9 févr. 2022

TOI QUI N'EST PLUS LA... (Spécial St Valentin)

 


Cette histoire est dédiée à mon épouse Sabrina, disparue le 25 Mai 2020, d'un cancer du colon, et qui reste pour toujours dans mon coeur...


Il y a tant de choses que j’aimerais te dire, tant de baisers que j’aimerais t’offrir, tant de caresse que j’aimerais placer sur tout ton corps… Toutes ces choses qui remplissent mes pensées et que je ne peux plus faire… Car ton visage, ton corps, ta voix me sont désormais interdits à tout jamais… Je ne pourrais plus me balader avec toi comme nous le faisions avant, lors de nos virées nocturnes, sans aucun plan défini, partant au volant de ma voiture, les cheveux balayés par le vent s’engouffrant par les fenêtres grandes ouvertes, observant ton sourire qui faisait battre la chamade à mon cœur… Je ne pourrais plus me blottir contre toi, sentant ta chaleur, ta passion, ton amour tellement puissant qui m’emplissait d’une joie tellement immense… Tous ces moments qui appartiennent déjà à un passé lointain…

 

Un an… Cela fait déjà un an que nous ne partageons plus le même lit… Un an que je ne peux plus te rejoindre sous la douche, pour parcourir ton corps qui m’enivrait avec une telle intensité… Un an que je ne peux plus entendre ton rire, m’amuser de tes maladresses quand tu ne parvenais pas à réussir une recette de cuisine pour me faire une surprise à mon réveil. Surprise quelque peu gâchée par tes cris parce que tu avais ratée mon gâteau préféré… Je revois ta mine déconfite en me voyant apparaître dans l’encadrure de la porte, parfois même pleurer parce que rien ne s’était fait comme tu le voulais… Et moi, je te prenais dans mes bras, te consolant en te disant que ce n’étais pas grave. Ce n’étais qu’un gâteau. Ce qui comptait, c’était l’intention, pas le résultat… Et toi, tu me regardais alors de tes yeux où j’aimais me noyer tellement souvent, les larmes qui s’y trouvaient s’effaçant alors pour m’offrir tes doux baisers tendres…Pour moi, c’était la plus belle des pâtisseries, la plus exquise des sucreries, la plus magnifique des déclarations comme tu m’en donnais chaque jour…

 

Je t’entends encore me dire dans ces instants :

 

« Tu verras : la prochaine fois, je le réussirais ! Et je verrais ton visage se parer d’un plaisir comme nul autre »

 

Et moi de répondre :

 

« Quoi que tu fasses, mon visage sera toujours le plus radieux de tous les visages du monde… Parce que tu es là devant moi… »

 

Et tu m’embrassais alors, encore plus fougueusement que d’habitude… Avec tout le charme qui te caractérisait… Nous étions tellement heureux à cette époque… Jusqu’à cette maladie, cette horrible chose qui allait nous séparer à tout jamais, m’empêchant de te serrer à nouveau dans mes bras. Ce cancer qui rongeait notre quotidien, rendant irritable la moindre contrariété, détruisant peu à peu notre amour, à force d’affaiblissement, transformant la mémoire, la rendant disparate. Au point de ne plus savoir parfois ce qui était réel et fictif. Une période horrible où nous ne savions plus l’un et l’autre ce qu’il fallait faire. Les médecins avaient beau tenter de nous rassurer chacun de notre côté, nous savions, en voyant la pâleur de la peau, les yeux remplis de cernes dû à la fatigue, que plus rien ne serait comme avant. A cause de ce mal sournois et implacable, notre vie devenait un cauchemar…

 

Tu tentais de me rassurer malgré tout, car tu ne voulais pas que notre amour disparaisse à cause d’une détérioration du corps physique. Disant que la passion que nous éprouvions l’un pour l’autre était plus fort que tout. Y compris la maladie. Tu t’accrochais à cet espoir, mais nous voyions bien le regard des infirmières tentant de fuir le nôtre, pensant que nous ne nous apercevions de rien. Leur maladresse ne faisant qu’accroître notre tristesse car le temps nous séparant de l’inéluctable approchait à grand pas, étendant son voile invisible et meurtrier au-dessus de nous, alors que l’ombre de la mort se faisait de plus en plus distincte dans les recoins de cette chambre d’hôpital… Combien de larmes avons-nous coulés dans ces moments ? Je préfère ne pas m’en souvenir, car cela ne fait que rajouter à la mélancolie de notre brisure d’alors. Quand finalement, nos deux corps, nos deux âmes furent séparées à jamais…

 

Aujourd’hui, je parcours les couloirs de notre maison, mais je ne te vois plus y marcher. Notre chambre me parait tellement vide car je n’aperçois plus cette chaleur qui l’emplissait, je ne ressens plus ce bonheur qui était notre couple tellement parfait… Et pourtant… Pourtant, aujourd’hui, j’ai senti quelque chose de différent… Une sensation que je n’avais plus ressentie depuis 1 an… Depuis que nous ne partagions plus le même espace de vie… C’est là que je t’ai revue… Dans toute la splendeur dont j’avais gardé le moindre souvenir. Tu étais resplendissante. Tu portais cette petite robe bleue et rouge que je t’avais offerte lors du 1er de tes anniversaires que nous avions fêté ensemble. Ça semblait tellement réel que je voulais croire que ce je voyais devant moi n’était pas qu’un simple songe, un rêve impossible créé de toute pièce par mon cerveau parsemé de douleur et de souffrance. Mais ce n’étais pas un rêve… C’était bien toi… Soudain, j’ai vu que tu te dirigeais vers moi, ton visage embué de larmes, un mélange de surprise et d’un bonheur que nous pensions ne plus jamais ressentir…

 

« Killian, c’est… C’est bien toi ? Ce… Ce n’est pas un rêve ? Mais comment ? »

 

Elle m’avait parlé ! Je ressentais sa chaleur, son amour toujours intact pour moi. J’approchais alors ma main de sa joue, comme pour m’assurer de la réalité de ce que je voyais devant moi…

 

« Christina… C’est impossible… Comment… Comment peux-tu être là… ? »

 

L’instant d’après, je pouvais toucher sa peau. Elle était froide, mais son amour la transformait, pour me faire ressentir à travers tout mon être cette passion qui était la nôtre avant que le destin nous sépare. J’étais tellement heureux…

 

« Christina… Ma chérie… J’ignore par quel miracle je te retrouve, mais c’est un tel bonheur de te sentir à nouveau. De te toucher… »

 

« Killian… Moi aussi, je ne comprends pas tout…Mais quelle importance ? Tu es à nouveau près de moi…C’est tout ce qui compte… »

 

Nous nous sommes enlacés tendrement, mes lèvres se sont posées sur les siennes. J’étais à nouveau le plus heureux des hommes. J’avais retrouvé celle qui m’avait tant manqué depuis un an de tristesse totale… Mais je ne comprenais pas ce miracle… J’avais parcouru cette maison un nombre incalculable de fois, sans jamais la voir nulle part. Qu’est-ce qui avait bien pu causer cette réapparition ? Et puis, un détail se montra à mes yeux. Un détail qui me fit entrevoir la réalité à la fois de ma condition… et de la sienne… Un détail qui n’y figurait pas les jours précédents… Du sang… Il y avait du sang sur le sol…Et aussi sur la couette du lit de notre chambre où elle venait d’apparaitre soudainement à ma vue. Au début, j’ai cru que cela faisait partie du rêve… Ce rêve tellement plaisant… Et c’est là que j’ai vu la marque sur son cou… Une ligne qui traversait toute la longueur, et qui ne pouvait signifier qu’une seule chose… J’étais employé à la morgue de la ville auparavant… Avant le drame nous ayant séparés… Je savais ce qu’était cette marque… J’étais certain de ne pas me tromper…

 

Je comprenais mieux maintenant, en m’attardant un peu plus sur son apparence, ce qui, au départ, m’avait paru comme un songe irréel… La froideur de sa peau, sa pâleur… Christina… Christina était morte… Cette marque… C’était le signe caractéristique d’un égorgement… Mais pourquoi ? Qui avait bien pu faire ça ? Je comprenais pourquoi je ne la voyais pas auparavant… C’est parce que moi aussi j’étais mort… Était-ce la douleur qui avait formé ce déni en moi ? Toujours est-il que je me souvenais maintenant de ces petits détails qui m’avaient échappé jusqu’alors… Tout ce temps, je revoyais ces images de Christina à l’hôpital, ceux des docteurs et des infirmières, persuadé que c’était elle que la maladie avait atteinte. Mon esprit, sans doute en total déni avec mon état, me l’avait fait montrer alitée, malade, mourante sur ce lit… Alors qu’en réalité, le corps qui était au stade terminal, ce corps affaibli qui allait quitter la femme qu’il aimait tant… C’était moi…

 

C’était moi que le cancer avait atteint… Ce mal incurable que les médecins n’avaient pu parvenir à faire régresser, malgré des dizaines de visites, d’interventions de toute sortes, d’examens, d’IRM… Tout avait été vain : ma mort était inéluctable à ce moment, et le visage de Christina, en l’apprenant, était devenu aussi pâle que ne l’était le mien à cette annonce. Je pense que c’est à cause de ça que j’ai cru le contraire. Que c’était Christina qui était atteinte de ce mal. Tout ce temps alors, je l’avais passé dans les limbes, refusant ma mort, me persuadant que j’étais toujours en vie, et que c’était Christina qui avait quitté le monde des vivants… Je devais donc être enfermé dans une sorte de boucle temporelle, me remémorant les instants d’avant la mort, m’empêchant ou ne n’acceptant pas de voir la vérité… Ne voulant pas comprendre que j’étais passé de vie à trépas… Une sorte de vie sans fin dont chaque fin de cycle faisait revenir au début, sans que je m’en rende compte. Quand je parcourais les murs de notre maison, c’était donc en tant qu’esprit, un fantôme refusant de quitter ce lieu où j’avais vécu tant de bonheur auprès de la femme que j’aimais tant… Christina…

 

Refusant mon état inconsciemment, je ne parvenais pas à voir les vivants. C’est pourquoi je n’avais jamais vu Christina jusqu’à présent… Jusqu’à ce jour funeste où elle a finalement décidé de se donner la mort, ne supportant plus de ne plus être à mes côtés, après un an de séparation insupportable pour elle. Une année de dépression continuelle, où elle s’était écartée des autres, s’enfermant dans notre maison, son état se dégradant au fur et à mesure que sa tristesse s’accumulait, devenant méconnaissable aux yeux des rares personnes tentant de la ramener à la raison. Je voyais tout à travers ses yeux, maintenant que j’étais « connecté » à elle. Je revoyais toute la souffrance qu’elle avait supportée, la douleur de son cœur, son désespoir de ne plus me revoir. Jusqu’au jour où, n’en pouvant plus, elle avait pris un grand couteau de cuisine, s’est installée sur le rebord de son lit, et s’est tranchée la gorge, mettant fin à sa vie…

 

Voilà pourquoi je la voyais dorénavant… Parce qu’elle était devenue comme moi… Deux émotions se glissaient en moi… J’étais triste de cette souffrance qu’elle avait du supporter à cause de moi, de mon départ l’ayant mené à cet acte de désespoir… Et dans le même temps, tellement heureux d’être à nouveau à ses côtés… Heureux de sentir son corps contre le mien… Heureux de pouvoir l’embrasser tendrement sans retenue… Oui, nous étions heureux à nouveau, et dorénavant, nous pouvions quitter ce monde sans regrets, afin de vivre ensemble pour toujours, quel que soit l’endroit qui nous attendait, pour vivre notre amour et notre passion indéfiniment…

 

Publié par Fabs

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