28 févr. 2022

L'EMPIRE DE KRYSTA 4

 


 

Après l’attaque manquée du général Weiss, tout le palais est en émoi, attendant les nouvelles concernant l’état de santé de Krysta, atteinte de plusieurs balles dont l’une tout près du cœur. Si ça n’avait été que des balles classiques, le personnel médical de l’entourage de la reine n’aurait eu aucune difficulté a arrêter l’hémorragie, et quelques jours de repos après l’intervention auraient suffit pour que Krysta reprenne sa position de monarque de l’empire. Cependant, les balles utilisées par le chef de la résistance humaine étaient loin d’être aussi basiques. Elles étaient le fruit de la science de Vladimir Illioutchine, qui avait mis à contribution les informations fournies par Dolorès, par le biais des documents photographiés par elle dans les appartements de la famille royale. Et pas seulement ça…

 

Dolorès, avait également fourni la composition des pièces en détail, ainsi que les habitudes de déplacement de la reine et de son entourage au sein du palais. Des informations primordiales, ayant servies pour le plan d’attaque des lieux à  la tête pensante du Général Weiss, et accessoirement, pion principal de la Chambre des 9, dont un des représentants faisait figure d’aide de camp auprès du même général. A savoir Luna, la N°10 de l’organisation, chargée de surveiller les avancées de Vladimir concernant les sirènes et tritons : leur anatomie, leur structure cellulaire, leur résistance, leur capacité de mimétisme, leur permettant de passer du stade humain à celui de monstre avide de chair humaine. Tout ce qui pouvait permettre de créer d’autres hybrides utiles aux essais de Monster Island, dont une deuxième expérience se préparait, avec cette fois, des combattants plus expérimentés.

 

Des chasseurs de monstres réputés dans l’ombre de leur « profession », cobayes idéaux pour tester les nouvelles créatures mises au point par Vladimir, à partir des gênes d’autres monstres légendaires, dont certains fournis par Comet, la N°7 de la Chambre, et qui est aussi à la tête d’un commerce lucratif de « location » de Yokaï auprès de la pègre asiatique, telles que les Triades, son principal client. Black Hole, le N°1 de la Chambre fermant les yeux sur son activité secondaire, tant qu’elle permet à Vladimir de créer ses hybrides, afin de combattre les Spectres Noirs du ShadowEarth et les créatures que ceux-ci contrôlent. L’araignée de la première expérience avait comme base une Jorogumo, mais s’était révélée assez faible. Grâce aux données recueillies sur les sirènes et tritons, et leur association à des Yokaï plus puissants, Vladimir serait en mesure de créer d’autres monstres plus à-mêmes de résister à des ripostes comme l’avait fait les youtubeurs pour le premier essai de l’île.

 

Et surtout, les informations obtenues grâce à Dolorès avait permis au scientifique de créer des balles spéciales, capables de déstructurer l’ADN des sirènes et des tritons, en affaiblissant la vitesse de régénération de leurs cellules, et bloquant leur capacité de se transformer de manière exponentielle. En gros, ces balles, une fois dans le corps de leur cible, fondaient, libérant une substance qui s’attaquaient directement au système sanguin, et modifiaient l’ADN, tout en provoquant une forme d’anémie irréversible, pouvant conduire à l’affaiblissement, puis la mort de la personne touchée. Par mesure de précaution, en cas d’utilisation vers des cibles humaines, cette substance n’agissait que sur des ADN et du sang à la structure moléculaire inhumaine, c’est-à-dire ayant plus de 6 composants dans sa géométrie autour de l’atome central de la molécule. Pour déterminer cette différence, la substance est dotée de nanorobots capables de calculer cette différence dans les molécules du corps dans lequel ils ont été implantés.

 

C’était une arme redoutable pour les sirènes, car elle pouvait les empêcher de se transformer en leur véritable forme, et détruisait leur système immunitaire dans le même temps. La mort, à plus ou moins long terme devenait de ce fait inéluctable pour la cible, quel que soit sa capacité de résistance, et aucun médicament ou traitement n’était en mesure de contrer les effets de la substance, la MDV-38, soit Molecular Destructuration Virus. Ou Virus de Déstructuration Moléculaire. Le nombre 38 correspondant au nombre d’essais qu’il avait fallu à Vladimir pour la mettre au point, grâce à ses cobayes, généreusement fournis par le Général Weiss, au sein de son laboratoire dans la forteresse de la résistance humaine.

 

Le général Weiss n’avait pas tout compris les explications de Vladimir quand ce dernier lui en avait fait part, en dehors du fait qu’atteindre Krysta était primordial pour espérer atteindre le moral du peuple sirène, et permettre des attaques frontales groupées par la suite, face à des combattants déstabilisés par la perte de leur reine. Scylla avait pu échapper au même mal que Krysta, car la balle ayant atteint son épaule avait traversée celle-ci, et n’avait donc pas pu déverser sa substance à l’intérieur de son corps. Pour Krysta, qui avait été atteinte par 4 balles, son état de santé risquait de se détériorer de manière extrêmement rapide, du fait de l’afflux massif d’AMV-38 dans son corps. Sans compter que, ignorant la particularité de ces balles reçues par leur reine, les médecins de l’Empire étaient dépassés par le mal dont souffrait Krysta, qu’ils ne comprenaient pas. Ils avaient retiré les balles et avaient soignés les blessures, mais ne comprenaient pas que son état ne s’améliorait pas, et même s’aggravait à chaque minute qui passait. Ce qui énervait fortement Sacham, doutant des capacités de ces mêmes médecins.

 

« Bande d’incapables ! Comment vous pouvez vous prétendre médecins alors que vous n’êtes même pas foutus de soigner de simples blessures par balles ? Êtes-vous si incompétents que je doive faire appel à des humains pour soigner ma mère ? »

 

Scylla, malgré son bandage couvrant son épaule, tentait de raisonner Sacham :

 

« Calme-toi Sacham… Ils font ce qu’ils peuvent… Peut-être que la balle a atteint quelque chose qui n’a pas encore été décelé… »

 

Scylla réfléchissait un instant, avant de reprendre :

 

« Ou bien alors… Je ne m’y connais pas beaucoup en sciences, mais il y a peut-être autre chose qui empêche la guérison de la reine… »

 

Sacham, interrogatif, demandait à Scylla d’exposer ce qu’elle pensait :

 

« Autre chose ? Explique-toi Scylla… A quoi penses-tu ? Dis-moi ce que tu pourrais savoir que les meilleurs médecins de l’Empire ignorent ? »

 

N’osant parler, sans doute de peur d’être moqué par Sacham, Scylla prit son courage à deux mains, et exposa sa théorie…

 

« Eh bien… Peut-être que ces balles n’étaient pas des balles ordinaires… Peut-être y avait-il un produit à l’intérieur qui est à l’origine du mal dont souffre la reine… Un produit qui nous est inconnu, car créé par un génie scientifique de haut niveau… »

 

Sacham se mit à rire :

 

« C’est ridicule ! Si un tel produit, capable de rendre une sirène dans un tel état existait, je serais au courant… Et les médecins l’auraient déjà trouvé… Même s’ils sont particulièrement incompétents, les appareils ne mentent pas, eux. Un tel produit aurait immédiatement été révélé… »

 

« Sauf si ledit produit s’est mélangé à la structure moléculaire, et est de ce fait, indétectable… A moins d’étudier la structure ADN de la reine… »

 

A la lumière de cette révélation, le visage de Sacham s’illumina, avant de s’adresser aux médecins :

 

« Vous avez entendu ce qu’a dit votre reine ? Etudiez en profondeur l’ADN de ma mère, et trouvez s’il y a quelque chose qui cloche qui pourrait expliquer son état… Et surtout, trouvez comment y remédier… A moins que je doive vous faire remplacer par d’autres médecins plus capables, et me servir de votre corps comme plat principal pour mon dîner ? Cela fait des années que notre peuple ne s’adonne plus au cannibalisme sur des membres de notre propre espèce, depuis la création de l’Empire, mais je pourrais faire une exception pour vous… »

 

A ces mots, les médecins s’affairèrent à transporter Krysta dans une des ailes du Palais Royal, où ils pourraient faire les examens nécessaires pour faire suite à l’idée fournie par Scylla. Et bientôt, la reine fut enlevée de son lit, avant d’être positionnée sur un brancard, puis emmenée vers les laboratoires de l’aile scientifique. Sacham, l’air anxieux, les regarda partir, non sans les haranguer, pour leur donner plus de motivation :

 

« Et j’exige un rapport de votre part toutes les demi-heures, afin de me tenir au courant de vos découvertes. Bougez-vous ! C’est la vie de votre reine qui est en jeu ! »

 

Les médecins hochèrent de la tête, puis continuèrent leur chemin, à travers les couloirs du Palais. Une fois ceux-ci partis, Sacham s’adressa à Scylla :

 

« Tu ne m’avais pas dit que tu avais de telles connaissances… Je suis impressionné… »

 

Scylla rougissait, heureuse dans le même temps de voir un élément d’elle intéresser celui qu’elle aimait. Elle se disait que c’était peut-être un premier pas vers une relation plus tendre entre elle et lui, et surtout plus proche des désirs qu’elle attendait de son roi :

 

« Eh bien, disons que nous n’avons pas vraiment eu l’occasion d’en parler… Tu étais tellement distant avec moi depuis notre mariage, que je ne savais pas comment aborder certains sujets. De peur que cela ne ferait qu’accentuer ton désintérêt pour moi… »

 

Sacham afficha un air dépité, comme conscient du mal causé à Scylla :

 

« Je dois avouer que j’ai été injuste avec toi. Je n’ai jamais pris le temps de discuter de tes centres d’intérêt. Je pensais que seul ce qui concernait l’Empire avait de l’importance… Et je t’ai délaissé… J’en suis désolé… »

 

Scylla, touchée par les mots de Sacham montra un grand sourire :

 

« Non, ne sois pas désolé…Je comprends ta position, tes choix… Même si cela m’a fait du mal… S’il n’y avait pas eu la reine pour me réconforter dans ces moments-là, je ne sais pas si j’aurais supporté cette situation très longtemps… »

 

Sacham s’approcha d’elle, lui tenant le menton, fixant son regard, avant de s’adresser à elle :

 

« ça n’arrivera plus…Je veux dire que plus jamais je ne te laisserais de côté…Tu es ma reine, je n’ai pas le droit de te mettre derrière les préoccupations politiques et militaires… »

 

Avant de rajouter :

 

« Une fois que ma mère sera remise, grâce à tes indications, tu te joindras à moi pour forcer cette ordure de Général Weiss à sortir de son minable forteresse… Je lui ai lancé un ultimatum, et j’entends bien le décider à le respecter…S’il ne veut pas voir ma colère se déverser sur les villes proches de son trou à rats… »

 

Scylla, les larmes aux yeux du fait de cette déclaration, ne put s’empêcher de joindre ses bras autour du cou de Sacham, et de l’embrasser tendrement, heureuse de voir son rêve d’obtenir les sentiments de celui qu’elle aimait depuis si longtemps s’accomplir enfin. Pendant ce temps, à plusieurs kilomètres de là, le Général Weiss était parvenu à rejoindre la forteresse de la Résistance humaine. A peine arrivé, il donna des instructions à ses hommes :

 

« Tara ! Où est-elle ? Je veux que vous la cherchiez immédiatement ! Et une fois que vous l’aurez trouvé, enfermez-la dans une cellule ! Elle nous a trahis… Elle a trahi son peuple… Je ne peux pas laisser passer ça… Même si elle est ma fille, elle doit comprendre qu’elle ne peut pas faire n’importe quoi sans en subir les conséquences… »

 

Obéissant aux ordres de leur Général, plusieurs soldats se mirent à parcourir la forteresse, à la recherche de Tara. Weiss, épuisé, se rendit à son bureau, réfléchissant à ce qu’il devait faire la concernant… Il n’arrivait pas à croire que son propre sang, sa propre chair, ait pu faire une telle chose. Ce n’était pas seulement son autorité qu’elle avait bafouée. A cause d’elle, tout le plan mis au point depuis des semaines, en accord avec Vladimir, qui l’avait aidé à établir les détails, s’était transformé en échec total. Pire : il se retrouvait à devoir faire un choix pour éviter un bain de sang à des innocents parmi les civils des villes avoisinantes. Sa punition devait être exemplaire, afin de montrer qu’aucune action de ce type ne pourrait être tolérée, tant qu’il serait le chef de la Résistance… Mais il ignorait quelle sanction appliquer… Devait-il faire preuve de tolérance, simplement parce qu’elle était sa fille ? Ou alors montrer son impartialité totale ?

 

Si Vladimir avait été là, il aurait été en mesure de l’aider à prendre la décision qui s’imposait… Il savait que celui-ci était au Caire à l’heure actuelle… Il lui avait indiqué qu’il devait rencontrer un de ses supérieurs là-bas… Une certaine Pulsar… Dans le même temps, Vladimir lui avait permis de l’appeler s’il avait besoin de ses conseils avisés, en cas de doute. D’autant qu’il fallait qu’il le mette au courant de l’échec du plan. Se décidant à l’appeler, Weiss sortit son téléphone, et composa le numéro de portable du scientifique. Au bout de plusieurs sonneries, Vladimir répondit :

 

« Oui, Général Weiss ? Que puis-je pour vous ? Le plan s’est-il bien déroulé ? Et surtout, Krysta a-t-elle été touchée par une de mes balles magiques ? »

 

Weiss prit une grande inspiration, conscient que Vladimir serait sans doute déçu des informations qu’il s’apprêtait à lui faire, mais il se devait de lui indiquer ce qu’il en était, tout comme son indécision concernant sa fille…

 

« Justement, à ce sujet… ça ne s’est pas passé comme prévu… A cause de ma fille… Je ne vais pas rentrer dans les détails, car je sais votre temps précieux, mais à cause d’elle, tout a échoué…Elle a communiqué des informations à l’ennemi, et cela a mené à un désastre… J’ai perdu tous mes hommes… Malgré tout, j’ai pu atteindre Krysta, comme vous me l’aviez préconisé… »

 

« Je vois… C’est fâcheux en effet… Cependant, si Krysta a été touchée, en ce moment, l’AMV-38 est en train de la tuer à petit feu, et il ne faudra pas longtemps avant que son décès soit confirmé. Ce qui devrait complètement déstabiliser l’ennemi… »

 

« Eh bien, à ce propos, il y a un autre imprévu… Sacham… Le freluquet amoureux de Dolorès a nettement changé de mentalité… Il est devenu roi à son tour, et n’est plus du tout le même qu’avant… Sans doute dû à la disparition de Dolorès… Vu qu’il n’y a plus trace d’elle, je suppose que son rôle a été découvert…Ce qui a dû changer la position de l’ancien transi d’amour en ce qui concerne les humains… »

 

« Et a-t-il montré des signes de reprendre efficacement le flambeau, ou bien n’a-t-il en sa possession qu’un simple titre de gloire offert par sa mère ? »

 

« Je peux vous assurer qu’il est au moins aussi cruel, si ce n’est plus, que Krysta. C’est un stratège hors-pair… J’ai honte de l’avouer, mais il est très doué dans ce domaine, et son tempérament fait qu’il pourrait s’avérer encore plus dangereux que Krysta… »

 

« Voilà qui est embêtant… Du coup, la mort de Krysta ne changera rien… Il va falloir revoir nos plans… Je termine ce que j’ai à faire ici au Caire, et je tâcherais de revenir le plus vite possible pour que nous étudions cela ensemble… Y-a-t-il autre chose que vous vouliez me demander, Général Weiss ? »

 

Weiss sembla hésiter, un peu gêné de demander à Vladimir quoi faire concernant sa fille. Il hésita, puis finalement se décida à lui faire part de ses doutes :

 

« Eh bien, en fait, je me demandais si vous sauriez me guider pour ce que je dois faire concernant ma fille, Tara. Je n’ai jamais été très proche d’elle, mais elle reste ma fille. Cependant, je ne peux pas laisser impuni son acte de trahison. Pour n’importe qui d’autre, j’aurais déjà monté le peloton d’exécution. Mais ma fille… Quel père serais-je si je le faisais pour elle ? »

 

Vladimir resta silencieux un instant, donnant l’impression de réfléchir à la meilleure réponse à apporter au général. Puis, il reprit :

 

« N’étant pas père, il me serait difficile d’orienter votre choix. Néanmoins, en tant que scientifique, je peux vous dire ceci : supposons qu’un corps se retrouve avec une tumeur bénigne en lui…Afin d’éviter que celle-ci se transforme en cancer, et touche la majorité des fonctions vitales du corps, il est nécessaire de l’éliminer avant toute complication. Cela évite au corps de subir des dommages mortels pour l’ensemble des autres parties de ce qui le constitue. C’est un sacrifice nécessaire. Je pense que cette manière de penser peut s’appliquer à un usage militaire. Dites-vous que la tumeur est votre fille, et le corps l’espèce humaine, et vous aurez mon avis sur la question… »

 

Ne comprenant que trop bien les allusions de Vladimir, le général Weiss le remercia, avant de raccrocher, les larmes aux yeux… Il voulut malgré tout donner une dernière chance à Tara de justifier son acte, et appela le service carcéral, afin de savoir si sa fille avait été trouvée, et avait été conduite en cellule. Ayant eu confirmation que cela était le cas, Weiss sortit de son bureau, et se rendit là où sa fille avait été incarcéré sur ses ordres. A son arrivée, celle-ci montra immédiatement des signes belliqueux à son encontre :

 

« Comment as-tu pu oser me mettre en taule ? C’est ça l’image du père que tu veux donner ? Tu es exactement comme maman disait en fin de compte… »

 

« Je t’interdis de salir la mémoire de ta mère. Tu ignores ce que j’ai ressenti à sa mort… Et là n’est pas la question… Si je t’ai fait enfermer, c’est parce que tu t’es rendu coupable de trahison… Tu as donné des informations à l’ennemi qui ont conduit à l’échec de la mission que j’avais élaboré avec Vladimir… »

 

Tara se mit à ricaner, comme si elle s’attendait à cette réponse :

 

« Vladimir… Vous faites la paire tous les deux… Il est au moins aussi inhumain que tu l’as été avec Maman… Et tu ne m’empêcheras pas de parler d’elle… J’en ai rien à foutre de ce que tu penses de ce que j’ai fait… C’est toi qui a lancé les hostilités en tuant mon fiancé… Simplement parce que c’était un triton… »

 

« Et pour toi, pactiser avec un ennemi, c’est normal ? Si je l’ai fait exécuter, c’est parce qu’il se servait de toi pour obtenir des informations sur la sécurité de la forteresse… Il se moquait bien pas mal de ce que tu ressentais…Tu ne sais pas ce que je sais… »

 

« Ben voyons… Faut toujours que tu trouves une justification à tes actes… Et pour maman, le fait qu’elle se soit suicidée parce que tu prenais plus d’importance à t’occuper des autres plutôt qu’elle, ça te poses pas de problème de conscience ? Par moments, j’ai honte d’être ta fille, tu n’imagines pas… »

 

La colère monta alors en Weiss, à l’évocation de sa fille sur ces douloureux souvenirs :

 

« Tu dépasses les bornes… J’ai voulu te laisser une chance d’échapper à ton sort… Mais tu viens de la gâcher… Je n’aurais pas de remords à t’exécuter pour punir ton acte de trahison… »

 

Tara riait, montrant un air de soulagement à son père, qui restait impassible à son attitude à son encontre :

 

« Tu veux me tuer ? Eh ben… On peut dire que t’es pas prêt d’avoir la médaille du père idéal… Tu as beau avoir toutes tes belles décorations, tu n’en restes pas moins une ordure… Tu croyais quoi ? Que j’allais pleurnicher en m’annonçant ça ? Que j’allais te dire « Oh, non papa, ne me tue pas » ? Eh ben c’est raté… Je m’en fous complètement… Je vais te dire même, je vais être soulagée… Je verrais plus ta tronche de merde devant moi… Je n’aurais plus à pleurer devant une photo de maman, ou à sucer les queues de tes petits soldats pour pouvoir me libérer la tête en sortant là où il y a la vraie vie… »

 

Weiss, impassible, se contenta de répondre :

 

« L’exécution aura lieu demain matin à 10 heures… Si tu as une dernière volonté à demander, c’est maintenant que tu dois la dire… »

 

Tara se mit à rire de plus belle :

 

« Ma dernière volonté, je l’aurais demain à 10 heures, en n’étant plus ta fille, mais un tas de viande au sol, après avoir été tué par tes marionnettes. Celles-là même qui ignorent le connard que tu es… »

 

Retenant ses larmes, Weiss ne voulut pas répondre aux nouvelles provocations de Tara. Il se contenta de tourner les talons et de revenir vers son bureau, pendant que sa fille l’insultait de plus belle dans son dos. Ce soir-là, il ne parvint pas à dormir. Trop de questions tournaient dans sa tête. Il repensait aux paroles de Tara au sujet de sa femme. Il ne comptait plus le nombre de disputes qu’il avait eu avec elle, lui reprochant de ne pas être assez présent à leur foyer. Préférant les tentes froides des manœuvres militaires à la chaleur de son foyer. C’est Tara qui avait découvert le corps pendu de sa mère en rentrant de l’école. Elle avait 8 ans à l’époque. C’était le père d’une de ses camarades de classe qui l’avait raccompagnée, sa mère n’étant pas venu la chercher comme elle en avait l’habitude. Et pour cause. Sur le corps, il y avait un papier avec quelques mots griffonnés : « Prends-soin de Tara. Moi, je n’ai plus la force de continuer à vivre avec un fantôme ».

 

Le jour des funérailles, il n’avait pas versé de larmes, alors que Tara était en pleurs. Il avait dû la retenir, car elle voulait rejoindre sa mère, n’arrêtant pas par la suite de dire à Weiss qu’il était un méchant papa, et qu’elle le détestait. Que c’était à cause de lui que maman n’était plus là. Malgré sa jeunesse, elle avait déjà compris qu’il était responsable. Et en grandissant, leur relation n’a fait qu’empirer. Jusqu’à présent, il avait toujours fermé les yeux sur les frasques de sa fille, respectant en cela les derniers mots de son épouse décédée. Mais cette fois, il ne pouvait plus la protéger. Lui aussi n’avait plus la force de le faire. De plus, il préférait encore voir Tara tuée sur ses ordres que de l’observer se faire dévorer par Sacham sous ses yeux, sans rien pouvoir faire. Un mal nécessaire. Il se rappelait les paroles de Vladimir, pendant qu’il se donnait du courage en buvant verre sur verre. Finalement, en plein milieu de la nuit, la fatigue et l’alcool finirent par l’emporter, et il s’assoupit, la tête et les bras sur son bureau.

 

Le lendemain, il fut réveillé par ses hommes, lui annonçant que le peloton d’exécution était prêt. Et Tara était déjà attachée dessus. Il les suivit. Arrivé sur place, il s’adressa à Tara :

 

« Tu as une dernière chose à dire avant que je donne l’ordre de tirer ? »

 

Tara riait à nouveau :

 

« Ouais : fais-moi enlever ce bandeau de merde sur mes yeux. Je veux que tu voies mon regard quand la vie le quittera. Je veux que tu te souviennes toute ta vie restant de ça. De cette haine que j’ai pour toi… »

 

Soupirant, Weiss ordonna qu’on enlève le bandeau sur les yeux de sa fille. Puis il demanda aux soldats chargés de l’exécution de se mettre en joue. Il observa une dernière fois le visage ricanant de Tara, qui le défiait toujours, avec l’arrogance qui la caractérisait, puis ordonna de tirer…

 

Un long silence suivit les tirs. Weiss ordonna à ses hommes de quitter l’aire d’exécution. Voyant deux d’entre eux affairés à retirer les liens du corps sans vie de Tara, il intervint :

 

« Non ! Laissez son corps sur place jusqu’à ce soir. Je veux qu’il serve d’exemple à tout le monde ici présent. Je veux que tout soldat qui aurait l’envie de trahir notre espèce se souvienne que je serais sans pitié pour un tel acte, comme je l’ai fait avec ma propre fille. »

 

Les soldats s’exécutèrent, et laissèrent le corps attaché. Quand soudain, un autre courait vers le général Weiss pour lui annoncer une attaque massive de sirènes et de tritons envers deux villes proches. Toute la population des deux cités avait été massacrée sans pitié, ne laissant que désolation et morts par centaines derrière une armée semblant se diriger droit vers la forteresse. Ça ne pouvait signifier qu’une seule chose : Krysta était morte, et Sacham venait pour accomplir sa promesse de tout détruire avant de s’occuper de lui. Weiss ordonna à tout ses hommes de se tenir prêts à combattre l’armée de Sacham. Et quelques heures plus tard, les guetteurs annoncèrent son arrivée. Weiss se posta sur une des tours de guet, et put voir l’ampleur de cette dernière.

 

Jamais il n’avait vu un tel déploiement de sirènes et de tritons réunis au même endroit. C’était comme si le paysage tout entier avait laissé sa place pour le passage de cette armée de mort. En comparaison, Attila et les Huns n’auraient pu être considérés que comme une poussière, tellement cette armée-là dépassait tout ce qu’il avait pu voir en quantité de soldats. L’armada était arrivée aux pieds de la forteresse. Il reconnut Sacham à leur tête, qui se mit à parler par le biais d’un porte-voix :

 

« Weiss ! Vous m’entendez, je le sais ! Je suis ici comme je vous l’avais dit, si ma mère mourait. Et c’est à cause de vos petites balles magiques. J’ignore qui les a mises au point, mais je le saurais très vite, une fois que j’aurais pris d’assaut votre petit château de sable ! Et je le dévorerais lui aussi pour l’empêcher d’en fabriquer d’autres… »

 

Weiss demanda qu’on lui amène un porte-voix, à lui aussi, afin de répondre à Sacham, qui avait à ses côtés la femme qu’il pensait avoir touchée d’une balle elle aussi. Celle que Sacham désignait comme sa reine. La balle devait avoir traversé l’épaule, c’était la seule explication pour qu’elle soit encore en vie également.

 

« Celui dont vous parlez n’est pas ici ! Mais je voudrais vous adresser une requête, si vous l’acceptez… »

 

Sacham, adressant un sourire à Scylla à ses côtés, avant de regarder à nouveau vers l’endroit où se trouvait le Général Weiss, répondit à son tour :

 

« Vous me ferez toujours rire Weiss ! Avoir le culot de me demander une requête dans votre position, j’admire votre courage… Rien que pour le fun, dites toujours… »

 

Sacham, le sourire aux lèvres, alors qu’il s’apprêtait à donner le signe de l’assaut, prit le temps d’écouter Weiss qui reprit la parole :

« C’est moi que vous voulez avant tout ! Alors donnez-moi votre parole de laisser la vie à tout ceux ici présent, contre ma vie. Je me rends, et vous serez libre de me démembrer en autant de morceaux que vous voudrez ! »

 

Sacham se mit à rire immédiatement, puis répondit :

 

« C’est dommage que vous allez mourir aujourd’hui, Weiss… Dans d’autres circonstances, je vous aurais pris comme bouffon au palais. Mais là, voyez-vous, je suis un peu moins d’humeur à la plaisanterie… Mais attendez, je vais réfléchir à votre proposition… »

 

Sacham fit mine de réfléchir, mettant ses doigts sur son front, puis, les enlevant, il s’adressa à nouveau au Général Weiss, en souriant d’un air sarcastique :

 

« ça y est : j’ai réfléchi… C’est Non… »

 

Puis, levant le bras droit, et regardant ses hommes qui n’attendaient que ce geste pour passer à l’attaque, il s’apprêtait à l’abaisser quand la sonnerie d’un téléphone se mit à retentir. Comprenant qu’il s’agissait du sien, il demanda à Scylla de répondre, ce qu’elle fit, demandant ce qu’il en était. Seuls les médecins du Palais avaient son numéro. Il attendit la fin de la conversation, et fut surpris de voir des larmes couler sur les joues de sa reine… Celle-ci s’adressait à lui :

 

« Sacham…C’est… Je ne sais pas comment te dire ça… Ta mère… La reine... Elle est en vie… En tout cas, c’est ce que les médecins m’ont dit… »

 

« Si c’est une blague de leur part, je ne la trouve pas drôle du tout… J’ai vu son corps sans vie de mes yeux… Comment pourrait-elle être en vie à nouveau ? Une sirène qui ressuscite ? ça ne s’est jamais vu… Tu es sûre que c’est bien un des médecins royaux qui t’a dit ça ? »

 

Devant l’assurance de Scylla, Sacham dut se rendre à l’évidence de la probabilité que sa mère, bien qu’il ne comprît pas comment, soit revenue à la vie. Mais pour lui, cette nouvelle, bien que réjouissante, ne changeait rien à ses objectifs, qui était d’écraser la résistance humaine. Il était sur le point de donner l’ordre d’attaquer, quand Scylla, les yeux emplis à la fois de surprise et de terreur, lui montra du doigt des silhouettes semblant se placer tout autour de leur armée.

 

« Sacham…  D’où viennent  ces soldats tout autour ? Je croyais que les humains étaient tous retranchés derrière la forteresse... »

 

Sacham devait se rendre à l’évidence. Comme le disait Scylla, une masse de soldats encore plus nombreuse que leur armée les encerclaient. Mais plus encore que ce mouvement de troupe imprévu, il sentait quelque chose d’étrange émanant d’eux :

 

« Qu’est-ce que ça veut dire ? Ce ne sont pas des humains. Ce sont des sirènes. Des sirènes et des tritons. Mais ils ne sont pas des nôtres. C’est un autre clan. Ma mère ne m’a jamais parlé d’un autre clan ennemi existant. Je pensais que nous étions les seuls… »

 

Puis, s’adressant au général Weiss :

 

« Weiss ! J’ignore comment vous avez réussi ce tour de magie, mais je ne peux qu’applaudir... Je suppose que c’est le même scientifique à l’origine de vos balles anti-sirènes qui est le responsable… »

 

Bien que l’idée le dégoûtât, il ne pouvait que se résoudre à renoncer à l’assaut, au vu de ces troupes en supériorité numérique les entourant. La mort dans l’âme, il s’adressa à nouveau au général :

 

« Vous gagnez cette fois, Weiss… Vous féliciterez de ma part votre sorcier de son tour de passe-passe… Mais ce n’est que partie remise… Aujourd’hui, je me retire, mais je n’abandonne pas pour autant la guerre… Je vais réunir l’armée la plus puissante que vous ayez jamais vu, et je vous écraserais, vous et vos nouvelles recrues… Et au vu des nouvelles que je viens de recevoir, il se pourrait que vous ayez une autre surprise de taille quand je reviendrais pour vous anéantir… »

 

Juste après cette tirade, Sacham ordonna le retrait des troupes. L’armée du roi des sirènes dut repartir sans avoir pu accomplir ce pourquoi elle était venue, retournant vers leur lieu de départ, aux abords du Palais Royal. Au bout de quelques instants, elle disparut, sous les yeux du Général Weiss, observant ces alliés inattendus. Puis, il reçut un message sur son portable, lui demandant de venir dans son bureau pour avoir des réponses aux questions qu’il devait se poser en ce moment. Intrigué, il demanda à ses hommes de continuer à observer l’armée salvatrice qui avait permis d’être sauvé in extremis, avant de se rendre à son bureau. Une fois sur place, il aperçut une silhouette installée sur son fauteuil.

 

« Fermez la porte, Général Weiss. Je préfère que notre conversation soit d’ordre privée pour l’instant… »

 

Bien que sur la défensive, Weiss s’exécuta, et s’adressa ensuite à la silhouette devant lui :

 

« Qui êtes-vous ? Comment êtes-vous entrée ici ? Et surtout, qu’est-ce que vous voulez ? »

 

La voix reprit :

 

« Allons, allons, Général : est-ce ainsi qu’on s’adresse à celle qui vient de vous sauver la vie, vous et vos hommes ? Ce n’est pas très poli… »

 

Puis, la silhouette sortit de l’ombre, se révélant à la lumière, et montrant les traits d’une femme. Une femme qui lui rappelait quelqu’un qu’il connaissait malheureusement bien, et qui était la cause de la résistance…

 

« Si vous vous posez la question, et je sais que c’est le cas, oui, j’ai un certain lien de parenté avec Krysta. Et Sacham, aussi… Puisqu’il s’agit de ma fille et mon petit-fils… »

 

Eberlué par la surprise de cette révélation, Weiss parvint tout juste à bredouiller :

 

« Que… Quoi ? Vous êtes… la mère de Krysta ? Mais je croyais qu’elle était morte depuis des années… »

 

La femme s’assit sur le devant du bureau de Weiss, souriant à ces mots :

 

« Chaque chose en son temps, Général Weiss. Je vous dirais tout ce que vous devez savoir. Mais laissez-moi d’abord me présenter : Je me nomme Myrga. Reine de la Nouvelle Atlantis. Et je viens pour vous aider, vous et votre peuple, à retrouver votre liberté… »

 

Fin du 2ème Cycle

 

A suivre dans le 3ème cycle :

« Mermaid’s War-Les Enfants d’Atlantis »

 

Publié par Fabs

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