Comment ai-je pu en arriver à me retrouver dans cette situation ? Qu’est-ce qui a bien pu opérer ce changement horrible dans ma vie ? Est-ce un démon ayant décidé de se venger de l’avoir chassé d’une des nombreuses maisons que j’ai été chargé d’assainir, dans le cadre de mon métier ? Ou bien suis-je maudit par mes ascendants, une vie antérieure peut-être, un lien avec une autre dimension, peuplée de créatures m’ayant choisi comme cible, comme pantin, pour leurs actes odieux ? Toutes ces morts autour de moi, formant un cercle de sang ne sont-elles rien d’autre que les conséquences d’une destinée qui m’échappe ? Je suis horrifié rien que de penser à l’état dans lequel j’ai trouvé ma tendre Milla, dépecé comme on le fait d’un animal destiné à remplir les assiettes d’un restaurant. Eventrée, vidée de ses organes, comme le résultat d’une attaque sauvage d’une bête ne voyant en les humains que des proies pour un jeu macabre, dénué de tout sens, par pur plaisir d’ôter la vie…
Une mort qui m’a rendu dans un état proche de la catatonie, car succédant à celles de mes parents, de ma sœur, de mon meilleur ami, et tant d’autres qui n’ont pour seul tort que d’avoir fait partie de mon entourage. Tous selon le même modus operandi, le même procédé. Profitant que les victimes soient seules chez elles, et ayant fait l’erreur d’ouvrir à leur futur bourreau. Mais ce n’est pas le pire… Car j’ai assisté à distance à ces morts, de manière anticipée. Voyant leur calvaire, comme à travers les yeux du tueur… Comme si j’étais sur place, ne pouvant faire autrement qu’observer leurs corps se faire réduire à l’état de charpie, horriblement mutilé. Des morts que je voyais parfois plusieurs jours à l’avance, s’affichant dans ma tête. Des rêves prémonitoires à l’issue funeste…
Au début, je pensais qu’il s’agissait de visions de personnes inconnues. La pénombre m’empêchant de voir distinctement de qui il s’agissait lors des séquences de meurtre. Tout juste voyais-je une silhouette s’agitant frénétiquement à chaque coup de lame, ou après avoir reçu un choc résultant du fracassement d’un objet contendant sur leur crâne… En revanche, je voyais très bien la couleur du sang coulant sur le sol, les bras et les jambes inertes aux plaies béantes maculant les tapis, les draps de lit, ou le plancher où ils se trouvaient… Ce n’est que plus tard que les visions ont été plus distinctes. Plus les meurtres s’accumulaient, plus je discernais mieux les visages, peu à peu. Et le lendemain, voire quelques jours plus tard, j’apprenais que le meurtre avait bel et bien eu lieu. J’ai mis du temps à faire le lien entre ce que je voyais et les différentes morts. D’ailleurs, certaines d’entre elles, par leur lieu, l’identité de la victime, n’ont pas encore été découvertes. Je pense qu’au départ, l’entité responsable, ou que je suppose l’être, celle qui m’a envoyé ces flashs pour me prévenir de ces actes futurs, s’en est pris à des inconnus. Comme pour procéder à des tests, histoire de voir si je recevais bien ses « messages ».
Des phases d’essai en quelque sorte. Et comme je reçois souvent ce type de visions, à cause de mes liens avec la police, du fait du toucher des objets me liant directement avec des responsables de meurtres divers, allant du petit délinquant ayant agressé une vieille dame pour la voler, jusqu’à des assassinats plus prononcés, comme des règlements de comptes entre membres de gangs mafieux, ou encore un neveu ayant tué sa tante pour toucher l’héritage, je pensais qu’il s’agissait de réminiscences de visions précédentes. Des détails dus à des enquêtes résolues, sur des corps non encore découverts, malgré les aveux détaillés des meurtriers incarcérés grâce à moi. Mais peut-être vous demandez-vous quel est ce « métier » particulier qui est le mien ? Bien que je pense que certains d’entre vous doivent en avoir une vague idée au vu de mes descriptions. Je suis un médium. Une de ces personnes qui peuvent « voir » le passé ou le futur selon les cas, rien qu’en étant en contact avec des objets retrouvés sur de lieux de crimes, ou des maisons dites hantées. Je ne faisais pas ça pour l’argent au départ. Mais à force de recevoir des compensations financières de la part des forces de police, pour me récompenser de les avoir aidés dans la résolution de cas insolubles pour eux ; ou bien encore de familles que j’ai pu sauver de la présence d’êtres belliqueux au sein de leur demeure, j’ai été amené, en suivant les conseils de l’inspecteur Mallory, de monnayer mes services, afin de m’apporter plus de confort dans ma vie de tous les jours.
A dire la vérité, je ne suis pas le premier à bénéficier de ce don dans ma famille. Mon arrière-grand-père était un médium reconnu, qui, lui aussi, aidait souvent les forces de l’ordre dans leurs enquêtes. Grâce à lui, des dizaines d’affaires ont pu être résolues, faisant de lui le centre d’un engouement médiatique de grande importance. Je n’ai connu ses exploits que tardivement, par l’intermédiaire de coupures de journaux, ou d’articles sur le Net. Mes parents ont toujours tenté d’être discret sur ça. Comme s’ils avaient honte des pouvoirs de mon arrière-grand-père. Comme si ce qu’il faisait leur semblait n’être plus qu’une gêne pour leur vie qu’une bénédiction. Il faut dire qu’à la mort de ce dernier, beaucoup de membres de ma famille ont été sollicités par les médias, ceux-ci se demandant si d’autres que lui possédaient les mêmes dons. Fouinant dans leur passé, les harcelant pour obtenir des interviews exclusives, espérant obtenir un « scoop » concernant d’autres médiums au sein de notre famille. Une période qui a été mal vécu par mes parents et mes grands-parents avant eux. Passant leur temps à déménager pour échapper à ces chasseurs de phénomènes vivants, qui ne tenaient pas compte des refus et du désir de tranquillité de leurs cibles permanentes.
Il a fallu des années avant que cette vague d’intérêt pour notre famille cesse, prodiguant un souffle d’apaisement. Alors quand mes visions ont commencé, et que j’en ai parlé à mes parents, ceux-ci ont tout fait pour que la nouvelle de mes pouvoirs naissants ne soient pas connus des médias. Craignant trop de subir à nouveau l’engouement des journaux et qui pourrait leur valoir de subir à nouveau le siège de paparazzi en mal de scoop autour de notre maison, et que cela se répercute aussi sur ma sœur, déjà fragile psychologiquement, qui pourrait être la cible elle aussi de journalistes peu à même de se rendre compte du mal fait par leur empressement à faire connaitre la résurgence de ce don au sein de notre famille. Cependant, en grandissant, mes visions se sont amplifiées. Je « voyais » des choses que je ne m’expliquais pas, en me déplaçant dans des maisons abandonnées, pour donner suite à des expéditions orchestrées par mes amis, désireux de se faire de petites frayeurs, et m’embarquant dans leurs équipées. Certains d’entre eux étaient au courant que j’étais « bizarre », ayant fait part de la présence de formes fantomatiques dans les couloirs de notre école, ou ayant eu des « flashs » subis après avoir touché un objet appartenant à une personne disparue, ou du moins ne donnant plus signe de vie.
Souvent, il s’agissait juste de fugues, mais rien qu’en touchant un objet personnel de la sœur d’un camarade, que ce soit un vêtement, un pendentif, un bracelet ou bien un serre-tête, je pouvais dire dans quel endroit elle se trouvait. Parce que je « voyais » à travers elle les lieux, les objets, le paysage alentour. Un don qui m’effrayait au départ, ne comprenant pas le pourquoi de ces visions, et la présence de ces êtres dans des endroits aussi divers que le grenier de l’oncle d’un élève de ma classe, la cabane située au sein d’une forêt aux abords de la ville, et même au sein de ma propre maison. C’est d’ailleurs à l’un d’entre eux que je dois de m’être familiarisé avec ce don. Celui de mon arrière-grand-père dont je vous ai parlé précédemment, Stuart. J’ai d’abord été terrorisé quand celui-ci a commencé à s’adresser à moi, dans ma chambre, me faisant crier à chaque apparition, déclenchant l’arrivée de ma mère, qui me rassurait, m’indiquant que ce n’était qu’un cauchemar. Je savais bien que c’était faux, vu que j’avais les yeux parfaitement ouverts lors de ces moments. Mais malgré tout, ses mots, sa présence m’apaisait. Appelez-ça l’habitude, mais j’ai fini par accepter les visites régulières de Stuart, et j’ai commencé à avoir une relation de dialogue avec lui.
Il m’a tout expliqué sur mon don, que lui-même avait à mon âge. Il m’a expliqué que, comme moi, au départ, son don le terrorisait, mais qu’il avait appris à se familiariser avec lui, et à s’en servir pour faire le bien autour de lui. C’est ainsi que j’ai commencé à utiliser ma faculté pour les autres de manière intensive, à l’insu de mes parents qui n’auraient pas compris mon désir de me servir de mon don à bon escient. En tout cas dans les débuts. Bientôt, à force de révélations et de partage de mes pouvoirs sur les réseaux sociaux par des camarades indélicats, ayant fait fi de mes demandes de ne pas parler de ça à n’importe qui, j’ai fini par acquérir une solide réputation, et nombre de personnes sont venus à moi dans l’espoir que je les aide. J’avais 16 ans à l’époque, et je devenais peu à peu une star involontaire des médias, ceux-ci étant trop heureux de faire la relation avec mon arrière-grand-père quant à l’origine de mon don. C’est à peu près au même moment que j’ai fait la connaissance de l’inspecteur Mallory…
Allant contre l’avis de ses supérieurs, du fait de mon jeune âge, il m’a fait venir sur une scène de crime. Je vous rassure : le corps avait été enlevé à mon arrivée, déjà emporté par le coroner. Néanmoins, il restait les traces de sang sur le sol, et surtout quelques objets au sein de la maison, susceptibles d’avoir été touchés par la victime, et pouvant m’aider à déterminer ce qui s’était passé, ou du moins d’apporter des indices à l’enquête sur l’identité du tueur. C’est aussi là que j’ai pu découvrir que mon don pouvait se déclencher rien qu’en touchant les murs, provoquant des vagues de flashs plus importants que sur les objets. Et là, en revanche, malgré les précautions prises par l’inspecteur Mallory de m’éviter de voir un corps, mes visions me faisait tout voir en détail. Cela me faisait peur, et mon visage le montrait clairement. Mais l’inspecteur Mallory avait les mots pour m’aider à tenir le choc de ces visions, m’emmenant à part pour en parler, et me demander ce que je voyais. Il avait un don lui aussi. Celui de parvenir à me sentir bien, malgré ce que je voyais. C’est à lui que je dois de m’être apprivoisé avec des scènes horribles, des morts en décomposition, des séquences de « meurtres en direct » que me procurait mes visions.
Grâce à lui, j’ai acquis des compétences d’acclimatation de mon don que je ne me serais jamais cru capable. Il a subi régulièrement les foudres de ses supérieurs à cause du fait d’utiliser mes capacités. Et surtout sur le fait que j’étais mineur. Mais il n’en a jamais tenu compte. Se servant de ses blâmes et ses phases de « repos obligatoire », en sanction de son instinct rebelle vis-à-vis de son entêtement à se servir de moi dans la résolution d’enquêtes policières qui ne convenait pas à un mineur tel que moi, pour me faire évoluer dans la maitrise de mon don, et ma faculté à l’adapter aux situations. Il était un peu comme mon mentor dans ce sens. Et quand j’ai atteint l’âge de 18 ans, et que plus rien ne pouvait l’empêcher de m’employer, il s’est battu pour me faire reconnaitre comme membre officiel du département de police, en tant que « conseiller ». Dans le même temps, il m’a aidé à me familiariser avec les médias, m’a fait ouvrir mon site web, et développé ce qu’il appelait mon « commerce ». Il ne voulait aucune somme là-dessus, me répétant sans cesse que son aide n’était qu’une forme d’amitié, et que tout l’argent reçu m’était dû à moi seul. Car c’est moi qui faisais tout, et que lui n’était qu’un intermédiaire.
Avec le temps, Mallory est devenu en quelque sorte mon agent, mon partenaire et surtout un véritable ami. En plus des enquêtes officielles policières, j’acceptais des demandes d’assainissement de maisons, de dialogues avec les esprits de membres disparus, toujours présents dans des lieux divers, parvenant même à acquérir, toujours grâce à Mallory, une compétence de négociateur. Je convainquais certains esprits à rejoindre la lumière comme on dit, et à chasser les esprits indésirables. Mallory m’ayant mis en contact avec d’autres médiums, qui m’ont permis de m’habituer avec certaines techniques de mon don que j’avais du mal à contrôler. Et j’en arrive à la période que je vous ai évoqué au début de ce récit. Celle où j’ai commencé à voir des meurtres qui n’avaient pas encore eu lieu, mais qui se sont révélés véritables par la suite, et touchant des membres proches de mon entourage. Des visions terribles où je revivais tout, me procurant des réveils en sursaut en pleine nuit, terrorisé par l’expérience vécu. Je ne saurais dire pourquoi, mais j’avais l’impression de ne plus être maitre de mon corps et de mes pensées. J’en ai discuté avec Mallory et aussi mon arrière-grand-père, dont l’esprit m’apparaissait toujours, me suivant où que j’aille.
J’ai parlé de ce dernier à Mallory, et je jouais parfois les intermédiaires entre lui et Stuart, pour des conversations se tenant à l’écart de tout public, pour des raisons que vous pouvez comprendre, et évitant à Mallory de passer pour un fou aux yeux de ses collègues. Le sujet était surtout centré sur ses fameuses visions mortelles dont on ne trouvait pas de corps, car elles étaient encore très floues concernant les lieux et d’autres détails qui auraient pu aiguiller Mallory. J’ignorais à ce moment que ces visions étaient prémonitoires, et qu’au moment où je les voyais, elles ne s’étaient pas encore déroulées. Quand j’ai compris ce fait, mon angoisse n’a fait que s’accentuer. C’est à la mort de mes parents que j’ai pu comprendre que ces visions m’annonçaient les futures morts que je voyais. 2 jours avant qu’on retrouve ceux-ci, au sein de leur maison que j’avais quitté plusieurs années auparavant, après m’être assuré qu’ils ne soient pas embêtés par les médias, j’ai fait ce rêve terrifiant où je voyais à travers les yeux du tueur. Des mains gantées de noir, porteuses d’un couteau de survie, telles qu’en ont les aventuriers. Je voyais toute la sauvagerie dont ils avaient été les victimes, leur corps massacrés, éviscérés, leurs têtes explosées contre le sol avec une force monstrueuse.
Comme je vous l’ai énoncé auparavant dans ce récit, je ne savais pas qu’il s’agissait de mes parents au début. J’ai parlé de ma vision à Mallory. Mais, comme les précédentes visions sanglantes, et n’ayant aucune correspondance avec des enquêtes en cours, ou des morts retrouvés, au vu du peu de clarté des visions, allant à l’encontre de mes flashs habituels, ce dernier n’a pu trouver la moindre trace de ce que je lui avais détaillé. Sur le coup, Mallory a pensé que j’avais peut-être besoin de me reposer, que c’était peut-être le signe que mon cerveau et mon don avait sans doute été trop sollicités ces derniers temps. Du coup, j’ai fait comme il m’a dit, et j’ai suspendu momentanément mes activités. Mais quand Mallory est venu chez moi pour m’avertir qu’on avait trouvé le corps de mes parents dans un état à peine descriptible au sein de leur maison, j’ai commencé à prendre peur sur le pourquoi de ces visions. Tel que me le décrivait Mallory, sur l’état de leur corps, et la manière dont avaient été étalé leurs organes, l’écrasement de leur tête, il était évident que cela était identique à la vision que j’avais eu de ces personnes tuées dans ce que je pensais n’être qu’un mauvais rêve, dû à l’accumulation de cadavres vues lors des enquêtes avec Mallory.
Stuart était incapable de m’expliquer, lui non plus, ce fait, n’ayant jamais eu de visions de ce type. Du moins, c’est ce qu’il m’avait prétendu. Ce qui m’inquiétait encore plus. J’avais clairement « vu » le meurtre de mes propres parents. Je ne pouvais pas l’expliquer, mais j’avais assisté, 2 jours avant qu’il ne soit effectif, à leur mort par un tueur inconnu. A partir de là, j’en concluait que les morts vues en visions auparavant devaient être du même ordre, et que des corps devaient se trouver quelque part, cachés peut-être dans des endroits improbables. Raison pour laquelle ils n’avaient pas encore été découverts. Mes visions de ces meurtres étant trop plongés dans l’obscurité pour pouvoir déceler leur position exacte, et surtout, je ne voyais que la partie du meurtre, pas ce qui se passait ensuite. Donc, si le tueur cachait ou enterrait les corps, je ne pouvais pas le voir. Mais alors, pourquoi avait-il permis qu’on découvre ceux de mes parents ? Était-ce un message qui m’était directement adressé ? Venait-il d’une entité dont j’avais perturbé l’activité et qui voyait dans cela un moyen de me dire d’arrêter d’utiliser mon don ? Je me posais des centaines de questions, et ce n’était que le début du cauchemar…
Les meurtres de ce type, touchant mes proches, continuèrent. Ma sœur fut la suivante, puis des amis, des voisins, des personnes que je connaissais, de près ou de loin. A chaque meurtre, les visions se faisaient plus précises. Et j’avais beau demander une protection pour eux à Mallory après chaque vision, il ne pouvait rien faire. Ses supérieurs refusaient de se fier à des visions pour protéger des personnes sans plus de détails concernant ces menaces. Même après plusieurs cas du même ordre, même après avoir eu confirmation du lien entre mes visions et les morts, Mallory était face à un mur. A deux reprises, il a suivi mes consignes malgré tout, sans en avertir ses supérieurs, et s’est installé devant les portes des victimes désignées par mes visions, mais ça s’est soldé par un échec cuisant. Ces dernières furent retrouvées, exactement selon le détail de mes visions, dans un état de mutilation effroyable. Et Mallory n’avait pu que constater leur mort, qui s’était opéré dès sa surveillance abandonnée, parfois après plusieurs jours. C’était comme si l’entité attendait ce désistement de la part de Mallory pour effectuer sa besogne prévue et annoncée au travers de ces flash me submergeant.
Dans le même temps, avant que tout cette vague commence, j’avais fait la connaissance de Milla, lors d’un assainissement de maison. Elle était la fille d’une famille que j’avais débarrassé de l’entité menaçant leur demeure. A l’issue de ça, on a très vite sympathisé, et à force de rendez-vous, de dîners et autres sorties, notre relation est devenue très intime. Milla venait très souvent à la maison, et sa présence m’a été très réconfortante durant cette période où les visions de meurtres prémonitoires ont débuté. Et paradoxalement, elle fut celle qui me permit de découvrir qui était la cause de toute cette vague de violence me concernant, et dont elle allait être, elle aussi, la victime. Je ne pourrais jamais oublier ce jour, ou plutôt cette nuit où j’ai découvert son corps gisant au sol, mutilé de la même façon, au sein de son appartement, situé à quelques pâtés de maison du mien. Appelez-ça un pressentiment, mais le soir où elle fut tuée, j’ai ressenti comme une sorte de choc mental, une forme d’onde parsemant tout l’intérieur de mon crâne, juste avant que je m’effondre sur mon lit. Par la suite, j’ai découvert que j’ai subi cette sensation avant chaque meurtre effectif, faisant suite aux visions prémonitoires. Mais jusqu’à présent, je ne m’en étais pas souvenu…
Peut-être est-ce dû aux sentiments éprouvés envers Milla qui a déclenché ce réveil, je ne saurais le dire, mais les cris de cette dernière, au sein de son appartement, m’ont fait découvrir un autre aspect de mes pouvoirs que je ne soupçonnais pas. De tous, le meurtre de Milla a été celui qui a été le plus distinct dans mes visions, et c’est le jour de sa fin que je me suis rendu compte que les mains funestes étant la cause de tout étaient… les miennes. C’était moi qui étais le responsable de toutes ces morts, expliquant pourquoi il n’y avait pas d’effraction de leurs demeures. Toutes les victimes, me reconnaissant, m’avaient fait entrer librement, sans penser que je venais pour les tuer. En gros, après ce choc me submergeant et me faisant tomber dans l’inconscience, je tombais dans un état de transe, et pourchassais les personnes dont j’avais « vu » la mort en vision auparavant. C’était comme si j’avais visualisé mes propres actes à venir. Et à l’heure où j’écris ces lignes, qui est ma confession, j’en ai eu la preuve. La terreur de Milla a opéré à une sorte de réveil à ma condition, comme je vous l’ai indiqué, mais cela s’est fait trop tard. Le réveil s’est effectué au moment où son corps mutilé était étalé sur le sol, maculant de sang murs et meubles, et où le reste de sa tête écrasée contre le plancher, ce qui restait de son regard, semblait me donner un air accusateur.
Est-ce que c’est vraiment la vision de Milla horriblement tuée, se trouvant devant moi, qui a occasionné de découvrir que j’étais l’auteur de tous ces meurtres ? Ou bien est-ce le fait d’une entité s’étant insinué en moi qui a décidé de me laisser à mon destin, satisfaite de s’être vengée de moi en me faisant procéder à cette série sanglante ? Je ne saurais le dire. Toujours est-il que j’ai reconnu mes mains gantées en constatant la mort de Milla. J’ai reconnu la lame responsable de ces corps mutilés de si horrible façon. J’étais ce meurtrier insaisissable dont je cherchais à connaitre l’identité, et dont je ne comprenais pas la raison de l’acharnement envers mes proches. Je ne sais toujours pas à quoi est dû ce changement en moi… S’il est le résultat d’un esprit ou si j’avais cet instinct meurtrier en moi dès ma naissance, et ne sachant pas ce qui lui avait dicté de passer aux actes sanglants dont mes rêves semblaient se montrer clairement comme des avertissements inconscients des futurs crimes. J’étais terrorisé de découvrir cette nature en moi. Terrorisé à l’idée qu’après Milla, j’allais peut-être me rendre coupable d’autres meurtres tout aussi monstrueux et effroyables.
Je m’enfuyais, sortant de l’immeuble où Milla avait trouvé la mort par mes mains, parcourant les rues, les larmes aux yeux, avant de rentrer chez moi. A l’heure où vous lirez ces lignes, j’aurais mis fin à cette vague de folie, afin d’éviter de recommencer. Peut-être qu’à l’heure qu’il est, je suis enfermé dans un endroit où est ma vraie place, parmi les fous, après que Mallory ait inévitablement lu ma confession écrite sur mon ordinateur. Après que je lui ai adressé un message sur son portable, comme je vais le faire après avoir fini d’écrire mon récit. Entretemps, je me serais assuré de ne plus recommencer en éliminant la cause de ces morts. Ces yeux qui sont la cause de tout. De mon pouvoir de divination, de cette possibilité de « voir » mes futurs meurtres, de ma folie. C’est à cause de ce don que tout a commencé, et c’est en détruisant mes yeux que j’arrêterais tout. J’ai déjà préparé la lame qui permettra cela. Cette même lame qui a massacré tant de victimes innocentes, que je cachais, tout comme ma tenue de tueur, dans un carton, soigneusement caché au sein de mon dressing. Ma transe me faisait le cacher et le ressortir après chaque plongée dans l’inconscient, ne me laissant aucun souvenir de ce que j’avais fait.
Cette lame, après avoir causé tant de morts innocentes, va être l’outil purificateur de mon moi meurtrier. Après avoir écrit ces dernières lignes, je me crèverais les yeux avec, attendant la venue de Mallory, qui pourra enfin mettre un nom sur ce meurtrier implacable et introuvable… Je ne pourrais jamais réparer les torts que j’ai fait, et mon nom va salir à jamais les membres restants de ma famille. Je ne m’explique pas non plus que le fantôme de Stuart, mon arrière-grand-père n’ait pas vu ce que je faisais, et n’ai pas cherché à m’arrêter ou tenter de m’expliquer ce que j’étais vraiment. Peut-être était-il complice lui aussi de ce mal en moi ? Peut-être lui aussi était comme moi ? Je n’ai pas eu de détail sur l’arrêt de Stuart de ses activités, qui a cessé d’un coup, sans explication, tout ce qu’il faisait grâce à son don. A bien y réfléchir, je me dis qu’il a dû subir la même chose. Lui aussi a dû s’apercevoir de ce qu’entrainait ce don. Et s’il ne m’a pas averti au départ, c’est peut-être qu’il pensait que je serais épargné. Cela faisait plusieurs semaines qu’il ne m’apparaissait plus. Je pense qu’il a dû voir que j’avais succombé moi aussi au mal, et il n’a pas supporté de me voir plonger plus avant dans la folie qu’il avait lui-même contracté du temps de son vivant.
Peut-être même que les autres membres de ma famille ont découvert eux aussi les actes de Stuart à son époque, et c’est la raison pour laquelle ils ont tout fait pour éloigner leur nom de la part des médias. De peur qu’un jour la vérité soit faite sur ce mal insidieux et sanguinaire. Ce n’est pas un don finalement : c’est une malédiction. Sous ses atours pouvant donner l’illusion d’offrir le bien autour de soi, elle ne fait que développer un monstre, sans doute alimenté par les auras des différentes entités chassées des maison et l’utilisation même du pouvoir de divination. Une arme à double tranchant dont je venais de découvrir le secret sanglant. J’espère juste, grâce aux révélations que je viens de faire, que le prochain de ma famille à acquérir ce don aura l’instinct de mettre fin à ses jours dès lors qu’il constatera ses pouvoirs. Avant qu’il soit trop tard, et qu’il devienne, lui aussi, une marionnette d’un mal caché dans l’ombre, et nous manipulant à notre insu, faisant de nous des meurtriers… Je vous laisse à présent réfléchir. Si vous aussi vous développez un don, posez vous la question s’il est vraiment ce qu’il semble être, et qu’il n’a pas un pendant maléfique, ne demandant qu’à sortir au moment où vous y attendrez le moins, et dont le seul objectif véritable est d’annihiler toute vie…
Publié par Fabs
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire