20 sept. 2022

MENACE CANINE

 


 

Peut-on être certain de ce que l’on est vraiment ? De notre soi profond, de ce qui se cache dans les tréfonds de notre être, notre corps, notre âme ? Sait-on pourquoi on existe ? Dans quel but ? Notre naissance a-t-elle été programmée par des forces qui nous dépasse, autre que les dogmes appris par la religion, l’histoire ou les traditions des peuples de la Terre ? Je ne suis sans doute pas le seul à m’être posé ces questions. Vous aussi qui écoutez mon histoire en ce moment même, attentif au moindre de mes mots, avez sans doute, à un moment de votre vie, eu ce besoin de questions existentielles, à l’issue d’un choc émotionnel. La disparition d’un membre de votre famille ou d’un ami très proche, un accident grave auquel vous avez réchappé miraculeusement, un moment de doute suite à une séparation ou la découverte d’une trahison. Il n’y a rien de bizarre à ça, cela fait partie du fonctionnement de l’être humain. En tout cas, pour la plupart d’entre nous. Et parfois, ce « déclic » naturel se met en place à la suite d’une rencontre occasionnant de vous faire découvrir ce que vous êtes réellement, sans l’avoir soupçonné pendant toute votre vie. Jusqu’à ce que cet élément perturbateur de votre quotidien vienne tout remettre en question sur ce que vous pensiez acquis sur vous-même…

 

Dans, mon cas, la raison pour laquelle je vous parle de ce qui m’est arrivé, à travers cet enregistrement, je la dois à un chien. Un chien en apparence tout à fait normal. Un splendide bar rouge qui aurait pu gagner n’importe quel concours canin tellement sa stature, l’assurance de ses pas, la luisance de son pelage aurait pu éblouir un jury. Quand il est arrivé avec son maitre dans notre quartier, jamais je n’aurais pu imaginer à quel point il changerait ma vie à tout jamais. Et pas dans le bon sens. Car il a été le vecteur d’une vérité qui m’a bouleversé de toute mon âme, et incité à transmettre mon histoire. A moi et ce chien, Drake. Je me souviens parfaitement de ce jour où Mr. Perkels, mon nouveau voisin, s’est installé dans la maison qui était inoccupée depuis plusieurs mois, juste à côté de la mienne. Personne ne voulait y loger à cause d’un drame s’y étant déroulé. Un mari coupable d’avoir massacré ses trois enfants dont il avait la garde provisoire, étant séparé de son épouse, suite à une relation houleuse.

 

L’homme était devenu alcoolique, violent. On entendait régulièrement les cris de sa petite fille, Chloé, âgée de seulement 7 ans, qui semblait être la cible privilégiée de ses accès de colère dû à l’absorption en quantité importante de whisky. Les 3 gosses ne portaient aucune marque cependant, malgré de nombreux signalement aux services sociaux, entrainant des classements sans suite. L’homme avait suffisamment de jugeotte, malgré l’alcool, pour se limiter à les harceler. Jusqu’à ce jour où il est passé à un autre niveau, ne se contentant plus de violence verbale, mais physique, tuant sans vergogne ces petits morceaux de vie qu’était Chloé, Dan et Mike. Après ça, l’homme s’est installé au milieu de son jardin, une bouteille à la main, le corps rempli de sang, et attendant que la police, alerté à nouveau par les voisins, vienne l’emmener. L’affaire a fait la une des journaux, et des premières rumeurs ont commencé à circuler, selon lesquelles c’était la maison qui l’avait incité à commettre cet acte monstrueux. Comme si cette demeure était la nouvelle Amityville.

 

Je n’ai jamais vraiment cru à ces idioties, mais cette rumeur persistait, alimenté par des sites dédiés au Paranormal de toutes sortes, ayant découvert que cette maison avait été érigée autrefois par une sorcière, dont l’âme serait toujours présente en les lieux, et dictant ses directives meurtrières à ses occupants, mais suivant un cycle particulier. Ces enquêteurs ont trouvé des cas similaires de massacre au siècle dernier. Mais leurs détracteurs indiquaient que le fameux cycle dont il était question n’était absolument pas régulier, cassant le mythe du cycle justement, et que toutes leurs divagations n’étaient que pures spéculations d’esprits voulant absolument trouver d’autres raisons que la folie meurtrière dû à l’alcool du père des 3 enfants. Néanmoins, tout ça a fait que la maison ne trouvait pas d’acquéreur, du fait de sa réputation maudite.

 

Tout le monde dans le quartier s’était fait à l’idée que cette habitation ne trouverait plus jamais d’acquéreur. Alors, forcément, quand Mr. Perkels est arrivé, ça a surpris tout le monde. Certains se sont inquiétés de ce qui pourrait découler de cet emménagement. Mais le fait que le nouveau propriétaire soit un vieil homme seul avec son chien, a quelque peu atténué les on dit qui circulait à l’annonce d’un nouvel occupant dans la maison maudite. Mr. Perkels était un homme charmant, toujours le sourire aux lèvres, prenant plaisir à s’occuper du jardin tomber en décrépitude, et constamment accompagné de Drake, son chien, qui ne le quittait jamais, où qu’il aille. C’est lors de ces sorties que je m’aperçus de l’intérêt que me portait Drake. A chaque fois que je sortais dans mon jardin, vu que la palissade séparant ce dernier de celui de Mr. Perkels était très basse, je le voyais me fixer sans discontinuer, comme s’il me surveillait. A chaque déplacement que je faisais, que ce soit en rentrant à l’intérieur de chez moi, ou en partant dans la rue, en m’installant dans ma voiture, je sentais son regard sur moi. C’était très étrange…

 

Je me demandais ce que pouvait signifier l’attitude de ce chien envers moi. D’autant que très bientôt celle de Mr. Perkels à mon égard changea également, me perturbant encore plus. Quand je lui souhaitais le bonjour en partant au travail, juste avant de me rendre dans mon garage pour prendre ma voiture, il ne répondait pas. Alors qu’il l’avait toujours fait auparavant, et toujours avec un grand sourire. Sourire que je n’ai plus jamais vu. Mr. Perkels était devenu maussade, froid, insensible à ce qui se passait autour de lui, si ce n'était quand Drake se postait à côté de lui, le regard fixé vers ma maison, vers moi. Même si j’étais installé derrière la fenêtre de ma cuisine. L’attitude soudaine de Mr. Perkels et de son chien me perturbait. Je ressentais de l’oppression presque à tout moment, quel que soit la pièce où je me trouvais chez moi, comme si le regard de Drake me suivait à travers les murs, étant devenu une entité propre. J’avais du mal à dormir à cause de ça parfois, voyant son regard en rêve, et me faisant me réveiller en sursaut.

 

J’ai même suivi un temps une thérapie chez un psy, sur les conseils de mes collègues de bureau, voyant mon air de déterré comme il me le précisait. Mais ça n’a rien changé au problème, car dès que je revenais chez moi, je voyais Drake, au milieu du jardin de Mr. Perkels, comme semblant m’attendre. Il ne semblait plus avoir l’obligation d’être aux côtés de son maitre pour me harceler. Car, oui, je ressentais le comportement de ce chien comme un harcèlement, me causant des vagues de stress immenses, que je tentais de calmer par l’absorption de médicaments. Mais même ça n’empêchait pas de sentir sur moi ce foutu regard. J’ai essayé une fois d’en parler à Mr. Perkels, profitant d’une rare fois où son chien dormait sur le perron de sa maison. Celui-ci m’a adressé un regard noir, accusateur, méfiant, sans dire un mot. C’était exactement le même regard que Drake. Voyant ça, je n’ai pas insisté, mais ça me mettait dans un état d’angoisse encore plus grand. Et ce n’était que le début…

 

Drake passait bientôt à une autre étape. Plusieurs nuits, alors que j’étais en proie à des insomnies devenues récurrentes, je crus voir sa silhouette au milieu de mon jardin, le regard fixé vers la fenêtre de ma chambre. Le temps de me frotter les yeux, de me pincer, afin de vérifier que je ne dormais pas, et de regarder à nouveau dans le jardin, Drake n’était plus là. Je me disais que c’était mon imagination qui le faisait apparaitre de la sorte, et je craignais que ma peur était en train de devenir de la folie. Mais un matin, je découvrais des traces de griffures sur le bois de l’encadrure de la porte. A quel moment ce chien avait fait ça ? Je n’avais perçu aucun bruit pourtant durant la nuit. Et les fois où ce que je pensais être du fait d’un délire paranoïaque, Drake était au milieu du jardin, pas devant la porte. A partir de ce moment, j’ai repensé aux rumeurs entourant la maison de mon voisin. Ces racontars indiquant que la maison était maudite et que l’esprit de la sorcière censée y habiter s’emparait des corps de ceux qui y séjournait. Est-ce que ça pouvait inclure les animaux ?

 

Ça semblait complètement dingue, je ne croyais pas à ces stupidités, mais l’attitude de Mr. Perkels, celle de Drake… C’était impossible de ne pas envisager cette possibilité. Dès lors, suite à la découverte de ces traces de griffures près de la porte, qui se rajoutait au regard de Drake dans la journée, mon état d’anxiété ne fit qu’augmenter de manière exponentielle. J’avais de plus en plus de mal à me concentrer à mon boulot, ce dont s’aperçut mon patron. S’inquiétant, il m’imposa un repos forcé d’une semaine, le temps que je me reprenne. A partir de là, n’ayant plus ce refuge que constituait mon travail pour échapper quelque peu au regard de Drake, je commençais à perdre pied de manière irrémédiable. Chaque nuit, j’entendais le plancher vermoulu du rez-de-chaussée émettre des grincements. Comme si quelqu’un, ou quelque chose, marchait. Mais quand je descendais, non sans avoir pris quelque chose pour me défendre, en l’occurrence un katana accroché qui parait le dessus de mon lit, il n’y avait personne. Ni cambrioleur, ni Mr. Perkels, ni Drake. Je sentais que je sombrais dans la folie, d’autant que ces épisodes se renouvelaient chaque nuit. Et parfois même plusieurs fois, dans différentes pièces du bas.

 

Je décidais de m’armer d’un outil plus conforme à me défendre. Le katana était factice, une simple reproduction obtenue à bas prix sur un site de produits asiatiques. Je comptais sur le bluff et l’effet de surprise pour faire fuir l’intrus, sachant pertinemment que ce katana ne pouvait avoir d’effet de dissuasion, une fois que l’agresseur supposé, que ce soit un voleur ou Drake, se serait rendu compte de son côté inutile comme moyen de défense. Mais au vu de la menace persistante, il me fallait une vraie arme, et m’en procurais une chez un armurier. La nuit suivante cet achat, j’entendis à nouveau des grincements, mais cette fois, ça venait de l’escalier. Tremblant comme jamais, je chargeais le pistolet acquis chez l’armurier, et me dirigeais vers l’endroit d’où venait le bruit. Lentement, et d’un pas peu rassuré. C’est là que je le vis, semblant sortir des ténèbres, montant les escaliers, se rapprochant peu à peu.

 

Il avait toujours ce regard noir, me fixant, mais ce n’était pas tout. Il grognait, montrait les crocs, de la bave dégoulinant de sa gueule, et se déversant sur le bois des marches. J’étais terrorisé. Mes mains tremblaient tellement que j’avais du mal à tenir l’arme que j’avais en main. Drake s’avançait toujours plus. Je plaçais péniblement mon majeur sur la gâchette, et tirais à plusieurs reprises. L’une des balles finit par toucher Drake sur le flanc, mais ça ne l’arrêtait pas pour autant. La balle n’avait fait que glisser, et n’avait fait qu’une blessure superficielle. Cependant, ce fut suffisant pour énerver Drake, et celui-ci, arrivé pratiquement aux dernières marches de l’escalier, me sautait dessus, me plaquant au sol. Sur l’effet du choc, je faisais tomber mon arme, voyant la gueule emplie de rage de Drake au-dessus de mon visage, ses yeux semblant luire par la colère qui s’y trouvait, ses crocs se rapprochant, visant ma gorge. Je sentais ma dernière heure arriver, fermant les yeux, me préparant au pire.

 

Je ne sais pas trop ce qui s’est passé exactement ensuite, mais j’ai senti à ce moment comme une sorte de flux d’énergie sortir de moi, une silhouette sombre, aux contours difformes, qui se glissait dans la gueule de Drake. Ce dernier hurlait à la mort, montrant clairement des signes de douleur intense, parsemé de spasmes sur tout son corps, semblant lutter avec cette « chose » sortie de moi. C’est alors que je vis Mr. Perkels au bas de l’escalier. Ma lutte avec Drake ne m’avait pas permis de l’entendre entrer dans la maison. Il avait une étrange arme avec lui qu’il dirigeait vers Drake, et tirait. Aucun son ne sortait de l’arme, comme si elle était munie d’un silencieux, à moins que ce soit la balle qui ait une constitution particulière. L’instant d’après, sous le coup du projectile ayant atteint Drake, ce dernier explosait littéralement sous mes yeux, dans un amas de chair, de sang et d’os, me maculant de ses boyaux sur toute la surface de mon visage et de mon corps, et me laissant sous l’effet de surprise.

 

Mr. Perkels montait alors, se penchant sur les morceaux épars de ce qui avait été son chien, s’excusant envers lui, du rôle qu’il lui avait fait jouer. Juste après, le vieil homme m’expliquait que la silhouette qui était sorti de moi était le résultat de l’union d’une humaine et d’une entité qu’il nommait une « FleshThief », une voleuse de chair. Il savait que j’étais orphelin, et que je n’avais jamais connu mes vrais parents, ayant passé une bonne partie de mon enfance de foyers en foyers, à cause d’évènements étranges s’y passant lors de ma présence. 

 

Cette entité passait de mon corps à d’autres pour assouvir ses pulsions meurtrières, à mon insu, avant de revenir vers moi, une fois accompli ce qu’elle cherchait à obtenir. C’est ce qui était arrivé pour l’homme ayant tué ses enfants. Pour l’éradiquer, il fallait détruire le corps qu’elle venait d’investir à l’aide d’une balle constitué d’un liquide spécial. Il m’indiquait aussi qu’il chassait depuis longtemps ce type de créatures, et qu’il avait entendu parler de l’histoire du massacre, et certains éléments l’avait fait soupçonner ce qu’il en était réellement. A cause de la « marque » de l’entité, faisant faire au corps qu’elle occupait à l’enfoncement des yeux de ses victimes. Dès lors, il s’était renseigné sur chacun des habitants du quartier, après avoir emménagé pour mener son enquête, et Drake, un chien spécialement dressé pour débusquer les créatures surnaturelles cachées, avait compris la nature de ce qui se cachait en moi. Le reste je le savais déjà. Drake se chargeant de surveiller les moindres faits et gestes de ma part, pour éviter à l’entité de commettre un nouveau massacre, à la suite d’un cycle irrégulier, car se déroulant suivant les pulsions de la créature. Il regretterait beaucoup Drake, mais il savait où se procurer un autre chien du même type. Puis, Mr. Perkels, partit sans en dire plus, me laissant en proie à des interrogations en pagaille.

 

Mr. Perkels est parti du quartier peu de temps après, et moi, j’ai également déménagé. Je ne voulais plus vivre dans cet endroit me rappelant trop tout ce qui s’est passé. J’ai toujours le doute que tout ça recommence. Rien ne m’assurait que mon corps issu d’une union contre nature, n’était pas en mesure de faire renaitre cette entité en moi. Même Mr. Perkels n’en était pas sûr, car en savant peu sur le mode de fonctionnement de ces créatures. Désormais, je vis seul, au sein d’une maison isolée de tout, afin d’éviter tout risque qu’elle revienne, et redémarre un nouveau cycle de mort. Peut-être qu’un jour, lassé de vivre ainsi, en proie à la peur constante de son retour, je mettrais fin à tout ça, en éliminant la source du mal. Mon propre corps. En l’immolant, suivant les recommandations faites par Ezekiel Perkels, au cas où je serais témoin d’autres phénomènes étranges autour de moi. Pour passer le temps, j’ai donc écrit cette histoire, afin de montrer au monde que certains faits ne sont pas forcément ce qu’ils semblent être, et que des hommes, des femmes, ne sont pas tous ce qu’ils pensent être. En espérant que mon témoignage puisse servir de prévention à d’autres cas comme moi…

 

Publié par Fabs

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