Aujourd’hui, j’ai fait un rêve… Je vous rassure : je ne me prends pas pour la réincarnation de Martin Luther King. D’abord je n’ai pas son charisme, et je ne l’aurais sans doute jamais, et surtout, ça n’a rien à voir avec ce qui m’est arrivé. Enfin, bref, reprenons au début. Je vous parlais d’un étrange rêve que j’ai fait, et même d’un monde très curieux dans lequel je me suis retrouvé propulsé. Un monde fait de ténèbres, de brumes éternelles et de paysages comme je n’aurais jamais pu en imaginer. Et pourtant, l’imagination, sans vouloir me vanter, j’en ai rarement manqué… Mais là, c’était juste inimaginable tout simplement. Je n’avais jamais vu un tel horizon : les couleurs semblaient se mélanger, s’imbriquer les unes dans les autres dans une sorte de ronde infinie. C’était comme un arc-en-ciel revenant sans cesse sur lui-même. Mais attention : pas des couleurs éclatantes comme sorties d’un livre d’images pour enfants. Non. Ces couleurs-là, elles étaient sombres : le rouge, le bleu et le noir semblaient fusionner ensemble, bientôt suivies par d’autres, tout en étant enveloppés d’une sorte de halo, un voile opaque qui donnaient l’impression d’aspirer la substance même de ce qui faisaient leurs atours.
Le tout formait un maelström de lignes, de traits s’enchevêtrant les unes à l’intérieur des autres. Comme si chacune d’entre elles sortait du même endroit. On aurait dit des aurores boréales mélangées au néant, si tant est qu’il vous est possible d’imaginer cet état de fait. C’était à la fois étrange, malsain, lugubre et beau. Presque impossible à décrire avec fidélité, tellement ce spectacle était fascinant. Les territoires devant moi étaient tout aussi déconcertant. Vous connaissez les films de la Hammer ? Vous savez ces ambiances gothiques uniques où évoluait les grands monstres de l’horreur et du fantastique… Dracula, la créature de Frankenstein, la momie… J’avais presque l’impression de les voir débouler d’un seul coup, au détour d’un portail dimensionnel apparaissant soudain, affolant mes yeux envahis par la terreur, pendant que mes oreilles s’affolaient au son d’un bruit lointain venant de l’horizon. Ce même horizon qui s’étalait tout autour de moi, quel que soit la distance que je parcourais.
Le sol même n’avait rien de logique : à la fois terre granuleuse l’espace d’un instant, puis surface aussi dure que du bitume le moment d’après, juste avant de devenir aussi boueux qu’un marécage, ou je me surprenais à attendre la venue d’un autre monstre de l’âge d’or du cinéma horrifique. Il ne manquait plus qu’un château lugubre au tableau, avec des chauve-souris voletant vers moi, et l’illusion aurait été totale. Parfois, j’avais l’impression de voir le sous-sol se soulever, craqueler, laissant entrevoir des doigts décharnés et des yeux luisants, observant mon périple au milieu de ces terres, représentation parfaite de l’enfer telle qu’on pourrait se l’imaginer si celui-ci existait vraiment. Le temps ne semblait pas avoir de prise dans ce monde semblable à nul autre. Je vous parlait de chauve-souris tout à l’heure. En fait, il y avait bien quelque chose qui volait dans le ciel, mais celui-ci était bien trop sombre pour pouvoir n’apercevoir autre chose que leurs silhouettes. Était-ce des oiseaux ou bien autre chose ? Impossible de le définir. Mais ce qui était sûr, c’est que ces créatures semblait décrire des cercles autour de l’endroit où je me trouvais. Ce qui rajoutait à mon malaise, me donnant l’impression que j’étais leur cible. Que ces créatures n’attendait qu’une chose : que la folie qui guettait mon esprit à chaque pas franchi dans cet univers de cauchemar finisse par me faire vaciller, puis tomber, me laissant à leur merci.
Je luttais intérieurement pour faire abstraction de leur manège macabre, pendant qu’une musique aux origines presque sépulcrales se faisait alors entendre dans le lointain, sans que le moindre bâtiment ou maison puisse se former devant mes yeux s’écarquillant à chaque nouvelle vibration semblant émaner du sol. D’où venait cette mélopée ? Je ne parvenais pas à le définir. Elle semblait surgir de partout et nulle part en même temps. Extrêmement proche et fortement éloignée. Ça n’avait pas de sens. Mais il devenait évident que c’était tout l’ensemble de ce monde qui était illogique. Rien que l’idée d’évoquer ce mot me faisait revenir en tête l’une des innombrables confrontations de Mr. Spock face au capitaine Kirk. Mais je n’était pas le Dr. McCoy, et je ne me trouvais pas dans l’U.S.S. Enterprise. Je n’étais pas dans l’univers intersidéral, même si la froideur des lieux environnants pourrait presque s’y rattacher, tellement je ressentais sa torpeur à travers tout mon être.
Au fur et à mesure que j’avançais, la musique semblait plus forte. Si le fait d’avancer dans ce monde avait véritablement le moindre sens, car j’avais la nette impression de voir continuellement le même paysage autour de moi, alors que cela faisait des heures qu’il me semblait déambuler en son sein. Et puis, la musique s’arrêtait, aussi soudainement qu’elle était venue. Était-ce les prémices de quelque chose de terrible qui allait arriver ? Comme un signe préventif de me tenir sur mes gardes face à un danger imminent venant d’on ne sait où ? A ce titre, je préférais me tenir sur mes gardes. Au vu de l’étrangeté du monde où je me trouvais, je m’attendais à tout et n’importe quoi pouvant surgir de n’importe où autour, prêt à fondre sur moi pour m’entraîner dans les tréfonds de je ne sais quelles abysses infernales. Je ne me trompais qu’à moitié sur ce point. Sauf que ce n’est pas moi qui ai rejoint les profondeurs, mais ce sont elles qui sont venues à moi. Cela ne faisait que quelques minutes à peine que la musique s’était tue quand un tremblement me donnant une impression de fin du monde se fit sentir sous mes pieds. Le sol vibrait de toutes parts, et je ne pus parvenir à garder l’équilibre, m’affalant de tout mon corps sur la surface sous mes pieds.
Au même moment, je vis quelque chose d’inconcevable, même si ce terme semblait tellement dérisoire au sein de cet univers sans la moindre logique. Même Alice aurait sûrement été déconcertée si elle s’était trouvée ici en lieu et place de Wonderland. Mais pour revenir à ce qui se propulsait à la surface, ça se rajoutait au délirant qui constituait l’essence même de ce monde où je m’étais retrouvé. Bientôt, la croûte du sol se fissura à quelques centaines de mètres devant moi dans un fracas assourdissant, envoyant dans les airs des fragments entiers de cette terre aux multiples substances, qui retombait en force, tel des météorites, creusant des cratères qui aurait pu causer une nouvelle extinction s’ils avaient atterri sur la Terre que je connaissais, celle où vous êtes en ce moment où je vous parle. Je restais cloîtré au sol, les jambes recroquevillées sur moi-même, les mains tentant de s’agripper en creusant de ses doigts le terrain du périmètre où mon postérieur avait élu domicile en cet instant. Ce spectacle d’apocalypse, je ne saurais dire combien de temps il dura, ne pensant qu’à la peur qu’il m’inspirait.
Tout ce que je puis dire, c’était ce qui se montrait à mon regard, une fois toute la poussière soulevée par ce cataclysme disparue. Une maison. Aussi impossible que cela pouvait être, c’était bel et bien une maison qui venait de surgir de sous la surface. Et pas une petite maison comme on en voit dans les quartiers résidentiels les plus communs. Non. Là, il s’agissait d’une demeure immense, en parfaite adéquation avec l’environnement que j’avais pu découvrir depuis ma venue au milieu de ce territoire impossible. Complètement inverse à l’idée qu’on se fait d’une demeure parfaitement constituée. Entendez par là que rien à l’extérieur ne semblait logique, sans vouloir me répéter sur ce qui constituait ce monde dénué de sens. Je voyais des fenêtres en travers coincées entre deux cheminées sur un toit changeant constamment de forme, passant du rectangulaire au triangulaire aussi rapidement, voire plus rapidement qu’un caméléon qui se retrouverait en plein milieu d’une partie de Tetris ; les murs coulissaient en un flux ininterrompu de bas en haut, laissant entrevoir toutes les textures qu’il était possible de s’imaginer de voir, devenant marbre, tuile, lisse, rugueux ou encore hérissé de picots à une vitesse frisant l’imperceptible ; quand aux portes, elles grandissaient l’espace d’un instant, atteignant les extrémités de chaque coin des murs dans lesquels elles s’encadraient, avant de rétrécir l’instant d’après, devenant aussi minuscule qu’un pixel de Minecraft.
Aussi improbable que l’était le spectacle qui s’offrait à mes yeux, je me sentais attiré par cette profusion de couleurs, de formes variées, d’ouvertures et de matières, sans trop savoir pourquoi. Peut-être était-ce dû à des images subliminales envahissant sans le savoir mon cerveau déjà embrumé par les territoires désolées que je venais de traverser ? Ou tout simplement mon esprit curieux de tout dont l’imagination s’affolait depuis le début en voyant toute cette folie depuis le début de ce voyage. Je m’attendais presque à voir arriver dans tout ce fatras psychédélique le sous-marin jaune avec à son bord l’équipage complet des Beatles chantant en chœur l’arrivée du Sergent Pepper ! Alors, vu que j’avais déjà en tête de quoi écrire la plus abracadabrante des histoires une fois réveillé, je me disais que je ne risquais pas grand-chose en allant plus encore en avant, à explorer l’intérieur de cette drôle de maison entourée d’un halo oscillant entre le rouge et le blanc luminescent.
Il me rappelait un panneau que j’avais vu, avec une flèche en son centre, au tout début de ces terres de l’impossible. A bien y réfléchir, ce panneau m’avait indiqué dès le début la direction à prendre, sans que j’en sois véritablement conscient, de façon à m’entraîner ici, face à cette maison qui m’incitait de plus en plus à entrer en son sein. Ce que je ne tardais pas à faire. Seulement, pour y entrer, je devais choisir le bon moment. Comme je vous le disais précédemment, les portes permettant d’accéder à l’intérieur grandissaient et rétrécissaient en permanence à une cadence infernale, telles des images dont on grossissait le zoom avant de le faire revenir à sa taille initiale, et succédant à son exact contraire. Il me fallut quelques minutes pour comprendre le créneau horaire à utiliser afin de m’introduire dans ce bastion du bizarre, pendant que les créatures morbides volant dans le ciel, dont les yeux se gorgeaient de sang jusqu’à former un véritable lac intérieur, me fixaient sans fatigue, attendant sans doute mon abandon, pour mieux fondre sur moi. Une fois enregistré la cadence infernale et presque kaléidoscopique de la grande porte située sur ce qui semblait être l’entrée principale, du moins le supposais-je, sans plus me poser de questions, je prenais mon élan et me jetais littéralement à l’intérieur, profitant de la position la plus grande de la porte fluctuante de formes.
Une fois pénétré dans cet antre, je fus clairement projeté dans un autre monde que Tim Burton apprécierait dans toute sa mesure. Les couleurs criardes et attirantes du dehors avait laissées place à des teintes ternes et grisâtres, où le noir se disputait à des lumières distantes, presque proche du néant. Des zones d’ombres étaient présentes dans tout l’intérieur, qui me semblait nettement plus grand que ce qu’il semblait vu de l’extérieur. Un peu comme le Tardis du Dr. Who. Mais sans les consoles informatiques avec ses scintillements éclairant toute son immensité qui défiaient les fondements même de la plus basique des physiques quantiques. Non, ici, c’était son exact contraire. A la fois vide et rempli. Semblant se moquer des lois de la gravité, des escaliers virevoltaient un peu partout, se collant à des portes parsemées de chiffres, qui eux, étaient d’un blanc luminescent éclatant, rajoutant encore à l’illogique à l’intérieur de ces murs. Des chiffres qui changeaient sans cesse : augmentant ou descendant, tels ceux inscrits sur les cours de la bourse. Les escaliers eux-mêmes semblant s’accrocher puis se décrocher d’une porte à une autre, pour laisser la place à un de ses confrères escaliers. Ça me faisait penser au ballet orchestré par le même type de structures qu’on voyait au détour d’une scène d’Harry Potter.
Je me surprenais même à me demander si je n’étais pas dans la cachette secrète de Voldemort, au vu des couleurs de l’ombre qui envahissait l’espace autour de moi. Et au sol, ainsi qu’au plafond, il y avait ces sortes d’écrans, où se profilaient des images défilant à toute vitesse, montrant des paysages, des personnes, des objets, des décors de jeux vidéo, des scènes de films, des chorégraphies. De ces mêmes écrans venaient des musiques de différents langages, formant une cacophonie perturbante comme rarement j’en avais entendu. Une sorte de symphonie mortelle, prompte à réveiller les morts, que mon esprit perturbé cherchait du regard, tellement l’ambiance qui régnait en ces lieux me faisait penser à les voir débouler au détour d’un couloir, ou sortant d’une de ces portes aux mystérieux chiffres changeants. Mais ce n’était pas la seule chose de dérangeante. Au milieu de tout ce capharnaüm visuel et sonore qui aurait pu rendre fou n’importe quel cerveau censé, je me sentais observé par des yeux invisibles. Je ne saurais comment l’expliquer, mais je ressentais des centaines de regards braqués sur moi, comme s’ils attendaient ma venue.
Une impression qui me mettait mal à l’aise. J’avais envie de revenir en arrière, mais en même temps, mon instinct me poussait à aller plus en avant de cette succursale du lugubre. Plus je m’avançais dans la bâtisse, plus cette impression semblait se rapprocher, semblant voir des silhouettes en plus de ces yeux que je ne parvenais pas encore à percevoir. Comme des ombres flottantes, se dispersant dès que j’approchais un peu trop dans leur direction, peut-être tout aussi effrayées que je ne l’étais moi-même de leur présence. Ce petit manège dura de longues minutes, des heures peut-être ? Des semaines ou des mois ? Je ne saurais le dire avec exactitude, tellement le temps semblait d’une nature abstraite en ces lieux, ce palais du macabre. Mes pas semblaient être happés par un fil transparent, afin de me diriger vers ce qui semblait être ma destinée depuis le début. J’arrivais dans une nouvelle atmosphère, encore plus pesante. Les yeux, cette fois, n’étaient pas que des impressions. Je les voyais, dissimulés dans les ténèbres de couloirs interminables, ou en haut, courant sur des pontons semblant formés d’une brume, qui elle-même semblait formée d’autres de ces yeux multiformes. Tantôt phosphorescents, tantôt nimbés d’une aura indéfinissable. Tous pointés vers moi, suivant ma démarche dans ces dédales dignes d’un film d’horreur des studios Universal.
Et puis, sans doute lassés de se cacher, l’un d’entre eux se montra à moi. Une créature difforme, à mi-chemin entre un orque créé par Sarumane le noir et un démon inférieur issu des 72 de Salomon. Et sur son front, il y avait un chiffre. Le chiffre 1. Comme creusé à même la chair, tracé avec une lame qu’on aurait trempé dans une substance en fusion. Puis un autre sortit. Le chiffre 2. Vint le 3, le 4, le 5, et ainsi de suite. Tous me fixaient sans proférer le moindre mot, se contentant de me regarder. Ils avaient tous la même forme, les mêmes couleurs. Jusqu’au numéro 100. Le 101ème était différent. Plus grand, doté de cornes exigües, laissant apparaitre des dents proéminentes. Quand ce fut le tour du 201ème, ce fut à nouveau une race différente. Encore plus grand, avec d’autres attributs physiques, des ongles tranchants et longs d’un noir opaque, des yeux plus allongés. Idem pour les autres castes, changeant toutes les 100 numéros, toujours inscrits sur leurs fronts, alors que la peur montait en moi de plus en plus. Je ne pouvais même plus espérer m’enfuir, chacun d’entre eux s’étant étalé autour de moi en un cercle infernal, fermant toute issue possible.
Le nombre grandissait sans cesse au fur et à mesure que le temps passé au sein de ce cauchemar se prolongeait. Bientôt, ce fut le tour de la caste des 300, des 400, des 500, … ça ne semblait pas finir, sans pour autant qu’ils fassent preuve de la moindre hostilité à mon égard, sans que j’en comprenne la raison. Vint le tour des 600, des 700, des 800. A chaque fois, la taille et les détails qu’ils arboraient devenaient de plus en plus monstrueux, à tel point qu’il me devenait impossible de les décrire sans inspirer dégoût et horreur la plus profonde. Ce n’était même plus leur aspect qui était le plus dérangeant, c’était leur impassibilité. Se contentant de m’observer, comme si j’étais une curiosité que tout le monde se devait de découvrir absolument. Ce fut le tour des 900, encore plus énormes, des géants au sens propre du terme, dont les pieds devaient bien faire la taille d’une voiture de type Chevrolet, pour vous donner une idée. Des cornes ressemblant à celles d’un Wendigo mixé à un ersatz d’Hellboy. 3 rangées de dents aussi tranchantes que celles d’un requin, d’où sortait une bave verdâtre, tout droit sorti d’une copie de Regan, la gamine de l’Exorciste.
Le nombre grandissait sans sembler s’arrêter, alors que je tremblais comme jamais ça ne m’était encore arrivé. J’étais trempé de sueur, me demandant ce qu’ils voulaient de moi. Me tuer ? Je ne le pensais pas. Si ça avait été le cas, il y avait longtemps que mes entrailles décoreraient sol et murs de ces couloirs de la peur. S’ils voulaient simplement me faire peur, alors c’était exagéré, vu que tout mon être était en lambeaux depuis l’arrivée de la caste des 500. Le cortège démoniaque continuait sur sa lancée. 940, 950, 960, … Cela ne s’arrêterait donc jamais ? Je sentais ma santé mentale partir en morceaux. 970, 980, 990 … Je n’en pouvais plus. Je crois qu’à ce moment-là, je ne parvenais même plus à réfléchir. J’en étais à un point au-delà de toute description psychologique. 993, 994, 995, … Cette fois, j’étais vraiment au bout de tout ce que je pouvais supporter, tombais à genoux, leur demandant ce qu’ils attendaient de moi, sans obtenir de réponse de leur part. 996, 997, 998, … Les larmes coulaient toutes seules du plus profond de l’intérieur de mes yeux, tellement la terreur qui m’emplissait me faisait me sentir comme un morceau de glace en train de fondre à la lumière du soleil : fragile et impuissant.
999, 1000 ! Cette fois, la créature qui arriva, le monstre, le démon, je ne savais même plus quel nom leur donner, avait la tête qui touchait le plafond, tellement sa taille aurait pu rendre jaloux le roi des monstres Godzilla lui-même. Mais cette fois, un détail changea par rapport à l’attitude des précédentes castes. Jusqu’à présent, à chaque nouvelle caste apparaissant, la caste précédente se contentait de faire un pas en arrière, afin de laisser le devant de la scène, si je puis m’exprimer ainsi, à ce qui pourrait être assimilé à leurs supérieurs directs. Ils semblaient obéir, de mon point de vue en tout cas, à une hiérarchie bien définie. Pour le Numéro 1000, c’était radicalement différent. Le cercle formé fit une grande ouverture, de façon à laisser passer l’immense créature qui s’avançait. Puis tous se mirent à genoux en fermant les yeux ou en scrutant le sol. Je n’aimais pas ça. Ça ressemblait fortement à un chant du cygne, le moment tant attendu pour eux de l’exécution finale. Comme si tout ce manège dont ils avaient fait preuve n’avait été là que pour faire monter le plus possible l’angoisse et la terreur en moi. De ce point de vue-là, autant vous dire que c’était parfaitement réussi, pendant que cet énorme démon qui me semblait plus haut que l’Empire State Building, continuait à s’avancer.
Il fit encore quelque pas, alors que je me préparais à me voir écrabouiller ou pire, dévoré entre ses dents, faisant office, au vu de sa taille, à un équivalent d’un apéritif pour lui. Mais ce n’est pas ce qu’il fit. Il posa son genou droit de toute sa masse sur le sol devant moi, avant de diriger sa gueule en direction de moi. Puis, il plongea ses énormes doigts dans la chair de son front, arrachant la partie où se trouvait son numéro, faisant dégouliner du sang sur l’intégralité de mon corps tremblant, me faisant ressembler à une nouvelle version de « Carrie au bal du Diable ». D’un de ses doigts ensanglanté, il souleva mes deux bras. Je ne réagissait même pas, me laissant faire, étant au-delà de la peur la plus extrême. De son autre doigt, il posa le morceau de son front arraché précédemment sur mes bras, comme un présent à mon intention. Je le regardais, étant dans l’incompréhension la plus totale, avant de faire retomber mes yeux sur mon « cadeau » …
Et là, je me réveillais, complètement gorgé de sueur, dans mon lit, pendant que mon téléphone sonnait 10 h 00. Sur le coup, je n’ai pas compris le signe qui venait de se donner à moi. Je n’ai pigé que bien plus tard dans la journée, après que, totalement traumatisé par ma nuit, je décidais de m’accorder une journée de repos, afin de me remettre de cette expérience sans commune mesure. Ce n’est que bien plus tard que je compris tout. Est-ce que c’était dû à ce cauchemar, ou bien juste un instinct incompréhensible par mon esprit embrumé à ce moment précis ? Toujours est-il que je jetais un œil sur la page d’accueil de ma chaîne YouTube, histoire de voir les derniers commentaires, et le nombre de likes et de vues de ma dernière vidéo en date. Et là, en voyant le chiffre s’affichant sous la bannière, tout se fit tilt en moi. 1000 ! Je venais d’atteindre le cap des 1000 abonnés ! Difficile à expliquer, mais je comprenais d’un coup toute l’étrangeté de mon rêve, ce périple à travers ce monde inconnu, la maison, les portes chiffrées, les escaliers, les écrans, les sons, … et la signification des créatures. Au nombre de 1000. Comme mon réveil qui m’avait réveillé ce matin à 10 h 00. Un 1 suvi de 3 zéros. Ça ne pouvait pas être plus éloquent.
J’avais déjà entendu parler des rêves prémonitoires, mais je ne pensais pas que beaucoup en avaient fait des comme celui-là. Aussi bizarre, étrange, macabre et morbide. Un rêve qui avait failli faire exploser mon esprit par la peur qu’il m’avait engendré, au fur et à mesure que je m’avançais en lui. Je compris aussi toute les symboliques de YouTube que représentait chaque étape : les fenêtres, les portes, les oiseaux de proie, les couleurs, les formes, … tout devenait parfaitement clair. Même Freud aurait été ébahi en entendant un tel rêve. Je vous laisse imaginer ma joie, une fois remis de toute cette expérience, comprenant que j’avais franchi un cap qui était encore du rêve il y avait de ça encore quelques mois. Ça me motivait encore plus pour la suite, en plus de la fête qui allait s’ensuivre pour fêter ça. Il n’y a qu’une chose que je craignais : vu ce que mon esprit tordu avait concocté pour me faire comprendre que j’avais atteint ce cap, qui aurait pu faire flancher n’importe quel cardiaque un tant soit peu fragile, je n’osais imaginer ce qu’il me réservait pour les prochaines étapes de mon épopée au sein de YouTube…
Publié par Fabs
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