L’inspiration. L’imagination. Comment parvient-elle dans les cerveaux d’hommes, de femmes, d’enfants ? Qu’est-ce qui créée l’étincelle parvenant à modeler des personnages, des univers, des lieux ? Parfois, c’est dû à la culture diversifiée, par le biais de livres, de documentaires, d’articles de journaux, ou sur les réseaux sociaux, de rumeurs sur le net, de sites de toutes sortes. Que ce soit dans le domaine du crime, de la mythologie, de la cryptozoologie, de témoignages, de reportages. Il n’y a pas vraiment de formule secrète en fait : tout dépend de la capacité de chacun de créer, étendre, insuffler la vie dans une histoire. Comme on malaxe de la pâte à modeler en fait. Et puis il y a ceux qui font appel à leur propre vécu, en bien ou en mal, ou bien celui de souvenirs de leurs proches, ou de parfaits inconnus, rencontrés dans la rue, à la faveur d’un spectacle, d’une soirée, d’une pause dans un bar pour se remettre d’une journée de travail harassante.
C’est cette faculté à se servir de tout ce qui nous entoure qui permet à des romanciers ou des scénaristes d’offrir des histoires pouvant captiver les futurs lecteurs, auditeurs ou spectateurs. On sait bien que la plupart des films d’horreurs sont fictifs, plaçant des protagonistes dans une situation prétexte, pour les faire se confronter à des tueurs, des entités, des esprits revanchards, dans le simple but de divertir. Mais parfois, certains s’inspirent de personnages bien réels. Dahmer, Gacy, BTK, Bundy et tant d’autres font régulièrement le plaisir coupable de passionnés de l’horreur. Pas forcément parce qu’ils cautionnent les actes de ces monstres humains, mais plutôt parce qu’ils sont fascinés par le processus qui a fait de ces tueurs des êtres sans le moindre remords pour leurs actions.
On pourrait croire que c’est tout le contraire pour les personnages devenus des icônes de l’horreur, tel Chucky, Freddy Krueger, Pinhead, Michael Myers, Ghostface et bien d’autres. Même si certains d’entre eux ont quand même été plus ou moins inspirés par des tueurs à l’origine. Hannibal Lecter, tout comme Bates, ou encore Leatherface, doivent leur existence à Ed Gein par exemple. Mais qu’en est-t-il d’autres figures faisant le bonheur des fanas d’horreur, comme Jason Voorhees ? L’une des icônes les plus marquantes et appréciés du genre, dont le terrain de prédilection, son territoire privilégié, reste Crystal Lake. Un lieu dont le nom évoque automatiquement le célèbre tueur, tellement il a marqué les esprits. Et si nombre de lacs portent ce nom, comme celui situé dans près des villes de Burnsville, Pelican Rapids, Enfield ou Glimanton, aucun d’entre eux n’est celui qui a servi pour le tournage du premier film, en 1980.
Le nom de Crystal Lake évoque également une célèbre affaire de disparition, dans les années 70. Celle de Debbie Spickler, Janice Pocket et Lisa White. Même si dans ce cas précis, il s’agit d’une région située aussi dans le Vermont, où figure aussi un lac portant le même patronyme, près de Barton. Mais le vrai Crystal Lake, celui où s’est déroulé le tournage de l’un des slashers les plus connus de l’histoire horrifique, lui, est dans l’état du New Jersey, près de la ville de Hardwick. Devenu depuis un lieu touristique, prisé par de nombreux fans de la saga, chaque été, afin de placer ceux ayant acheté leurs billets sur le site officiel de Crystal Lake Tours, et propriété de la société Northern New Jersey Council, Crystal Lake et son camp sont devenus des lieux mythiques. Pour une somme variant entre 89 et 179 dollars, vous pouvez dormir dans le camp No-Be-Bo-Sco, faire du canoé sur le lac, et profiter des nombreuses animations offertes aux visiteurs, ainsi qu’acheter des souvenirs pour faire pâlir d’envie vos amis.
Parmi les animations, vous pouvez assister à la venue de Jason Voorhees lui-même, sur les rives de Crystal Lake, venant faire un tour au sein du camp, en quête de jeunes ados ayant commis les péchés de chair, de boisson ou de drogue, comme dans les films. Pour un fan, se faire pourchasser par une incarnation de Jason Voorhees, il n’y a pas mieux. Même si chacun est conscient que ce n’est qu’un figurant, payé pour faire peur, avec le sourire, à ceux ayant donné leur argent, dans le seul but d’avoir une frayeur, le temps d’une nuit, inoubliable.
Mais ce que je vais vous révéler risque de vous faire changer d’avis sur la nature et l’inspiration de ce lac mythique et son camp tout aussi célèbre. Car ce qui vit là-bas est loin d’être une simple légende, une rumeur ou toute autre création issue du cerveau d’un scénariste d’Hollywood. Comme vous, je pensais que Jason Voorhees avait été inventé de toute pièces, au même titre que nombre de ses « collègues » du monde horrifique. Mais parfois la fiction est dépassée par la réalité, et mon équipe et moi-même en avons fait les frais un soir de Noël. Oui, vous avez bien entendu. Dans les films, Jason chasse en été, saison de prédilection de ce tueur légendaire du cinéma d’horreur. Mais le personnage dont il est l’inspiration n’a pas la même notion de respect chronologique. Et à ce moment, j’étais loin d’imaginer que le scénario concocté par Victor Miller pour le premier film de la franchise, n’était pas complètement inventé, et comportait des éléments appartenant à une légende locale, qui lui a servi pour créer son histoire devenu le succès que l’on sait, à l’âge d’or du slasher.
Ce que je vais vous confier, je ne l’ai encore dit à personne. En tout cas, j’ai volontairement occulté certains détails à la police, suite à ce qui nous est arrivé ce soir-là, de peur qu’on me prenne pour un geek absolu de la saga Vendredi 13 et de Jason Voorhees. On m’a longtemps soupçonné d’être un dérangé, dont la passion pour la saga horrifique avait fait sombrer dans la folie, au point de vouloir reproduire certains faits de mon « idole », comme les policiers l’ont précisé dans leur rapport. Jusqu’à tuer ceux qui étaient venus avec moi, dans un souci de retrouver la sensation de me glisser dans la peau de mon tueur préféré.
Ayant choisi l’hiver pour mieux détourner l’attention. L’été aurait été impossible, puisque le camp était réservé de nombreux mois à l’avance par des groupes, des couples, ou de simples fans, afin de se trouver dans la même ambiance des films où officiait Jason Voorhees. Mais la vérité est tout autre, et je me devais de la raconter. Ne serait-ce que pour soulager ma conscience, et surtout révéler ce qui s’est vraiment passé cette nuit-là. Le massacre qui s’y est déroulé, et la terreur qui s’est emparé de moi, et qui se trouve toujours blotti dans un coin de ma tête, rien que d’évoquer cet horrible cauchemar dont je suis le seul survivant.
Ce n’est pas Jason que j’ai affronté à ce moment, mais bien pire. J’ai été confronté à celui dont il s’inspirait, et dont Victor Miller s’est bien gardé de révéler l’existence, sans doute par peur de créer un engouement trop important, et qui aurait pu nuire à la popularité du film par la suite, si tout le monde l’apprenait. Je pense également que si Miller a volontairement établi le contexte de son scénario en été, c’est justement pour que personne ne fasse le rapprochement avec la vérité entourant Crystal Lake, et de l’aura meurtrière qui l’entoure chaque hiver. Depuis déjà bien des années, et caché par les autorités de la ville, évitant toute fuite, pour ne pas risquer que l’activité touristique liée au camp en été pâtisse du fait que du sang est bel et bien enfoui dans la terre de Crystal Lake. Et celui-ci, ce n’est pas du cinéma. Ce n’est pas du liquide de synthèse fabriqué par des spécialistes du maquillage. Le sang qui s’y trouve est celui de victimes bien réelles. Toutes tuées dans des conditions atroces, comme allait me le montrer mes recherches après cette tragique nuit. Mais reprenons au début. Je vais vous raconter comment tout a commencé, et de quelle manière je suis devenu le suspect numéro un d’un carnage sans équivalent dans l’histoire de Crystal Lake…
Ça s’est passé il y a 2 ans de ça. Avant tout chose, je dois préciser que je suis scénariste. Même si mon CV se limite à deux petits films de série B, qui sont directement sortis en DVD et en VOD, j’ai cet amour du genre qui ne m’a jamais quitté depuis que je suis gosse. Je pense que ça ne vous surprendra pas vraiment, au vu de ce que je vous ai dit précédemment, mais mon premier film d’horreur que j’ai eu l’occasion de voir, c’est « Vendredi 13 », à l’âge de 16 ans. Le petit plus qui me fait penser que j’étais peut-être destiné à vivre la tragédie qui allait me tomber dessus, c’est que je suis né en 1980, l’année où le film est sorti. Et un hasard n’arrivant jamais seul, je suis sorti du ventre de ma mère le jour de la première du long-métrage. Pas à la même heure, je vous rassure. Si ça avait été le cas, ça aurait quand même été encore plus étrange.
À la suite de cette découverte qui allait me marquer à jamais, je me suis goinfré, les années suivantes, de films d’horreur de toutes sortes. Que ce soient des classiques, comme ceux étant tombé dans l’oubli du vide intersidéral de la mémoire collective. Même des spécialistes les plus avisés officiant sur des sites dédiés à l’histoire du genre. C’est pour vous dire à quel point j’étais avide de sang versé, de tripes sorties du corps et autres joyeusetés s’affichant sur un écran, petit ou grand. J’ai vu beaucoup de nanars, du style de ceux qu’on n’ose pas avouer avoir vu, et il y en a un paquet que je préfère ne pas énoncer, tellement ce serait leur donner l’importance qu’ils ne méritent pas. Mais à côté de ça, il y en a aussi qui sont des références en la matière, dont un grand nombre de chefs-d’œuvre. De « Carnival of Souls », un de mes préférés, à « Psychose », « L’Exorciste », « Rosemary’s Baby », « Les Frissons de l’Angoisse » ou encore « L’Au-Delà » de Lucio Fulci, de très loin le meilleur film du réalisateur italien, et qui figure dans le trio de tête de mon palmarès de l’horreur personnel.
Une passion qui m’a amené à vouloir créer moi aussi des histoires, et de fil en aiguille, après un passage dans une école dédié, je suis devenu scénariste. Bon, j’étais conscient que j’étais encore loin d’avoir le niveau des grands auteurs de l’histoire de l’horreur, mais néanmoins mon premier scénario, envoyé à de multiples petites boites spécialisées dans le genre, a intéressé l’une de ces dernières, et j’ai pu ainsi devenir officiellement un scénariste reconnu. Enfin, reconnu, c’est un grand mot. Disons que je n’étais plus un total inconnu, puisqu’un film dont j’avais signé le scénario venait de sortir. Sans doute pas le film du siècle, mais dont les chiffres de vente ont suffisamment satisfait les producteurs, et qui a obtenu des notes plus que correctes sur les sommités que sont Rotten Tomatoes et IMDB, et me permettant de vendre mon 2ème scénario à un prix plus élevé que le premier.
Là encore, de très bons scores pour un petit film de genre, m’ont amené à voir encore plus grand. Bien que fana de la franchise, j’avais été assez déçu de la direction des derniers volets de « Vendredi 13 ». Je pense que tout le monde sera d’accord sur l’absurdité du Uber Jason du 10ème volet de la saga. Franchement, l’idée d’envoyer l’un des tueurs les plus emblématiques du genre dans l’espace, comment le dire sans être vulgaire… C’était vraiment la pire idée qu’on puisse avoir pour le personnage. Un irrespect total des fondements de la franchise. Déjà le 8ème, se situant à Manhattan, c’était déjà limite, mais là, c’était n’importe quoi. Et le remake en 2009 n’a fait qu’enfoncer le clou de la dégénérescence de « Vendredi 13 » à mes yeux. Je voulais rendre un vrai hommage à cette saga qui m’avait fait découvrir le monde de l’horreur, et j’ai même proposé à des producteurs « ma » vision, revenant aux sources du mythe. Comme Victor Miller était en plein procès avec Sean S. Cunningham à l’époque, pour les droits du personnage, je ne pouvais pas l’utiliser officiellement. Mais j’ai eu l’idée d’une sorte de mémorial : un documentaire basé sur l’aura que représentait Crystal Lake, le territoire mythique de la saga, aux yeux des fans.
Mais pour plus d’authenticité, il fallait qu’on aille sur place, à Crystal Lake, là où avait été tourné le 1er film de la saga. Ayant pas mal appris sur les tournages des films adaptés de mes scénarios, je me sentais confiant pour réaliser moi-même ce documentaire. D’autant qu’une grande partie serait constitué de témoignages de fans, et de techniciens qui avaient officiés sur des films de la franchise, à défaut d’avoir assez de pouvoir pour me garantir la présence de stars de « Vendredi 13 », Kane Hodder en tête, celui qui représente le mieux Jason Voorhees, pour être l’acteur l’ayant le plus souvent incarné. Mais je gardais espoir de pouvoir l’approcher ou le contacter pour l’associer au projet. Dans un premier temps, il me faudrait tourner des plans de base et quelques séquences à Crystal Lake même. Et je voulais quelque chose de différent de ce qui avait déjà été fait en termes de documentaire sur l’homme au masque de hockey.
Après tout, il y en avait déjà eu sur la saga, dont le plus connu « My Name Is Jason ». Mais celui-ci était sorti en 2009, et commençait à dater un peu. D’autant que je voulais une atmosphère à part. Le fait de ne pouvoir obtenir l’autorisation de tourner en été sur place, à cause de la vague touristique rapportant des bénéfices conséquents à la société gérant Crystal Lake, fut une aubaine pour moi qui cherchait un cadre à part pour ce nouveau documentaire. Placer les fêtes de Noël en fond pour parler de Vendredi 13 et Jason Voorhees, c’était suffisamment audacieux pour inciter la société à accepter de me laisser tourner exceptionnellement durant cette période, en retour d’un pourcentage sur les futures recettes du film, s’ajoutant à la somme astronomique demandée pour l’autorisation de filmer au cœur de Crystal Lake et du camp reconstitué. J’ai dû insister un peu auprès de la maison de production ayant accepté de financer le film, trouvant cette somme exagérée, mais après plusieurs négociations, et quelques coups de fil à ladite société, acceptant de revoir son prix à la baisse, mais un pourcentage plus important, je pus finalement monter mon équipe, et tous ensemble nous partîmes avec notre matériel à Crystal Lake, quelques jours avant Noël…
Je sais que ça va vous paraitre cliché, mais je n’invente rien : à peine arrivé à Hardwick, la ville proche de Crystal Lake, alors que l’équipe et moi on s’était arrêté pour se restaurer dans un petit fast food local, on a été abordé par un vieil homme qui semblait s’être fait couper les cheveux l’année de l’indépendance américaine, tellement ils étaient longs, et clairement sans entretien depuis au moins aussi longtemps. Le genre de péquenot qu’on voit au début des films d’horreur pour prévenir d’un danger. Un des membres de l’équipe a même ironisé en le voyant se diriger vers nous dans ce sens, pariant que l’épouvantail qui arrivait allait sûrement nous dire de pas aller à Crystal Lake. Et bingo ! ça n’a pas loupé. Le gars nous disait effectivement que c’était une mauvaise idée d’aller là-bas à cette période de l’année. Je lui disais que Jason Voorhees ne nous ferait rien. En hiver, il devait hiberner. Ce qui fit rire les autres membres de notre petite assemblée. Mais pas le vieux.
Celui-ci nous disait que ce n’était pas de Jason Voorhees dont on devait se méfier. Ce n’était qu’un personnage créé pour le cinéma. En revanche, il y avait autre chose à Crystal Lake, et l’hiver était la saison où il sortait. Personne dans la région ne se rendait là-bas à cette période, pour ne pas prendre le risque de tomber sur cette chose, quoiqu’elle soit. Les rares à l’avoir vu ont décrit quelque chose d’inhumain, dont le visage n’avait rien de normal. Des vêtements en lambeaux, détrempés, comme semblant sortir du lac. Des côtes visibles, ou pendaient parfois des morceaux de chair. Et un signe distinctif : une sorte d’uniforme scolaire, comme en portent les étudiants, avec les lettres JV sur le côté gauche. Les initiales de Junk Valley, du nom d’une des confréries officiant au sein de la Hardwick University, qui existait autrefois. Il y avait des rumeurs à l’époque qui disaient que leurs membres pratiquaient la magie noire, et qu’un soir plusieurs d’entre eux se sont installés au camp de vacances.
Parmi eux, il y avait une nouvelle recrue, ou plutôt un bizut, tel qu’il était désigné, accepté chez eux uniquement parce qu’il leur servait plus ou moins d’esclave à tout faire. Le garçon était atteint du syndrome de Down, sorte de parent de la trisomie 21, et avait plusieurs malformations au visage. Son œil gauche était plus bas que le droit, et sa bouche ne pouvait s’ouvrir complètement. Ses oreilles étaient également à des hauteurs différentes l’une de l’autre, et avait des difficultés à parler. Le recteur de l’université pensait que le fait qu’il soit intégré à une des Confréries, en contact permanents avec des camarades, l’aiderait à s’épanouir, et échapperait au regard des autres élèves. Mais il avait mal choisi la confrérie. Bien que son dirigeant eût assuré que Jim, le prénom du garçon, serait bien traité, il avait menti. Voyant l’opportunité d’avoir un petit toutou obéissant, prompt à faire les tâches les plus ingrates, à l’abri des regards de tous, car au sein de la Confrérie, qui n’abritait que des petites merdes, selon les termes du vieux, n’ayant aucune compassion pour les personnes défavorisées par la nature.
C’était l’hiver, et Jim avait voulu traverser le lac gelé, sans doute fasciné par le fait de « marcher sur l’eau ». Et les autres membres, ayant été rejoints peu après par les membres d’une sororité de la même université, ne se sont pas occupés de lui, sans penser à dire à Jim de ne pas aller trop loin, au cas où la glace serait trop mince. La glace céda à l’endroit où s’était rendu Le garçon, et il s’est noyé. Son corps n’a été retrouvé que le lendemain matin, flottant sur l’eau, près des berges du lac, la glace ayant fini de fondre durant la nuit, dû à une saison étonnamment douce pour cette période de l’année. Voulant éviter des problèmes avec sa mère, qui faisait partie du conseil de l’université, et avait fait confiance elle aussi à la Confrérie, cachant le corps aux filles de la sororité, et l’emmenant dans une cabane vide de tout occupant, 4 des membres pratiquèrent un rituel pour ramener le garçon à la vie. Mais si celui-ci a bien été ressuscité, il est revenu « différent », se mettant à massacrer toutes les personnes dans le camp. Seuls 2 garçons et 4 filles ont pu lui échapper, et ont avoué leurs actes envers jim, la noyade et le reste.
Bien sûr, personne n’a voulu croire à la partie de la résurrection, mais par la suite, le camp et l’accès au lac est resté interdit pendant des années. Ce qui n'empêchait pas certains curieux de s’y aventurer, sans jamais revenir. On dit que Jim massacre toute personne pénétrant au camp et aux abords du lac durant la saison où il est mort, puis ressuscité. Le reste du temps, personne ne sait vraiment où il se terre. Certains supposent qu’il retourne dans le lac, durant ces périodes, avant de ressortir en hiver, dès les premiers flocons.
Amusé par l’histoire, autant que le reste de l’équipe, qui faisait furieusement penser à une nouvelle version de celle de Jason Voorhees, en mode hiver, nous fîmes la promesse au vieil homme d’être prudent, avant de repartir vers notre objectif. Nous installions notre équipement dans une des cabanes du camp, prenions le temps de faire quelques plans du lac, dépourvu de glace. A se demander si on était vraiment en hiver, si ce n’était la neige alentour, se fixant sur les arbres, l’herbe et la terre des lieux, et recouvrant les toits des chalets d’habitations. Pendant les deux jours qui suivirent, nous profitions du temps relativement doux pour tourner le maximum de séquences, suivant le programme préétabli, avant de nous prendre une petite journée de détente pour décorer les chalets.
Noël approchait, et même si tous ceux présents avaient sacrifiés leur présence auprès de leur famille pour pouvoir effectuer le tournage, l’esprit de Noël se devait d’être au sein du camp. On faisait même un petit sapin de fortune au sein du chalet principal, servant de réfectoire, et nous permettant de nous réunir tous ensemble, autour d’un repas préparé par notre expert en cuisine. Nous reparlions de ce que nous avait raconté le vieux à Hardwick, s’amusant des similitudes avec le scénario de Victor Miller, et nous demandant si celui-ci était au courant de cette légende locale. Le JV évoqué, sur l’uniforme scolaire, pouvait très bien avoir inspiré le scénariste pour désigner le nom du personnage qui allait devenir une icône par la suite. Quant au fait que Jim avait le syndrome de Down, les malformations de son visage, le fait qu’il se soit noyé, son aspect supposé après sa résurrection… ça faisait beaucoup de coïncidence. Il n’y avait que le truc de la magie noire qui différait.
Mais en fait, un des membres, qui avait eu l’occasion de discuter avec Miller, nous confiait qu’une séquence montrant la mère de Jason Voorhees pratiquer la magie noire pour faire revenir son fils à la vie, figurait dans le tout premier script de « Vendredi 13 ». Mais Sean S. Cunningham, le producteur du film, trouvait que ça faisait un peu « trop », et que ça gâchait le mystère autour de Jason, ainsi que l’explication de son statut surnaturel. Alors, Miler a gommé ce passage de son script, pour aboutir à celui que nous connaissions tous. Après un long moment encore à discuter, tout le monde se dirigeait vers son propre chalet pour la nuit, oubliant pour un temps la légende de Jim, et son lien avec Jason Voorhees.
En pleine nuit, je fus réveillé par des cris de terreur intense, venant de l’un des chalets. Effrayé et curieux de savoir ce qui pouvait bien pousser l’un des membres à crier de cette manière, je m’habillais rapidement, et me précipitais au dehors. Bien que pensant qu’il ne s’agissait vraisemblablement que d’un cauchemar dû au contexte des lieux, je devais m’assurer que rien de grave n’était arrivé. Mais rien n’aurait pu me préparer à ce que j’allais voir…
Bientôt, de nouveaux cris se firent entendre, tous aussi horribles et remplis d’une peur immense, et venant d’un autre chalet. Les autres cris s’étaient tus. La première alerte fut de voir l’état de la porte du chalet d’où venaient les nouveaux cris. Je m’étais décidé à aller dans cette direction, me disant que je pourrais vérifier plus tard ce qui en était dans l’autre chalet. J’entendais des cris de plus en plus aigus, preuve de douleurs à un niveau difficilement imaginable, et certainement pas d’un simple cauchemar. La porte avait été littéralement fracassé par une force surhumaine, ne laissant que de petits morceaux de bois attachés aux gonds, pendant que le reste parsemait le sol. En entrant, le spectacle qui s’offrait à moi me pétrifia sur place, tant il semblait que je venais d’être propulsé en plein cœur du tournage d’un film d’horreur que j’affectionnais tellement. A la lumière de ma torche, que j’avais prise avec moi, Je voyais Phil, le cadreur de l’équipe, gisant au sol, un énorme trou au centre de son corps. Comme si une masse l’avait traversé de part en part, projetant ses boyaux au sol. Ceux-ci se trouvaient quelques mètres plus loin, placardé contre un des murs. Mais ce n’était pas le pire. Je voyais une silhouette encore indéfinie, du fait de la pénombre, soulever un corps devant lui. Il n’y avait plus de cris, mais j’entendais nettement le bruit d’os se craquelant, de chair qu’on arrache, du style qu’on entend dans tout film d’horreur. Sauf que là, il n’y avait aucun trucage. Il fallut que je voie la tête de Mel rouler à mes pieds pour que je sorte de l’état d’immobilité dans lequel j’étais plongé.
Aussitôt, je braquais ma torche vers la silhouette, qui tenait toujours en main le reste du corps de ce pauvre Mel. Au même moment, l’inconnu se retournait, et là j’avais l’impression d’entendre le vieux d’Hardwick me remémorer l’aspect physique du fameux Jim dont il nous avait relaté l’histoire. Le même visage, le même état de corps délabré, suintant d’eau par endroit, comme s’il venait de sortir du lac, les mêmes lettres sur le restant d’uniforme collé sur les os et la chair en putréfaction qui se trouvait devant moi. JV. Junk Valley. La confrérie dont nous avait parlé le vieil homme au fast food. Jim. C’était Jim qui se trouvait devant moi, tel que décrit quelques jours plus tôt. Ce n’était pas une histoire prévue pour faire peur aux touristes arrivant dans la région. C’était une réalité. Je reculais, terrorisé par la vision de Jim ayant jeté le reste du corps de Mel au sol, et s’avançant vers moi, sans proférer le moindre mot. La vision du visage de Jim avec celui de Jason Voorhees semblait fusionner devant mes yeux ébahis, autant par la surprise que par la peur qui m’envahissait de plus en plus.
Je trouvais la force de m’enfuir du chalet, sortant au dehors. Je tombais sur Rick et Morty, complètement affolés, parlant en même temps, ce qui faisait que je ne comprenais rien à ce qu’ils me disaient. Mais entendant Jim marcher sur le bois éclaté qui restait de la porte d’entrée du chalet derrière moi, je faisais un geste de la main. Autant pour leur dire qu’ils me diraient ce qu’ils voulaient plus tard, que pour les décider à me suivre, en direction des voitures. Fort heureusement, mes clés étaient toujours dans ma poche avant droite de mon jean, que j’avais eu la bonne idée de mettre avant de sortir au-dehors, suite aux cris entendus. On courait à perdre haleine, sans se soucier d’autre chose que vouloir rejoindre ce qui semblait être notre seule échappatoire. Rick me disait qu’on aurait dû aller voir si Homer était toujours en vie. Ce à quoi je répondais que c’était exactement ce que ferait un protagoniste de film d’horreur, suivant un script débile bourré de clichés. S’il voulait mourir tout de suite, pas de souci, il n’avait qu’à y aller. Mais au vu de ce que moi j’avais vu, il était évident qu’Homer ne pourrait plus jamais manger de Donuts de sa vie, au vu de l’état dans lequel il devait se trouver en ce moment.
Sur le coup, je pensais que cette forme d’ironie pourrait détendre un peu l’atmosphère, mais ce fut tout le contraire. Morty était en larmes, n’arrêtant pas de répéter qu’on aurait dû écouter le vieux. Une vraie fillette. Et Rick de rajouter dans les conneries, en disant qu’on devrait prendre chacun une voiture différente, pour « perturber » Jim. Là encore, avec tout mon tact, je lui demandais si ça lui arrivait de regarder les films d’horreur. Parce que si c’était le cas, il saurait que se séparer, c’était encore plus débile que vouloir aller où se trouvait le tueur, son idée brillante qu’il avait dite précédemment. Au lieu de m’énoncer l’un après l’autre les pires clichés des films d’horreur, on ferait mieux de se grouiller de rejoindre les voitures, au cas où Jim/Jason serait aussi rapide que Michael Myers. Le seul gars au monde capable de battre un sprinter rien qu’en marchant…
Et puis une mauvaise surprise arrivait : Jim ne marchait pas : il courait. Ça collait pas du tout avec Jason en revanche, et dans ma tête, j’insultais le vieux d’Hardwick, en lui disant que dire que Jason était un expert en course faisait partie des trucs utiles qu’il aurait dû nous préciser… Arrivé aux voitures, deuxième mauvaise surprise. En plus d’être un champion de course, et une machine à démembrer de compétition, Jim avait un cerveau. Là aussi, ça ne collait pas. Ni avec Jason, ni avec le fait que Jim était atteint du syndrome de Down. A croire que la résurrection était le remède idéal pour éliminer tous les défauts de quelqu’un. Intellectuel comme physique. Jim était devenu une vraie machine à tuer, doté d’une déduction de malade. Deux des voitures avaient été proprement détruites en bonne et due forme. Ce n’était même pas la peine de penser à rouler dans les épaves qu’elles étaient devenues. Par contre, la troisième, celle de Morty, avait échappé au pilonnage à la Jim. Sans doute parce qu’elle était garée plus en retrait, sous les arbres, moins soumise à la lumière de la lune. Cette même foutue lune qui nous éclairaient comme un projecteur, facilitant la tâche de Steve Austin alias Jim.
Il ne valait peut-être pas 3 milliards, mais il était tout aussi efficace. Et ça sans membres bioniques. Mais au contraire des jambes composées de chair pourrie et d’os décalcifié. En temps normal, j’aurais applaudi à deux mains les bienfaits de la résurrection, vu ce qu’elle procurait, mais là je pensais surtout à sauver ma peau. J’eus le réflexe de crier à Morty de me lancer ses clés de voiture pour nous faire gagner du temps. Et sans me poser de questions. En rappelant que moi j’étais devant, et que donc, potentiellement, j’avais plus de chance d’arriver en premier à la voiture, la faire démarrer, et leur permettre de s’engouffrer dedans juste à temps pour qu’on se barre et qu’on échappe au concasseur humain qui se rapprochait. Morty grommelait un peu, marmonnant de pas abîmer ses sièges, et me lançait ses clés. Je ne sais pas si c’est la chance, le destin ou quelque chose du même genre, mais juste après j’entendais des brisements d’os, suivis de cris et du bruit d’un corps qu’on fracasse contre un arbre de plein fouet.
2 minutes plus tard, j’entendais les cris de Morty, avec les mêmes bruits similaires. Pas le temps de me retourner pour voir ce qu’il en était. De toute façon, au vu des cris et des impacts entendus, c’était évident que Rick et Morty étaient passés dans une autre dimension. Je n’ai pas réfléchi plus : arrivé enfin à la voiture, je m’installais derrière le volant, et malgré mes doigts qui composaient la chevauchée des walkyries en Do majeur, tellement ils tremblaient, je parvenais à faire démarrer le moteur, alors que le fils de Hulk commençait à défoncer le coffre, avant de s’attaquer à la portière avant, côté passager. Vous savez ce que ça fait le cri d’un ténor dans un opéra ? Ben, je crois que j’ai fait le même en voyant Super Jimmy arracher la portière, s’accrochant et tenter de rentrer dans la voiture, alors que j’étais déjà en train de rouler. J’ai eu le réflexe de diriger la bagnole vers un arbre sur la droite, et écraser la masse qu’était Jim dessus. Je n’ai pas pris la peine de vérifier si ça l’avait rétamé ou non : j’ai foncé droit devant moi, me dirigeant vers Hardwick, où j’ai signalé ce qui était arrivé à la police locale. Ça m’a pris du temps pour arriver à leur faire comprendre que je n’étais pas bourré, et que mon équipe de tournage venait de se faire massacrer par leur légende du coin. Ces abrutis ont pris tout leur temps pour vérifier qui j’étais, et le réseau internet merdique n’a pas arrangé les choses. Pour finir, le lendemain matin, ils se sont décidés à aller voir sur place, et n’ont pu que constater le massacre.
Jim n’était visible nulle part, et je doutais que quelques flics l’inquiète, vu le festival qu’il avait pratiqué cette nuit. Mais parmi les détails « omis » par le vieux concernant Jim, j’ai appris par la suite que ce dernier n’agissait que la nuit. Et comme les policiers ont tout fait pour ralentir les choses et me croire, j’ai toujours le soupçon qu’ils l’ont fait sciemment, pour éviter de se retrouver face à Jim, même s’ils ne l’avoueront jamais. Au lieu de ça, j’étais le coupable idéal à leurs yeux. Un névrosé psychopathe, caché dans la peau d’un scénariste aigri, ce sont les mots exacts figurant sur le rapport psychiatrique que j’ai dû subir, pour prouver que je n’étais pas un fou voulant rentrer dans l’histoire des tueurs en série. Ils n’ont jamais pu prouver mon implication, tout comme rien n'a pu indiquer la présence de Jim, mais je garderais des séquelles indélébiles de cette nuit. A cause de ça, plus aucun producteur n’a voulu conclure de contrat avec moi, et j’ai dû renoncer à mon rêve de faire ce documentaire.
Néanmoins, je ne renonce pas à mon désir de réaliser un film, réunissant des fonds là où je peux. Mais aux yeux d’Hollywood, je suis un tueur qui a réussi à berner la police, en faisant croire à l’existence d’un monstre, créé par mon cerveau malade. Bien sûr, j’ai tenté de défendre ma position, et j’ai réussi à trouver des personnes qui me croient, mais il reste toujours un doute pour beaucoup que je suis le seul vrai tueur de cette nuit-là. Comment je pourrais inventer un truc pareil ? Et surtout, comment j’aurais pu tuer mon équipe aussi froidement ? Et de cette manière… J’ai vu les photos des cadavres de Mel, Phil, et les autres. Même en passant des corps dans un hachoir géant, on n’arriverait pas à ce résultat. Alors, moi… Et pourtant, je commence à avoir moi aussi des doutes sur ce qui s’est passé réellement cette nuit-là depuis quelques jours… Depuis que j’ai trouvé dans un des tiroirs de mon appartement un vieil uniforme d’université, avec les lettres JV dessus… Je ne sais plus quoi penser… Est-ce que Jim existe vraiment, ou est-ce que c’est moi Jim, mon cerveau m’ayant fait croire tout le reste, réinterprétant toutes les scènes dont j’ai cru être simple spectateur. J’ai besoin d’aide pour comprendre qui je suis réellement. Car en ce moment, dans ma glace de salle de bain, je vois Jim qui me sourit…
Publié par Fabs