16 août 2023

LE GLUON DEMONIAQUE (Téléchat)

 

 

J’ai été tenu au secret pendant de longues années, que j’ai ressenti comme une éternité, afin de ne pas ternir l’image du show aux yeux des nombreux spectateurs de l’époque qui s’étaient interrogés sur le pourquoi de l’arrêt de cette émission culte, et suivie par un grand nombre de fans. Une obligation, car je devais respecter une clause sur mon contrat de petit technicien, indiquant qu’il m’était interdit de révéler les coulisses de tournage de « Téléchat », car c’est bien d’elle qu’il s’agit, sous peine de me retrouver dans l’impossibilité d’obtenir le moindre travail dans la profession, si je commettais l’erreur de faire toute révélation. Une clause qui m’empêchait donc également de relater ce qui s’est passé en 1983, lors de la dernière émission, qui n’a jamais été diffusée, et pour cause.

 

J’étais donc forcé à me taire à cause de ces petites lignes pendant toutes ces années. Toute indélicatesse de ma part en termes de révélations se retrouvant dans les médias, qui aurait pu créer l’arrêt de l’émission, m’aurait fait plonger dans un enfer. Sans pouvoir trouver un travail dans la profession que j’aimais, j’aurais forcément sombré peu à peu, contraint à accepter des postes ingrats dans des professions qui ne m’intéressaient pas. Ou pire : finissant SDF dans la rue, avec ce secret en moi qui le serait resté. Car dans ce cas de figure, qui m’aurait cru en colportant la vérité de cette journée. Qui aurait pu donner foi aux divagations d’un homme en haillons vivant dans la rue, au sein d’une société où toute personne parlant de paranormal est considéré comme un illuminé dans le meilleur des cas, ou enfermé dans un asile, car vu comme un danger pour soi et les autres par ses élucubrations sans fondements…

 

Alors, je me suis tu. J’ai préféré privilégier mon poste, ma vie de famille dépendant de celui-ci, plutôt que prendre le risque de voir mon avenir s’assombrir année après année. Mais aujourd’hui, plusieurs années après les faits, et surtout, ne faisant plus partie du personnel de la société de production RTBF, à l’origine du show créé par Roland Topor et Henri Xhonneux, il n’y a plus rien qui m’oblige à dire ce qui s’est passé, mettant fin à 3 saisons de programmes dirigés par le duo star Groucha et Lola. Une complicité troublante pour beaucoup, et je sais que nombre de spectateurs pensaient que ce n’étaient pas de simples marionnettes dirigés par des manipulateurs. Elles avaient l’air trop humaines dans leurs gestes et leurs attitudes. Il y a eu des rumeurs parlant d’humains dans des costumes. D’autres indiquant que c’était des animatroniques très perfectionnés pour l’époque, résultant d’une technologie expérimentale, testée à l’occasion de cette émission. Mais la réalité est nettement plus fantastique, et c’est pourquoi les producteurs tenaient à ce que la véritable nature de ce qu’on voyait à l’écran ne soit pas fourni au grand public.

 

D’une part, parce qu’ils ne voulaient pas que des personnes mal intentionnés tente de leur dérober le secret entourant les créatures de l’émission, et qui auraient été à l’origine d’une série de copies sur d’autres chaines, retirant le côté exclusif et unique de Téléchat. Ensuite, et surtout, parce qu’ils ne voulaient pas prendre le risque que cela jette le discrédit sur ce qui était devenu une référence pour des milliers d’enfants, et même des plus grands. « Cassant » le mythe qu’il y avait autour de Groucha, Lola et les autres « objets », et qui pourrait causer une chute d’audience du show. Pour toutes ces raisons, dès le départ, le contrat liant tout employé, tout technicien sur le tournage de l’émission, indiquait cette clause de secret absolu sur ce qui se passait réellement devant leurs yeux. Ce que je m’apprête à vous révéler, je sais que beaucoup d’entre vous auront du mal à y croire. Nombre de personnes me prendront certainement pour un fou, ou quelqu’un voulant se venger de la production pour un motif quelconque, car ayant subi des pressions ou des injustices de sa part.

 

J’aurais tellement voulu que ça soit aussi simple. Que ça ne soit qu’une histoire d’arnaque financière sur mes salaires, ou de harcèlement d’ordre psychologique, dû à une ambiance compliquée sur les tournages, de menaces à mon encontre m’obligeant à me taire toutes ces années. Mais c’est bien plus incroyable que ça. Et ça m’a fait changer complètement de point de vue sur le surnaturel présent dans notre société. Un surnaturel qui est utilisé à outrance sur certains plateaux de télévision, sans présence de public qui rendrait impossible son utilisation sans qu’un grand nombre se pose de questions sur ce qu’ils semblaient avoir vu.

 

Non, là je parle de tournages faits en mode clos, sans direct, sans enregistrement des rires d’un public sélectionné, comme on l’entend sur les anciennes séries comiques. Ce qu’on appelait les Soap. Je ne sais pas vraiment s’il est présent dans d’autres pays, sur d’autres émissions, que ce soit pour les enfants, comme l’était Téléchat, ou pour d’autres cibles de public. Mais au sein des studios où j’officiais, j’ai vu d’autres plateaux où ce surnaturel, cette magie, appelez-ça comme vous voulez, était l’épicentre de ce que beaucoup pensaient être des trucages ou des effets spéciaux élaborés avec soin par des génies de la technologie.

 

Mais il est temps que je vous révèle plus en détail mon expérience que j’ai dû taire pendant autant d’années. Comme je vous l’ai dit plus tôt, j’étais éclairagiste sur des productions TV. J’avais déjà un solide CV, ayant participé à des émissions belges prestigieuses, où mon professionnalisme et mes compétences ont attiré l’œil de RTBF, qui m’a contacté dans le but de me proposer de travailler sur un nouveau concept d’émission pour les enfants, prévu d’être diffusé sur « Lollipop », la crème des shows TV de cette catégorie de l’époque, jouissant d’une grande popularité.

 

Je connaissais bien cette émission. Bien qu’étant adulte, j’étais très fan. Ce n’est pas à vous que j’apprendrais qu’on garde toujours en nous une grand part d’enfance, que l’on n’ose pas toujours montrer en public de manière délibéré. Mais dans un cadre plus intime, on laisse sortir de sa boite cette petite graine en nous, pour se laisser aller à notre plaisir de mater dessins animés et autres programmes appartenant à une autre tranche d’âge que la nôtre.

 

Donc, quand j’ai été amené à pouvoir travailler pour cette émission, je n’ai pas hésité une seconde. Avant de savoir quel était le concept sur lequel je serais amené à travailler, je devais accepter et signer un contrat particulier, avec des clauses étranges, mettant l’accent sur le fait de ne surtout pas révéler tout ce qui se montrerait à mes yeux. En cas de « fuite » envers des médias, ou même ma propre famille, s’il s’avérait que des informations sur ce qui constituait le cœur des tournages s’étalait au sein de journaux ou de magazines spécialisés, je subirais les conséquences dont je vous ai parlé au début de ce récit.

 

C’était curieux. Pas complètement inhabituel à proprement parler, le secret étant de mise pour préserver la magie de certaines émissions, mais l’insistance sur le secret, y compris autour de mon entourage, était nettement plus déstabilisant. Malgré tout, je me suis dit que ce show devait vraiment être exceptionnel pour que la production use de tant de prudence à son sujet. Et mon âme d’enfant caché ne pouvait pas refuser une telle opportunité.


Alors, j’ai signé, sans savoir que ce simple geste allait me faire assister à 3 ans de tentative de comprendre ce que je voyais sur le plateau en face de moi, dont j’étais chargé de régler les éclairages pour optimiser le tout. 3 saisons pour un show véritablement unique, et pas seulement par son concept d’un point de vue extérieur. Ce n’était pas la première fois que ce qui semblait être des marionnettes étaient utilisés à des fins de show pour les enfants. A l’image du Muppet Show ou Sésame Street, pour citer les plus célèbres. Non, vu du dehors, c’était très familier.

 

La différence venait du ton très adulte utilisé, et dans le cadre d’un journal télévisé, mais bien sûr adapté à un public enfantin. Il y avait cependant deux niveaux de lecture aux épisodes. La vision vue et comprise en surface par les enfants. Et les messages sous-jacents, parlant de faits de société plus concrets et parfois même durs, se servant de l’humour, mais qui ne pouvait être compris que par des cerveaux adultes.

 

Je pense que c’est ce double niveau de compréhension qui a fait que Téléchat a eu un tel impact dans l’histoire des programmes pour enfants de l’époque, le faisant être diffusé dans de nombreux autres pays européens, dont la France, où le show fut présent dans Récré A2, l’émission présenté par Dorothée et son équipe sur Antenne 2, avant la migration de cette dernière pour TF1 quelques années plus tard. Je m’attendais donc à un niveau de réalisme important, dans le maniement des marionnettes, quelque chose de vraiment révolutionnaire, mais pas à ce que j’allais découvrir.

 

En plaçant les éclairages autour du plateau, j’ai d’abord été surpris de voir qu’il n’y avait aucune fosse sous le bureau qui servirait de décor principal aux marionnettes anthropomorphes. C’était un bureau tout ce qu’il y avait de plus classique, et je me disais que les manipulateurs ne seraient pas dans une situation très confortable pour faire bouger les « stars » de l’émission. Mais je me disais qu’une autre technique était peut-être utilisée, justifiant le côté exceptionnel du show. Je vous laisse imaginer ma surprise, comme la majorité des techniciens à mes côtés, caméraman, perchman et autres, en voyant arriver Groucha et Lola, les futures stars de ce qu’allait devenir Téléchat, déambulant comme n’importe quel humain normalement constitué. 

 

J’ai cru un moment que les corps devaient leurs déplacements à une multitude de technologie à l’intérieur, comme des robots en fait. Mais c’était bien trop fluide, trop naturel pour ça. Surtout qu’il y avait des détails qui ne pouvaient pas être reproduits par des robots revêtus de fourrures. Groucha se plaignait de la chaleur du plateau, demandant qu’on baisse la chaleur des projecteurs, leur intensité, afin qu’on ne voie pas la sueur qui coulait de son front de manière trop évidente, et qui obligerait à retravailler le montage de la vidéo pour l’effacer. Occasionnant un travail supplémentaire, et pouvant ralentir le rythme de diffusion. C’était juste incroyable : il… il se comportait comme un vrai être humain, aussi bien dans sa manière de parler que de bouger. Et Lola, qui l’épongeait de manière très tendre, était tout aussi fantastique dans ses déplacements et ses paroles.

 

J’observais le regard des autres sur le plateau, qui semblaient tout aussi déstabilisés que moi. Mais, à mon image, ils n’osaient rien dire, de peur de recevoir des remontrances de la part du réalisateur ou d’autres membres du staff sachant parfaitement ce qui en était. Le tournage de ce premier épisode fut épique, des milliers de questions me venaient en tête. Groucha est même venu voir les techniciens à l’issue de cette première journée, avec Lola à sa suite, qui emboîtaient ses pas, une cigarette qu’il venait de s’allumer à sa bouche. Il nous a parlé longuement, insistant sur les clauses du contrat qu’on avait tous signés qu’on devait respecter, et que rien de ce qu’on avait vu ne devait être dit en dehors du plateau. 

 

 -  J’ai pu voir vos visage oscillant entre la peur et l’incompréhension, vous demandant si vous rêviez ou si vous étiez la proie d’hallucinations. Je vais vous permettre de mettre de l’ordre dans ça. Je suis bien vivant. J’ai été créé à l’aide d’un sort, en prenant pour base le corps de marionnette que vous voyez actuellement.

 

Lola y allait aussi de ses explications :

 

 - C’est la même chose pour moi. Nous sommes issus de la magie, mais nous respirons comme vous. Nous pouvons manger, boire, rire, pleurer. Nous avons des sentiments. Exactement comme tout être humain.

 

 - Et concernant les « objets », ils ont été créés avec la même magie. Je ne peux pas vous dire comment, ni qui nous a fait « naitre ». Ça fait partie des secrets qu’on ne peut pas révéler.

 

 - Oui, comme dit Groucha, nous sommes tenus, tout comme vous, à respecter certaines règles, comme celle de ne pas révéler l’identité de notre créateur. On ne peut pas se montrer au-dehors. Nous passons par des galeries sous le studio pour rejoindre la maison où nous vivons avec les autres.

 

 -  C’est ça : on est une sorte de petite communauté. Nos repas nous sont livrés à des heures précises, devant la porte, sur un emplacement spécial. Emplacement doté d’une trappe qui s’ouvre dès le départ du livreur, et envoyant les colis à travers un réseau souterrain, où nous les récupérons par la suite.

 

 -  Mais nous ne dirons rien sur ce qui lie Groucha et moi en particulier. Ça fait partie de notre vie privée, comme vous en avez une. On vous laisse à vos fantasmes.

 

 -  Bon, c’est pas tout ça, mais on doit partir. On a d’autres chats à fouetter…

 

Là-dessus, Groucha et Lola se mirent à rire en concordance. Puis, les deux sont partis, comme des acteurs tout à fait normaux, semblant rejoindre leurs loges. Car oui, pour reprendre les paroles de Groucha et Lola, il n’y avait pas qu’eux à être doués de mouvements… Les objets… Les objets étaient tout aussi « vivants ». Un homme vêtu en smoking venait les récupérer. Chacun d’entre eux était placé non pas dans des boites, comme il aurait été logique pour un objet, mais dans des sortes de harnais, placés dans le dos de l’homme, à différentes hauteurs. Je vis des jambes, des bras sortir de Mic-Mac le micro, Durallo le téléphone, Duramou le fer à repasser aux fonctions d’huissier de justice de l’émission. Un autre vint accompagner d’autres objets, eux aussi munis de pattes et de jambes, se déplaçant sans que ça déclenche de réaction de son « porteur ». Seul le gluon du trou semblait ne pas avoir la nécessité de se déplacer. Je ne le vis pas sortir, usant de membres pour bouger.

 

Mais au vu de ce que j’avais déjà vu, je me surprenais à penser que cet être était bien ce qu’il était censé être : une créature faisant partie inhérente du trou où il « habitait », qui représentait donc véritablement sa « maison », et étant en quelque sorte son « âme », ce qui constituait l’esprit du trou. Dit comme ça, je suis certain que vous vous posez déjà des questions sur ma santé mentale, et ce que j’ai vraiment vu. Mais je vous assure que je n’ai pas bu ce jour-là, je n’étais pas sous l’influence d’une drogue, ou quoi que ce soit d’autre qui aurait pu altérer mon jugement. Et ce n’était que le début de mes surprises. J’ai eu beaucoup de mal à cacher mon malaise en rentrant chez moi. Ma femme me demandait à plusieurs reprises ce qui n’allait pas, voyant bien que j’étais perturbé. J’avais tellement envie de lui dire. Mais ça m’était impossible.

 

D’abord à cause des clauses du contrat m’en empêchant sous peine de graves conséquences si on apprenait que j’avais transgressé les règles. Et aussi parce que jamais ma femme n’aurait cru que des marionnettes puissent se déplacer comme des êtres humains, se comportant comme tel, pouvant respirer, transpirer, craquer leurs doigts, bailler, fumer, et même manger. J’avais vu Lola avoir une sucette à sa bouche, avant de jeter le bâton de plastique dans une poubelle. Par la suite, j’aurais l’occasion de la voir se mettre du rouge à lèvres, se repoudrer, ajuster sa tenue. Groucha, pour sa part, resserrer sa cravate, éternuer, boire un verre entre deux prises. Comment je pourrais parler de ça sans être pris pour un fou complet ? 

 

Au fil des jours et des tournages, j’ai fini par m’habituer au fait que Groucha, Lola et les objets divers de l’émission, comme Olga, Brossedur ou Jane la tasse anglais, soient réellement vivants. Même Leguman et Pub-Pub, passant leur temps à faire des blagues lors des pauses, étaient on ne peut plus des êtres doués de vie tout ce qu’il y a de plus vrai. Bon, je vous rassure tout de suite : Pub-Pub est aussi con au naturel que dans les spots TV entrecoupant les séquences culte de l’émission. Et tout aussi maladroit. Quant à Leguman, c’était un pur carnivore, et il était capable de piquer des crises s’il voyait quelqu’un manger des potages aux légumes. Ce qui faisait beaucoup rire.

 

Non, vraiment, passé le coup de la surprise de la nature des « interprètes » de Téléchat, chacun s’est habitué à ce qu’ils étaient, et il y avait une vraie ambiance festive parfois sur chaque tournage. A ce moment, on était loin de s’imaginer qu’à l’issue de la fin de la 3ème saison, le show prendrait fin de manière inattendue, à cause d’un collier ramené par Lola dans l’émission, qu’elle avait acheté sur Minitel et fait livrer, sans en parler à Groucha, lui faisant la surprise pour l’épisode qui devait être tourné ce jour-là. Une improvisation, car à l’origine, la séquence du gluon devait être un autre. C’est Groucha qui a eu l’idée d’interroger le gluon du collier, suivant en cela Lola. Ce fut sa plus grosse erreur, qui allait causer un désastre sans précédent dans le show… Je me souviens encore des premiers instants, quand Lola, toute fière et contente, alors que Grouchat attendait qu’elle sorte de la loge et se mette à sa place pour le tournage, arriva, le collier au cou. 

 

 - Tiens, c’est nouveau ça ? Tu l’avais pas hier soir…

 

 - Eh non : je l’ai commandé il y a quelques jours sur un site web. Un site qui propose des reliques dites hantées. J’ai tout de suite flashé dessus, et je me suis dit que ça pourrait donner du piment à l’émission.

 

 - En interrogeant son gluon ? Pas con, ça. Ça sera la première fois qu’on parle à un gluon d’objet maudit. Très bonne idée Lola !

 

Lola se mit à rougir tellement qu’elle finit par se mettre la tête dans son trou pour cacher sa gêne… L’émission commença normalement, mais Groucha décida donc de changer le thème, en souhaitant une bonne fête à tous les colliers. C’était la séquence phare de l’émission. A l’origine, ça devait être les serrures qui devaient être fêtées, mais en voyant Lola et son collier, et son idée d’interroger le gluon, il chamboula quelque peu l’épisode du jour. Quand vint le moment de questionner le gluon du collier, l’ambiance était comme d’habitude : Pub-Pub venait de se badigeonner le crâne avec de la mousse pour combler les trous, comme s’il s’agissait de shampoing, et se faisant enguirlander à nouveau. Suivi d’une séquence de reportage tourné la veille en studio sur un incendie de casserole. Et arriva la fameuse séquence du gluon qui allait bouleverser l’histoire du show. Lola posa le collier sur le bureau, pendant que Groucha sortait une loupe pour mieux voir et discuter avec le gluon. Les caméras se fixèrent sur le collier, usant du zoom pour diffuser la conversation. 

 

 - Gluon du collier, tout d’abord bonjour. Etes-vous disposé à nous parler de vous ?

 

 - Bien sûr, mortel. Mais êtes-vous conscient des risques que vous prenez en vous adressant à moi sans précaution ? 

 

 - Pourquoi vous dites-ça ? Vous êtes vraiment maudit ?

 

- Plus que n’importe quel autre objet se prétendant l’être en ce monde. Alors qu’ils ne sont que des imposteurs, étant habités par des esprits en mal de reconnaissance.

 

 - Vous êtes dur avec vos collègues. Qu’est-ce qui vous fait dire que vous êtes plus exceptionnel que les autres. Et d’abord quel âge avez-vous ?

 

 - Je suis plus vieux que ce monde. J’ai habité des centaines d’objets avant ce collier, créé la terreur tellement de fois que je ne les ai pas dénombrés. Ma puissance de terreur n’a pas d’égal. Mais peut-être voudriez-vous que je vous fasse une démonstration de mon pouvoir ?

 

 - Ah ben ça, je demande à voir ! Groucha, je peux ?

 

 - Non, laisse faire un expert Lola. Bien. Gluon du collier, je vous prends au mot. Montrez-moi pourquoi vous êtes si puissant au point de considérer les autres objets maudits de ce monde de n’être que des imposteurs…

 

 - Très bien. Mais souvenez-vous que c’est vous qui l’avez voulu. Vous serez seul responsable des conséquences qui vont suivre. Tout d’abord, fixez-moi du regard intensément, sans vous détourner.

 

Groucha rapprocha alors son visage du collier, posant la loupe, à la demande du gluon, et comme il lui avait demandé, fixa son regard dans l’être diabolique. Car c’est bien ce qu’il était : un démon ayant évincé le gluon d’origine vivant dans le collier, le détruisant pour prendre sa place. Un démon cachant sa véritable apparence en prenant celle d’un gluon. Mais même comme ça, on voyait qu’il était différent de tous les autres gluons ayant fait les grandes heures de Téléchat. Pas seulement à cause de sa couleur, d’un rouge vif, presque écarlate, à tel point que même nous, techniciens, avions du mal à supporter l’éclat. Nous imaginions à quel point Groucha devait souffrir de rapprocher ses yeux d’une telle intensité. On pouvait percevoir également de petites cornes semblables à celles d’un bouquetin sur le haut du gluon, et ses yeux semblaient proches d’un gouffre sans fond, tellement on avait l’impression d’un paysage sans fin, un abîme infini, être à l’intérieur, tel que nous avions pu le voir avant que Groucha occupe l’écran, pendant que Lola montrait des signes d’angoisse en voyant son comparse de l’écran ne plus montrer de signes de mouvements au bout de quelques minutes.

 

 - Groucha ! Qu’est-ce qui se passe ! Réponds-moi ! Tu m’inquiète là… Qu’est-ce que le gluon t’a fait ? Si tu me fais une blague, c’est vraiment pas drôle !

 

Comme pour répondre à sa demande, Groucha se relevait doucement, mais ses mouvements étaient différents de d’habitude. C’est difficile à expliquer, mais tous dans le studio ressentait une aura de noirceur qui semblait émaner de lui, nous mettant tous mal à l’aise. Et puis les cris de terreur de Lola nous sortirent de la phase d’angoisse dans laquelle nous étions plongés depuis que Groucha s’était rapproché du collier et son gluon.

 

 - Groucha ! Que… Tes… Tes yeux ! Pourquoi tes yeux sont comme ça ? Et… Et ton visage… Ce n’est plus toi… Qu’est-ce qu’il t’a fait ? Réponds-moi Groucha !

 

- TAIS-TOI ! Tes cris m’insupportent femelle… Je l’avais prévenu des conséquences… Il ne peut s’en prendre qu’à lui désormais… Mais sache que Groucha, le Groucha que tu connaissais n’est déjà plus. Je suis le seul maitre de son corps, et vous tous ici, vous allez découvrir l’étendue de ma puissance. Vous allez tous regretter de m’avoir permis d’obtenir un corps physique…

 

-  Femelle ? Jamais Groucha ne m’aurait appelé comme ça… Tu… Tu as tué mon Groucha !

 

L’instant d’après, Lola fuyait, se dirigeant en direction de sa loge, pendant que Groucha, ou plutôt le démon qui habitait désormais son corps s’élevait dans les airs, plongeant son regard noir vers nous tous, et arborant un sourire sinistre. Certains d’entre nous tentèrent de s’enfuir, terrorisés. Mais Groucha faisait alors un geste des mains, et toutes les issues se fermèrent instantanément, comme plusieurs d’entre nous allaient s’en rendre compte par la suite. Seuls les couloirs jouxtant directement le plateau de tournage étaient accessibles. Ceux ayant fui les premiers faisaient entendre leurs cris en constatant que les portes extérieures étaient bloquées. Impossible de sortir du studio.

 

J’ignorais comment cela était possible, mais cette… chose qu’était devenu Groucha avait fermé les sorties pouvant nous permettre d’échapper à la fureur qui allait se déclencher peu de temps après. Je vis alors quelque chose qui semblait impossible : des corps étaient pris de spasmes violents, obligeant ceux pris pour cible par le regard de Groucha à se convulsionner dans tous les sens, avant d’imploser dans un fracas d’os brisés et de chair déchirée, provoquant des hurlement de terreur de nombre d’entre nous. Le spectacle d’horreur devenait à chaque seconde de plus en plus insoutenables. Je ne devais ma survie qu’au fait d’avoir eu l’instinct de me servir d’un panneau de bois servant pour consolider l’arrière du décor principal de l’émission comme rempart. J’étais incapable de bouger, le moindre de mes muscles était comme figé par la peur suscité par les actions de Groucha qui continuait le massacre.

 

J’assistais à tout sous mes yeux ébahis de stupeur. Ce que je ne voyais pas directement, je le verrais par la suite, par le biais des enregistrements des caméras de surveillance n’ayant rien manqué de toute la folie sanglante envahissant le studio. Je ne sais même pas comment décrire cette apocalypse de sang qui frappa tout le monde étant vu par Groucha, ou effectuant des sons susceptibles d’être perçus par lui. Je voyais mes collègues être projetés contre les murs, s’y écrasant tel des tomates trop mûres, ne laissant que des traînées de sang et d’organes glissant lentement vers le sol. D’autres étaient démembrés dans les airs, envoyant chaque parcelle de corps dans des directions différentes, ou bien voyant leur os sortir de leurs bras, de leurs jambes. Des cerveaux étaient expulsés des têtes, des jets de sang fusaient de partout, transformant les lieux en une succursale de l’enfer, sans rien pouvoir y faire. 

 

Je résistais tant bien que mal à l’envie de pleurer, car je savais que cela signifierait ma fin si je ne parvenais pas à réfréner ma terreur. Ce fut le moment le plus horrible de ma vie. J’ai entendu plus tard les cris de Lola et d’autres dans le couloir, sans le voir en face de moi, des portes s’ouvrir, suivis d’autres cris, d’autres sons signifiant l’explosion de corps de victimes ayant eu le malheur de croiser Groucha et le démon le contrôlant, se servant de lui pour créer un spectacle de désolation partout où il se rendait. Plus le temps passait, plus les cris, les bruits d’os écrabouillés, de chair s’étalant sur les murs s’intensifiait.

 

Tout le bâtiment était en proie à la fureur du gluon démoniaque. Il y avait aussi des bruits de détonation venant sans doute de téméraires pensant pouvoir arrêter la machine de mort qu’était devenu Groucha. J’avais l’impression que les cris ne s’arrêteraient jamais. Et puis j’ai entendu des sirènes de police, des sommations qui devaient s’adresser à Groucha, des centaines de détonation semblant sans fin. Et puis le silence laissa place à la terreur. Je n’entendais plus de cris, ni d’autres sons. Pour autant, je n’osais toujours pas bouger de ma cachette, jusqu’à ce que j’entende des voix de policiers.

 

 - Quelqu’un est encore en vie ici ? Répondez ! N’ayez aucune crainte ! Le taré déguisé en costume de chat a été abattu ! Vous ne craignez plus rien. Si une personne est toujours vivante, manifestez-vous !

 

Je parvenais alors péniblement à faire bouger à nouveau mes membres, et me montrer…

 

 - Je… Je suis vivant… Je ne sais pas comment, mais je suis en vie…

 

-  Bordel ! Un survivant ! Je pensais que je trouverais personne dans toute cette folie qui soit encore en mesure de me répondre…

 

Le policier demanda à ses hommes de m’aider à me déplacer, pour m’éviter de tomber. Je ne sais même pas comment je tenais encore debout, ni même comment je suis arrivé à l’hôpital quelques heures plus tard. Je me souviens seulement de bribes d’images de corps ensanglantés partout, de morceaux de mains, de pieds, des visages arrachés collés sur les murs. J’ai vu aussi le corps de Groucha au sol dans le hall du bâtiment. J’ai cru reconnaitre au dehors les visages de responsables de la RTBF sans doute prévenus de ce qui s’était passé. Ce sont les dernières images que j’ai en souvenir. Après je pense que j’ai dû m’évanouir sur la civière où j’avais été transporté depuis l’étage où tout avait commencé.

 

Je suis resté une semaine en observation avant de pouvoir sortir de l’hôpital, et donner ma version de l’histoire sur ce qui s’était passé. J’ai dû malgré tout m’en tenir à la version d’un malade déguisé en costume de chat. Le comédien qui servait pour tenir le rôle de Groucha pour l’émission, selon les déclarations officielles des responsables de la RTBF, m’ayant rappelé avec insistance les clauses de secret que j’avais signé sur mon contrat. J’ai vu les vidéos de surveillance lors de ma déposition, a ma demande. J’avais besoin de voir, pour me convaincre que je n’avais rien inventé de tout ce que j’avais vécu. Des images où je voyais l’intégralité des « objets » détruits irrémédiablement par Groucha. Et d’autres plus insupportables. Notamment celles venant d’un portable tombé dans le couloir ayant filmé les derniers instants de Lola. Elle avait été acculée dans un coin de mur, cherchant à creuser celui-ci à l’aide de son bec, alors que Groucha s’approchait. Jamais je n’oublierais les paroles des deux anciens amis sur cette vidéo :

 

 -  T’es sérieuse, là ? Tu penses vraiment t’enfuir en creusant un trou dans le mur ? 

 

 - T’APPROCHE PAS ! MONSTRE ! TU AS TUE GROUCHA, MAIS TU M’AURAS PAS !

 

 - Ah ouais ? Et comment tu comptes t’y prendre ? En t’envolant avec tes plumes ? Tu sais comme moi que ton corps ne permet pas de le faire. Le sort t’ayant donné la vie te permet pas de pouvoir faire ça…

 

-  Je trouverais un autre moyen, espèce de saleté ! Je peux te tuer avec mon bec s’il le faut !

 

 - Ha, ha, ha ! Tu me fais rire… J’ai juste à te regarder pour te transformer en dinde de Noël prête à cuire… Ferme les yeux, va… Je tiens à te faire une petite fleur… En mémoire de ton cher Groucha… 

 

 - NE PRONONCE PAS SON NOM ! JE TE L’INTERDIS !

 

Elle reprenait petit à petit son souffle, avant de reprendre :

 

 - Pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Tu n’avais pas besoin de tuer tout le monde… 

 

 - Tu ne te souviens pas des dernières paroles de ton cher fiancé ?

 

 - Ce… Ce n’est pas mon fiancé… Nous sommes amis, c’est tout…

 

Riant à gorge déployé, Groucha reprenait :

 

Mais bien sûr… Et la marmotte de Milka, elle met le chocolat dans le papier d’alu… Je te rappelle que j’ai accès aux souvenirs de ton matou… Je sais tout sur votre relation, chère grosse dinde…

 

-  C’EST FAUX ! TU NE SAIS RIEN SUR NOUS ! Et… Et je suis pas une dinde, je suis une autruche !

 

 - Tu ressembleras à une dinde une fois que je t’aurais découpée…

 

Et joignant le geste à la parole, il fixa intensément Lola, qui vit ses membres se détacher de son corps un à un, lui faisant pousser des cris horribles de douleur. C’était horrible, je détournais les yeux, demandant qu’on arrête la vidéo.

 

 - Dites-moi une chose, bien que je sache que vos patrons ont dû vous demander le silence. La vidéo que vous voyez, c’est la seule qu’on a pu réussir à obtenir. Il semblerait que les autres ont été « endommagées ». C’est quoi cette histoire de « sort » dites par le matou en costume ? Et surtout comment il a pu la découper sans la toucher ? 

 

 - Je… Je ne sais pas… J’ignore de quel sort vous parlez… Et encore moins comment Lola a pu être tuée de cette manière…

 

 - Mouais… J’en saurais pas plus, pas vrai ? Et comme j’ai la pression de mon supérieur pour « oublier » les détails de toute cette histoire de merde, ça va pas arranger les choses. J’espérais avoir au moins une piste par vous…Mais je vais pas avoir le choix de classer l’affaire…

 

Je me murais dans le silence, conformément à ce qui me liait au contrat signé. Le policier reprenait alors, avant de m’inviter à sortir :

 

 - Dites-vous une chose, que ce soit vous, vos patrons et les miens. Un jour, je saurais ce qui a déclenché tout ce foutoir. On m’a interdit de voir les cadavres du matou, et celui de l’autruche, de peur sans doute que je découvre quelques secrets interdits. Mais un jour, je découvrirais ce qui s’est tramé ce jour-là, et pourquoi tout un studio a été décimé par un seul gars de manière horrible. Jamais j’ai vu un tel carnage dans toute ma carrière. Et pourtant j’en ai vu des horreurs… Mais bon, j’en ai fini avec vous… Vous pouvez partir…

 

Je me dirigeais alors vers la porte, prêt à revenir à mon quotidien. Quand le policier m’interpella à nouveau :

 

 - Au fait, on va sûrement vous l’apprendre, mais l’émission a été annulée, pour, je cite « discordances artistiques » entre la production et les auteurs. Une bonne manière de noyer le poisson. Ah, j’oubliais :  l’épisode que vous étiez en train de tourner, lui aussi, la vidéo a « disparue ». Sur ce, bon vent à vous. Mais si la mémoire vous revient pour m’éclaircir sur tout ça, vous connaissez le chemin…

 

Je partais donc du commissariat, avec des dizaines de questions en tête. Je me demandais pourquoi le gluon n’avait plus donné de signe de vie. Pourquoi il n’avait pas cherché à ranimer le corps de Groucha ? Je supposais que l’état de ce dernier, mitraillé des centaines de fois, était inutilisable pour le faire « fonctionner » par le gluon démoniaque qui avait pris possession de lui. Mais en ce cas, qu’était-il advenu de lui ? Avait-il été détruit par le feu avec les corps de Groucha et Lola ? J’avais appris que les deux, ainsi que tous les objets ayant bénéficié de la vie, avaient tous été brûlés, réduits en cendres. Et s’il était toujours quelque part, s’était-il immiscé dans le corps de quelqu’un d’autre ? Un humain cette fois. Tous les scénarios étaient possibles, et je pense que je ne saurais jamais ce qui en est.

 

Mais maintenant que je suis libre de toute contrainte, après d’autres années ayant suivies ce jour à travailler pour la RTBF, je n’ai plus d’obligation de me taire, et j’ai décidé de révéler la vérité sur le pourquoi de l’arrêt de Téléchat, de manière aussi soudaine, en prenant le prétexte que le show était arrivé à son terme de succès et d’intérêt pour le public. Je suis conscient que toutes les révélations que je vous ai données sont dingues, pouvant sembler venir de l’esprit d’un dérangé. Vous êtes libres de me prendre pour tel. Mais vous êtes loin de savoir tout ce qui se passe derrière les tournages d’émissions TV, aussi adorables et innocentes qu’elles semblent être. Il y a parfois des secrets se cachant les concernant, et donnant une vision complètement différente de la réalité qu’on essaie de nous faire croire. Pensez-y la prochaine fois que vous verrez un programme dont vous trouverez la qualité de maquillage ou d’effet spécial hallucinant, ou des marionnettes plus vraies que nature…

 

Publié par Fabs

6 août 2023

SORDIDE.COM

 


 

Depuis longtemps, je rêvais de partager ma passion de l’horreur et du dérangeant aux autres. Mais attention : quand je dis horreur, je ne parle pas des films ou des séries de genre qui pullulent sur les plateformes de streaming. Vous savez, ce genre de productions tournées avec un budget dérisoire et des acteurs amateurs qui ne savent même pas pousser un cri convenable, ou montrer une vraie expression de terreur. Ça se voit toujours dans leurs yeux que c’est faux. Je ne sais pas vous, mais moi toutes ces nanas, tous ces mecs qui croient qu’ils sont bons pour être nominés à l’oscar, alors qu’ils ne sont même pas capables de faire ressortir l’émotion de quelqu’un en proie à une vraie souffrance, ça me fait gerber. Et pas dans le bon sens. Pendant toute mon adolescence, j’ai vu des tas de films comme ça, et pas un seul ne m’a fait bondir les tripes du corps du fait de la terreur inspirée par une scène.

 

Que ça soit le faux sang, les blessures pas crédibles et créées n’importe comment, je n’ai jamais ressenti la moindre sensation en voyant ces spectacles de fausses morts interprétées de manière minable. Et il n'y a pas que ces films fauchés qui soient incapables de donner une immersion lors de ces séquences censées retranscrire un véritable moment de détresse. Quel que soit l’acteur, l’actrice, aussi élevé que soit son niveau, aucun n’a jamais pu me faire vibrer le cœur de façon palpable, me donner cette ivresse qu’on ressent face aux derniers instants de vie de quelqu’un. Vous pensez que je suis difficile ? C’est parce que je suis très exigeante, et surtout, c’est lié à une expérience qui m’est arrivé dans ma jeunesse. Un moment que je n’ai jamais oublié, me marquant durablement, et me faisant entrevoir ce à quoi j’aspirais au fond de moi.

 

J’ai été confrontée à la mort à mes 10 ans. Mon grand-père était cardiaque, et il refusait de se retrouver cloîtré dans un hôpital ou une pension pour les personnes de son âge. Il disait que si on l’envoyait dans un de ces lieux qu’il désignait comme des mouroirs, ça signifiait qu’on ne le considérait pas comme une personne à proprement parler. On ne voyait en lui que celui qui apporterait une hausse de revenus, suite à son décès, pour une famille ne sachant plus comment s’en sortir financièrement et attendant impatiemment qu’il crève pour toucher l’héritage. Des mots durs qui peuvent vous choquer de la part d’une personne âgée. Mais si vous y réfléchissez bien, je suis sûr que vous avez connu des familles obsédées par l’argent représenté par un de leurs aînés, passant quasiment pour un objet à cause de ce que sa mort peut apporter comme confort.

 

Mes parents n’étaient pas comme ça, mais mon grand-père avait son caractère bien à lui et jouait du chantage affectif envers sa fille, ma mère, pour ne pas quitter la maison familiale. Ne voulant pas culpabiliser, et étant de nature assez fragile d’un point de vue psychologique, ma mère lui cédait à peu près tous ses caprices. Ce qui causait parfois des disputes avec mon père, qui ne comprenait pas qu’on dépense des sommes folles pour les soins à domicile pour un homme qui ne l’aimait pas, et mettant en danger leur budget chaque mois. D’autant que les demandes de mon grand-père pour son confort pouvaient être exubérants. Il y avait une tension quotidienne au sein de notre demeure, qui prit fin le jour où il est tombé dans l’escalier, le dévalant tout du long, jusqu’à ce que sa tête heurte le sol violemment. Bien que mes parents l’ont cru pendant des années, ce n’était pas un accident. J’en étais la cause.

 

Mon grand-père était assez virulent avec moi, ne comprenant pas que je passais de longues heures sur mon téléphone, likant des photos de célébrités sur Instagram, suivant des stories sur Facebook et adoptant des conseils d’influenceurs. D’autant que je n’avais pas des résultats fabuleux à l’école. Il pensait que le fait que je passais autant de temps sur les réseaux en était la cause. Il me faisait souvent des reproches sur mes tenues, mettant en avant que les jeunes filles de mon âge ne devraient pas s’habiller comme des adultes. Quand il n’utilisait pas des mots plus crus. J’avais développé une haine intense pour lui. 

 

Et ce jour-là, il venait encore de m’inonder de reproches, tentant même de me faire enlever un t-shirt à l’effigie d’une de mes stars, car jugeant l’image indécente. J’ai résisté, et j’ai fini par le pousser dans un geste instinctif de protection de mon bien. Mon père était absent ce jour-là, et maman était dans le jardin, occupée à récolter des légumes pour le repas du soir. Elle n’a donc pas entendu la chute. Du haut de l’escalier, j’ai observé plusieurs minutes durant mon grand-père, attendant qu’il se relève. Mais il ne se passait rien. Pour autant, je ne ressentais pas de peur, ni même d’angoisse à la situation. Au contraire, j’étais intriguée. J’ai descendue les escaliers un à un, jusqu’à me retrouver là où se trouvait le corps de mon grand-père. Il n’était pas encore mort à ce moment. Je l’entendais respirer faiblement, tentant de bouger ses mains et ses jambes, sans y parvenir. Mais il était toujours en vie.

 

Je le voyais faire la tentative de me parler. Sans doute pour me demander d’appeler de l’aide. Je ne sais pas pourquoi exactement, mais j’étais fascinée par le regard qu’il arborait à ce moment, entre terreur et désespoir. Il y avait de la colère aussi envers ma personne, je le sentais au fond de moi. Est-ce que c’est la crainte qu’il dise à maman ce qui s’est passé qui m’a poussée à commettre ce que j’ai fait ensuite ? Sans doute. Ou autre chose en moi qui me guidait d’abréger ses souffrances, voire simplement pour faire en sorte qu’il ne puisse pas dire à maman que j’étais responsable de son état. Toujours est-il que j’ai détachée le foulard que j’avais au cou. Un foulard, lui aussi, à la gloire d’une de mes idoles que mon grand- père détestait tant. Je l’ai plaqué contre la bouche de mon grand-père, appuyant fortement. Je l’entendais tenter de lancer des gémissements, mais ceux-ci ne parvenaient pas à franchir le seuil de sa bouche.

 

Ses bras émettaient des gestes saccadés, des spasmes envahissaient le corps de ce vieil homme qui n’aimait pas ce que j’étais. Je pense que bras et jambes étaient cassés à cause de la chute, raison pour laquelle il ne parvenait pas à m’empêcher de continuer mon acte. Au fur et à mesure que je voyais l’étincelle de sa vie quitter son regard, j’en ressentais quelque chose de jouissif qui se répercutait dans tout mon corps. Un plaisir, une sensation que je ne parvenais pas à définir de manière détaillée. C’était quelque chose que je n’avais jamais ressentie auparavant, difficile à décrire avec des mots. J’aimais ça. J’aimais voir cette vie partir peu à peu. Ce regard empli de terreur devant moi, cette détresse, ces larmes coulant de ses yeux, ça me remplissait d’un tel bonheur.

 

Je ne pensais pas ça à l’époque, ne connaissant pas encore les délices de l’amour avec un homme, mais aujourd’hui je peux dire que j’ai ressentie une sorte d’orgasme à cet instant, aussi étrange que ça puisse paraître. Au bout de quelques minutes, la tête de mon grand-père s’affaissait sur le côté, gardant les yeux ouverts, pendant que tout son corps devenait immobile, seulement parsemé de quelques brefs spasmes post-mortem. J’ai regardé mon œuvre l’espace d’un instant, juste avant de prévenir ma mère, lui disant que j’avais trouvé grand-père au bas des escaliers, le plus calmement et naturellement possible. Ma mère réagissait immédiatement, se précipitant à l’intérieur de la maison. Voyant le corps sans vie, elle tomba à genoux, éclatant en sanglots. Je n’ai pas compris sa réaction. Ce n’était qu’un cadavre, de la chair et des os, rien de plus. Pourquoi faire tant de simagrées pour quelqu’un qui avait pourri la vie de toute notre famille en plus ?

 

Ce jour-là, j’ai compris que je n’étais pas comme toutes les filles de mon âge. Cette expérience était tellement grisante, fascinante. J’avais envie de regoûter à cet instant qui avait pénétré mon âme avec une telle force. C’était presque une obsession. C’est à partir de là que je me suis intéressée à la mort sous toutes ses formes, à travers films, séries et documentaires. Mes parents ne comprenaient pas cette fascination, j’ai même dû subir un entretien avec un psychologue de mon école. Mais celui-ci ne décela rien d’anormal à mon comportement. J’étais juste une fille comme tant d’autres qui aimait se faire peur à travers ce genre de médias. Je ne pouvais pas le dire, bien évidemment, mais je n’étais pas d’accord avec sa conclusion. Je n’avais rien de commun avec les autres filles, et même des garçons que je connaissais. Mais mes parents semblèrent rassurés en entendant ces paroles, alors j’ai gardé ça pour moi. Au moins, ils ne m’obligeraient plus à devoir voir d’autres personnes à cause de ma passion pour la mort.


Le temps a passé, j’ai grandie, atteignant l’âge de 14 ans, mais je n’ai jamais retrouvé la plénitude ressentie lors de la mort de mon grand-père. Et ce, malgré les innombrables métrages, livres et autres documents que j’ai vus et consultés. Tout au plus trouvais-je un certain plaisir à regarder des vieilles photos de personnes décédées, comme le pratiquait certaines familles à une époque révolue. Des photographes payés pour immortaliser le corps de leurs défunts au sein de leur maison. Pour beaucoup de gens d’aujourd’hui, c’est une pratique qui peut paraître morbide. Mais à l’époque, c’était quelque chose de tout à fait naturel. Néanmoins, il n’y avait pas dans la vision de tout ces spectacles de morts, aussi violentes soient-elles dans les films, cette flamme que je recherchais, au même titre que la fois où j’ai découvert ma fascination avec le regard de mon grand-père, sa vie s’enfuyant de son corps.

 

Une sensation à laquelle j’ai pu de nouveau goûter lors de mes 16 ans. Pour fêter leur 25ème anniversaire de mariage, mes parents avaient décidés de s’offrir une nouvelle lune de miel, leur relation étant très nettement revenue au beau fixe depuis la mort de mon grand-père, l’élément qui avait fait naître les disputes entre eux. Pour ne pas que je sois seule durant l’été de cette année-là, la période qu’ils avaient choisis pour leur projet, ils m’ont inscrit à un club de scouts. Une manière pour moi de découvrir les bienfaits de la nature, et surtout de m’éloigner de mes écrans et des films morbides que j’affectionnai. Au début, je leur en ai voulu de m’abandonner ainsi au cœur d’un monde fait de niaiseries et de personnes faisant l’apologie de pratiques que j’abhorrais, et surtout ne correspondant pas à ma personnalité profonde. Celle que me faisait moi telle que j’étais réellement.

 

J’ai eu du mal à me faire à ce séjour qui fut un véritable enfer pour moi. Mais je lui ai finalement trouvé une utilité. Pas grâce aux moniteurs et leurs animations débiles journalières. Mais plutôt parce que j’ai pu assister plusieurs fois à des spectacles digne d’intérêt. Lorsque j’étais de corvée pour récupérer bois ou eau à la rivière, pour les besoins de la cuisine du camp, j’ai pu être témoin de mises à mort entre divers animaux, et de très près. Ça peut vous sembler inconcevable, mais c’était comme si les animaux me faisaient cadeau de leurs affrontements, me permettant de m’approcher dès lors que je le constatais à distance, sans pour autant fuir ou montrer des signes belliqueux à mon encontre.

 

 J’ai pu voir un renard achever un lapin, serrant son cou sanguinolent, voyant l’agonie dans les yeux de cette bête à la merci de son prédateur. Ce n’était pas aussi intense que pour la mort de mon grand-père, mais j’y retrouvais une portion de ce que j’avais ressentie ce jour-là. Une autre fois, ce fut une chouette dévorant sur place une belette. Je n’ai pas eu une clarté aussi bonne que pour le lapin, vu qu’on était en soirée, mais là encore, j’ai pu observer les yeux de cette petite victime, agrémenté de ses cris de terreur et de douleur. Chaque jour, toutes les fois où j’étais chargée de tâches diverses impliquant de me rendre dans les bois, je scrutais les environs, à la recherche de scènes similaires pouvant régaler mes yeux du spectacle.

 

Et puis il y a eu ce jour où mon cœur a battu la chamade comme la première fois. La même sensation, le même plaisir à regarder une vie partir. Une de mes camarades m’avait accompagnée pour pêcher du poisson à la rivière, à environ 800 mètres du camp, hors de portée de quiconque. Je n’avais pas particulièrement appréciée de ne pas me trouver seule comme d’autre fois. Ça pouvait m’empêcher d’assister à une nouvelle scène de mise à mort offerte par les résidents de ces bois. J’avais même demandé à m’occuper en solo de cette tâche, mais le moniteur avait refusé. Quand on est arrivées à proximité de la rivière, il nous fallait descendre une petite butte assez abrupte. Elle n’était pas dangereuse à proprement parler, mais il fallait malgré tout faire preuve de prudence, car la terre était glissante. 

 

 Quand ma camarade a voulu passer devant, alors qu’elle ne savait pas comment aborder ce passage, car y venant pour la première fois, je n’ai pas eu le temps de la prévenir de faire attention. Elle s’est engagée trop rapidement et a glissée sur la terre humide, la faisant déraper brutalement vers le bas de la butte, tête la première. Je l’ai vu heurter de plein fouet un rocher en contrebas. Je me suis hâtée de descendre à mon tour, mais avec plus de prudence que mon infortunée camarade. Elle était étendue sur le sol, le visage sur le côté, avec cette même expression de détresse qu’avait eu mon grand-père. Contrairement à lui, elle parvenait à dire quelques mots, demandant de l’aide :

 

-         -  Aiiide-moi… J’ai… J’ai mal. »

 

Son crâne était paré d’un trou de la grosseur d’une noisette, faisant couler du sang, mais aussi des particules grisâtres. Son corps, tout comme l’avait été mon grand-père des années avant, ne parvenait pas à bouger. Ce n’était pas l’âge cette fois qui était en cause, juste le choc de la chute. J’ai eu ce déclic, cette étincelle qui se rappelait à moi, remontant à la surface, et m’incitant à savourer ce qui se montrait à moi, observant son regard submergé par la peur de mourir. Je me mettais à genoux, avant de me mettre à plat ventre, juste en face de ses yeux, alternant mon observation entre sa blessure à la tête et son visage, de manière à ne rien manquer. J’avais un grand sourire de satisfaction qui se formait, heureuse d’avoir la perspective de goûter à nouveau à ce qui m’avait fascinée des années auparavant, alors que l’objet de mon attention renouvelait son appel à l’aide :

 

-       -  Pourquoi tu m’aides pas… ? Il faut aller prévenir le camp. Prévenir les secours… Reste pas plantée là… Tu veux ma mort ou quoi ?

 

Je ne répondais rien. Bien sûr que je voulais qu'elle meure. Je voulais avoir à nouveau en moi ce sentiment d’extase en voyant la vie partir d’un corps humain. Ça faisait des années que je rêvais d’y assister à nouveau. Hors de question que je manque ce spectacle. Mais mon sujet devenait trop bavard :

 

-       -  Espèce de salope… ! Tu vas vraiment me regarder crever sans rien faire ? Je te jure que tu vas morfler quand les autres seront là. Je leur dirais que t’es une tarée…

 

Mon sourire se dissipait à ce moment. Je voyais ses bras commencer à se mouvoir, tenter de se lever pour échapper à son sort. Je ne pouvais pas la laisser faire. J’aurais aimé que ça dure plus longtemps, mais je ne pouvais pas prendre le risque qu’elle parvienne à retrouver l’usage de sa voix pleinement et crier aux autres de venir, alors qu'elle retrouvait la force nécessaire pour commencer à se relever. J’ai défait alors son foulard autour du cou, ce même foulard propre aux scouts, de manière à le placer devant sa bouche. Et j’ai appuyé de toutes mes forces. Elle se débattait, plus que ne l’avait fait mon grand-père. J’ai été obligée de me mettre sur elle, usant du poids de mon propre corps pour plaquer le sien, et l’empêcher d’avoir des mouvements en même temps que je continuais à appuyer le foulard sur sa bouche. Je ne manquais pas une seconde de son regard tout ce temps. 

 

Elle tentait de crier, mais la pression que j’exerçais sur sa bouche l’empêchait de sortir le moindre mot. Elle me tapait le dos avec ses mains, qui avaient retrouvé un soupçon de mobilité. Ses jambes tapaient le sol, et ça m’excitait encore plus. C’était encore plus jouissif que la première fois. Le fait qu’elle se débattait, tentant désespérément de sauver sa vie, c’était grisant et multipliait mon plaisir. Mon sourire s’agrandissait, pendant que j’accentuais la pression sur sa bouche. Je voyais ses yeux se révulser, en même temps que ses tentatives de se dégager de mon emprise baissaient d’intensité. Elle commençait à faiblir, des larmes coulaient en flots de ses yeux. Bientôt, elle ne parvenait plus à émettre de gémissements sous le foulard, ses bras et ses jambes arrêtaient de bouger, son regard se bloquait, montrant que la vie s’était enfuie d’elle.

 

J’étais exténuée par les efforts que j’avais dû fournir, mais j’avais la même sensation qui avait envahi mon corps lors de la mort de mon grand-père. En plus intense encore. Un bien-être, une libération, les mots me manquent pour décrire ce moment fabuleux que je venais de vivre. J’attendais de reprendre mon souffle et me remettre de ce grand moment avant de me relever, observant encore quelques instants le corps de celle qui venait de m’offrir l’une des meilleures périodes de ma vie. Puis je prenais le chemin du camp, afin de prévenir les moniteurs qu’il y avait eu un « accident » à la rivière.

 

Une fois sur place, je précisais les détails : la chute, la tête qui avait heurté le rocher, le corps sans vie. Personne ne saurait que j’étais à l’origine du décès de ma camarade. J’avais remis en place son foulard, afin que personne ne se doute de quoi que ce soit. J’ai eu la chance que tout ça s’est passé dans une petite ville, avec un légiste pas très curieux et connu pour être un alcoolique notoire. Donc, l’autopsie qu’il a pratiqué s’est limitée à donner comme explication que la mort était dû à la chute, entraînant un traumatisme crânien. Sans chercher d’autre cause. Un examen poussé aurait sans doute conclu à une mort par étouffement, ce qui ne fut pas le cas. Lors de la mort de mon grand-père, il avait bien été évoqué cette conclusion.  Mais au vu de la chute, de l’âge avancé de mon grand-père, de ses problèmes déjà importants pour respirer, connus du médecin de famille, personne n’a soupçonné que j’avais pu être à l’origine de sa mort véritable. D’autant plus que je n’étais qu’une fillette de 10 ans à l’époque. 

 

Cette 2ème expérience m’a encore plus aspirée à ressentir des sensations identiques. Mais je savais que je ne pourrais pas toujours bénéficier de circonstances aussi providentielles, d’accidents propres à ne pas être gênée par des témoins m’empêchant d’assister au spectacle de la vie s’enfuyant d’un corps à travers son regard. A mon sens, vu que ces deux cas étaient déjà dans un état proche de la mort, je n’avais fait que leur éviter de souffrir plus. Je les avais aidé plus que je n’avais été une véritable meurtrière, et je ne me sentais pas coupable du tout. J’avais l’âme d’une libératrice. En grandissant, ce sentiment sur ma personnalité s’est renforcé, et j’avais envie de regoûter aux sensations ayant envahi mon être lors des expériences qui s’étaient offertes à moi.

 

Je pensais que je pourrais obtenir la même extase sans que je participe activement. Je m’en étais aperçue en assistant aux mises à mort de ces animaux dans la forêt. Je restais persuadée qu’observer des morts en direct m’apporterait quelque chose de proche. Pas aussi intense que pratiquer moi-même la mort, mais ça s’approcherait de ce sentiment. Avec le temps, j’ai atteint l’âge adulte, et j’ai acquis une certaine notoriété dans les quartiers mal famés de ma ville. Usant de mon charme pour être la spectatrice privilégiée de morts de la part de personnes faisant partie d’un secteur d’activité non reconnu en tant que « métier ». Je veux bien sûr parler du banditisme. En suivant de près les missions des « nettoyeurs », chargé d’éliminer des ennemis de leur clan. Le fait que ce n'était pas moi qui pratiquait la mort me déculpabilisait de mon sentiment premier de ne m'en prendre qu'à des personnes proches de la fin.

 

C’est là que j’ai commencé à filmer ces morts. Je voulais avoir un souvenir où je pourrais revoir en boucle les regards m’ayant le plus marquée lors de ces exécutions. Il se trouvait que mon compagnon, Barnabé, était adepte de la strangulation, et comprenant donc ma passion d’assister à la lente agonie des victimes. J’ai vécu ainsi 4 ans. Puis Barnabé est mort, et son successeur ne jurait que par les armes à feu, ce qui n’offrait aucun intérêt. Je ne pouvais pas profiter de l’agonie des victimes, car leur mort était trop rapide. Je gardais en moi cette envie de faire profiter ma passion à d’autres. J’ai quitté la vie au sein du banditisme, et j’ai aspiré à d’autres horizons. C’est là que j’ai pensé à créer un site diffusant ces vidéos uniques où on peut assister au processus de la fin d’une vie. Ayant gardé des contacts de mon ancienne et prolifique vie au sein des malfrats de toute sortes, j’ai pu trouver des personnes me garantissant la sécurité du site, installé au cœur du Dark Web. Des associés qui m’ont constitué un réseau de clients payants, accédant au site pour voir les vidéos de ces morts en direct, bien plus attrayante que celles fictives des films et séries et étant la source d’un marché très profitable et hautement rémunérateur.

 

Vous n’imaginez pas à quel point il existe des gens comme moi, hommes ou femmes, prêt à payer des sommes dingues pour obtenir les liens URL des vidéos de mon site particulier. Il m’arrive parfois, pour des clients VIP, de fournir des vidéos à la demande, concernant des types bien précis de morts, autre que la strangulation. Ainsi, j’ai recruté des vidéastes, ceux-ci parcourant la ville à la recherche de mises à mort au hasard des rues. Pendant que d’autres, au contraire, étaient « invités » à filmer des exécutions, des tortures, se concluant toujours par la mort de la « vedette ». Il m’arrive parfois d’avoir des demandes spéciales, pour lesquelles je me charge personnellement de faire les vidéos.

 

Des familles ne supportant plus de voir un de leur membre souffrir inutilement dans un hôpital, et ne comprenant pas qu’on leur refuse l’euthanasie de leur père, leur mère, leur oncle. Ceci au nom d’une éthique médicale empreint d’une morale sélective. Après paiement, je me rends dans ces hôpitaux, soudoyant des infirmières complices, qui me laissent accéder à ces chambres, trop heureuses d’avoir des suppléments de revenus. Cela se passe toujours en journée. D’une part pour avoir une meilleure lumière et parce que ça passe bien plus inaperçu que si j’y allais en pleine nuit. Vous savez ce qu’on dit : pour cacher quelque chose, le mieux c’est de le pratiquer au grand jour. Il y a aussi des cas où c’est plus simple, car les familles font appel à moi au sein de leur maison, la future « vedette » s’y trouvant alitée. Souvent pour des raisons financières, car ne pouvant payer les lourds frais hospitaliers. Mais aussi pour de simples raisons familiales ou anti-médecine.

 

Un commerce lucratif qui me permet d’avoir des vidéos pour assouvir ma passion. Je peux me les visionner autant de fois que je le désire, et je permets à d’autres passionnés comme moi de céder à leurs penchants sordides en toute impunité. C’est d’ailleurs le nom que j’ai donné à mon site : Sordide.com. Il devient de plus en plus populaire au fil des mois. Mais j’entends certains se dire : « pour quelqu’un qui ne veut pas donner la mort à des personnes en pleine santé, il y a une bonne partie de ce marché qui inclue ce type de morts. Comme les exécutions ».

 

Et là, je vous réponds que j’ai dit que je ne voulais pas commettre ce type de morts moi-même, me limitant à achever des personnes n’ayant plus d’espoir de vie. Mais je ne vois aucune objection à ce que d’autres que moi pratiquent des morts impliquant des futures victimes en pleine forme. Peut-être que pour vous, ma logique n’est pas compréhensible, je le conçois. Mais en ce qui me concerne, je n’ai aucun problème de conscience, et je peux ainsi avoir à disposition des dizaines d’heures de morts fabuleuses, de vraies morts non fictives à mater. Je peux me délecter, faire des arrêts sur image, des ralentis pour voir les meilleures scènes. J’en ressens un plaisir total. J’ai trouvé une manière de ponctuer ma vie d’une rente financière régulière, tout en assouvissant ma passion, et j’offre du spectacle à ceux et celles qui ont en eux la même dévotion à ce type de spectacle.

 

Je finirais en vous rappelant que seuls ceux faisant partie d’un cercle privé et régulier du Dark Web peuvent accéder à mon site et ses déjà centaines de vidéos. Inutile de prévenir les autorités : mon équipe a toutes les compétences requises pour savoir comment parer à tout danger, en changeant l’URL chaque jour, envoyant les nouvelles adresses à nos clients dans le même temps, grâce à un algorithme prévu à cet effet qui fait ces envois automatiquement. Et je rajoute que si vous venez à représenter une entrave à mon plaisir, ne soyez pas surpris de devenir très prochainement la star d’une de mes vidéos qui fera la joie de mes clients, et remplira mon compte en banque. Mais si vous voulez simplement devenir un fidèle abonné de mon site, il vous faudra suivre la procédure habituelle, qui passe par un contact auprès des réseaux habituels, si vous êtes un habitué du Dark Web. Alors, peut-être à très bientôt sur le site de Sordide.com…

 

Publié par Fabs