Ma chère maman. J’espère que tu vas bien là où tu es. Que les hommes en blanc ne sont pas trop durs avec toi. Je sais que parfois, dans ces établissements, ils peuvent ne pas être très tendres quand ils doivent s’occuper de personnes qu’on leur assignées sans prévenir. Surtout quand il s’agit de meurtriers ayant défrayés la chronique comme on dit. En même temps, on ne peut pas les blâmer d’être obligé de prendre des précautions pour s’occuper de toi, je peux les comprendre. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut découvrir qu’une femme aimé de toute une ville, par ses actions, sa générosité, sa bienveillance envers les autres se révèle être en réalité une tueuse sanguinaire, coupable de 12 meurtres tous aussi horribles les uns que les autres, dont les cadavres ont été retrouvés dans un état horrible dans son jardin. Des tombes de fortune où des parterres de roses poussaient dessus pour masquer le macabre secret dessous.
Et même avec la chaux vive dessus, même avec toutes sortes d’acides versés sur les corps pour faire comme dans les films, il en restait malgré tout des morceaux suffisamment identifiables pour découvrir de qui il s’agissait. La faute aux progrès de la police scientifique. Si les avancées de celle-ci concernant l’ADN n’avaient pas été aussi poussées, jamais ils n’auraient pu savoir qui était qui dans ce cimetière personnel qui se trouvait derrière notre maison. Et jamais je n’aurais été séparé de toi à cause de ça. Après tout, à mes yeux, tu n’as rien fait de mal. Toutes ces personnes avaient été méchantes avec moi. Elles se moquaient de moi parce que je n’étais pas aussi intelligent qu’elles. Parce que je ne comprenais pas les choses aussi bien qu’elles. C’est comment qu’on appelle ça déjà ? Ah, oui, l’autisme. C’est bien le mot qui me désigne, je ne me trompe pas ? C’est le docteur Frawley qui l’avait décelé, alors que je n’avais que 5 ans, de ce que tu m’avais dit quand j’ai été en âge de comprendre. Même si la communication a été compliqué, étant souvent soumis à des « absences » assez conséquentes, étant enfermé dans le monde que je m’étais créé sans trop savoir comment.
Le docteur Frawley et toi vous m’avez souvent demandé comment je percevais les choses là-bas, ce qu’il y avait, les paysages, les animaux, les plantes, et même s’il y avait des gens. Mais la vérité, c’était que quand je me trouvais dans ce monde à moi, j’étais dans ce que le Docteur Frawley appelait une « transe ». Et je ne me rappelais pas ce que je faisais dans ces moments-là. J’étais incapable de dire ce qui s’y trouvait, les gens que j’y rencontrais, l’air que j’y respirais. Tout ce qui faisait que je m’évadais régulièrement à l’intérieur à chaque fois que j’avais été la victime de méchancetés. Que ce soient mes camarades au début, dans cette école où tu voulais absolument que je sois, alors que le docteur Frawley te l’avais déconseillé. Ou dans ce centre spécialisé, où d’autres comme moi se trouvaient. Mais même là, je n’étais pas en sécurité, comme tu as pu t’en rendre compte en découvrant ces traces sur mon dos, et sur mes bras. Des traces de griffures profondes, certaines semblaient même cacher d’autres blessures, comme des morsures. Tu n’as jamais pu établir si c’étaient les autres enfants comme moi qui en étaient la cause, ou les infirmiers, les docteurs chargés de s’occuper de moi.
Le docteur Frawley a été le premier choqué en apprenant ce que j’avais subi. C’est peu après que les premiers meurtres ont commencé. Il y a d’abord eu cet imbécile de Mike comme tu l’appelais. Celui qui prenais plaisir à se moquer de moi, à me traiter de « gogol », même en cours, parce que je demandais souvent aux professeurs de répéter des phrases que je ne comprenais pas bien. En dehors de la classe, il me faisait même tomber sur le campus, s’arrangeant de le faire là où le sentier était parsemé de cailloux pointus, ce qui me déclenchait de fortes douleurs, et des écorchures par dizaines. Comme j’avais peur de lui, au début, je te disais que c’était moi qui étais tombé tout seul. Je craignais trop que si je disais que c’était lui le responsable, il se venge de manière encore plus violente envers moi. Mais au bout d’un moment, tu n’as plus cru à mes mensonges, et tu t’es cachée près de l’école, après la fin des cours, afin d’observer ma sortie.
Et ce jour-là, c’était la fois où Mike et sa bande avait franchi un nouveau cap de violences envers moi. Tu les as vu m’emmener vers le parc, juste à côté. Tu as vu les filles qui se retenaient de rire. Mike était tout sourire lui aussi. Je t’ai expliqué par la suite qu’il m’avait dit qu’il voulait s’excuser de toutes les vilaines choses qu’il m’avait faites, et qu’il voulait m’offrir un cadeau. Mais que pour ça, il fallait que je le suive dans le parc, là où il se trouvait. Et c’est là que tu as vu Mike et les autres m’attacher à un arbre, après m’avoir mis une petite culotte de Cynthia dans la bouche. Mike avait remarqué que je la regardais souvent. Cynthia, c’était sa petite amie. Et apparemment, il n’aimait pas que je la regarde. Alors, il m’a fait croire à ce « cadeau ». Au vu de ma naïveté, ça ne lui a pas été très difficile de croire à son mensonge. Et c’est comme ça que je me suis retrouvé ficelé comme un saucisson sur cet arbre. C’est Cynthia elle-même qui m’a mis le « présent » dans ma bouche. Elle m’a dit que comme ça, j’aurais un souvenir d’elle. Et après, les autres ont baissé mon pantalon. Mike a dit que pour remercier Cynthia de son cadeau, il fallait que je fasse de même. En lui offrant moi aussi un beau cadeau. Et ils m’ont enlevé aussi mon caleçon, exposant mon sexe à la vue de toutes les autres filles qui étaient présentes avec Cynthia et Mike.
Elles ont toutes rigolé, parce que j’avais un « grain de riz ». C’est le nom qu’elles ont utilisé pour désigner mon entrejambe. J’ai pleuré à ce moment. Je ne comprenais pas pourquoi Cynthia faisait ça. Moi qui croyais qu’elle m’aimait bien. Chaque fois que je la regardais en classe, elle me voyait, et elle me souriait. En fait, elle se moquait déjà de moi à ce moment. C’est sûrement elle qui a du parler à Mike de faire ça. Quand tu es arrivée, découvrant le sort que le groupe m’avait fait, tu as criée très fort, les insultant, leur disant qu’ils payeraient cher ce qu’ils avaient fait. Mike et les autres ont rigolé à nouveau, et ils se sont enfuis, te laissant me détacher et sécher mes larmes. C’est après ça que tu m’as fait enlever de l’école et que tu as vu avec le Docteur Frawley pour me faire accepter au sein de cet institut spécialisé, pensant que c’était la meilleure solution pour moi. Par la suite, tu m’as expliqué que Mike et Cynthia avaient été renvoyé de l’école pour ce qu’ils m’avaient fait. Les autres ont écopé de renvoi temporaire, vu qu’ils n’étaient que des « acteurs passifs » sur les actes de Mike et Cynthia. Mais ils n’ont pas apprécié leur punition, comme tu allais t’en rendre compte par la suite.
Une semaine après, alors que j’étais déjà à l’institut, notre maison s’est vu gratifié d’inscriptions méchantes sur toi et moi sur les murs, avec des bombes de peintures. Les pneus de la voiture ont été crevés, et il y avait même des excréments humains devant la porte d’entrée. Tu n’as pas pu prouver leur culpabilité sur ça, parce que ça s’était fait en pleine nuit, sans témoin. Sans preuve, aucune possibilité de les trainer en justice. Et tu as vu Mike et Cynthia, accompagnés de leur petit groupe ricaner aux abords de la maison de manière régulière, comme pour te narguer. Ça a été le déclencheur de cette folie meurtrière. 3 jours plus tard, la police constatait la disparition de Mike. Ses parents s’inquiétant de ne plus avoir de nouvelles de lui. Cynthia non plus. Elle t’a accusé d’être à l’origine de ça, ce que tu as bien sûr nié, rétorquant qu’elle n'avait pas de preuves. Des traces de sang ont été trouvé près de la salle de billard où il avait l’habitude d’aller parfois. Sur le chemin menant de celle-ci à chez lui. Ainsi que l’une de ses bagues qu’il aimait arborer fièrement. Elle aussi remplie de sang. On ne l’a jamais revu vivant.
La semaine suivante, c’était au tour de Cynthia de ne plus donner signe de vie nulle part. Une vague de terreur a commencé à s’installer en ville dès l’instant où la police a découvert des traces de sang là encore, près de la maison d’une de ses amies. C’est cette dernière qui, étonnée de ne pas voir arriver Cynthia à une soirée où elle l’avait invitée, a prévenue la police. Et au vu de ce qui était arrivé à Mike, tout le monde a pensé qu’elle avait subi le même sort. Bien sûr, tout le monde a fait le rapprochement avec toi, et le fait que c’étaient mes tortionnaires qui avaient été les cibles de ses disparitions. Ou pire encore, au vu des traces de sang trouvés. La police t’a interrogé, mais elle a dû conclure à ton innocence, vu qu’aucune preuve n’avait été découverte dans notre maison, ou dans le jardin. Mais il faut dire que le Sergent Criss te connaissait bien, et il n’a pas trop voulu pousser les recherches trop intensément. Certains ont même dit que c’était moi. Mais comme j’étais dans ce centre spécialisé au moment des meurtres, évidemment, l’enquête policière a démenti toute implication, pour des raisons évidentes.
La police a essayé de calmer les ardeurs de certains habitants, ceux-ci ayant mis en place une milice pour protéger les autres membres du groupe de Mike et Cynthia, qui pouvaient servir de cibles potentielles, car tous s’accordaient à penser que les mauvais traitements de la part du groupe envers moi étaient la cause de tout ça. Mais ça n’a servi à rien. La situation a même empiré. Malgré la milice qui patrouillaient les rues, il y eut d’autres disparitions. Claire, Mindy, Stanley, Gus, Fawna, Iris… Les uns après les autres, les autres membres du groupe présents le jour de mon « cadeau » par Cynthia et Mike disparurent. A l’intérieur même de leur maison. Les seuls indices étaient toujours des traces de sang laissés sur le sol, et des morceaux de tissus déchirés, laissant penser qu’ils avaient subis le même sort. A nouveau, la police t’a interrogé, vu que les disparitions avaient eu lieu la nuit, et que ta maison était sans surveillance, pouvant te laisser libre court à des escapades meurtrières et nocturnes. Une fouille plus intensive a été effectuée. Mais aucun n’a pensé à regarder sous les parterres de fleurs où les cadavres étaient disposés.
Les mois passaient, et chaque semaine une nouvelle disparition avec les mêmes traces sanglantes étaient constatées. La police était impuissante et ne parvenait pas à comprendre comment faisait le meurtrier… ou la meurtrière. Car de plus en plus, malgré les fouilles, les habitants restaient persuadés que tu étais en cause. Mais les cibles ne s’arrêtèrent pas aux membres du groupe, qui fut décimé. D’autres disparitions survinrent au sein du centre où je me trouvais. Des infirmiers malveillants, des pensionnaires faisant acte de violences, un des gardiens qui était au courant de tout ça, et laissait faire, de peur de perdre son emploi. Tout ceux qui étaient coupables de mauvais traitements envers moi disparaissaient à leur tour, sans laisser de trace. Si ce n’est toujours le sang à l’endroit de leur supposée disparition. C’est à cause du chien du voisin que le pot aux roses, si l’on peut dire, a été découvert. Ce dernier, qui avait l’habitude de se faufiler dans notre jardin, s’est mis en tête de creuser au milieu des parterres de fleurs, et est revenu vers son maitre un os dans la gueule. Un os humain.
Dès lors, connaissant les habitudes de son chien de se rendre dans notre jardin, il a montré l’os au Sergent Criss, et une nouvelle inspection a été effectuée. Et cette fois, voyant le trou dans la terre au milieu des fleurs, un premier cadavre a été trouvé. Montrant sans équivoque que tu étais en cause dans les disparitions qui affolaient la ville depuis des mois. 12. 12 cadavres qu’on avait tenté de faire dissoudre avec des produits divers furent découverts, et tu as été arrêtée. L’affaire a fait la « une » des journaux, mais un mystère demeurait. Si l’enquête a pu obtenir tes aveux concernant la dissimulation des cadavres dans le jardin, ils n’ont jamais pu savoir comment tu faisais pour tuer, ni comment tu t’introduisais dans les maisons et le centre où je me trouvais pour t’emparer de tes cibles. Depuis ce jour, je me suis aussi posé la question, tout comme le docteur Frawley, persuadé que tu n’étais pas la seule en cause. Pris d’un instinct, il a demandé à installer une caméra de surveillance dans ma chambre. Bien que réticent au départ, le directeur de l’établissement a fini par accepter, tout comme il accepta que le docteur Frawley soit le seul autorisé à consulter les enregistrements. Et c’est là que la vérité éclata à ses yeux.
Sur l’enregistrement qu’on lui avait fourni, s’étalant sur une durée d’une semaine, ayant eu l’assurance qu’aucune copie n’avait été effectuée, le docteur Frawley a vu l’impensable, la nuit précédant la constatation d’une nouvelle disparition, selon le même procédé que les autres. Il a vu une forme sortir de mon corps, pendant que je dormais. Comme une sorte de fantôme, et se faufilant à travers les murs. Il n’a pas pu voir où celui-ci s’était rendu, n’ayant appris sa cible que le lendemain. Pris d’un doute, il s’est rendu le jour même à notre maison, passant outre l’interdiction d’y pénétrer, en passant par la palissade arrière, non surveillée, du fait de sa juxtaposition avec le bois. Le Sergent Criss pensant hautement improbable que quelqu’un veuille s’introduire dans la propriété de ce côté-là, au vu de la difficulté d’accès et de la densité des bois. Mais le docteur Frawley connaissait bien ces bois pour y avoir joué enfant, et il savait par où passer. Un petit chemin connu de peu de personnes, et qui impliquait de se faire agresser tout du long par des ronces et des branches enchevêtrées. Il finit par se faufiler dans le jardin, et là il reconnut l’un des infirmiers devant la porte de la remise, qui était collée à l’arrière de la maison.
C’était ainsi que ça se passait. Ce « fantôme » sorti de mon corps était une sorte de corps astral, , une personnification de mes souffrances spirituelle, chargée de faire ce que je ne pouvais effectuer, et qui ne pouvait agir que lors de mon sommeil, quand je me glissais dans mon monde. Cette phase de transes dont je ne me souvenais pas les détails. En fait, ce n’était pas à proprement parler un corps astral, mais ça s’en rapprochait. Le docteur Frawley pense que lors de ces transes, je suis connecté avec une autre dimension, où j’ai lié connaissance, sans m’en souvenir, avec des créatures y vivant. Et l’une de celle-ci ressentait les maux subis par son « ami » humain. C’est-à-dire moi. Et faisait en sorte que je ne subisse plus de tourment de leur part. Frawley ignorait encore la manière d’opérer de cette créature, doué d’une intelligence suffisante pour savoir qu’il fallait dissimuler les cadavres, plutôt que de les laisser à la vue de tous, afin de ne pas m’attirer d’ennuis. Frawley supposait aussi que tu as rencontré cet être la première fois, quand il a amené la dépouille de Mike. Et, voulant me protéger, tu t’es rendu complice de ses actes, sans trop savoir ce qu’il était. Tout ce que tu voyais, c’est qu’il me faisait justice, et à tes yeux, c’est tout ce qui comptait.
Alors tu as continué à masquer les méfaits de cet être, malgré les risques. C’est pourquoi je t’écris cette lettre, ma chère maman. Pour te dire de ne pas t’en faire. De ne pas te sentir coupable de ce que tu as fait. Tu es la meilleure mère du monde. Et il est hors de question que je te laisse là où on t’a enfermée. Le docteur Frawley et moi on va étudier le moyen de contrôler cet être qui se sert de mon corps comme d’un portail. Il connait des gens qui peuvent l’aider à comprendre ce qu’il est. Et quand je serais capable de faire de cette créature d’une autre dimension quelque chose de docile, obéissant à mes directives que je lui donne dans ce monde où je vais lors de mes transes, que je parviendrais à contrôler celle-ci, je l’enverrais là où tu es. Et il fera en sorte que tu puisses sortir et me rejoindre là où le docteur Frawley et moi nous trouvons en ce moment, à l’abri de tous, dans une autre ville.
Cela prendra du temps, mais bientôt tous les méchants qui t’ont fait du mal à toi aussi, là où tu es vont être puni, et nous serons à nouveau réunis. En plus de ça, je sais que tu n’es pas insensible au charme du docteur Frawley. Celui-ci m’a même dit qu’il t’avait invité à diner plusieurs fois, mais que tu avais refusé, à cause de moi. Mais maintenant que le docteur, toi et moi partageons le même secret, tu n’as plus à te fixer de limites. Toi aussi, tu as droit de regoûter au bonheur. Et j’aime beaucoup le docteur Frawley. Son prénom, c’est Garv, tu le savais ? Je suis sûr qu’il fera un très bon papa. Et ensemble, nous serons la meilleure famille de la terre. Et je n’oublie pas Sam. C’est le nom que j’ai donné à cet être. C’est comme mon grand frère désormais. Il veille sur moi, et très bientôt il veillera sur toi aussi. A très bientôt, chère maman…
Publié par Fabs
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire