur place pour comprendre la raison de l’absence totale de nouvelles. Bien qu’ayant subie de lourdes pertes d’hommes de notre unité, notre mission se devait d’être remplie. C’est pourquoi nous avions continué notre route jusqu’à la fameuse maison, suivant le plan de route fourni par Himmler lui-même, qui avait insisté pour que ce soit le Major Rosenhoff qui supervise la mission. Un stress supplémentaire pour elle, car elle tenait à donner des réponses à la situation, ne serait-ce que minimes, afin de répondre à la confiance qu’Himmler avait fait preuve la concernant. C’était un impératif pour elle, devant assurer le prestige de sa famille et la fierté de son père.

 

La maison semblait abandonnée, si on se référait à deux vitres cassées au rez-de-chaussée et la porte d’entrée semblant à peine tenir debout. Sans doute du fait de gonds en fin de vie. Du moins, c’est ce que nous pensions tous. Avec le recul, je me dis que ces éléments auraient dû nous faire soupçonner de bien autre chose qu’un état conséquent au temps. On apercevait ce qui s’apparentait à des tombes sur le côté gauche de la maison, en partie enfoncée dans le petit bois avoisinant. Des tombes sans nom, formées de monticules de terre et de simples croix de bois, faites de morceaux de planches ou de cagettes, envahies par les mousses sur l’ensemble de sa surface.

 

Andreas :

-   Bizarre ces tombes… Pas très respectueux de leurs morts les proprios…

 

Gerhard :

-   Das ist klar… [C’est clair] Je sais pas vous, mais là où ma famille vit, des tombes comme ça, c’est soit qu’elles abritent des enfants illégitimes morts à la naissance, soit d’autres monstruosités…

 

Hans :

-   Comme Günther quoi…

 

Hans et Gerhard se mirent à rire, provoquant le silence du soldat désigné. Pour ma part, je préférais ne rien dire, sachant ce que la « blague » de mes camarades allait entraîner.

 

Major Rosenhoff :

-   Vous vous croyez drôles tous les deux ? Ihr Idioten seid ! [Idiots que vous êtes !] Allez plutôt en éclaireur voir si la porte tient debout, sans qu’on se la prenne sur la tête… Schnell ! Dummköpfe ! [Vite !Imbéciles !]

 

Hans :

-   Es wird… [ça va] On peut rigoler non ? Votre bébé peut s’en remettre non ?

 

Major Rosenhoff :

-   Vous avez quelque chose de plus direct à me dire, Hans ? Déballez votre sac si vous en avez le courage… Sinon, je n’ai que faire de vos remarques.

 

Hans, tout comme Gerhard, ne dirent mot, conscients qu’ils n’étaient pas en situation de se mettre à dos le Major, s’ils ne voulaient pas prendre le risque de dormir à la belle étoile, avec tout le danger que ça représentait, pendant que nous autres serions à l’abri. Ils baissaient la tête en passant près de leur supérieure, se dirigeant vers la porte, et l’examinant en détail. Autre petit aparté à ce moment de l’histoire. Si vous vous étonnez que nous parlions français majoritairement, c’est dû aux recommandations qui furent indiquées à notre section. Pour être à même de comprendre les paroles des habitants des villes et villages où nous pouvions être amenés à nous rendre, dans le cadre des missions, il fut imposé d’apprendre des bases de français au sein de notre camp. Le Major le parlant parfaitement par sa mère, d’origine française, comme précédemment indiqué, elle s’est chargée personnellement d’inculquer les rudiments de la langue à notre unité, en imposant de s’y familiariser et de le parler le plus possible en mission. Le but étant de comprendre parfaitement tout ce qui pouvait être dit, non seulement des villageois, commerçants et autres personnes que nous pouvions croiser et qui pouvait nous apporter des renseignements, mais aussi les ordres donnés par d’éventuels troupes ennemies croisées, afin d’anticiper leurs actions.

 

Alix a été rigoureuse sur ce fait. Une manière pour elle, en quelque sorte, de se venger de certains comportements misogyne des hommes sous ses ordres. A force, nous avons pris le pli de parler français à tout moment, et surtout lors des missions. Mais le naturel revenant souvent au galop, selon l’expression, il nous arrive parfois d’intégrer des morceaux de notre langue maternelle dans nos échanges. Et particulièrement dans des moments de colère, comme le fait parfois le Major, comme vous avez pu vous en rendre compte. Néanmoins, elle a fait une exception pour Günther, celui-ci refusant de parler une autre langue que son allemand natal. N’ayant pu le faire revenir sur sa décision, et ne voulant pas le brusquer sur ce sujet, cela s’est rajouté à l’incompréhension des soldats, et a servi de nouveau prétexte pour martyriser Günther à l’insu de sa « maman ». Du coup, il est le seul à ne pas parler un mot de français…

 

Cela étant dit, et pour reprendre là où je m’étais arrêté avant cet aparté, Hans et Gerhard indiquèrent que la porte était sûre. Un peu abîmée, mais aucun risque qu’elle s’écroule. D’ailleurs, de ce qu’ils voyaient, l’ensemble de la maison semblait en plutôt bon état. Mis à part les deux vitres cassées, et la poignée de la porte avec sa serrure qui semblait avoir été enfoncée de l’intérieur. Comme si quelqu’un avait voulu sortir pour fuir quelque chose, dans un état de panique ou quelque chose de similaire. Encore un élément que nous aurions dû prendre en compte avant de nous engager au sein de cette demeure, et toute l’horreur qu’elle contenait. 

 

Cela nous aurait évité de nous retrouver en plein cœur de ce cauchemar qui allait tous nous consumer l’un après l’autre, et détruire les liens déjà fragiles composant notre groupe. Mais nous étions tellement en mode défense, craignant d’avoir été suivis par un détachement des soldats français nous ayant attaqués, que nous avons ignoré ces détails. Nous n’avions en tout et pour tout que trois fusils. Auquel se rajoutait le Luger du Major. Et pas assez de balles pour pouvoir contenir une attaque ennemie si nous nous y trouvions confronté. Cette maison pouvait nous offrir un abri sûr, si tant est que nous nous montrions discrets. Nous espérions que l’intérieur renfermerait un espace suffisamment protégé et disposant de rideaux suffisamment épais pouvant cacher la lumière, vu de l’extérieur, afin de dissimuler notre présence en son sein.

 

En parcourant l’intérieur, nous avons tout de suite été pris d’un malaise constant. L’odeur y régnant sentait le moisi de manière très prononcé. Il y avait autre chose que nous ne parvenions pas à définir. Et pourtant, notre expérience sur les champs de bataille aurait dû nous rappeler le côté habituel de cette senteur à laquelle nous avions été confrontés tellement souvent. C’est sans doute à cause du mélange d’odeurs, où se mêlaient humidité, pourriture d’aliments, tel qu’on en a trouvé dans la cuisine de la demeure, et d’autres effluves pas tous reconnaissables, qui ont fait que nous n’avons pas identifié dans l’immédiat cette odeur familière.

 

Une erreur qui aurait pu nous faire rebrousser chemin si nous avions pu reconnaitre l’âcreté singulière qui emplissait l’air. Elle n’était pas de la même ampleur suivant les pièces que nous visitions afin de vérifier que personne n’y vivait de manière cachée, et n’appartenant pas aux personnes que nous étions censés y trouver. A savoir le couple de scientifiques, et les 4 soldats qui avaient été assignés à leur surveillance. Mais cette odeur familière était bien là. Insidieuse, sournoise, se rappelant à nous dès lors que nous pensions qu’elle avait disparu. Et encore plus insistante dès lors que nous avons découvert la porte de la cave. Le futur territoire de la terreur qui ferait de nous ses proies. Voyant le Major s’avancer, je prenais les devants :


Andreas :

-   Si je puis me permettre, Sturmbannführer, ne prenez pas de risques inutiles. C’est mon rôle et celui des soldats de jouer les éclaireurs. On ne sait pas ce qu’il y a derrière cette porte.

 

Major Rosenhoff :

-   Votre sollicitude me touche, Sturmann. Mais je ne suis plus la fillette que vous avez connue. Je suis votre supérieure. Je passerais en premier. C’est à moi de protéger mes hommes, pas le contraire.

 

Je me sentais quelque peu honteux, conscient que j’avais sans doute vexé Alix, enfin le Major. Son allusion à notre passé commun me fit revenir, l’espace d’un instant, à ce jour où j’ai rencontré celle qui serait amené à devenir un officier hors norme, bien au-delà parfois de plusieurs de ses homologues masculins. Ce besoin de chercher la protection de ses hommes, on pourrait penser que c’est quelque chose d’habituel chez les officiers SS. Mais, de par mon expérience, j’ai pu constater que ce n’était pas si répandu qu’on pourrait le penser. Je ne me permettrais cependant pas de dire que c’était une généralité sur l’ensemble de l’armée, loin de là. Malgré tout, J’ai vu nombre de gradés ne pas hésiter à utiliser leurs hommes pour les couvrir, ne les voyant que comme des marionnettes tout juste bonnes à être jetées au feu des balles de l’ennemi, car insignifiants à leurs yeux. Seul comptait leur propre besoin de revenir vivant, estimant avoir bien plus d’importance en tant qu’officier que les soldats se sacrifiant corps et âme sans même penser à la mort. Pour le plus grand nombre, c’était même un honneur de périr pour la cause nazie.

 

Alix n’a jamais été comme ça. Je me permets, à ce stade du récit, de la dénommer par son prénom. Il était nécessaire de montrer le respect dû à son rang jusque-là pour expliquer le parcours de cette femme exceptionnelle. Je l’ai vu grandir, prendre de l’assurance, faire disparaître peu à peu ses formes féminines afin de montrer sa détermination à suivre le désir de son père. Celui qu’elle admirait devant tous les autres. Que ce soit par ses faits d’armes passés, qu’il lui racontait à sa demande, ou bien par son attention de père aimant. Elle n’aurait jamais fait quoi que ce soit qui puisse contrarier l’homme qu’était son père. J’en ai été témoin. 

 

Mes parents étaient souvent invités par ceux d’Alix, qui se prénommait encore Rosa à l’époque. Nous étions jeunes et j’ai été très surpris, au départ, de son attitude très masculine. Que ce soit sa manière de marcher, de s’adresser à moi, ses passions très peu féminines. C’était quelque chose qui m’a fortement perturbé, bien que je ne le faisais pas paraître. Je ne voulais pas me montrer irrespectueux envers la fille des amis de mes parents. Mon père s’aperçut de mes interrogations, et m’expliqua en retrait pourquoi Rosa agissait tel un garçon. Je comprenais alors mieux le lien entre son père et elle, cette admiration qu’elle montrait régulièrement en me parlant souvent de lui lorsque nous étions ensemble de notre côté, laissant les adultes à leurs discussions. C’est ainsi que j’ai découvert sa passion pour l’ésotérisme déjà très fort à l’époque. 

 

Elle pouvait me parler des heures de l’Atlantide, du Graal, de l’arche d’alliance, et d’autres trésors mythiques. Je voyais dans son regard tout l’engouement dont elle faisait part sur ça, ainsi que son désir de devenir soldat pour faire honneur à son père. Je ne sais pas si c’est ce dévouement qui m’a fait développer des sentiments envers elle. Je pense que ça en fait partie en tout cas. Son enthousiasme, sa fougue, sa joie de vivre qu’elle exprimait à chaque fois qu’elle parlait de tout ce qui la passionnait. C’est cet ensemble qui a fait involontairement naître de ma part une attirance envers elle. Mais je ne pouvais rien lui dire. Je savais qu’elle était un garçon dans sa tête, qu’elle aspirait à devenir l’égal de n’importe quel soldat SS, et voulait monter au plus haut. Plus elle grandissait, plus nos échanges verbaux devenaient solennels. Malgré cela, mes sentiments pour elle augmentaient, et la douleur de ne pouvoir les dévoiler aussi. Quand on me demandait parfois la raison qui m’avait poussé à être soldat, alors que ma famille n’était composée que d’industriels, bien loin des préoccupations militaires, je mentais sur mes motivations. Je disais que j’admirais l’armée, son prestige, et que je voulais offrir ma vie à l’idéologie nazie. Mais la raison était tout autre, comme vous l’avez sans doute compris.

 

Mon désir était d’être aux côtés d’Alix, à toutes les étapes de sa carrière. Je ne pouvais me résoudre à me retrouver loin d’elle. Alors, j’ai usé des relations de mes parents, de leur lien avec la famille de celle que j’aimais en secret, pour obtenir d’être formé dans les mêmes centres qu’elle. J’ai passé des heures chaque nuit à étudier les mythes adorés par Alix, afin de m’assurer de suivre le même chemin qu’elle. Et cela a porté ses fruits : j’ai été présent près d’elle tout le long de son ascension. Je sais qu’elle ne m’avait toujours considéré que comme un ami, en plus d’un officier dévoué au parti au même titre qu’elle. C’est quelque chose qu’elle appréciait hautement, et je devenais son confident privilégié sur ses petits tracas d’ordre militaire. Quand elle avait une décision à prendre, elle me demandait toujours mon avis, même si elle avait déjà décidé d’avance ce qu’elle ferait. Elle avait ce besoin d’avoir mon approbation sur sa décision. J’étais un peu comme le frère qu’elle n’avait jamais eu et qu’elle n’aurait jamais.

 

J’aurais aimé qu’elle ait un lien plus intime me concernant, mais sa position, son désir d’être reconnu en tant que soldat et homme était bien trop fort pour que je puisse faire quoi que ce soit. Jamais je ne me serais pardonné le moindre écart qui puisse briser notre relation fraternelle, pour un amour que je savais impossible. En tout cas, tant que nous serions soldats et que la guerre durerait. Je gardais l’espoir en moi qu’après la guerre, je pourrais dire ce que je ressentais à Alix, et que celle-ci parviendrait à accepter la part de féminité qu’elle a enfoui au plus profond d’elle. C’était illusoire, j’en suis conscient, mais je me raccrochais à cette idée. 

 

En attendant, je m’étais fait comme mission de la protéger par tous les moyens, la défendant devant ses détracteurs, officiers comme simples soldats. Et Hans m’a donné du fil à retordre à ce titre, je peux vous l’assurer. Il m’était impossible de m’opposer à ses décisions, quelles qu’elles puissent être. Aussi, lorsqu’elle m’a implicitement demandé de rester à ma place, en usant de nostalgie pour m’indiquer discrètement qu’elle n’était pas comme d’autres officiers, je n’ai rien dit, et je lui ai laissé le passage et ouvrir la porte. A dire vrai, celle-ci était déjà entrouverte, et à peine poussée, une fois qu’Alix eut allumé, nous comprîmes alors l’origine de l’odeur que nous ne parvenions pas à définir auparavant. Du sang. Il y avait de nombreuses taches brunâtres parfaitement reconnaissables sur toutes les marches descendant vers notre but. Ce qui jeta un froid soudain dans l’ambiance de notre groupe. Même Günther, qui n’avait pas sorti un mot jusque-là, n’a pu se retenir d’indiquer son inquiétude :

 

Günther : 

-   Verdammt ! Was ist hier passiert ?[Bon sang ! Qu’est-ce qui s’est passé ici ?]

 

Hans :

-   Tiens, le chouchou a retrouvé sa langue…

 

Andreas :

Gardez vos réflexions pour vous, Hans. Alles klar ?! [Compris ?!(mode sec et insultant)]

 

Il se tut, non sans me montrer un regard de défi, avant de s’engager lui aussi dans l’escalier, suivi de son éternel disciple Gerhard, puis de Günther et moi-même. Le nombre de marches semblait interminable, et les taches de sang de plus en plus nombreuses au fur et à mesure qu’on avançait.

 

Gerhard :

-   Scheisse ! [Et merde] On va jusqu’où comme ça ? En Enfer ?

 

Major Rosenhoff :

L’Enfer, c’est ce qui vous attend si vous ne parvenez pas à vous taire Gerhard ! Verstanden ? [Compris]

 

Un lourd silence s’établit alors, avant que nous posions enfin les pieds sur le sol de la cave constituant notre objectif. Nous étions habitués à nous rendre dans des endroits particuliers qui auraient pu faire fuir n’importe quel civil, mais jamais nous n’avions vu ce qui se trouvait sous nos yeux. Le sol était rouge par endroits, tellement le sang s’y était imprégné. Nous apercevions çà et là des morceaux noirâtres et putrides dont nous nous doutions de l’origine. Les murs étaient parsemés de runes, de pentagrammes et d’autres signes cabalistiques. C’était presque comme des formules de livres qui avaient été inscrits pour les mémoriser, car n’existant pas dans des livres connus. Une grande table trônait contre le mur en face de nous, où se trouvait un carnet rempli d’une écriture incompréhensible. Même Alix, pourtant habituée à lire plusieurs types d’écrits anciens, ne parvenait pas à comprendre le sens des mots. Il y avait d’autres meubles, renfermant toutes sortes d’artefacts, d’ustensiles étranges et de matériel de chimie.

 

Hans :

Heilige Scheisse ! [putain de merde] Ils faisaient quoi ici ? Des sacrifices humains ?

 

Andreas :

Ne dites pas n’importe quoi Hans. Nous ne sommes plus au moyen-âge. C’étaient des scientifiques qui officiaient ici…

 

Hans :

Des scientifiques ? Avec tous ces trucs sur les murs ? Sans parler du sang sur le sol… On se croirait dans un club pour satanistes oui…

 

Gerhard :

-   Je confirme, Sturmann : ça ne ressemble pas vraiment à un lieu de recherches. Je sais ce que c’est qu’un lieu de travail de ce type, et ce qu’il y a ici n’a rien à voir !

 

Major Rosenhoff :

Auriez-vous peur Gerhard ? Si vous craignez de faire dans votre froc, je vous conseille de rester ici à vous demander pourquoi vous êtes soldat, pendant qu’on inspectera les autres pièces…

 

Gerhard, piqué au vif, s’avança et se dirigea vers la droite, en direction de ce qui ressemblait à une autre pièce.

 

Andreas :

-   Ne partez pas seul Gerhard !

M’adressant à Hans :

Suivez cet imbécile… Vous ne voudriez pas qu’il arrive malheur à votre cher adepte, pas vrai Hans ?

 

Hans (à voix basse) :

En parlant de larbin…

 

Andreas :

Vous avez dit quelque chose Hans ?

 

Hans :

- Non, non, rien…

S’adressant à Gerhard :

Attends-moi Gerhard ! Je t’accompagne !

 

Günther suivait Alix qui se dirigeait dans l’autre sens, non sans que celle-ci donne des ordres aux deux fortes têtes :

 

Major Rosenhoff :

Hans, Gerhard ! Si vous trouvez quelque chose d’inhabituel, ne touchez à rien, et revenez me faire un rapport de ce que vous avez vu…

 

Hans fit un geste de la main pour toute réponse, pendant que je suivais Alix et Günther.  C’est là que nous sommes tombés sur ce qui nous parut être l’antre de Frankenstein. Une sorte de cuve de métal remplie d’un liquide nauséabond était placé dans un coin. Partout sur les murs figuraient d’autres signes comme dans l’autre pièce. Il y avait aussi des bibliothèques abritant toutes sortes de livres scientifiques en français, en anglais et d’autres langues. Y compris l’allemand. Des traités mathématiques, d’astronomie, et même de sorcellerie. Mais il y avait autre chose. Une odeur surplombait l’air, venant d’un petit ressac sur notre gauche.

 

Nous nous y sommes engouffrés, et y avons découverts un amoncellement de cadavres les uns sur les autres, dans des états de décomposition divers, tous démembrés. Nous reconnaissions des soldats SS par ce qui restait de leurs uniformes. Leurs visages… leurs visages étaient déformés, leurs mains anormalement allongées. D’autres semblaient être des civils, possédant les mêmes caractéristiques monstrueuses. Sur le côté droit figurait une sorte d’immense cage, qui avait vraisemblablement servi à enfermer les victimes dont les corps recouvraient le sol à l’opposé. Le fond de celle-ci était rempli de sang, les barreaux étaient également imbibés. Quel que soient les expériences menées ici, c’était bien loin de simples recherches scientifiques basées sur les portails dimensionnels, comme on nous l’avait mentionné. A la vue de tout ça, Günther hurla de terreur, s’enfuyant de là où nous étions.

 

Günther :

Lass mich hier raus ! Dieser ort eine höhle der dämonen !  [Laissez-moi sortir d’ici ! cet endroit est un repaire de démons !]

 

Major Rosenhoff :

Günther ! Revenez ici ! 

 

Andreas :

Je me charge de le ramener à la raison, Sturmbannführer !

 

J’ai couru comme un dératé, et j’ai réussi à rattraper Günther, avant qu’il s’engouffre dans les escaliers. J’ai été obligé de le plaquer au sol pendant qu’il me parsemait d’insultes, ayant totalement oublié qu’il n’était qu’un simple soldat s’adressant à un supérieur. Mais au vu de sa panique compréhensible, au vu de ce que nous avions découverts de l’autre côté, j’aurais été mal avisé de lui en tenir rigueur. Alix tentait de le calmer en lui parlant, pendant qu’Hans et Gerhard, alerté par les cris, revenaient eux aussi à la hâte.

 

Günther :

Ich sollte nicht hier sein ! Sie habern versprochen ! Ihc hätte dir nie folgen sollen ! [Je ne devrais pas être ici ! Ils m'avaient promis de m’extrader ! Je n'aurais jamais dû vous suivre !]

 

Nous nous sommes alors tous interrogés sur ces propos qui nous faisaient entrevoir une vérité pouvant expliquer l’attaque surprise dont notre unité avait été victime. Je voyais le visage se couvrant de surprise et de tristesse en même temps d’Alix, à la lumière de ce que nous venions d’entendre.

 

Major Rosenhoff :

Günther ! Erkläre es mir ! [Explique-moi !] j’ai peur de comprendre…

 

Se reprenant, et ravalant ses larmes qui commençaient à couler sur son visage, Alix s’adressa alors à nous, consciente qu’elle n’avait pas le choix de mettre de côté son affection pour son « fils », et montrer son inflexibilité si elle ne voulait pas se retrouver face à une mutinerie justifiée de la part d’Hans et Gerhard. Ce que je ne me sentirais pas le droit d’arrêter, si nos soupçons s’avéraient exacts…

 

Major Rosenhoff :

Attachez-le quelque part ! Je dois l’interroger et tirer ça au clair !

 

J’aperçus le sourire glaçant d’Hans qui prenait plaisir à exécuter cet ordre, prenant plaisir à assister à la chute du « chouchou » de la « reine » Rosenhoff. Pendant que moi et Alix étions parvenus à maîtriser Günther, qui continuait à répéter en boucle la même phrase, Hans revint avec une chaise récupérée dans la pièce qu’il venait d’inspecter avec Gerhard. On installa Günther dessus, attachant ses mains derrière le dossier de la chaise avec la ceinture de son uniforme, à défaut d’avoir une corde. J’aperçus un nouveau sourire sur le visage d’Hans qui serrait la ceinture avec délectation, provoquant un cri de douleur de la part de Günther. Ce dernier avoua tout très vite, en proie à la terreur la plus intense. Lors d’une de ses permissions, il avait été approché par deux hommes qui se sont présentés comme ceux pouvant lui permettre de quitter l’armée nazie comme il le souhaitait. Ils n’ont pas tout de suite indiqué qui ils étaient. Mais rien que cette phrase avait immédiatement fait suivre l’attention de leur interlocuteur.

 

Ils lui précisèrent qu’ils avaient une taupe au sein de l’Ahnenerbe, présent au sein de notre unité, et chargée de récolter des renseignements à même de connaître les futurs déplacements des soldats de la section. Mais ceux-ci étaient tenus au secret jusqu’au jour de la mission, et il ne lui était donc pas possible de prévenir en temps et en heure ses commanditaires, afin de trouver l’endroit adéquat pour mettre en place une attaque. Le but étant de délivrer les scientifiques enrôlés de force par l’armée nazie, et obligés de travailler pour l’Ahnenerbe en offrant leurs connaissances sur le terrain des missions où ils étaient emmenés.

 

Cependant, la taupe savait le lien particulier entre le Major et Günther. Et surtout du désir de ce dernier de quitter la vie militaire et fuir les brimades quotidiennes de ses camarades. Une fois lui avoir fait miroiter de quitter la France, ainsi que l’assurance de sa protection jusqu’à la fin de la guerre, persuadés de l’emporter sur l’Allemagne et ses alliés, ce fut facile pour ces hommes de faire de lui une nouvelle taupe, afin de leur apporter les renseignements récoltés discrètement auprès d’Alix sur les dates de la prochaine mission, et ainsi élaborer une attaque en suivant le plan de route de celle-ci. Renseignements qui seraient rapportés à l’autre taupe déjà en place, celle-ci se chargeant de diffuser les informations par ses moyens habituels, sans que le moindre soupçon soit porté sur Günther.

 

Tout devenait limpide sur le pourquoi de cette attaque ayant décimé notre unité. L’autre taupe faisait partie de la mission : Günther nous avait indiqué son identité. Ce qui faisait que le soldat-espion avait soit rejoint les rangs de la troupe nous ayant attaqués, soit il avait péri lors des affrontements. L’ennemi connaissait le but de la mission. Ce qui veut dire que nous devions nous attendre à voir débarquer au-dehors un détachement afin de s’assurer qu’aucun survivant n’ait pu échapper à l’attaque et continué la mission. Alix ordonna à Gerhard de se poster à l’étage de la maison, et de nous informer s’il apercevait des soldats français se dirigeant dans notre direction. Hans ne parvint pas à calmer sa haine en apprenant ce qu’avait fait Günther.  Il épaula son fusil, prêt à donner le sort réservé aux traitres. Mais une fois de plus, Alix s’interposa, provoquant la colère d’Hans.

 

Hans : 

C’est un traitre ! Ce chien galeux doit mourir ! Vous avez beau être notre supérieur, vous ne pouvez pas aller à l’encontre des règles !

 

Andreas :

Il suffit Hans ! Je ne vous permets pas de parler ainsi à votre Sturmbannführer !

 

Alix fit un geste devant moi, signifiant de ne pas prendre sa défense.

 

Major Rosenhoff :

-   Laissez, Andreas… Il a parfaitement raison… Je suis officier nazi, et en ce sens, je ne peux pas mélanger mes ressentiments à mon devoir.

S’adressant à Hans :

Günther aura le sort que mérite les traîtres, je m’en porte garante. Si je faillis à mon devoir, je donne le droit à Andreas ici présent de prendre le commandement à ma place, et je me constituerais prisonnier, en attendant que mon sort soit statué en haut lieu de la hiérarchie. Si cela peut vous rassurer, j’ai honte. Honte d’avoir veillée à protéger un traître. J’assume ma faute, soyez en assuré. Je sais que vous devez jubiler en secret pour ça. S’il le faut, je quitterais mon rang, mon statut de soldat, afin de minimiser la disgrâce de ma famille, et surtout de mon père. Mais avant, nous devons interroger plus avant Günther pour savoir s’il a fourni d’autres informations à l’ennemi. Cela vous convient-il, Hans ?

 

Je voulais intervenir, à la suite des déclarations d’Alix, mais je savais qu’elle m’en aurait empêchée. Je ne pouvais aller à l’encontre de sa décision pleine de bon sens. J’étais dévasté. Elle qui avait voué sa vie au parti, elle qui avait renoncé à son statut de femme pour lui, elle allait tout perdre, à cause du choix de protéger celui qu’elle voyait comme un fils. Curieusement, Hans garda son calme, sans tenter de s’opposer à la demande d’Alix.

 

Hans :

Très bien. Si vous assumez votre faute, cela me convient. Je demande juste une chose : je veux être celui qui ôtera la vie à ce chien.

 

Major Rosenhoff :

Accordé, Hans. Une fois assuré que Günther nous aura dit tout ce qu’il sait et qu’il ne nous a pas dit, c’est vous qui l’exécuterez. Vous avez ma parole d’officier…

 

Hans, satisfait, se contenta de hocher la tête pour montrer son approbation. 

 

Hans : 

Sturmbannführer : c’est la première fois que nous tombons d’accord. Et c’est aussi la première fois que je fais preuve d’un véritable respect envers vous. Je regrette presque de ne plus vous avoir comme mon supérieur après ça. Finalement, vous êtes un bon chef. Je me suis trompé sur vous. Sur toute la ligne. Et si vous avez besoin de quelqu’un pour appuyer le fait de conserver votre rang, je suis votre homme.

 

Juste après cette déclaration, Hans ne put s’empêcher de pousser la chaise où était installé Günther vers le mur derrière. Au même moment, on entendit des dizaines de sons métalliques parsemer la maison au-dessus de nous. Quelques minutes plus tard, Gerhard arrivait haletant :

 

Gerhard :

Sturmbahnnführer ! Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais toutes les fenêtres se sont recouvertes de volets en métal. Même la porte d’entrée ! On est prisonniers de cette foutue maison !

 

Hans, Alix et moi on regarda alors instinctivement le mur où avait appuyé la chaise de Günther. Une sorte de petite lumière rouge se montrait. Poussant la chaise, je regardais de plus près. Sous le plâtre du mur, on voyait distinctement un bouton. Et d’ailleurs, le plâtre à cet endroit n’en était pas. C’était un revêtement ayant la même apparence, mais cachant une sorte de petite niche dans le mur, une fois enlevé cette matière, et nous révélant la forme sphérique de l’appareil. Au vu de ce que nous avait révélé Gerhard, c’était l’action de ce bouton qui avait déclenché le dispositif des volets métalliques. Étrange. Pourquoi un tel dispositif ? Peut-être était-ce une sécurité pour que personne ne puisse entrer dans la maison et ne voie ce qui s’y passait. Mais peut-être que sa fonction était toute autre, et était là, au contraire, pour empêcher ce qui se trouvait dans la maison de sortir. Les évènements qui suivirent m’en convainquirent.

 

Laissant l’affaire Günther de côté pour l’instant, Alix ordonna qu’on débarrasse la cave de la présence des cadavres découverts dans la pièce d’à côté. La nuit était tombée et Gerhard n’avait détecté aucune présence de patrouille ennemie aux alentours. L’occasion de relever les volets, maintenant que nous savions comment nous servir de cette aide inattendue, et d’enterrer ce qui restait de ces corps près du petit cimetière que nous avions aperçu lors de notre arrivée. Nous repensions aux tombes sans nom. Au vu de ce que nous avions trouvés, il devenait évident que ce qui se cachait sous terre était vraisemblablement le résultat de précédentes expériences. Des cobayes ratés qui avaient fini leur rôle, et finissant dans ce cimetière qui avait des allures désormais macabres. Dans d’autres circonstances, nous aurions sans doute voulu savoir l’état des cadavres cachés sous ces tombes, mais la monstruosité apparente des cadavres qui devaient être évacués, se rajoutant au danger d’être surpris par un groupe de soldats ennemis, nous ont enlevés toute curiosité.

 

J’ai aidé Gerhard et Hans à creuser le trou pour y enfouir ces corps déformés. Cela laissait du temps à Alix pour tenter d’en savoir plus en questionnant Günther. Personne n’était dupe : nous savions tous que le Major avait trouvé l’excuse d’interroger Günther pour se préparer à la mort inéluctable de son fils d’adoption. Je savais qu’Hans avait compris dès lors qu’Alix avait proposé cette alternative, et il avait fait preuve d’un humanisme et d’une compréhension que je ne lui soupçonnais pas à cette proposition. Surtout en regard de l’opposition perpétuelle entre Hans et Alix. Je suppose qu’Hans a compris que le petit jeu entre eux était à sa fin, et que cela ne servait à rien de profiter de la situation pour enfoncer plus encore le Major. Pour la première fois, il avait compris le lien entre Alix et Günther, par suite des motivations ayant conduit ce dernier à trahir, quitte à perdre le respect de la seule personne qui l’avait toujours défendu.

 

Je ne sais pas si c’est de la pitié qu’il a ressenti envers Alix ou quelque chose de plus profond. Il a lui-même subi les conséquences de la trahison envers le parti d’un membre de sa famille, en l’occurrence son oncle. Il savait ce que cela pouvait déclencher, et je pense qu’on peut dire qu’il était la personne pouvant comprendre le plus le ressentiment d’Alix dans ce contexte. Le fait est qu’Hans a complètement changé vis-à-vis du Major après ça, ce qui a permis paradoxalement de retrouver la coordination que nous avions perdue, ainsi qu’une ambiance nimbée dans le calme. Cependant, il y avait encore plusieurs interrogations qui nous tenaillaient.

 

L’état des cadavres, la cage, la cuve remplie d’une substance curieuse, le bouton, les volets… ça faisait beaucoup de choses curieuses. L’un des cadavres retrouvés dans la maison avait une blouse blanche, et était visiblement un homme. Ce qui supposait que c’était le mari du couple de scientifiques. Mais aucune trace de la femme nulle part. Il y avait aussi la porte d’entrée clairement enfoncée, les vitres brisées. Autant de questions qui allaient bientôt trouver leurs réponses. En revenant à l’intérieur, nous retrouvions le Major passablement énervée, les cheveux défaits, son visage mélangé de larmes et de rougeurs dues à une colère extrême. Günther était parsemé de bleus apparents sur les joues, les yeux pochés, le nez en sang. Signes apparents d’un interrogatoire musclé sous le coup de la colère de la part d’Alix. Voyant notre air dubitatif, elle s’adressa à nous :

 

Major Rosenhoff :

Il n’y a rien à en tirer. Cette petite merde refuse d’en dire plus. Et même pas un verre de schnapps dans le coin pour me calmer. Hans ! Si vous voulez en finir avec cette larve, c’est le moment : je vous en donne l’autorisation…

 

Le Hans que je connaissais auparavant n’aurait pas hésité une seconde à suivre cet ordre, et aurait abattu Günther sans retenue. Mais le nouveau Hans, lui, montrait plus de diplomatie.

 

Hans : 

Sans vouloir être impoli, Sturmbannführer, je pense qu’il y a plus urgent. Comme découvrir ce qui s’est tramé ici. On est loin d’avoir découvert tous les secrets de cette foutue baraque. Et je vous avouerais que plus on aura trouvé la raison du massacre qu’il y a eu ici, sans compter l’absence de la femme du couple ou en tout cas son cadavre, plus on pourra se tirer. En plus de ça, on n’a pas eu le temps de s’atteler à la radio pour tenter de la réparer.

 

Gerhard : 

Je suis d’accord avec Hans, Sturmbannführer. Je suis un des premiers à désirer tuer cette ordure de Günther. Mais on vient d’enterrer une dizaine de cadavres bizarres, et je ne me sens pas la force d’en enterrer un autre. J’ai repéré plusieurs matériaux dans la maison susceptibles de pouvoir me permettre de réparer la radio, et donc de demander de l’aide une fois fait. Ça vous laisse le temps d’inspecter le reste de la maison. D’autant que Hans et moi on a trouvé un pan de mur étrange de l’autre côté…

 

Andreas :

Un mur étrange ? C’est-à-dire ? Expliquez-vous…

 

Hans :

Ben on voit des marques dessus, comme le contour d’une porte. Mais on n’a pas eu le temps de chercher ce qui pouvait actionner son ouverture. Au même moment, on a entendu les cris de Günther.

 

Major Rosenhoff :

Vous avez raison. J’ai perdu assez de temps ici avec ce traitre. J’ai besoin de me détendre. Emmenez-moi à cette porte, qu’on cherche comment l’ouvrir et savoir ce qui se cache derrière. Peut-être y trouverons-nous des réponses.

S’adressant à Gerhard :

Gerhard, libérez cette table, et installez-vous dessus pour réparer la radio. Je compte sur vous. Nous autres allons voir ce qui se trame dans l’autre pièce.

 

Gerhard :

Zu ihren Diensten, Sturmbannführer [à vos ordres major] ! Je m’y mets tout de suite !

 

Laissant Gerhard sur place, Günther, vu son état du fait de l’interrogatoire d’Alix, et ne représentant aucun risque de tentative de s’échapper, on s’est donc rendu tous les 3 dans la pièce désignée par Hans et Gerhard. Une pièce composée d’une bibliothèque couvrant tous les murs, remplie de parchemins, de livres anciens, et de petits meubles vitrifiés renfermant des ossements, des crânes, et d’autres reliques issues de corps aux attributs plus que curieux. Ça ne ressemblait pas à des os humains. Les crânes étaient allongés au niveau de la mâchoire, il y avait des doigts faisant deux fois la taille de celui d’un homme. En fait, cela faisait beaucoup penser à ce que nous avions vu dans la pièce de la cage. Un livre posé sur un lutrin de bois, ayant le même genre de signes gravé sur son contour, attira l’œil d’Alix, qui se dirigea vers lui et l’ouvrit, avant d’en consulter les pages.

 

Ce livre était une sorte de traité écrit par un alchimiste obscur du XVème siècle, ayant officié en Allemagne. De ce que le Major avait lu, il avait découvert un moyen d’assembler, ou plutôt de fusionner des tissus humains avec ceux issus de corps d’animaux, afin de créer une sorte de combinaison chimique à même de lutter contre des maladies dont il n’existait aucun remède à l’époque. Le but de ses travaux était de combler les lacunes des défenses immunitaires du corps humain en y associant celles d’animaux réputé pour leur conditionnement à des environnements extrêmes. Comme des animaux vivants dans des lieux hostiles tels que des montagnes, des forêts ou dans des cavernes où l’air est peu respirable pour un être humain. Alix lisait tout haut afin que nous puissions profiter nous aussi des connaissances du livre.

 

Au même moment, Je découvrais une protubérance cachée à l’arrière de la bibliothèque, tout près des marques sur le mur. J’actionnais cette sorte de petit levier, ce qui provoqua un tremblement, suivi de l’ouverture de la fameuse porte dissimulée et nous donnant accès à la pièce se trouvant derrière. Nous entrions alors au sein de ce qui se révélait être le centre névralgique de cette cave, véritable cour des miracles de l’ésotérisme, au sein d’un laboratoire aux accents de l’ambiance des meilleures BD SF traitant de génétique, créée par des savants ayant mis de côté tout sens éthique de la dignité humaine. 

 

à suivre...

 

Publié par Fabs