Peut-on donner foi aux légendes ? Et, surtout, est-il
possible de croire que ces mêmes légendes ont vu leurs origines naître dans une
contrée différente de celle qui a fait sa renommée ? Que ce soit à
travers les livres ou le bouche à oreilles. Des légendes qui ont vu
leurs faits véritables être transformés en récits édulcorés ou — au contraire
—, encore plus sombre. Sans doute pour des raisons culturelles du pays
s’étant inspiré de ce qu’on qualifie fréquemment de contes pour enfants à la
portée universelle. Voire — parfois —, pour des raisons politiques, dans le but
de traiter de sujets graves, sans pour autant subir les foudres des pouvoirs en
place de l’époque. Comme ce fut le cas pour les Fables de la Fontaine — dont
chacun sait qu’elles n’étaient que de pâles copies de celles du grec Ésope —,
afin de dénoncer les actions des puissants à l’époque du célèbre
conteur. Une pratique courante dans le monde des écrits destinés à une
jeunesse devant être — aux yeux de leurs auteurs —, habilités à comprendre la
dure réalité de la vie. Ceci afin de préparer les enfants à ce qui les attend,
une fois devenus adultes. Une manière de comprendre les tracas quotidiens
rencontrés par leurs parents, ainsi que leurs choix parfois horribles et
majoritairement discutables.
Les époques et les dirigeants en place — vus par ces conteurs à la
critique acerbe, mais subtile —, ont ainsi fait émerger des contes qui sont
entrés dans les habitudes populaires. Je veux bien évidemment
parler — entre autres —, du moment de la journée où on s’affaire
traditionnellement à la lecture de ces histoires. À savoir, avant le
coucher de nos chères têtes blondes, selon la formule bien connue. Les
versions d’origine de ces contes sont souvent les plus cruelles. À ce titre, nombre
d’entre elles ont donc vu leurs propos adaptés à un lectorat se devant d’être
protégé. Une décision des représentants du bien-pensant des institutions
sociales, culturelles ou gouvernementales. Et ce, dans diverses patries. Des
instances pas toujours promptes à savoir ce qui est bon ou non d’entendre pour
notre génération devenue fragile, à force — justement —, de voir leurs aînés
décider à leur place, pour nombre de sujets dits « sensibles ». Les enfants font les frais de ces choix : ils
ont de plus en plus de mal à être préparés à leur futur, à cause de versions
idéalisées de ces contes se terminant généralement en « Happy End ». Vous savez, le fameux “Ils furent heureux, et eurent
beaucoup d’enfants”. Ce qui n’était pas le cas pour les contes
d’origine. Celles et ceux qui ont pu lire les premières éditions — pas toujours
faciles à trouver —, des contes de Grimm savent bien de quoi je parle.
Si je me suis permis de m’affairer à évoquer tout ceci à travers
ce long préambule, c’est parce que j’ai été confronté à une réalité concernant
certains faits troublants s’étant déroulés dans ma ville de JiangShu, en Chine.
Des faits ayant mis en lumière un fait troublant : un conte très célèbre
dans le monde entier était né des exactions d’un trio ayant traversé les
siècles, et coupables de meurtres sanglants dans l’histoire de mon pays. Ceci
durant la 3ème Dynastie. Celle des Zhou, que peut-être certains d’entre vous
connaissent, si vous vous intéressez un tant soit peu à mon peuple. Un trio qui utilisait
un instrument de musique particulier pour charmer leurs victime. Ce qui les
rendaient à l’état de marionnettes manipulées à distance, jusqu’à ce qu’elles
tombent entre leurs griffes — et ce n’est pas une image —, pour y subir une
mort des plus horribles. L’utilisation de la musique pour attirer des êtres
vivants, à mon avis, cela doit vous faire comprendre de quel conte je parle.
Une histoire qu’on vous a sûrement contée étant enfant, ou que vous avez lue
dans la bibliothèque de votre école. En tout cas, sa version « douce ». Celle
laissant dans le doute quant au destin des enfants ayant été emmenés par un
flutiste talentueux et revanchard, pour se venger de la trahison des habitants
de la ville à qui il avait rendu service.
Oui, vous avez déjà deviné que je parlais bien évidemment du “Joueur
de Flûte d’Hamelin”. Un conte traitant des conséquences de promesses
non-tenues, mais surtout une parabole sur le racisme et la tolérance. Avec ce
que cela provoque comme drames tragiques. En l’occurrence — dans l’histoire —,
les enfants sont devenus des dommages collatéraux, à cause de la décision de
leurs parents de ne pas honorer le pacte fait avec le flutiste. Suivant les
versions, ils finissent enfermés à jamais dans une grotte, ou noyés dans la
Weser. La rivière proche d’Hamelin. Comme je l’ai évoqué plus tôt, ce conte —
dont les origines remontent à l’an 1284 pour ses premières traces, s’est en
fait inspiré des actions d’autres personnages — bien réels ceux-là —, ayant
vécu en l’an 810 av. J.-C., en Chine. Je reviendrai plus tard sur ce détail qui
a son importance. Je préfère ne pas anticiper les évènements de mon récit, pour
ne pas vous perdre dans son fil.
Même si l’ensemble des détails de l’histoire du Joueur de flûte
d’Hamelin sont différents dans leur structure de ceux dont je vais vous parler,
il en est tout autre d’un élément commun aux deux récits. La musique. Pour le
joueur de flûte, il n’est jamais précisé de quelle magie est issue le fameux
instrument. A-t-il été créé à l’aide de la magie ou de la sorcellerie
? S’agit-il d’un présent offert par le diable — ce qui confèrerait au
flutiste un statut de créature venue des enfers, tel que le conçoivent certains
théoriciens s’étant penchés sur ce conte allemand ? On n’en sait
rien, et je dirai que c’est ce qui entoure l’histoire d’une aura de mystère. En
revanche, concernant l’objet musical utilisé par le trio qui a inspiré ce même
conte, il est avéré qu’il a été confectionné par un clan de créatures n’ayant
rien d’humain. Ce qui explique les actes dont cette race est à l’origine, et
pas toujours lié à la musique. Mais reprenons les choses dans l’ordre. À trop
vouloir vous indiquer les bases de ce à quoi j’ai été confronté, je crains de
m’être trop étalé dans le passé pour commencer, alors que le plus important,
c’est en premier lieu le présent.
Je reviendrai également, de manière plus détaillée, sur les
aspects du passé liés à mon aventure de ces derniers mois. Ce qui m’a fait
me retrouver sur la piste de ce trio usant d’un instrument de musique capable
d’envoûter des cibles désignées, et constituant le cœur de leurs
activités. Je me nomme Xian Zhihao. Je suis
un simple employé vivant de petits boulots trouvés ici et là, afin de me
permettre de payer les charges de la maison héritée de mes parents. Je les ai
perdus tous les deux, il y a 12 ans de ça, alors que j’avais à peine 16 ans. Un
choc pour l’adolescent que j’étais, et qui me hante encore certaines nuits.
Plus encore depuis que je me suis impliqué dans la recherche de la vérité,
concernant un drame à côté de chez moi. Mais j’anticipe encore. C’est difficile
de ne pas me mélanger, tellement tant d’évènements sont liés les uns aux
autres. Bref. Mes parents ont été tués par ce qui paraissait être un ou des
malfrats, selon la conclusion de l’enquête de la police de l’époque.
Ce soir-là, je passais la nuit chez mon oncle — qui habitait à
l’autre bout de JiangShu —, depuis une semaine. Une manière de me faciliter mes
déplacements, ayant trouvé un stage lié à mon cursus scolaire. Le fait de loger
chez mon oncle, ça m’évitait un trajet long de près de deux heures de marche.
Je n’avais pas les moyens de me payer les transports en commun pour mes
fréquents va-et-vient entre le lieu de stage et le domicile de mes parents. Le
repas du midi n’était pas pris en charge par mes patrons, ce qui m’obligeait à
me débrouiller pour manger durant la pause de mi-journée. Concrètement, cela
m’aurait obligé à effectuer quatre voyages en bus par journée, durant une
semaine entière. Soit la durée totale du stage. Financièrement, ça m’était
impossible, et je refusais de demander à mes parents de me donner de quoi
régler mes transports. J’étais dans une phase où je tenais à ne plus être
dépendant d’eux. Si je leur avais demandé ce service pécuniaire — même si je
sais qu’il ne me l’aurait jamais refusé —, j’aurais trahi ma décision de
devenir autonome sur tout ce qui concernait mes activités.
J’avais presque supplié mon employeur de me fournir une avance sur
la somme promise à l’issue de mon stage rémunéré, mais il s’y refusait. Il
avait des règles à respecter vis-à-vis de l’école où j’étudiais. Celle-ci ayant
approuvé mon choix chez un exploitant agricole, dont les champs se trouvaient
en périphérie de la ville. Le seul emploi que j’avais pu dégotter, ayant échoué
à me faire accepter auprès de patrons dont l’entreprise se trouvait plus près
de chez moi. Ce qui m’aurait grandement facilité la tâche. Par ailleurs,
j'avais étudié toutes les possibilités, et me faire héberger chez mon oncle le
temps de mon stage était la solution la plus appropriée à ma situation. On
était la veille de la fin de ma semaine de travail quand mon oncle a été
contacté par la police. Mes parents avaient été retrouvés sans vie dans une
ruelle, près de notre maison, étalés sur le bitume et possédant diverses
marques d’agression sur l’ensemble de leurs corps. De multiples coups de
couteau les ayant vidés de leur sang. C’est ce qui transparaitrait lors de
l’autopsie.
Plus une goutte de leur liquide vital n’était présent en eux.
L’enquête avait conclu à un vol, suite à la ballade inexpliquée de mes parents
en pleine nuit. Qui plus est, dans un lieu où ils n’allaient jamais
habituellement. C’est ce que j’ai déclaré aux policiers chargés de
l’investigation du drame. Mon oncle a confirmé mes dires. Personne ne
s’expliquait ce qu’ils faisaient là, à une heure aussi tardive. Ce n’est que
des années plus tard que j’ai fait le lien entre la mort de mes parents et un
autre meurtre impliquant un autre habitant du quartier où je résidais. Il y
avait trop de similitudes entre les corps pour que cela soit une coïncidence.
Le nouveau meurtre, qui s’était déroulé il y avait trois mois de ça,
concernait une voisine vivant à quelques pâtés de maison de ma demeure. Celle
dont j’étais le seul occupant depuis la mort tragique de mes parents. C’était
une personne adorable, aimée de toutes et tous dans le coin. Comme cela avait
été le cas des années avant pour mes géniteurs, on avait retrouvé son corps
dans un coin inhabituel à ses déplacements quotidiens.
Mme Lang — Cheng de son prénom, était une ancienne professeure de
piano. Tous ses anciens élèves venaient régulièrement la voir, dès qu’ils en
avaient l’occasion. Elle avait toujours été comme une seconde mère pour chacun
d’eux : se chargeant de régler des conflits familiaux, de problèmes
scolaires et d’autres petits tracas du quotidien comme des échauffourées avec
les enfants de voisins. Ma mère avait été une de ses anciennes élèves. Raison
pour laquelle je la connaissais très bien. Comme les autres, ma mère allait
chez elle très souvent de son vivant, et j’ai gardé cette habitude de rendre
visite à Mme Lang depuis. Elle avait toujours fait preuve d’une grande
attention envers moi. Surtout depuis le drame familial qui m’avait endeuillé.
Elle m’appelait souvent pour prendre des nouvelles de moi ; savoir si j’y
arrivais financièrement ; si je m’entendais bien avec mes collègues de travail
ou si l’une d’elles me plaisait... Elle cherchait toujours à me caser,
m’ayant fréquemment proposé de me faire rencontrer les filles de ses amies —
célibataires —, car s’inquiétant de ce que je devienne un vieux garçon, sans
avoir une gentille épouse à mes côtés.
C’était la seule chose que je pouvais lui reprocher. J’avais
toujours refusé poliment les « rencarts » qu’elle
tentait d’organiser tant bien que mal. Mais elle conservait à chaque fois le
sourire à chaque échec de sa part. Je crois qu’on peut dire que c’était comme
une sorte de petit jeu complice entre elle et moi. Une manière de s’assurer de
garder le contact, en souvenir de mes parents. En particulier de ma mère,
qu’elle avait toujours considéré comme sa meilleure élève. Pour autant — faute
de moyens et de temps —, cette dernière n’avait jamais pu perdurer dans la
musique. Ma mère avait bien eu des opportunités, ayant même fait partie d’une
sorte de groupe spécialisé dans le mélange de divers genres musicaux. Cependant,
c’est justement durant cette période qu’elle a rencontré mon père. En accord
avec lui, le couple a abandonné le groupe, avant de se marier. Mme Lang s’était
montrée triste — de ce qu’elle m’avait raconté —, de cette décision. Pas pour
leur mariage — ce dont elle était heureuse pour eux. Mais à cause du retrait de
la musique de ma mère, et donc de ses cours. Toutefois, Mme Lang comprenait que
son élève favorite veuille consacrer le reste de sa vie à sa famille, plutôt
qu’à ce qu’elle considérait davantage comme une passion qu’une véritable
carrière en devenir.
Moi, je ne bénéficiais pas des mêmes dispositions musicales de ma
mère. Sachant ça, Mme Lang s’évertuait à me trouver une compagne aimante pour
que je ne ressente plus la solitude. C’était plus qu’une simple connaissance
héritée d’un lien avec ma mère : je la considérais comme un membre
actif de ma famille. Une sorte de grand-mère bienveillante qui veillait sur moi
comme elle l’aurait fait de n’importe lequel de ses petits-enfants. C’est
pourquoi l’annonce de sa mort m’a fait raviver des souvenirs douloureux. Elle a
été retrouvée au sein d’un parc pour enfants, à environ 800 mètres de chez
elle. C’était dénué de sens. Mme Lang peinait à marcher à cause de ses jambes,
qui ne lui permettaient pas de parcourir de très grandes distances. Elle se
faisait livrer ses courses, et je n’étais pas le dernier à me proposer dès
qu’elle avait besoin de bras pour un service quelconque. Son corps avait été
disposé sur le tourniquet du parc, sa tête plaquée contre le bois du jeu, les
bras ballants. Elle avait été trouvée dans une position accroupie. Comme si
elle avait voulu prier.
De multiples coups de couteau parsemaient son corps de toutes
parts, et sa gorge avait été tranchée profondément. Là encore, l’intégralité de
son sang avait été vidé du corps. L’enquête indiquait que celui-ci s’était
probablement déversé dans la terre entourant le tourniquet, sans chercher
d'autres explications. Pour les policiers sur place, il s’agissait d’une
agression barbare, dans le seul but de la délester de ses économies. Son sac
n’avait pas été retrouvé. Ni au parc, ni chez elle. D’ailleurs les auteurs du
meurtre semblaient s’être rendus à son domicile, vu le désordre découvert
là-bas. Plusieurs autres objets de valeur se sont révélés avoir disparu. Une constatation
fondée sur un inventaire des biens de la vieille dame effectué par la suite, à
l’aide de divers membres de sa famille. La police avait beau dire, on aurait
dit une mise en scène orchestrée par les auteurs du crime. Mme Lang ne
possédait que peu de choses pouvant intéresser véritablement des voleurs. Je
doutais fort que quelques yuans et des bijoux ayant plus une valeur
sentimentale qu’autre chose était un motif valable pour s’attaquer à elle.
Quant à la thèse de la terre ayant absorbé une quantité aussi
grande de sang, ça ne tenait pas la route. Et pourquoi Mme Lang se serait
déplacée en pleine nuit — malgré sa difficulté à se mouvoir bien connue —, pour
se rendre dans un parc d’enfants ? Rien n’était logique dans tout ça,
quand on connaissait les habitudes de Mme Lang. Comme moi et bien d’autres
personnes appréciant cette dame âgée au cœur d’or. Dans mon
esprit, l’ensemble des éléments ressemblait trop aux circonstances qui avaient
enlevé la vie à mes parents. Je n’ai pas voulu en parler aux policiers à qui
j’ai fait ma déposition. Une étape obligatoire, car étant un familier de
Mme Lang. Je craignais qu’ils ne me prennent pas au sérieux. Il y avait 12
ans d’écart entre le meurtre de mes parents et celui de Mme Lang, sans qu’il y
ait eu d’autres cas du même genre dans le quartier. Cependant, j’ai bien vu le
comportement de l’inspecteur sur place lors de ma déposition au commissariat.
À un moment, il s’est entretenu à part avec un de ses subordonnés.
Il devait penser que je n’avais pas entendu. Pourtant, j'ai
explicitement compris que la police ne disait pas toute la vérité sur la
fréquence de meurtres de ce genre. Ils ont aussi évoqué quelque chose qui m’a
mis la puce à l’oreille. De ce que j’ai compris, il était question d’une
musique qui aurait été entendu non loin du parc, quelques instants avant le
crime. Ceci par des passants ou des habitants résidant à proximité directe
des lieux. Une musique caractéristique d’un instrument typique chinois : le
Guzheng. Un instrument de musique se jouant assis, et produisant du son par le
pincement de cordes, suivant une technique demandant une dextérité et une
maitrise complexe. J’ai fait mine de rien quand les deux policiers ont arrêté
leur conversation, avant que l’inspecteur revienne vers moi pour finaliser ma
déclaration. En sortant du commissariat, j’avais des dizaines de questions en
tête. Parmi elles, un élément en particulier me chiffonnait, que mon
cerveau en deuil avait mis de côté à l’époque. C’était comme si mon esprit
avait jugé que ce détail ne méritait pas d’être complètement effacé de ma
mémoire durant toutes ces années.
Quand mon oncle a été contacté par la police, nous demandant de
nous déplacer sur les lieux du drame, afin de constater la mort de mes
parents — laissant le soin à mon oncle de reconnaitre officiellement les corps
—, j’avais surpris une conversation entre passants. Un échange de paroles qui
traitait d’une musique entendue peu avant dans le quartier proche de la ruelle
dans laquelle mes parents avaient été retrouvés. Une musique aux sonorités peu
communes, provenant d’un instrument distinctif, et appartenant à l’histoire
antique chinoise. Un Guzheng. Ça faisait trop de coïncidences entre les deux
cas. Qui plus est, à travers les bribes de paroles surprises entre l’inspecteur
et son collègue, j’avais cru comprendre qu’il y avait eu d’autres meurtres
similaires dans la ville ces dernières années. Des meurtres savamment
dissimulés à la presse pour éviter de déclencher des suppositions folles de Serial Killer officiant à JiangShu. Tout ça
a fait tilt dans ma tête, et j’ai commencé à effectuer mes recherches de mon
côté.
Du fait du choc de la mort de Mme Lang, j’avais pu bénéficier de
plusieurs jours de deuil accordés par mon employeur, qui connaissait lui aussi
Mme Lang. D’ailleurs, il avait préféré fermer son commerce une semaine, pour
permettre à nombre des employés étant en lien avec la victime — en grand nombre
—, de se remettre de cette tragique disparition. Ce qui m’arrangeait bien. De
toute façon, je n’aurais pas eu la tête à travailler avec toutes les questions
tournoyant en boucle dans mon crâne. Mes parents ; Mme Lang ; les corps vidés
de leur sang ; les blessures dont je savais de source sûre qu’elles
n’expliquaient pas complètement l’exsanguination ; les lieux inhabituels
des crimes pour les victimes… Et maintenant, cette histoire de
musique. Ce probable Guzheng. Un détail à priori anodin, mais qui me
rappelait quelque chose. Sans savoir ce que c’était avec précision. J’ai alors
pensé à en parler avec mon oncle. Peut-être que lui pourrait me permettre de
raviver mes souvenirs en ce sens. Voire me diriger vers une piste que je
n’avais pas envisagée. Et, effectivement, il m’a été d’une grande aide.
Bien qu’âgé de 85 printemps, la mémoire de mon oncle était
toujours alerte. Il possédait cette capacité unique de se rappeler
d’éléments que nombre de personnes auraient bien du mal à stocker aussi
longtemps dans leur cerveau. Une vraie encyclopédie vivante, mon oncle. Il a
rempli les trous de mes propres souvenirs d’étudiant concernant les légendes
propres à la Chine. En particulier, l’une d’entre elles, parlant d’un trio
mythique ayant officié lors de la 3ème Dynastie. Un trio qui attirait ses victimes
à l’aide d’un Guzheng aux propriétés singulières. On disait que sa musique
envoutait celles et ceux qui étaient ciblés par le petit groupe. Les
personnes charmées par ce son n’avaient plus aucun contrôle sur leur
corps : elles se dirigeaient instinctivement vers le lieu d’où provenait
la musique entendue. Une fois sur place, elles subissaient les attaques des
trois créatures. Car, oui — élément qui a son importance —, le trio, constitué
d’une femme et de deux hommes, appartenait à une race non-humaine. Celle des
Vampires.
On disait que ce Guzheng — et sa musique en particulier —, se
composait de plusieurs sonorités pouvant attirer à lui les adultes, les
enfants, et même les animaux. Sur le même principe présent dans le conte du
Joueur de flûte d’Hamelin. D’où la correspondance entre les deux que je vous ai
précisé au début de ce récit. Le processus pour amener les futures victimes
à se rendre auprès de leurs bourreaux était à la fois simple et
complexe. L’un des membres du trio — un des deux hommes, l’un et l’autre se
partageant cette tâche suivant les jours —, s’approchait en journée d’une
cible dont ils avaient préalablement étudié les habitudes et le mode de
vie. Les prédateurs ne s’attaquaient jamais à des personnes solidement
entourées par une grande quantité de proches en leur foyer. Il
s’agissait toujours d’hommes ou de femmes isolées. Des familles
monoparentales dans leur majorité. Parfois, des couples n’ayant plus de contact
avec leurs enfants, car trop grands pour toujours vivre sous le toit de leurs
parents. Beaucoup plus rarement des couples avec un enfant unique. On ne savait
pas trop quels pouvaient bien être leurs critères de choix, en fait. Cela
semblait dépendre de leur humeur, ou d’une situation de disette les obligeant à
se montrer moins exigeant vis-à-vis de leurs cibles.
Quoi qu’il en soit, après cette phase de « prospection » de la victime sur sa manière de vivre et son
quotidien, l’un des deux hommes s’arrangeait pour s’en prendre une première
fois à celui ou celle amenée à servir de repas au trio. Je rappelle qu’il
s’agissait de vampires, dont la nourriture principale s’avère être du sang.
Humain de préférence. Il y a bien des cas dans l’histoire de vampires se
montrant plus « modérés » — se
contentant de sang d’animaux. Toutefois, il s’agit de marginaux dans le
monde de ces créatures : ils ne constituent qu’un faible pourcentage
s’adonnant à ce type de chasse non nuisible à la race humaine. L’homme désigné
pour cette mission est chargé de prélever un peu de sang, à l’aide d’un petit
instrument qui n’est pas vraiment détaillé dans la légende. On parle d’une
sorte d’aiguille pouvant stocker quelques gouttes, après avoir piqué le corps
voulu. Un bras, une jambe, un cou… Rien de bien précis en somme. Le
prélèvement s’effectue généralement au sein d’une foule nombreuse. De façon à
opérer de façon discrète, sans se faire repérer.
Une fois les quelques gouttes de sang récupérées, celles-ci sont
disposées sur les plectres de l’instrument — les cordes si vous préférez —, en
divers endroits de l’appareil. Une opération indispensable pour attirer la
proie désignée, et uniquement elle. Les musiques permettant d’attirer les
cibles sont au nombre de 3 à l’origine. Une pour les adultes, une pour les
enfants, une pour les animaux, comme déjà indiqué. Quand la cible est une
personne isolée, le plus simple pour le trio est d’opérer comme je l’ai précisé
auparavant. Il peut cependant y avoir des variantes. Quand s’approcher de
la future victime s’avère compliqué en termes de risques de se faire repérer —
selon la méthode indiquée plus tôt, le trio agit différemment. Il exécute le
prélèvement sur l’enfant de la famille quand il s’agit d’une mère ou d’un père
vivant seul avec son fils ou sa fille. C’est encore plus simple lorsque
l’enfant est jeune. Car plus facilement approchable — où qu’il soit —, du
moment que c’est à l’extérieur. Plus rarement, le prélèvement s’effectue sur
l’animal de compagnie de la famille.
Au moment où la musique est jouée à l’aide du Guzheng — opération
toujours effectuée par la femme du trio —, elle attire ainsi l’animal au
dehors. Ce qui oblige de manière plus ou moins sûre — le facteur échec
n’étant pas négliger —, le maître ou la maîtresse à suivre son animal, si
celui-ci n’a pas l’habitude de sortir. Cela fait partie des renseignements
récoltés par l’un ou l’autre membre du trio. L’animal se présente devant les
trois vampires — toujours charmé par la musique —, bientôt suivi par son propriétaire,
si tout se déroule selon le plan prévu. Opération qui s’effectue toujours dans
un endroit isolé, et prompt à ce que l’attaque à venir s’accomplisse sans
encombre. La victime cherchant à récupérer son animal est donc agressée, dès
lors qu’elle se retrouve face à la femme jouant du Guzheng. Passé la surprise
de cette rencontre, les deux hommes l’attaquent en prenant soin à ce qu’elle ne
crie pas. Elle n’est pas tuée immédiatement : les vampires prennent leur
temps pour délester leur proie de son sang, comme d’autres aiment savourer un
plat de luxe. Le trio opère de même avec la méthode de l’enfant. Les
effets de la musique continuent d’agir jusqu’à 5 heures
après la première note effectuée. Ce qui fait que l’enfant n’est pas conscient
du meurtre de sa mère ou son père se déroulant sous ses yeux.
Il peut néanmoins en avoir des souvenirs imprécis lors de rêves
plus tard, sans se souvenir d’où viennent ces images dans sa tête. L’enfant est
soit laissé sur place, à côté du corps de son parent. Soit — très rarement —,
ramené par l’un des membres du trio à sa demeure. Parfois, jusque dans sa
chambre. On dit que ce trio sanglant doit son statut à une rencontre avec un
personnage qui est à l’origine de la création même du Guzheng magique. Cette
rencontre est détaillée dans de rares documents d’époque, ayant réussi à
traverser les siècles sans être altéré par les affres du temps. Un exemplaire
figure au Musée National de Chine à Pékin, aux côtés d’autres ouvrages aussi
rares de la même période. D’autres sont la possession de quelques
collectionneurs, mais il est difficile de savoir qui en sont les propriétaires.
Ces derniers gardent jalousement le secret. Ceci pour éviter
d’attirer la convoitise des voleurs ou de collègues, n’hésitant pas à
recourir à des méthodes frauduleuses pour se les procurer. On dit que l’un de
ces exemplaires aurait été volé il y a quatre ans de cela, et que son
propriétaire a fini assassiné. L’ouvrage n’a jamais été retrouvé
depuis. Il existerait seulement six exemplaires de ces raretés, qui
décrivent l’histoire originelle du trio. Celui du Musée National de Chine ne
peut être consulté qu’en obtenant un accord de la direction du Musée, voire
d’instances plus importantes d’un point de vue hiérarchique. C’est dire
l’importance dont dispose ce document. Néanmoins, l’histoire relatée peut se
trouver sur le Net sans grande complication. Suivant les sites dans lesquels on
la trouve, ce sont généralement des résumés assez succincts, mais suffisant
pour comprendre comment tout est arrivé.
Long Ling était une Geji qui officiait dans la ville de Fuhai. Une
Geji, c’est une courtisane formée au chant et à la danse. L’équivalent d’une
Geisha au Japon, en quelque sorte. Elle avait deux prétendants principaux. Ils
étaient tellement fous d’elle qu’ils désiraient tous les deux en faire leur
épouse. L’un, Xun Guo, était un luthier très célèbre de la localité et
même au-delà ; l’autre, Feng LingXing, lui, était un poète et
compositeur de grand talent, dont les œuvres pouvaient se vanter d’avoir les
faveurs de l’impératrice de l’époque. Long Ling appréciait équitablement les
deux hommes, mais ne parvenait pas à se décider lequel des deux choisir. Aussi
bien l’un que l’autre possédait de solides richesses dû à leur réputation
d’artistes renommés —, et représentaient un bon parti. Qui plus est, les deux
étaient fréquemment courtisés par nombre d’admiratrices, y compris des femmes
mariées. Mais Xun et Feng dédaignaient les avances des femmes désirant devenir leurs
épouses, car ils n’avaient d’yeux que pour Long Ling.
Cette dernière était principalement connue pour sa dextérité à
jouer du Guzheng. On disait que le moindre toucher de ses doigts sur son
instrument provoquait l’extase à quiconque l’écoutait. Certains de ses clients
affirmaient avoir ressenti l’équivalent d’un fantasme, rien qu’en écoutant sa
musique. Ce qui attirait la jalousie des autres Geji, appartenant à des pagodes
concurrentes de celle où officiait la jeune femme, car y voyant une concurrence
fort peu appréciée par elles. La majorité des hommes de la ville — malgré les
coûts exorbitants que la courtisane exigeait pour ses services —, ne
désiraient voir aucune autre Geji que Long Ling. On disait que sa musique
venait des cieux, pendant que d’autres y voyaient plutôt celle des enfers. Une
réputation due à l’hypnotisme qu’elle procurait sur les hommes.
Certains notables s’étaient même ruinés pour pouvoir écouter le plus
souvent possible la musique du Guzheng de Long Ling, et profiter de la présence
de la jeune femme à leurs côté. Elle était quasiment considérée comme une
déesse vivante. Un talent qui a attiré l’attention d’un personnage aux desseins
bien moins louables la concernant.
Un soir, Xun et Feng — qui s’opposaient souvent en pleine rue pour
se désigner comme celui que Long Ling préférait le plus —, décidèrent de forcer
conjointement leur aimée à désigner celui qui serait son futur époux. Ils
étaient persuadés l’un et l’autre de se voir choisi au détriment de son rival.
Cependant, quand ils sont arrivés à la demeure de l’objet de leur convoitise,
ils ont entendu des cris provenant de sa chambre. Pris de panique, pensant
qu’un autre homme de la ville menaçait la vie de celle qui représentait tout à
leurs yeux — car ayant peut-être aussi des vues sur leur égérie et refusant
d’être éconduit —, les deux hommes se sont rués dans la demeure pour sauver la
Geji de leur cœur. Une fois dans la chambre, le spectacle qui s’est montré devant
eux leur a glacé le sang. La jeune femme n’était pas seule, comme ils le
redoutaient. Toutefois, leur rival était différent de ce à quoi ils
s’attendaient.
Sa tenue n’était pas celle d’un notable de la ville, et arborait
un faciès des plus irréel. En partie à cause de la grande pâleur de sa
peau. Il tenait Long Ling dans ses bras. Un long filet de sang coulait du
cou de la courtisane jusqu’au sol, les canines proéminentes de
l’inconnu plongées dedans. S'apercevant de la présence des deux
hommes, l’étranger s’est retourné, montrant un peu plus sa nature monstrueuse
dans un premier temps. À la faveur d’une lampe située à proximité,
baignant le visage de l’homme dans la lumière, Xun et Feng crurent être en
proie à un cauchemar commun, les tétanisant tous les deux. L’être se tenant
devant eux, et ayant sorti ses dents du cocu de leur aimée, montrait un
corps et un visage propre à la chauve-souris et au loup, aux yeux rougeoyants.
Semblant voir la terreur que procurait la vue de son apparence à ses visiteurs,
la créature inhumaine s’empressa de revêtir une forme plus humaine. Se
nettoyant le visage du sang de la Geji qu’il laissait tomber au sol, il a alors
proposé un pacte aux rivaux amoureux ne sachant pas comment réagir à ce
spectacle horrible dont ils étaient les témoins impuissants.
— Avant de faire quoi que ce soit de stupide qui conduirait
inévitablement à votre mort, j’aimerais vous proposer la chance de vivre pour
toujours auprès de Long Ling. Je tiens à préciser que c’est elle qui a accepté
que je la transforme en immortelle, après que je lui ai eu exposé ma
demande initiale.
Surpris autant qu’épouvanté par les propos de l’être humanoïde,
Xun et Feng demandèrent des détails.
— Quelle demande initiale ? demanda Xun. Je
ne peux croire que Long Ling ait accepté de devenir sciemment un monstre tel
que vous. Pas en sachant combien elle était aimée dans cette ville.
— Pour une fois, j’approuve mon rival, s’interposa Feng. Long Ling appréciait trop la vie. En plus de
ça, elle voulait arrêter le métier de Geji, elle nous l’a dit. Elle voulait
devenir une épouse n’ayant plus à devoir offrir son corps, tout en continuant à
jouer de la musique.
La créature se mit alors à rire de manière très prononcée…
— C’est justement la raison qui l’a incitée à son choix qui vous
semble inconcevable. Je n’ignorais pas son désir de mettre fin à son métier
actuel. Et moi, j’avais des projets la concernant, afin qu’elle puisse
continuer à jouer sa musique comme elle l’entendait. Pour l’éternité. Avec vous
à ses côtés…
Voyant les deux hommes interloqués, et se montrant moins sur la
défensive à ses propos, la créature reprit :
— à dire vrai, Long Ling avait prévu de vous voir l’un et l’autre
après cette nuit. Elle comptait vous proposer de devenir des créatures de la
nuit. Tout comme elle. Votre présence ici arrange les choses.
À ce moment, Long Ling, qui était plongée dans une forme de
léthargie profonde depuis sa chute au sol — donnant l’impression d’une mort évidente,
se releva. Visiblement, elle n’avait rien perdu de la conversation entre ses
deux prétendants et son désormais «
maître » vampire. Elle s’adressa à eux.
— Zdrog dit vrai, car tel est son nom. Il est venu à moi pour
me proposer la solution idéale à mon dilemme. Je ne parvenais pas à choisir
celui d’entre vous deux qui deviendrait mon époux. Je voulais me ranger. Ça,
vous le savez déjà, puisque vous êtes les seuls — avec ma dévouée servante —, à
qui j’ai confié ce secret. Je ne voulais pas que l’un de vous deux devienne
triste à cause d’un choix jugé injuste par celui qui aurait été évince.
D’autant que ce choix m’était impossible. Zddrog m’a amené ce Guzheng que vous
voyez là, près du mur droit. Un Guzheng particulier qui demande à être joué par
des mains exceptionnelles, pour que ses sonorités en retransmettent la
meilleure des musiques. Une musique capable de percer les cieux et les enfers.
Une musique pouvant charmer tout et tout le monde, et qui deviendrait
éternelle. Exactement comme moi, si j’acceptais pour cela d’abandonner mon
humanité.
La créature aux côtés de Long Ling reprit :
— Pour faire simple, l’ancienne joueuse de ce Guzheng est
malheureusement décédée. Tuée par des humains. Je ne peux plus entendre la
merveilleuse musique qu’elle jouait régulièrement, où que je sois, même séparé
par des dizaines de milliers de kilomètres. Mon ouïe me permet ce qui vous
paraitra sans doute comme de la sorcellerie. Je suis un vampire, pour vous
confirmer ce que vous aviez sans doute déjà deviné. Pour autant, être un “monstre”, tel que me désignent les
humains, ça ne m’empêche pas
d’aimer les belles choses. En particulier la musique. Ce Guzheng a été
créé par un artiste comme toi Xun. Lui aussi a été tué. Ainsi que l’auteur de
musiques atypiques, propres à charmer tout être vivant sur Terre, spécialement
conçues pour cet instrument admirable. Je me retrouvais orphelin, jusqu’à ce
que j’aie entendu parler du don de Long Ling. Pour moi, elle devenait celle qui
me ferait entendre de nouveau la musique divine que j’aime tant à travers ce
Guzheng.
L’être fantastique prenait la main de sa création récente, et
ensemble ils s’approchaient des deux hommes, encore sous le choc de la
situation et se demandant comment réagir.
— Vous ne vous êtes pas enfuis. C’est donc que vous vous êtes
intéressé à mon histoire. Elle est triste, mais grâce à vous, elle peut
s’améliorer. Je ne veux que le bonheur de Long Ling, et cela
passe par votre acceptation de devenir aussi des vampires. Ainsi, vous pourrez
être ses époux tous les deux. Aucune loi ne vous en empêchera. Les règles des
vampires concernant les couples sont différentes du monde humain. Un mâle peut
avoir autant de concubine qu’il veut. Il n’y a pas de limites. C’est la même
chose pour les femelles de notre race concernant les compagnons qu’elles ont
choisis pour vivre à leurs côtés. Alors ? Qu’en
pensez-vous ? Peut-on vous compter comme nouveaux vampires, afin
que vous partagiez l’éternité avec votre chère aimée ?
Les deux hommes hésitèrent de longues minutes, ne sachant quelle
décision prendre. C’était un choix lourd de conséquence qui leur ferait perdre
toute attache au monde humain. Y compris leur métier officiel parmi
celui-ci : ils en étaient conscients. Ils ne pouvaient pour
autant se résoudre à voir partir la seule femme qu’ils n’aient jamais aimée de
toute leur vie, parce qu’ils auraient choisi de rester humain. S’ils
refusaient, elle disparaitrait ils ne savaient où : ils ne
pourraient plus bénéficier de sa musique et de l’amour qu’elle était prête à
leur offrir. À tous les deux. Finalement, ils décidèrent de faire fi de
leurs craintes, et offrirent leur cou à Zdrog. Long Ling était trop jeune en
tant que vampire pour les transformer. C’est donc son maître vampire qui
fit de Xun et Feng — l’un après l’autre —, de nouvelles créatures de la nuit.
Par la suite, Zdrog enseigna le mode de fonctionnement du Guzheng.
Le sang à apporter aux plectres pour choisir sa proie. Les différentes méthodes
— avec ou sans appât préalable —, pour attirer leurs cibles à eux. Durant
de longues semaines, il leur enseigna aussi comment se nourrir, et faire en
sorte que personne ne se doute de leurs actions en tant que vampires. De
savants stratagèmes consistant à faire croire à des agressions dus à
des humains. Cela en transformant la scène de crime en un tableau morbide
— mais crédible —, d’une mort causée par un bandit s’étant emparé des valeurs
de sa victime. Il indiqua à Xun comment réparer le cas échéant d’éventuels
dommages du Guzheng. Quel bois utiliser ; son essence ; les matières
propres à servir pour remplacer les plectres et n’importe quel partie de
l’instrument. À Feng, il enseigna les trois musiques de base servant
à attirer adultes, enfants ou animaux. Il lui précisa qu’il pouvait créer ses
propres musiques, tant qu’elle comportait des notes spécifiques présentes dans
ces mêmes mélodies primaires. Une manière de perpétrer son art musical, et
à Xun d’apporter comme il le souhaite de petites touches personnelles au
Guzheng. Toujours dans le but de faire vivre son art grâce à cet
instrument.
Long Ling, elle, magnifierait le tout en jouant. Zdrog leur apprit
les techniques d’approche ; les lieux à éviter ; ceux à préférer ; les
heures les plus propices pour opérer… Tout ce qu’il y avait besoin de
savoir pour qu’ils puissent se nourrir, en même temps qu’ils continueraient à
jouir de leurs talents respectifs. Et, bien sûr, de la joie de vivre ensemble —
tous les trois. Xun et Feng pourraient ainsi donner tout leur amour à
Long Ling, celle-ci ne pouvant rêver mieux. Elle n’avait pas eu à plonger l’un
de ses prétendants préférés dans le désespoir pour ne pas avoir été choisi.
Enfin, Zdrog leur indiqua comment fabriquer un élément indispensable à leur vie
de Vampire. Surtout pour échapper aux soupçons des humains. L’usage d’une huile
concoctée par un vampire toujours actif, ancien alchimiste des périodes les
plus sombres de l’histoire humaine. Une huile à appliquer sur les surfaces
susceptibles d’être touchées par le soleil. Comme les mains, les bras, les
jambes, les pieds et le visage. Suivant la tenue adoptée par chacun d’entre
eux, en des occasions bien distinctes.
Grâce à cette huile — dont l’action durait 12 heures, avant d’être
appliquée de nouveau pour éviter des désagréments fâcheux —, ils pourraient
chacun se mouvoir en plein jour, sans attirer l’attention. Qui aurait l’idée de
soupçonner qu’un humain qui se balade en plein soleil puisse être un
vampire ? Le subterfuge parfait contre les chasseurs de monstres. Aucun de
ces derniers dans le monde n’avait pu percer ce secret vampire bien gardé,
utilisé par un nombre restreint des membres de la race. Normalement, l’usage de
cette huile est payant, demandant un fort apport en sang ou victimes vivantes
pour se la procurer auprès de lui, ou des rares vampires de race pure — comme
l’était Zdrog —, étant possesseur du secret. Mais, comme il l’avait déjà
indiqué, Zdrog cherchait depuis longtemps celle qui saurait idéalement succéder
à la précédente joueuse de son Guzheng. Quelqu’un capable de charmer son
oreille n’importe où qu’il puisse se trouver. Impossible pour lui de demander
un tribut à celle qui lui procurerait le plaisir d’entendre cette divine musique.
Et encore moins à ceux partageant son quotidien.
Il leur demanda seulement de ne jamais parler de cette huile, ni
du fait qu’il leur avait transmis sa recette. Le créateur de cette potion
miracle n’apprécierait pas qu’elle soit fournie à des vampires non-purs. Il
préférait ne pas avoir de comptes à rendre à la haute noblesse de sa caste pour
ce privilège qu’il offrait au désormais trio. Sa position à part fait
qu'il peut se permettre d’octroyer quelques privilèges à qui il veut, tant
que l’on reste discret sur les cadeaux dont il fait don. Comme cette huile.
Surtout à d’autres vampires. Depuis, le trio ne se limite pas à la seule Chine
pour ses actions. On a déjà évoqué un trio similaire en divers endroits du
globe. Une volonté prise par le groupe, afin de limiter les soupçons sur leur
éventuelle présence dans des villes dans lesquelles des meurtres étranges
seraient constatés. Le fait que le trio use de la couverture de musiciens
ambulants allant de ville en ville, cela parfait le tout. Ils s’arrangent pour
quitter les villes après une quantité définie de meurtres. Toujours dans un
souci de discrétion, afin que leur véritable nature ne soit pas découverte.
Pour autant, les trois amants reviennent toujours dans leur patrie d’origine au
bout d’un certain temps : la Chine.
Ce qui fait qu’il est courant de les voir revenir dans une
même ville où ils ont déjà officié, des années plus tard. Comme le nom de leur
petit groupe des rues change régulièrement, impossible de faire le lien.
Surtout après une période aussi longue. Voilà ce que mon oncle m’a permis
de me remettre en mémoire. Il ne m’a pas tout dit. Ses souvenirs des légendes
ne sont pas non plus immuables, et ont parfois des absences. Mais il m’a dit
l’essentiel. Le reste, j’ai pu le retrouver sur le net, sans que j’aie eu
besoin de demander à voir l’ouvrage auprès d’un des propriétaires connus d’un
des exemplaires. Ce qui ne m’aurait pas été possible de toute façon — au vu de
mon statut social —, et ne m’aurait donc pas permis d’avoir des détails
plus approfondis sur la légende. Légende qui semblait ne pas en être une, si je
me référais aux crimes dont mes parents — puis Mme Lang —, avaient été
victimes. Des meurtres dont le Modus Operandi correspondait parfaitement aux
habitudes de ce trio vampirique, se servant d’une musique ensorcelée jouant sur
un Guzheng singulier pour subvenir à leur soif de sang.
Mon oncle fut un peu surpris de mon soudain intérêt pour un mythe
chinois profondément ancré dans les traditions. Moi qui n’ai jamais vraiment
montré d’intérêt pour l’histoire d’un point de vue général — et encore moins
pour la Chine. C’est tout juste si j’avais enregistré dans un coin de mon crâne
— lors de mes années lycée, quelques dates phares. Sans pour autant me souvenir
à quoi elles correspondaient réellement. Disons que j’étais quasiment un cas
désespéré en ce sens, et c’était un fait notoire bien connu de ma famille et de
mes rares amis. Autant vous dire que mes questions sur cette légende ayant fait
l’objet de nombreuses études ont ravi mon oncle. Lui qui était presque un geek
de la spécialité, si on se basait sur le nombre impressionnant de livres
traitant de l’histoire chinoise figurant dans la petite pièce lui servant de
bibliothèque de fortune. Une passion presque maladive pour celui qui avait
remplacé mes parents après leur décès. Il n’était pas très riche, mais avait pu
bénéficier de plusieurs aides financières pour m’élever, en tant que tuteur
désigné.
Comme j’ai exprimé très tôt vouloir me débrouiller par moi-même —
en travaillant ça-et-là à la fin de mes études —, une grande partie de ce qu’il
touchait pour moi lui servait pour son loisir personnel, à ma demande.
Cela fait partie des petits détails de vie ayant forgé une complicité sans
faille entre mon oncle et moi. Une complicité qui a perduré dans le
temps. Même quand j’ai demandé à ne plus être une charge pour lui, en
emménageant de manière définitive dans la demeure de mes parents, il y avait
cinq ans de cela. Auparavant, je n’y passais que quelques jours ou nuits,
restant le plus clair du temps chez mon oncle. Disons qu’habiter dans cette
demeure, malgré les souvenirs douloureux qu’elle me faisait régulièrement
ressentir, c’était une manière pour moi d’exorciser le passé. J’étais
reconnaissant envers mon oncle de l’attention qu’il m’avait porté durant ces
dernières années. Ce qui fait que lui laisser le libre accès à l’argent qu’il
touchait dans le cadre de son rôle de tuteur, pour moi, c’était une juste
récompense.
C’est ainsi qu’il a accumulé nombre de livres sur l’histoire
chinoise au fil des années, les regroupant dans ce qui était autrefois ma
chambre. Quand il m’arrivait d’avoir le cafard — à force de vivre tout seul
dans la maison familiale —, je me contentais du canapé dans son petit salon. Je
me refusais à obliger mon oncle à déménager ses précieux ouvrages, juste pour y
placer un matelas pour la nuit. Grâce à ma volonté de lui donner libre court à
sa passion pour l’histoire, j’avais donc pu en apprendre plus — grâce à lui —,
sur ce mythe dont j’avais un vague souvenir issu de ma période scolaire.
Quelques jours plus tard, suivant une idée m’ayant été apportée par un de mes amis
à qui je m’étais confié sur mes doutes concernant le lien raccordant ce mythe
au meurtre récent de Mme Lang, et celui, plus lointain, de mes parents —, j’ai
cherché à savoir si des artistes de rue séjournaient à JiangShu depuis quelque
temps. Et, là encore, mon oncle m’a été d’une aide précieuse.
En plus de l’histoire, il adorait la belle musique traditionnelle
chinoise. Ce qui incluait le Guzheng. Ce qui pouvait expliquer qu’il en
savait autant sur le trio maléfique de la légende, du fait de leur rapport avec
cet instrument. Il m’a confié qu’un petit groupe se livrait à des prestations
en ville depuis environ une dizaine de jours. Ce qui attirait nombre de
curieux. Lui-même avait eu l’occasion de les entendre, et il m’a avoué que la
femme du petit groupe était particulièrement douée. Elle lui avait même tiré
des larmes, tellement la qualité de son interprétation tenait du génie. Il m’en
parlait comme d’une virtuose du Guzheng qui lui avait fait ressentir des
émotions qu’il n’aurait pas jugé possible. Un sentiment partagé par toutes
celles et ceux qui étaient présents ce jour-là, quand il a assisté à la
représentation. J’ai cru comprendre que les deux hommes l’accompagnant se
désignaient comme ses frères, et qu’ils étaient dotés d’une force peu commune.
La manière dont ils s’affairaient à transporter le Guzheng à la fin de leurs
prestations, comme s’il s’était agi d’un simple bâton de bambou — sans montrer
la moindre gêne à la stature imposante de l’instrument —, c’était quelque chose
qui avait surpris nombre de personnes.
Surtout qu’il semblait s’agir d’un Guzheng très ancien, ne
disposant pas des systèmes dont se servait les joueuses actuelles, au sein
d’autres petits groupes. Ou bien au sein de formations professionnelles
officiant dans des festivals et des concerts télévisés. Non, ce Guzheng-là
montrait indiscutablement un soin dans les gravures sur le bois, ainsi que
d’autres éléments lui apportant un style unique Une qualité qui ne se
retrouvait pas dans ses homologues utilisés de nos jours. On comprenait qu’il
s’agissait d’un exemplaire appartenant à une époque lointaine — peut-être même
de la 3ème Dynastie —, incroyablement conservé. Mon oncle m’a expliqué avoir vu
un fan un peu trop intrépide avoir voulu s’approcher de la jeune femme du nom
de Quan Li, voulant lui exprimer ses félicitations sur sa virtuosité.
Immédiatement, l’un des deux frères s’est interposé si vivement que tout le
monde a été surpris par sa rapidité à se déplacer. Il a repoussé le trop
impétueux jeune homme vivement. Sur le coup, ce dernier a été déséquilibré, et
a bien failli renverser le Guzheng. Sans les réflexes de l’autre frère qui a
rattrapé de justesse l’instrument, il aurait été probable que celui-ci aurait
subi de lourds dommages.
D’ailleurs les deux frères ont eu un échange assez vif à ce sujet
avant de partir. Quan Li a su dissiper la tension entre les deux, par quelques
paroles et un large sourire à leur intention. Ça ne ressemblait pas à un
sourire d’une sœur envers ses frères à dire la vérité, tel que me le
confia mon oncle. On aurait plutôt dit celui qu’adresse une femme à ses amants.
Quoi qu’il en soit, l’admirateur repoussé a indiqué que pendant le moment où il
avait failli renverser le Guzheng, il avait remarqué un détail. Il avait
senti le poids important de celui-ci en le touchant — s'étant agrippé
légèrement à l’objet, avant de chuter —, pendant que l’un des frères rattrapait
de justesse l’instrument. Un moment qui s’était déroulé sur un court terme,
mais suffisant à l’homme pour juger du poids du Guzheng, aux normes bien
éloignés de celles actuelles. Les Guzheng — de nos jours —, sont légers pour
faciliter leur transport. Celui du petit groupe se présentant comme familial —
bien que mon oncle et d’autres comme lui reconnaissaient avoir des doutes sur
la relation liant Quan Li et ses prétendus frères —, affichait donc un poids
plus important. Une masse conforme aux premiers Guzheng de l’histoire, et
nécessitant par la même des hommes forts pour le transporter.
Une petite anecdote qui fit comprendre à mon oncle le pourquoi de
mon questionnement sur la présence d’un trio pouvant présenter des similitudes
avec celui de la légende. Légende qu’il voyait m’intéresser au plus haut point.
Tellement que je lui en avais demandé les détails, en faisant appel à sa
mémoire d’historien amateur, mais chevronné. En repensant à ce qu’il venait de
me dire, il y voyait effectivement des possibilités qu’il y ait un lien certain
entre ce groupe d’artistes de rues et le trio de la légende. J’avais confié à
mon oncle mes doutes sur l’éventualité que le ou les meurtriers de Mme Lang
puissent être les mêmes que ceux de mes parents. Il y avait trop d’éléments
communs sur les lieux des crimes pour n’être qu’un simple hasard. Avec ce
qu’il venait de m’apprendre, il m’imposait d’assister à l’une des prestations
de ces fameux artistes, présentant tous les caractéristiques du Trio Maléfique.
Le poids du Guzheng, pouvant faire supposer son extrême
ancienneté, car ne possédant pas les standards légers des instruments
actuels ; la rapidité d’intervention de l’un des frères, aux allures
surnaturelles ; la complicité bien peu conventionnelle, pour des
frères et sœurs, entre chaque membre de la troupe ; et enfin la
petite brouille qui avait eu lieu, montrant la rivalité qui continuait
d’exister entre les deux hommes accompagnant la fameuse Quan Li. Un nom
d’emprunt évidemment, comme je l’ai constaté par la suite. Mon oncle a, parmi
ses amis, un directeur d’auditorium qui possède la liste des artistes officiels
liés à la pratique du Guzheng. Y compris les plus obscurs dont peu ont entendu
parler. Que ce soit en Chine ou ailleurs. Il a certifié qu’aucune Quan Li
n’était référencée en tant que joueuse reconnue. De manière officielle en tout
cas. Bien sûr, il restait une infime possibilité que certains artistes
officiant depuis peu en Chine ne soient pas connus de Yin Jing, l’ami de mon
oncle. Mais ce dernier en doutait. Yin Jing était une sommité dans le monde du
spectacle. Il était au courant de n’importe quelle formation travaillant en
Chine ou à l’étranger, lié à la pratique du Guzheng, dont il était un
passionné. Une passion qui liait étroitement mon oncle et lui, en ayant fait
des amis de longue date. Yin Jing était un expert, et il y avait peu de
chances qu’il ne soit pas au courant de l’identité de vrais artistes. Surtout
de nationalité chinoise. Impossible qu’il ne soit pas au courant de l’existence
de l’identité de tout artiste de Guzheng en Chine. C’était une certitude.
Ça renforçait l’idée que Quan Li et ses « frères » se servaient de cette couverture d’artistes de rue
pour repérer leurs futures proies. Mme Lang aimait beaucoup également cet
instrument. Elle m’en avait déjà parlé à de maintes reprises. Quant à ma mère,
elle s’y était essayée à une époque. Elle y avait renoncé, à cause de la
difficulté de son art, lui préférant le piano, plus adapté à elle. Il faut dire
qu’à une époque — de ce que ma mère m’avait confié—, elle avait testé plusieurs
instruments avant de trouver celui qui lui convenait le plus. Je ne pouvais pas
en attester, car le dernier passage probable du trio à JiangShu datait de
12 ans. Qui plus est, il s’avérerait complexe de trouver des témoins de
l’époque se souvenant de leur présence. Mais il était fort possible que mes
parents aient assisté à une prestation du trio avant leur meurtre. C’est-à-dire
pendant que je séjournais chez mon oncle à l’époque, dans le cadre de mon
emploi, comme je vous l’ai expliqué plus tôt dans ce récit.
Ces spectacles de rue étaient à coup sûr leur méthode pour
sélectionner leur future proie, sans que je sache ce qui déterminait leur
choix. S’agissant de créatures surnaturelles — des vampires en l’occurrence —,
peut-être étaient-ils capables de certaines facultés. Comme déterminer à
distance quel homme ou femme possédait un sang répondant à leurs exigences, en
termes de saveur et de qualité. Après ça, l’un d’entre eux devait s’appliquer à
suivre leur proie — à la suite de leur prestation de rue —, afin de connaître
le nom et l’adresse de la future victime. Ce qui leur permettait dans les jours
suivants de procéder à une enquête minutieuse sur les habitudes de la cible
choisie, et programmer le prélèvement de sang nécessaire au charme provenant du
Guzheng. Puis à l’élaboration de son meurtre, sous couvert d’un banal vol dans
la rue par un quelconque malfrat insaisissable.
Les nombreuses blessures constatées par la police sur les corps devaient participer à leur stratagème. Leur multitude, ça permettait de masquer les blessures leur ayant servi à vider de son sang leur victime d’un soir. Tout était savamment organisé pour éviter le plus possible qu’on porte des soupçons sur eux. Cela comprenait la mise en scène pour faire croire que l’absence de sang dans le corps était dû au versement de celui-ci dans le sol environnant. Que ce soit de la terre — comme pour le parc dans lequel avait été retrouvé Mme Lang ; ou bien le bitume, près d’un caniveau — comme cela avait été le cas pour mes parents. Tout concordait parfaitement. J’étais persuadé que Quan Li et ses « frères » étaient bel et bien le Trio Maléfique de la légende. Il me fallait juste le prouver par mes propres moyens, et — le cas échéant —, faire échouer leurs prochaines tentatives. Celles leur faisant miroiter d’ajouter une nouvelle victime à leur plus que probable très longue liste, depuis le temps qu’ils agissaient à travers les territoires. Que ce soit en Chine ou dans d’autres pays. Pour cela, il me faudrait assister à leurs prochains spectacles et les suivre à leur insu — afin de déterminer qui ils avaient choisi comme futur repas. Une première étape que j’espérais fructueuse pour faire capoter leurs plans, en contactant la cible choisie…
À suivre dans la Partie 2...
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