10 mai 2023

LE CULTE DE YRI'KLAH (La Porte de Mryl'Toh 2)

 


Quand j’ai découvert la Porte de Mryl’Toh et son secret, au sein de cette pièce secrète cachée dans les sous-sols de la bibliothèque de l’université de Miskatonic, je n’aurais jamais imaginé à quel point ce qui s’était révélé à moi allait transformer mon existence à tout jamais. Le savoir obtenu dépassait tout ce que l’homme pouvait concevoir en termes de technologie, de puissance mathématique, d’utilisation des matériaux dont l’assemblage permettait la création d’alliages à même de révolutionner la conquête spatiale, et envisager de découvrir des galaxies et des mondes bien au-delà de ce que l’être humain pense connaître. Un accès à une partie de l’univers où réside Yith, un chemin, un itinéraire vers cette race qui avait modelé l’homme et mis en place son évolution pour qu’il devienne ce qu’il est aujourd’hui. En obtenant ce flux de savoir, je comprenais certains mystères de l’histoire humaine. Ces interrogations que les plus grands théologiens n’avaient pu résoudre, ces enquêtes inachevées restant sans réponse par manque d’éléments pouvant offrir au monde la vérité qui se cachait derrière.

 

Notamment la disparition de la civilisation minoenne, qui, contrairement à certaines théories tenaces, n’était pas dû à l’éruption du volcan de l’île de Santorin où se trouvait la majorité de ce peuple de Crète, ce qui a entraîné des séismes dévastateurs. Les pertes furent lourdes, mais pas insurmontables. La véritable raison était que, déjà à l’époque, conscients de la puissance politique potentielle de cette civilisation en matière d’expansion sur la Grèce et le reste des territoires de Crète, les Yithians ont tenté de s’emparer de l’esprit de plusieurs dirigeants du pouvoir en place. Ceci après avoir vu la facilité d’adaptation des minoens de se remettre de catastrophes, reconstruisant leurs palais détruits, dont celui de Knossos.

 

Cependant, les cerveaux investis ont mal supporté le contrôle. Ce qui a provoqué des troubles d’ordre psychologique, causant des comportements inadéquats en termes de décisions politiques et mettant en place la civilisation suivante, les mycéniens, qui ne furent pas plus prompts à assurer une stabilité économique et l’acceptation par le peuple de décisions controversées. En résulta la colère de la plèbe, qui s'est vite transformée en révolte. Ce qui a fait chuter leur patrie jusqu’à sa destruction totale, causée par la colonisation du pays par les achéens.  Si les Yithians se sont intéressés à la civilisation minoenne, c’est aussi dû au fait qu’elle fut érigée par le roi Minos, dont la légende voulant qu’il était le maître d’une créature nommée le Minotaure fait, aujourd’hui encore, partie des fables les plus populaires.

 

Cependant, ce n’est pas une légende. Pas complètement. Thésée et Ariane n’ont jamais existé. Et Minos n’attendait pas 9 ans pour livrer 7 filles et 7 garçons à cette créature enfermée dans un labyrinthe. Ces « offrandes » étaient bien plus régulière. Tout contrevenant à l’ordre était systématiquement envoyé dans le labyrinthe d’où personne ne sortait jamais. On comptait nombre de disparitions incompréhensibles qu’on supposait être de la volonté de Minos de nourrir sa créature. Cela pour s’assurer sa docilité et les connaissances que cette dernière lui apportait en retour. Raison du haut savoir politique, économique et architectural possédé par Minos et qui lui a permis de créer la civilisation en devenir que furent les minoens. Quant au fameux Minotaure, ce n’était en rien un homme à tête de taureau, mais Rhan-Tegoth, un Grand Ancien.

 

On sait que ce monarque, vivant dans un immense temple au cœur du cercle arctique, a la particularité d’entrer en hibernation lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité de se nourrir de sacrifices d’hominidés récurrents. Il se calcifie alors et prend l’apparence d’une statue. Sans entretien de sa part, son temple a subi les affres du temps, s’est érodé, et a fini par s’enfoncer dans la calotte glaciaire, envoyant Rhan-Tegoth dans les eaux. Il est plus que vraisemblable que l’un des autres Grands Anciens aux capacités amphibiennes, comme Cthulhu ou Dagon, aient entendu son agonie lorsqu'il s'est vu couler avec son palais. Il est tout à fait probable que l'un d'eux soit venu le récupérer sous sa forme calcifiée, avant de le déposer au creux de cette caverne, non sans graver sur les parois le rituel issu des manuscrits pnakotiques des lomuriens avant leur départ.

 

Sachant que des membres de la Fraternité Pnakotique vivait sur l’île, ce n’était qu’une question de temps avant que Rhan-Tegoth ne soit sorti de son sommeil par l’un d’eux. Le réveil ne pouvant être opéré que par un humain, servant de sacrifice. Quand le roi Minos a commencé à faire ériger un labyrinthe, qui, au départ, devait servir de terrain pour tester l’orientation et la résistance de futurs soldats, il a été mis au courant de la disparition de plusieurs travailleurs, ainsi que celle de l’architecte chargé de l’ouvrage, après que leurs cris furent perçus, et provenant d’une partie de la caverne étant le point de départ du futur labyrinthe. Voulant savoir la raison de ces disparitions, Minos s’est trouvé nez à nez avec le Grand Ancien. Voyant les restes des ouvriers disparus au sol, ainsi que l’architecte, Minos a supplié Rhan-Tegot, s’engageant à lui fournir ce dont il avait besoin en échange de lui laisser la vie.

 

Intéressé, Rhan-Tegoth accepta. Mais il imposa un tribut pour chaque jour qui passerait en échange de sa clémence. Il expliqua aussi à Minos que c’était l’architecte, membre de la Fraternité Pnakotique, ce que Minos ignorait, qui l’avait réveillé, car ayant pu traduire le texte du rituel gravé sur la roche.  Il rajoutait qu’en retour des offrandes demandées, il lui offrirait un savoir qui ferait de son règne le début d’une future civilisation marquant l’humanité de son empreinte. Minos se servait du Labyrinthe pour se débarrasser de fauteurs de troubles de son règne ou d’opposants. Il envoyait chaque jour un guerrier, sous le prétexte d’un entraînement particulier, pour tester ses facultés de combattant. Personne n’osait dire quoi que ce soit quant au fait que les « élus » du labyrinthe ne donnait plus signe de vie par la suite. On supposait simplement qu’ils avaient échoués au test et étaient donc morts en guerrier. Quand le roi Minos mourut, et le secret de son pacte avec le Grand Ancien avec lui, le labyrinthe resta à l’abandon. Le successeur au trône considérant ce dernier comme un caprice de grandeur de Minos, il ne voyait pas l’utilité de cette œuvre et fit même boucher l’entrée de la caverne permettant d’y accéder.

 

Privé de nourriture à nouveau, Rhan-Tegoth retomba en hibernation. Malgré cela, les connaissances offertes par ce dernier à la civilisation Minoenne pouvait permettre aux Yithians d’élaborer un plan établi sur des siècles, afin de s’assurer de leur futur retour au sein du monde dont ils étaient les créateurs. Un plan dont je ne savais pas encore la teneur exacte. Cependant, je pus comprendre que cela était en lien avec le fait que tous les Grands Anciens étaient désormais en hibernation, attendant le moment propice pour asseoir leur domination totale sur le monde humain. Ceci par la venue des troupes de Yuggoth, d’où ils étaient issus et fief de Nyarlathotep, dit « Le Messager des Dieux ». Ce dernier servant d’intermédiaire entre Azathot, « le créateur de toute chose », et les autres dieux. Son rôle était aussi de surveiller la gestion des diverses planètes créés par Azathot, qui avait confectionné la planète Terre, par pure distraction, comme il l’avait fait avec d’autres mondes à travers la galaxie. Ceci en y insérant des créatures archaïques, tout comme l’environnement les entourant, comme des enfants dessinent des personnages sur une feuille de papier.

 

C’était d’ailleurs la raison principale des Yithians sur Terre quand ils sont arrivés : faire de ce monde oublié par Nyarlathotep et Azathot le point de départ d’un projet destiné à remporter la guerre qui opposait depuis des millénaires Yith et Yuggoth. Les Yithians pensaient que leur établissement sur Terre, ainsi que la création d’êtres destinés à devenir des soldats pour vaincre les habitants de Yuggoth, passerait inaperçue. Ce qui fut le cas. Toutefois, la venue d’une autre race ennemie anéantissant leurs envoyés sur cette planète, les Polypes Volants, avait détruit leurs espoirs. Pire : cette race d'envahisseurs, bien moins discrète dans ses déplacements que les Yithians, avaient causé la venue des Grands Anciens à leur tour sur Terre.  Les Polypes Volants furent finalement vaincus et résignés à vivre sous Terre, où un grand nombre d’entre eux vivent toujours et étant à l’origine de multiples légendes. Certains des Grands Anciens, découvrant l’existence de l’homme par le conflit ayant opposé Polypes Volants et Yithians, décidèrent de s'installer durablement sur notre planète. Ils voyaient dans les représentants de l’humanité de futurs jouets et esclaves dociles qu’il serait aisé de dominer et manipuler. Ceci dans le but de les divertir. La création de mondes comme terrains de divertissements par Azathot étant la base même du Dieu Suprême. Avec pour fonction de changer le quotidien des habitants de Yuggoth.

 

Dans cet ordre des choses, des évènements comme le Krach Boursier de 1929 ; l’assassinat de Kennedy ; les disparitions sur des dizaines d’années d’avions et de bateaux au cœur du Triangle des Bermudes ; l’attentat du 11 Septembre 2001, ayant causé la destruction des tours jumelles du World Trade Center ; l’échec de la mission Apollon 11 le 14 avril 1970...  Toutes ces dates ayant fait l'histoire de notre espèce s'avéraient avoir comme origine directe les Yithians. Ceci dans leur tentative de contrôle sur les humains, dans la continuité de leur plan mis en place lors de la période égyptienne. Époque durant laquelle fut mis en place la construction des pyramides, véritables antennes cosmiques servant de portails.

 

C’est d’ailleurs à l’époque des pharaons que furent créées les Aron’Tchiyath Ammetim, les arches de résurrection, dont la plus célèbre reste l’arche d’alliance, l’Aron Ha’Edout, censé abriter les tables des Dix commandements où Moïse les aurait déposées. Ce qui est faux. Enfin, pas totalement. L’Aron Ha’Edout, fut bien le réceptacle des tables, mais celles-ci furent détruites une fois mises à l’intérieur. La raison en est fort simple : ces arches ont été conçues pour « réparer » et conserver les corps des représentants des Yithians, comme Priyah. Toute matière ou corps ne contenant pas l’esprit d’un Yithian est systématiquement annihilé une fois déposée à l’intérieur. 12 arches furent fabriquées, pour chacune des prêtresses contenant un esprit Yithian ayant parsemé l’histoire. Lors des civilisations précolombiennes notamment : olmèques, mayas, aztèques ou Incas. Mais aussi pour les dirigeants des peuples de Mû et de l’Atlantide, dont les guerres fratricides, tout comme l’utilisation d’armes confectionnées grâce aux connaissances offertes par les Yithians, finirent par causer leur anéantissement par le biais de cataclysmes. Mû fut ravagé par des séismes de grande ampleur, pendant que l’Atlantide fut engloutie par le plus grand Tsunami qui ait existé sur Terre.

 

Je savais tout ça. J’étais l’un des réceptacles des connaissances Yithians, une partie du puzzle que constituait les 12 dont l’esprit avait pu permettre l’ouverture des portes mystiques de Vr’ak’Lih. Le nom donné à l’ensemble des portails ouvrant sur Yith et ses habitants, qui attendaient dans l’ombre de voir leur race revenir à la suprématie qui avait été la leur. Avant que les Polypes Volants ne leur volent leurs projets et s’emparent de leurs créations. Je comprenais le but recherché par les Ythians, à savoir assurer leur retour. Ceci dans la perspective de continuer ce qu’ils avaient commencé : faire de la Terre et la race humaine, dont ils étaient les créateurs, une armée destinée à une guerre visant l’invasion de Yuggoth. Un projet conçu pour mettre fin à l’existence de Azathoth et obtenir la libération de leur peuple, dont plusieurs représentants étaient prisonniers de Yuggoth et servant à des activités de serviteurs, de sujets d’expériences, de jeux cruels, et parfois bien pires. Les Yithians savaient que l’existence d’Azathot était liée à Yuggoth. Car c’était sa 1ère création, et elle était composée d’une partie de son cœur.

 

Détruire Yuggoth et ses occupants, tous créés à partir de morceaux de corps d’Azathot, occasionnerait des dégâts et un affaiblissement tel à celui qu’on nommait aussi « Le Sultan des Démons », qu’il serait ensuite aisé aux Yithians de mettre fin à son règne en le faisant disparaître au niveau cosmique. Ainsi, les expéditions quotidiennes sur Yith de la part des habitants de Yuggoth prendraient fin, et leur peuple serait libéré du joug d’Azathot. Mais la présence des Grands Anciens sur Terre, désormais surveillé par Nyarlathotep, compliquait le projet des Yithians. Ils ne pouvaient se déplacer directement comme ils l’avaient fait au début, car ils seraient immédiatement repérés. Ils ne pouvaient compter que sur leurs esprits déjà sur Terre. Le fait de se cacher à l’intérieur d’humains permettait de tromper la vigilance de Nyarlathotep et des Grands Anciens. Et le fait que ces derniers étaient en état d’hibernation leur donnait un champ d’action bien plus large. Ce qui leur avait permis d’opérer à tout ce que je vous ai décrit précédemment.

 

Malgré cette relative dissimulation, ils n’étaient pas libres d'élaborer tout ce qui s’avérait nécessaire à une emprise sur notre espèce. Pour ce faire, il leur fallait être présent sous leur forme originelle. Pour cela, l’ouverture des 12 portes leur était primordiale, afin d’ouvrir un passage direct de Yith vers la Terre et permettre l’arrivée massive de leurs troupes. L’objectif était de détruire les Grands Anciens se trouvant sur Terre, profitant de leur hibernation, ou, au pire, les chasser de la planète. Les corps complets des Yithians une fois sur place, ils pourraient user de toutes leurs facultés pour faire de l’humanité des soldats dociles prêts à être envoyés sur Yuggoth. Ceci après leur avoir fait subir des « améliorations » nécessaires pour espérer l’emporter sur Nyarlathotep et les autres. Pour ouvrir ces portails, il était impératif de posséder des cerveaux de personnes ayant des capacités intellectuelles de haut niveau. Et surtout suffisamment dociles pour accepter leur mission qui était de se rencontrer. Je ne comprenais pas bien pourquoi le fait de réunir les 12 était primordial au plan des Yithians, mais je me conformais à leur demande. D’autant que j’y trouvais mon avantage.

 

Ma quête, mon désir le plus profond, deviendrait une réalité une fois que j’aurais permis cette réunion : mes parents seraient ressuscités. Les Yithians, auquel j’étais désormais connecté à travers l’espace et le temps, et me donnant leurs instructions directement à l'intérieur de ma tête, m’avaient promis que mon père et ma mère ne feraient pas partie de l’armée qu’ils voulaient mettre en place après leur retour. Je faisais aussi partie de cette exception. Chacun des 12 aurait le loisir de choisir quelle personne de leur entourage serait dispensé de participer à cette future guerre, au même titre qu’eux-mêmes. Une forme de remerciement de la part des Yithians pour notre contribution à leur retour et leur avènement prochain. Les jours suivants, durant lesquels j'étudiais toutes ces informations de bout en bout, me permirent de découvrir qui était la personne qui avait mis en place cette pièce construite autour de la porte de Mryl’Toh. Et qui était, de plus, à la tête d’un culte dont l’objectif était de permettre la réunion des 12 à travers le monde. Ceci en trouvant les personnes susceptibles d’ouvrir les différentes portes.

 

J’avais ainsi la surprise de m’apercevoir que j’avais été manipulé depuis le début par celui que je considérais comme un véritable ami, en plus d’un protecteur et même d’un second père. Armin, le directeur de l’Université de Miskatonic. Depuis mon enfance, il avait deviné mon potentiel pour ouvrir la porte. S’il était devenu ami avec mon père, c’était pour se rapprocher de moi et faire en sorte de me guider vers la porte, de manière subtile. Il était persuadé que je pourrais obtenir l’aval de Priyah pour permettre son ouverture. D’ailleurs, il me confierait par la suite qu'il se trouvait être celui qui avait ramené le corps de la prêtresse d’Égypte. Là-bas, lors d’une expédition au sein de la Vallée des Rois, où il espérait y trouver des tombes non encore découvertes, il est tombé sur l’entrée d’un temple à moitié enfoui dans le sable. Il m’avouerait qu’il était également un membre de la Fraternité Pnakotique, tout comme l’était avant lui son père et son grand-père. Ceux qui lui avaient transmis leur savoir, obtenu à travers les manuscrits écrits par les Lomuriens. Le peuple qui était en contact avec certains Grands Anciens, dont Abdul Al-Azred faisait partie.

 

Ce dernier était cependant réfractaire au fait d’accepter une domination totale de la part des Grands Anciens. Il a renié son propre peuple, s’isolant et se servant des connaissances acquises pour rédiger le Necronomicon. Du fait de sa rébellion, il n’avait pas en sa possession l'intégralité des connaissances pnakotiques. Par la suite, la Fraternité a vu un de ses membres contrôlé par un Yithian. Une infiltration qui a été préjudiciable aux Grands Anciens, car une nouvelle dissension a établi la création de plusieurs groupes de pensée au sein de la Fraternité Pnakotique. Les Skra’Thygh-Not, entièrement dévoués aux Grands Anciens ; les Lynh’Tak’Sor, ayant adopté les doctrines des Yithians ; et enfin les N’rath, qui ne font partie d’aucun des deux clans, et voulant imposer leurs propres dogmes en se servant des manuscrits dictés par les Grands Anciens, dans un but de pouvoir personnel pour créer une nouvelle religion d’ordre mondial.

 

Armin était un Lynh’Tak Sor, et, à ce titre, en découvrant le tombeau, en lisant les inscriptions sur les piliers, puis en pénétrant dans le cœur du temple où figurait Priyah dans un Aron Tchiyath’Ammetim, ces arches de résurrection permettant la conservation des corps habités par des Yithiens, il comprit qu’il avait mis la main sur la première pièce d’un puzzle évoqué dans les manuscrits, dans le but de préparer le retour des Yithians. De ce fait, il cacha sa découverte et fit usage de ses relations pour faire sortir d’Egypte l’Aron contenant Priyah. Il savait que c’était elle quand il traduisit les écritures en Yithian figurant sur les côtés du cercueil de pierre, tout comme les signes sur le dessus de la sépulture. Profitant de sa position au sein de Miskatonic, étant à l’époque en charge de la bibliothèque et pas encore directeur de l’université, il avait, dès les premiers mois de sa prise de fonction, élaboré et fait construire la pièce et ses éléments. Dont la statue et son système d’ouverture permettant l’accès au futur lieu où serait placé l’Aron d’une des prêtresses,  avec l’aide d’autres membres de la Fraternité mis au courant de sa « possession ». Le tout sous couverture de travaux de consolidation des fondations du bâtiment. Le placement du livre d'instructions était bien évidemment aussi de son fait.

 

Il savait depuis longtemps que l’université était située au-dessus d’un nœud de lignes telluriques, dont la plus grosse concentration se trouvait sous l’endroit où avait été construite la bibliothèque. Persuadé que cette dernière n’avait pas été érigée par hasard à cet endroit, et que la construction même de Miskatonic devait être le fait d’un membre de la Fraternité il y avait des années de cela, c’est ce qui l’avait incité à postuler pour son poste au sein de la bibliothèque. Selon les manuscrits Pnakotiques, il suffisait d’un simple agencement de mur comportant des cavités destinées à recevoir la pression d’un être habité par un Yithian, dont la surface en dessous était creuse et relié au sol par un tuyau fin constitué d’or, servant de conducteur entre l’énergie tellurique du nœud dans les profondeurs et celle émise par la prêtresse y apposant ses pattes, pour permettre la création du portail. Ce qui ouvrait l’accès à Yith.

 

Par la suite, après s’être assuré que l’accès à la pièce ne puisse pas être trouvé par n’importe qui, ceci en instituant des règles au sein de la bibliothèque, juste après avoir été nommé Directeur de Miskatonic, il créa le culte de Yri’Klah, dont le but était de trouver les hommes ou les femmes susceptibles de pouvoir ouvrir les portes par l’intermédiaire des Aron. Je faisais partie de ces « potentiels ». Et, plus horrible encore, j’appris que c’était lui qui avait mis en place l’accident dont mes parents furent victimes, afin de se servir de ma tristesse pour encore plus se rapprocher de moi. C’était la raison pour laquelle il « protégeait » mes frasques auprès des professeurs. Quant aux insectes qui me dirigèrent vers la porte, il s’agissait de créatures présents dans le temple découvert au cœur de la Vallée des Rois. Quand il avait fait transporter l’Aron de Priyah, ces insectes, plus précisément des scarabées, s’étaient agglutinés sur le cercueil de pierre, s’accrochant à ce dernier. Comme des protecteurs, des gardiens indissociables. Ces scarabées dont la présence m’avait surpris au départ, raison pour laquelle je les avais suivis, n’étaient donc, eux aussi, qu’un élément du stratagème d’Armin.

 

Un soir, il vint dans ma chambre, en pleine nuit, me demandant de ne pas parler trop fort car il avait des révélations à m’avouer. Précisant que certaines me sembleraient sans doute difficile à croire, mais qu’il savait que j’avais vu Priyah et que si j’étais encore en vie, c’était que je faisais partie des « élus » : l’un des 12 permettant l’ouverture des Vr’Ak’Lih. Il m’avouait que ce jour était l’accomplissement de ce qu’il avait permis. Dont la culture de mon goût à l’interdit, cette curiosité prompte à découvrir des rites interdits pour faire revenir mes parents d’entre les morts. Curieux de ces mots, je le fis entrer. C’est là qu’il m’apprenait tout ce que je vous ai révélé juste avant, me faisant tomber dans un état entre la stupéfaction, la colère et la tristesse. Je n’avais été qu’une marionnette entre ses doigts. La mort de mes parents avaient été l’étincelle pour la suite de ses desseins, car il savait à quel point j’étais attaché à mon père et ma mère. Il s'était servi de cet amour pour mieux diriger mon destin, sans que je me rende compte que c’était lui, et non moi, qui me dictait ma ligne de conduite.

 

Je pensais que le hasard m’avait fait découvrir cette pièce, le cercueil, Priyah. A cause de ma propension à vouloir faire revivre mes parents, mon désir, ma curiosité des sciences occultes, que je pensais être la solution pour faire disparaître mes larmes et ma mélancolie. Mais il n’en était rien. Le 2ème père que je pensais être Armin n’était qu’un monstre. J'étais tombé dans son piège les yeux fermés, aveugle au fait que derrière le masque de ses sourires compatissants, se trouvait une ordure de la pire des espèces. Je n’étais rien de plus pour lui que celui qui lui donnerait accès au rêve de son culte, à la mission que s’étaient donnés les Lynh’Tak Sor. Que lui importait mes ressentiments. Seul comptait pour lui que de mon lien avec les Yithians découle la consécration qu’il attendait : permettre aux Yithians de parvenir à achever leur plan. Du coup, les atours de ces derniers me paraissaient beaucoup moins glorieux que je pensais quand Armin m’apprit un élément caché par les habitants de Yith.

 

La fameuse réunion était en fait un sacrifice. Une fois les 12 réunis, l’union du savoir de tous ces humains occasionneraient la fusion des corps, libérant une énergie telle qu’elle briserait l’espace et le temps. Une sorte de choc dimensionnel qui ouvrirait le plus grand portail, la plus grande ouverture entre les mondes qu’il puisse être donné de voir. En comparaison, la Porte des Étoiles de la franchise télévisée Stargate n’était qu’une forme étendue du portail des jeux vidéo interactifs avec figurines, comme les Skylanders. Armin, en fait, c’était ça : une personnification grandeur nature de Kaos. La seule différence, c’était qu’il n’était pas le penseur, mais était lui-même un pion du grand plateau de jeu servant aux Yithians qu’était la Terre. Malheureusement pour moi, je ne pouvais plus reculer. J’étais lié à un Yithian désormais. Je partageais son savoir, mais il y avait une contrepartie. Il contrôlait tout ce que j’étais : mes moindres pensées, le moindre de mes mouvements, le déplacement de mon sang, le fonctionnement de mes muscles. Si je montrais une quelconque réticence à leur plan, je ne serais pas tué : les Yithians avaient besoin de mon assistance. Mais il me ferait ressentir un état de douleur tel que je n’aurais d’autre choix que d’accepter d’être le jouet auquel était destiné chacun des 12.

 

Je comprenais aussi que tous leurs discours sur le fait de faire revenir mes parents n’étaient que des mensonges. Jamais ils n’ont eu l’intention de m’aider en ce sens. Armin m’avait confirmé que, malgré toutes leurs capacités, les Yithians ne pouvaient pas faire revenir un mort à la vie. Sinon, ils auraient depuis longtemps ressuscités tous ceux des leurs tombés au combat des mains des habitants de Yuggoth ou des Polypes Volants, et n’auraient pas eu besoin de mettre au point ce plan dont la race humaine, dans son intégralité, était la matière première. Comprenant cela, je me résignais. Bien que ne pouvant réprimer mes envies de meurtre sur Armin. Mais il était intouchable : si je tentais quoi que ce soit sur lui, les Yithians me punirait pour mon acte. Alors, je me suis comporté comme un gentil toutou pendant des mois, des années. Jusqu’à ce que les 12 portes fussent finalement toutes ouvertes. Notre réunion doit se dérouler dans quelques jours, sous la supervision d’Armin et de quelques vassaux des Lynh’Tak Sor du culte de Yri’Klah.

 

Profitant de ce sursis avant ma fin et le peut-être futur avènement des Yithians, bien que rien ne dit que leur plan leur permettra de prendre l’ascendant sur les Grands Anciens, j’ai donc écrit ce journal. Une manière pour moi de laisser une trace, même infime, peut-être inutile. Car j’ignore si quelqu’un le lira après que la guerre aura débutée ou sera même en position de le faire, du fait de la domination exercée par les Yithians. Malgré ça, j’avais besoin de libérer ma haine envers eux, envers Armin : ils étaient tous aussi manipulateurs les uns que les autres. En fin de compte, les Grands Anciens ne sont pas les seuls êtres dépourvus de tout sentiment envers la race humaine. A leurs yeux, nous ne sommes que des jouets créés par une race inférieure à la leur. Pour les Yithians, c’est bien pire : nous ne sommes ni plus ni moins que des parties d’une arme qu’ils ont mis des siècles à assembler. Les Grands Anciens ont au moins la décence de reconnaître notre existence en tant que formes de vie. Ceci afin que nous les honorions. Que ce soit comme serviteurs ou comme esclaves. Ils ne tuent que ceux qui font actes de rébellion à leur domination totale sur nous. Les Yithians, eux, ne nous accordent même pas le droit le plus basique qu’aspire à être tout humain : celui de pouvoir vivre…

 

Publié par Fabs

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