7 mai 2021

L'EMPIRE DE KRYSTA (Partie 1) (Toutes les Sirènes ne Sont Pas Gentilles-Cycle 2)

 


 

30 ans. Il s’était passé 30 ans depuis les évènements survenus à Cape Beach. Depuis que Krysta et son peuple ont soumis à leur volonté toute la population de cette petite ville côtière sans histoires. Il a fallu l’amour immodéré d’un homme pour une sirène pour faire basculer ses habitants dans l’horreur la plus totale. Au départ, c’était une belle histoire entre une créature qu’on pensait imaginée par des conteurs remplis de rêves et un passionné de plongée sous-marine. Ça a commencé par une relation hors-norme, où l’un découvrait l’autre. Deux cultures se mélangeant, deux visions fusionnant ensemble. Ça aurait pu continuer jusqu’à voir un final tel que l’on en voit dans les films romantiques. Mais cette fois, la belle histoire s’est terminée d’une horrible façon. Cette fois le héros et l’héroïne n’ont pas fini ensemble au gré d’une musique douce, attendant un avenir plein de promesses et d’espoir.

 

Non. En cours de route, cette belle histoire a bifurqué vers autre chose. Krysta avait un plan bien défini en conquérant le cœur de cet humain, et des mœurs… très particuliers. Si au départ, l’homme a tenté de fermer les yeux sur les actions de sa bien-aimée, son esprit étant fermé à la réalité des faits perpétrés par elle, il a dû se rendre à l’évidence au bout d’un moment : il avait été berné de la pire des façons. Au fur et à mesure, Krysta, sa belle sirène, s’est révélée être très différente de ce que les contes de marins racontaient sur son espèce. Mangeuse de chair, meurtrière, suivant une stratégie bien définie à l’avance pour sauver son peuple de l’annihilation. Au prix de celle de l’être humain. Oui, cet homme avait fini par découvrir le véritable visage de celle qu’il aimait et protégeait malgré toute l’appréhension qu’il avait à chaque fois qu’il découvrait une nouvelle atrocité de sa part. A trop fermer les yeux, il a fini par laisser faire une invasion en bonne et due forme. Les meurtres n’étaient que des prémices à quelque chose de bien plus machiavélique.

 

Pourtant, Krysta avait montré tout l’amour qu’elle avait pour cet humain, au départ, victime innocente, et choisie au  hasard, malheureuse proie ayant eu le malheur de tomber dans son piège mis en place avec la complicité des autres membres de sa race. Elle avait prouvé qu’elle avait fini par l’aimer véritablement, et comptait l’épargner une fois son plan achevé. Mais comme souvent, il y a eu un petit grain de sable dans l’engrenage. Un ancien amour qui a déclenché la fureur de cette belle sirène, dont la jalousie était au moins aussi terrible que son appétit vorace. Et la belle histoire est devenue tragédie. Mais pas comme chez Shakespeare. Ici, les deux amants ne se sont pas retrouvés ensemble dans la mort. Non. Cette fois, l’amant est mort seul, dans d’atroces souffrances, avec la bénédiction de celle qu’il pensait être la femme parfaite. Juste avant qu’elle assoie sa domination, avec son peuple, de cette petite ville, première étape du plan de ces anciens habitants de la mythique Atlantis. Elle aussi avait révélé une histoire bien différente de ce qu’en avait écrit Platon.

 

Cette Atlantis-là avait montré un visage guère différent de ces factions scientifiques et militaires de la race humaine. Avec son roi désirant toujours plus aller vers l’avant, au détriment des castes inférieures de son peuple, ses expériences ayant menées à une révolte, puis l’anéantissement de ce qui avait sans doute été l’une des plus grandes civilisations de la Terre. Devenus parias, fuyant les leurs, en proie aux conséquences scientifiques de leurs actes, ils avaient finis par succomber à leurs plus bas instincts. Réduits à choisir ceux et celles qui devraient servir de sacrifice pour permettre de survivre aux autres. Jusqu’à ce que Krysta, car c’était bien elle l’instigatrice de ce plan, en vienne à proposer au roi, son père, le moyen de remédier à leur presque inévitable extinction.

 

Avec le temps, Krysta est devenue l’héroïne de son clan, celle qui a permis d’éviter le pire pour eux. Et de la même manière, son pouvoir s’est accru, et il devenait évident pour sirènes et tritons qu’elle était celle qui les emmènerait vers leur avènement. Son père en fut le premier conscient, et avant même que tous en fasse la demande, il abdiqua en faveur de sa fille. La cérémonie de succession fut un évènement sans commune mesure, planifié au sein même de la ville nouvellement conquise. Pas de couronne, ce genre d’objet étant futile au sein de la communauté des mirabilis, le nom scientifique des sirènes. Un tatouage marqué sur la peau par un fer rougi à blanc fait office de représentation royale au plus haut degré. L’ancien monarque se voit enlever sa marque par son remplaçant, en l’occurrence, sa remplaçante, en se faisant dévorer la partie où elle se trouve. Une technique qui peut paraître cruelle pour nous humain. Mais pour les sirènes et les tritons, c’est une marque de reconnaissance et de soumission, en plus d’être un honneur. D’autant que c’était la toute première fois qu’une reine prenait place en haut de la hiérarchie, donnant une aura encore plus importante à Krysta.

 

« Je suis tellement fier de toi, ma fille. Tu fais honneur à notre espèce. Par tes actes, ton intelligence, tu as su nous redonner la vie »

 

Les yeux embués d’émotion, Krysta avait encore du mal à réaliser l’ampleur de ce simple geste de passation de pouvoir :

 

« Merci, père. Mais ce jour, je le dois aussi à vous. C’est vous qui m’avez appris à devenir ce que je suis. Vous qui m’avez rendue forte. Vous enfin qui m’avez menée à ce jour. Je n’aurais jamais assez de mots pour vous en remercier »

 

« Tu n’as pas à me remercier : tu t’es forgée toute seule. Je n’ai fait que te guider dans tes choix. Mais assez discuté. Il est temps de marcher au milieu des tiens. Nous verrons plus tard pour la suite de notre entreprise à venir. Tu le sais comme moi, cette ville n’était qu’une étape. D’autres territoires nous attendent au sein de ce monde »

 

Krysta prit la main de son père

 

« Je le sais père. Aujourd’hui, cette ville. Demain, ce continent. Et dans les années à venir, ce monde sera le nôtre »

 

Suite à cela, les années passèrent, et Krysta enchaîna les projets, créa les bases de son futur empire, par l’invasion d’autres villes, des points stratégiques. Tels des bases militaires, des ports, des entrepôts, des centres de distribution d’alimentation, de matériel médical, des usines de traitements des eaux… Cela se fit lentement, mais les plans de Krysta étaient sans faille. Sur leur chemin, ce furent des centaines de morts qui s’empilèrent, face à une armée de plus en plus grandissantes, grâce à l’utilisation de mâles reproducteurs, regroupés dans des camps, afin de perpétrer toujours plus de futurs guerriers. Les camps devinrent des prisons, des forteresses au fil des années de leur évolution. Chacun des humains mâles était scrupuleusement sélectionné, grâce au savoir faire des scientifiques qui étaient soumis à Krysta et son peuple. Les hommes stériles, sans aucune utilité, étaient transformés en paquet de viande, destinés à la consommation des sirènes et des tritons. D’autres bâtiments furent construits à cet effet un peu partout, élaborés par les meilleurs techniciens et experts humains, enrôlés de force au gré des expéditions du clan de Krysta, ne leur laissant que 2 choix possibles : servir ou mourir. Certains tentèrent de jouer les héros, finissant éviscérés, mis en pièces devant leurs pairs, dévorés sur place par les sirènes et les tritons, sur ordre de leur reine.

 

Plus les années passèrent, plus la violence dont faisait part le clan devenait importante. N’hésitant pas à tuer tous ceux qui n’étaient pas utile au bien-être de la communauté. Les handicapés mentaux ou physiques, les malades, les professions inutiles aux yeux de Krysta, tels que les avocats ou les commerces non-alimentaires, finissaient presque tous dans les usines de traitement de la viande, véritables boucheries à grande échelle, où ceux qui s’y retrouvaient étaient traités de la pire des façon. Le « découpage » se faisait sans la moindre anesthésie, les cris des malheureux ayant été choisis emplissant les murs de ces succursales de l’enfer. Y compris des enfants. Krysta ne faisant part d’aucune pitié à cette race qu’elle méprisait de toute son âme. Ceux qui avaient le malheur d’opposer de la résistance en s’attaquant aux bastions de la communauté, afin de délivrer les leurs avaient un sort encore pire. Torturés pendant des heures afin de connaître les emplacements de leurs QG, croqués par petits bouts, les laissant parfois des heures durant, enfermés dans une pièce, se noyant dans leur sang, voyant des morceaux des corps de leurs amis, leurs frères, leurs sœurs, leurs enfants exposés devant eux, se balançant au milieu de la pièce, fixés par une corde reliée au plafond. Des souffrances inimaginables pour l’entendement humain régnait dans ces lieux, où seule la mort permettait d’être enfin libéré. Les centres de reproductions n’étaient guère mieux pour les « heureux » choisis. Chacun des hommes sélectionnés étaient parqués dans des cellules sommaires, sans le moindre confort, à l’exception de certains privilégiés, dont la teneur en spermatozoïdes leur donnait accès à des appartements plus luxueux, où ils bénéficiaient d’un traitement à la hauteur de ce que leur corps pouvait offrir. Des reproducteurs qui pouvaient assurer plusieurs coït dans une même journée, sans montrer de signe de fatigue avaient également droit à ces faveurs.

 

Mais gare à eux si leurs corps ne suivait pas le traitement inhumain infligés par le sytème de Krysta. Ils étaient immédiatement relégués dans les cellules du bas de l’échelle, entre des murs où humidité, insalubrité et environnement spartiate était devenu leur train de vie. Les femmes avaient également leur secteur, au sein des mêmes centres. Elles aussi étaient disposés en plusieurs castes. Leur rôle étant d’assurer de donner naissance à des enfants pour perpétrer suffisamment la race humaine, futurs reproducteurs ou morceaux de viande. Leur traitement, en revanche, était beaucoup plus dur. Là où les sirènes faisaient preuve, à de rares exceptions près, de tendresse dans les rapports avec les mâles choisis, pour assurer une descendance, les tritons étaient nettement plus violents envers les femelles humaines, les « rencontres » au sein de chambres de reproduction se transformant parfois en véritables scènes de viols pures et simples, les laissant dans un désespoir tel que certaines n’hésitaient pas à profiter d’une des rares promenades leur étant accordées dans la journée, pour se jeter du haut d’une balustrade, afin d’être libérées de ces agissements humiliants et dégradants, en plus de leur brutalité sans équivalent, aussi bien physiquement que psychologiquement.

 

L’empire mis en place par Krysta s’était étendu sur toute la côte Est, et avait également pris possession de près de la moitié intérieure des Etats-Unis, reléguant la communauté humaine vers l’Ouest, à l’abri derrière des villes fortifiées, dont chaque sortie en dehors des murs pouvait être source de capture, dans le meilleur des cas, certains humains pouvant avoir la chance de servir d’esclaves personnels à la caste proche de la reine Krysta, ses lieutenants, ses généraux ; les autres étant dévorés sur place, devant les yeux de ceux cachés derrière les murs, leurs corps parfois exposés sur des arbres, des piques ou des poteaux, comme signe d’avertissement de ce qui les attendaient s’ils ne se soumettaient pas à leur tour. Parmi toute cette horreur étant parvenue à son paroxysme, 30 ans après l’arrivée de Krysta dans cette petite ville où tout avait commencé, il y avait malgré tout un membre de la communauté des sirènes qui ne comprenait pas cette rage, cette haine, ce mode de vie mis en place par ses pairs. Un jeune triton dont le statut particulier faisait de lui un être intouchable. Car toutes les sirènes et les tritons n’avaient pas les mêmes privilèges. Il y avait donc les proches de la reine Krysta, disposant d’esclaves humains, pour assouvir tous leurs fantasmes, et prompts à obéir à tous leurs caprices ; les scientifiques, chargés de trouver de nouvelles manières de procréer, plus rapides, servant de liens entre les centres de reproduction et les usines de traitement de la viande et le palais, érigé de force par les humains, à la demande de Krysta, dont la folie des grandeurs ne cessait de grandir au fur et à mesure des années ; il y avait les guerriers, chargés des actions punitives contre les résistants humains de l’Ouest, comprenant chefs et soldats, et à charge également de protéger le palais et ses occupants d’éventuelles attaques d’humains ayant réussi à franchir les lignes de défense de la communauté de Krysta ; et enfin, il y avait les autres : ceux et celles chargés du confort des mâles privilégiés des centres de reproduction, ou encore du transport de matériel, de la viande humaine venant des usines de traitement, ou tout simplement n’ayant pas de fonction particulière.

 

Vivant dans des demeures au sein des villes, aux côtés des rares humains étant autorisés à vivre, du fait de leurs fonctions pouvant être utiles à Krysta et son empire, et aussi parce que toute la population humaine ne pouvait être parquée dans les usines et les centres. La plupart devait continuer à vivre selon les règles de Krysta, les réseaux sociaux étant constamment sous surveillance, les secteurs économiques ayant tous leurs dirigeants assurés par des sirènes ou des tritons. Chacun des habitants étant en sursis, attendant d’être un des prochains sur la liste, du fait d’un programme basé sur « un mort en centre ou en usine – un remplaçant à choisir ». Un programme informatique où ceux qui allaient servir de reproducteurs mâles ou femelles, ceux qui étaient destinés à devenir de la viande étaient tous choisis de manière aléatoire. Grâce à une puce électronique implanté dans leur corps. Chaque puce étant disposée dans un endroit différent pour chaque être humain, pour éviter les « extractions sauvages ». Chaque entrée d’immeuble, de commerce « utile » à la communauté, étant doté d’un détecteur, afin de déterminer si l’humain en possédait bien une. Ceux ayant échappé à l’implantation, et repérés en entrant dans ces lieux, étaient systématiquement neutralisés et envoyés en centre de reproduction ou en usine de traitement, suivant ses spécificités, après un examen médical forcé, pratiqué par un médecin humain, lui-même « fiché ».

 

Un système très élaboré permettant un contrôle total de la population par Krysta et les siens. D’autres pays, d’autres continents avaient tentés d’aider la population américaine soumise. Mais toutes leurs actions s’étaient soldées par des échecs, la mainmise de Krysta sur le matériel de guerre humain sur le territoire des USA étant elle aussi absolue, et elle n’hésitait pas à faire abattre tout avion, tout drone, tout hélicoptère n’arborant pas le sigle de son empire sur ses flancs. De ce fait, les autres gouvernements avaient fini par laisser à son sort les territoires américains sous la coupe de l’Empire mis en place par Krysta. Donc, comme dit plus haut, parmi toute cette folie, il y avait un jeune triton qui ne partageait pas ces idéaux d’emprise sur la race humaine. Ce triton, c’était Sacham, et s’il avait un statut particulier, c’était parce qu’il était le fils de la reine : Krysta.

 

« Mère, pourquoi soumettre ce peuple à tant d’horreur ? J’ai vu l’intérieur d’un des centres de reproduction. Tous ces gens obligé à ces actes, juste pour permettre à notre espèce de survivre… C’est horrible »

 

Krysta le regardait, les yeux un brin plongés dans les souvenirs que Sacham provoquait en elle. Se rappelant celui par qui tout avait commencé. Cet humain qu’elle avait appris à aimer. Mais qui avait trahi cet amour. En voyant son fils devant elle, elle était partagée entre la tristesse de cet amour perdu, et la colère de l’acte qu’il avait commis, l’ayant conduit à le laisser mourir.

 

« Sacham, tu dois comprendre qu’il y a 30 ans, notre espèce était au bord de l’extinction. Ce plan pour prendre le dessus sur l’être humain, c’était la seule alternative que nous avions pour survivre »

 

Sacham baissait les yeux :

 

« Je le sais bien, mère. Tu m’as déjà dit ça des dizaines de fois. Mais c’était il y a 30 ans. Ne serait-il pas temps aujourd’hui d’alléger certaines « lois » ? De permettre plus de liberté aux humains ? Ce que nous leur faisons subir est monstrueux. En voyant ça, j’ai parfois honte d’appartenir à notre espèce »

 

A ces mots, Krysta fronça les sourcils, et montra sa colère :

 

« Je te défends de dire ça ! Notre race est la plus évoluée qui soit ! Contrairement aux humains, nous ne détruisons pas inutilement ce qui nous entoure. Nous ne nous détruisons pas entre nous ! Chacun d’entre nous est solidaire l’un de l’autre… Jusqu’à la mort… »

 

« Oui, je comprends ton ressentiment. Tout comme je comprends l’utilité des usines de traitement de la viande humaine. Sans quoi nous ne pourrions vivre. Mais là encore, nos scientifiques, aidés par des humains qui plus est, ont réussi la prouesse de réduire considérablement notre dépendance à l’eau de mer. De simples bassins de rétention, composés d’eau issus des rivières nous est suffisant pour nous hydrater de manière régulière. Ne pourraient-ils pas étudier un moyen de nous nourrir autrement que par les humains ? »

 

Krysta le regardait à nouveau. En l’entendant, elle avait vraiment l’impression d’écouter le père de celui-ci. Le même ressentiment pour l’autre. Les mêmes questions. Sacham était vraiment à part dans la communauté. Et cela l’inquiétait parfois. Elle savait que  jamais il ne trahirait sa cause, ni la communauté. Mais elle avait peur que ses idéaux stupides ne finissent par germer chez d’autres que lui, parmi leurs pairs.

 

« Cela suffit, Sacham ! Cela fait des centaines d’années que notre peuple vit en se nourrissant d’humains. Cela fait partie de nous. Quand aux reproducteurs, ils sont nécessaires à notre survie. Je me moque de la façon dont ils sont traités. Ce ne sont que des morceaux de viande en sursis. Un jour, tu comprendras que l’humain n’est pas la créature que tu idéalises tant, et qu’il ne mérite pas ta compassion »

 

« Tu dis cela à cause de mon père ? Parce qu’il t’a trahi ? »

 

Cette fois, Krysta ne put retenir sa colère :

 

« Comment oses-tu me dire ça ? Tu ignores ce qui s’est vraiment passé entre lui et moi ! Ce qu’il m’a fait subir… La haine qu’il m’a obligé à faire sortir… Je… Je ne voulais pas lui faire subir son sort…. Mais il ne m’a pas laissé le choix… »

 

Krysta tentait tant bien que mal de retenir ses émotions à l’évocation du père de Sacham, cet humain qui avait été la clé de voûte de son empire, tel qu’il l’est aujourd’hui. Leur échange fut soudain interrompu par l’annonce de l’arrivée de Dolorès, l’océanographe et spécialiste de la technologie de l’eau, à l’origine des travaux ayant conduits à l’acclimatation des sirènes et des tritons à l’eau douce des rivières, en lieu et place de l’eau salée.

 

« Laisse-moi, Sacham maintenant. Je dois discuter de certaines avancées avec Dolorès. On reparlera de ça une autre fois… »

 

Baissant les yeux, Sacham s’exécuta, pendant que Dolorès entra dans la salle où siégeait sa mère. La même Dolorès qui était à l’origine de son ressentiment sur la condition humaine. Pourrait-il un jour avouer sa relation avec cette dernière à sa mère ? Il en doutait fortement au vu de leur discussion d’il y avait à peine quelques minutes. Comment pourrait-elle comprendre cet amour qui s’était noué entre eux, au fur et à mesure de ses visites au palais ? Non, pour l’instant, mieux valait qu’il cache cela à sa mère. Tout en se dirigeant vers la sortie, il croisa Dolorès, tentant du mieux qu’il pouvait de masquer le trouble que celle-ci provoquait en lui. Puis, alors que leurs corps se frôlèrent, Dolorès lui murmura à son attention, tout en faisant attention à ce que Krysta ne s’en aperçoive pas :

 

« Je te retrouve plus tard, près du bassin du secteur nord »

 

Un peu surpris du risque qu’elle venait de courir par ses mots, en présence de sa mère, Sacham était malgré tout très heureux de ce rendez-vous donné à demi-mots. Il souriait discrètement, la tête baissée pour que les gardes à l’entrée ne le voit pas, puis se dirigeait vers la sortie. Il attendit à l’extérieur, s’éclipsant à travers les jardins, afin de s’assurer de ne pas croiser un des proches de sa mère, qui pourrait lui révéler leur rencontre secrète, tournant ça et là, jusqu’à arriver au bassin indiqué par Dolorès.  Il resta à l’ombre d’un buisson. Cet endroit du parc entourant le palais était le moins fréquenté, à cause de son éloignement très prononcé de l’entrée principale, totalement à l’opposé même. L’endroit idéal pour un rendez-vous romantique à l’abri des regards indiscrets. Sacham attendit bien 3 heures, se demandant si Dolorès allait bien venir. Peut-être qu’elle n’avait pas pu échapper à la vigilance des gardes extérieurs ? Mais bientôt, elle arriva, regardant sans cesse derrière elle. Puis, apercevant Sacham, arbora ce sourire qui avait fait tomber amoureux le jeune triton :

 

« Désolé de t’avoir fait attendre, Sacham. Ta mère avait beaucoup de questions aujourd’hui. Ça a pris un peu plus de temps que prévu… »

 

Lui souriant à son tour, Sacham la rassura :

 

« Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas tellement attendu. L’important, c’est que tu sois là maintenant »

 

Puis, se rapprochant encore plus, les deux amants interdits s’embrassèrent tendrement, s’enlaçant sans penser à rien. Le temps semblait s’être arrêté pour eux. Ils s’allongèrent sur l’herbe, caressant leur corps, leurs esprits fusionnant l’un avec l’autre. Un long moment de passion entre deux amoureux. Puis, Dolorès interrompit lentement leur étreinte :

 

« Il faut que j’y aille maintenant. Sinon, les gardes extérieurs vont trouver curieux que je mette autant de temps à partir de l’enceinte du palais »

 

L’air un peu dépité, Sacham se résigna :

 

« Je sais bien, et je comprends. J’aimerais tellement que l’on puisse se voir autrement qu’en cachette. De cette manière »

 

« Je doute fort que ta mère apprécierait notre relation. Tant qu’elle sera reine, et qu’elle aura ce ressentiment de rejet envers les humains, tu sais très bien que ça ne sera pas possible. Elle accepte mes visites uniquement parce que mes travaux lui sont utiles. Mais si elle apprenait pour toi et moi, je sais très bien que j’irais droit en usine de traitement »

 

« Je ne le supporterais pas ! Si ça arrivait… Je me tuerais ! »

 

Dolorès le regarda malicieusement :

 

« Tu ferais ça pour moi ? Pour une humaine ? Tu es vraiment à part Sacham. Mais je ne veux pas que tu te sacrifies pour une décision de ta mère. Tu es encore jeune. Et je suis bien sûre qu’il y a pas mal de sirènes qui te courtisent »

 

« Oui, il y en a pas mal en effet. Mais elles le font parce que je suis le fils de la reine. Il n’y a pas d’amour en eux. Pas comme toi tu en as pour moi »

 

A ces mots, Dolorès l’embrassa à nouveau, avant de se relever, lui faisant un dernier baiser d’un geste des mains, et s’éclipsant au regard de Sacham. Le laissant dans ses pensées.

 

De longues heures plus tard, Dolorès se retrouva dans un bar situé en pleine campagne, à proximité des territoires de l’Ouest, là où se trouvaient la résistance humaine. Elle semblait attendre quelqu’un, sirotant un bloody mary. Puis, un homme en costume vint s’asseoir sur le siège en face d’elle.

 

« Bonjour Dolorès. J’écoute votre rapport. Votre relation avec Sacham avance ? »

 

Dolorès laissa de côté son cocktail, et répondit à son interlocuteur :

 

« Bonjour, Vladimir. Oh, pardon, j’oubliais : Dyonisos… Je ne me ferais jamais à ce nom de code. Curieux de choisir un dieu grec… »

 

« J’aime bien les anciennes civilisations. Tachez toutefois de ne plus m’appeler par mon vrai prénom. Je ne voudrais pas qu’on sache notre petit… arrangement. Le général Weiss est assez nerveux en ce moment. S’il apprenait que je fais mes petits coups en douce, ça pourrait… compliquer nos accords »

 

« Je vous promets de faire attention dorénavant… Pour répondre à votre question, oui ça avance. Il me mange pratiquement dans la main. Il ne faudra pas longtemps avant que je puisse accéder à certains endroits normalement interdits aux humains tels que moi. Et obtenir les infos qui vous intéressent… »

 

Souriant en coin, Vladimir renchérit :

 

« C’est parfait. J’ai toute confiance en vous, Dolorès. Et je suis aussi un homme de parole. Votre récompense sera à la hauteur de ce que vous m’apporterez comme secrets. Bien. Sur ce, je vous laisse. Je ne voudrais pas que le Général ait des soupçons en cas d’absence trop prolongée. Je vous dis à la semaine prochaine pour votre prochain rapport. J’espère avoir un peu de consistance cette fois… »

 

«Je ferais de mon mieux pour accélérer les choses, soyez en certain… »

 

Vladimir sourit à nouveau, avant de se lever, puis se dirigea vers la sortie. Dolorès fit de même, peu de temps après. Avant de démarrer sa voiture, elle repensa au jour où Vladimir était venu à sa rencontre, à son bureau d’études, pour lui proposer ce deal. Elle n’aurait jamais imaginé avoir une telle opportunité. De prendre sa revanche sur la société imposée par Krysta. De devenir l’une des leurs, grâce aux travaux de Vladimir. Et s’assurer de ne jamais devenir un steak à sirène. Elle aurait la force de l’une d’entre elles, ses facultés spéciales peut-être ? En tout cas, elle n’aurait plus à subir le système de l’Empire de sa reine. Cela valait bien un cœur brisé. Quelque part, cela lui faisait un peu mal de manipuler ainsi Sacham. Mais plus important encore était sa propre sécurité. Devenue sirène, elle pourrait quitter ce pays bien plus facilement. Elle serait enfin libre…

 

Publié par Fabs

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