Aokigahara… Ce nom ne vous est sans doute pas inconnu. Sa réputation particulière a déjà fait l’objet de films, documentaires, articles sur le web, et déchainé les fanas de paranormal, tentant de comprendre ce qui pouvait bien pousser une forêt à venir s’y suicider, afin d’échapper à un quotidien devenu trop lourd. Est-ce la beauté des paysages que l’on rencontre au fur et à mesure que l’on s’avance ? Ses mousses emplissant les arbres centenaires, ses plantes s’entrecroisant, jusqu’à former des formes étranges, faisant parfois penser à un Tengu étant sorti du monde des esprits. On dit que ce sont les Yurei qui y vivent en permanence qui incitent les visiteurs égarés à mettre fin à leur vie, perturbés parce que leur GPS, leurs portables ne fonctionnent pas au sein de ces bois maudits. Pourtant, la raison de ce refus de la nature de permettre à la technologie humaine de fonctionner est, elle, totalement naturelle…
Ce dysfonctionnement au sein d’Aokigahara est née de la lave. Une coulée de lave s’étant formée au IXème siècle, installant des métaux ferreux dans la roche volcanique, présente dans la forêt, en quantité énormes, et parasitant les appareils électroniques, et même les boussoles. Pénétrer dans cet enchevêtrement d’arbres, dont certains sacrés, car habitant des esprits, et reconnaissable aux cordes de paille de riz les entourant, est plus que risqué sans avoir des notions de repérage très poussés. Et même là, on n’est pas certain d’en sortir ou de sombrer dans la folie, à la merci des esprits qui y habitent, prenant un malin plaisir à envahir les pensées des randonneurs et des curieux pensant parvenir à tromper la magie de cette forêt maudite. Les paysages des nombreuses sections de cette forêt immense de 35 Kilomètres carrés se ressemblent énormément, et il est facile de perdre son chemin pour un non habitué à cet environnement implacable. D’autant qu’il est parfois impossible de voir le soleil à certains endroits, comme si les ténèbres l’empêchaient.
Il n’y a guère que des gens comme Azusa Hayano, un géologue très connu au japon pour connaitre la forêt comme sa poche, qui soit capable de guider des personnes désireuses de voir les beautés cachées d’Aokigahara. Que ce soit des journalistes, des photographes, ou de simples youtubeurs, comme moi. Mais je n’ai pas pu bénéficier de la présence d’Hayano, contrairement à d’autres collègues tel que moi. Et à l’heure d’aujourd’hui, j’ignore encore comment j’ai fait pour me sortir de cette jungle inextricable qu’est cette forêt. Et surtout des créatures qui y habitent. Car oui, il n’y a pas que les suicidaires et les esprits que l’on peut croiser au sein de cet endroit. Il n’est pas rare d’y croiser des bestioles semblant sortir tout droit d’une autre dimension, ayant traversé un portail quelque part dans la forêt, sans savoir comment revenir chez elles, coincées à jamais au cœur d’Aokigahara, et ayant contribué à forger les légendes de celle-ci. Certains disent avoir été pourchassé par des gobelins, ou des chauves-souris géantes, ayant vu leurs compagnons dévorés sous les dents de ces dernières.
Régulièrement, des équipes de secours se rendent dans la forêt, en quête des nombreux désespérés s’y étant pendus à un arbre, très loin du sentier, apportant la seule forme de sécurité pour les non-initiés à déambuler dans ces bois. Les origines d’Aokigahara parlent d’une coutume de venir y déposer des nouveau-nés, dans un but d’infanticide. Une pratique courante au cours du XIXème siècle comme moyen de réguler une population soumise à la modernisation du pays. Tout comme les personnes âgées en fin de vie. Une manière pour ces dernières d’y trouver l’apaisement, au sein d’une nature qui a donné la vie à leur corps. Pour elles, il était bien plus naturel que de retourner à la terre, plutôt que de séjourner dans un cercueil. Elles étaient aidées par les membres de leur famille à se rendre au cœur de la forêt, car seules, leurs pas n’auraient jamais pu les emmener assez loin. Après coup, les familles faisaient leurs adieux à leurs ainés, au cours de rituels de séparation, dont les détails se sont perdus dans le temps, car il était tabou d’avouer ces crimes déguisés auprès des autres habitants des villages se trouvant autour.
A cause de cette propension à apporter la mort en son sein, Aokigahara, en est devenu un symbole, aussi bien pour ceux désirant en finir qu’aux coupables de meurtres, cherchant à dissimuler leurs crimes sous la terre de cette forêt. Une mort omniprésente ayant créés des Yurei, des âmes vengeresses, n’acceptant pas leur sort, et prisonnières des lieux, et déchargeant leur haine envers ceux qui se perdent, afin que ceux-ci partagent leur souffrance. Deux histoires écrites ont également perpétué la légende de la forêt. En 1959, Seicho Matsumoto, spécialiste de la nouvelle policière, écrit « Nami No Tô », racontant la romance interdite entre un procureur et une jeune fille, menacés par un maitre-chanteur de révéler la vérité. Pour échapper à la colère et la haine, le couple vient se jeter en offrande à l’appétit sans limite de la forêt. Puis, ce sera au tour du roman « Kanzen Jisatsu Manyuaru » de Wataru Tsurumi. Un livre polémique de 198 pages, véritable mode d’emploi du suicide, qui cite Aokigahara comme l’un des meilleurs spots surnaturels pour mettre fin à ses jours. Nombre de morts au sein de la forêt furent retrouvés d’ailleurs avec un exemplaire de ce livre sous leur corps pendant à la branche d’un arbre…
Les manga « Samurai Deeper Kyo » et le film « The Forest » ont rajouté au phénomène, et depuis, c’est près d’une centaine de nouvelles morts qui sont enregistrées chaque année, que ce soit des suicidaires, ou bien des randonneurs n’ayant pas retrouvés leur chemin, perturbé par le non-fonctionnement de leurs appareils pour se diriger, et ayant fini exténués par la fatigue, et mourant de faim et de soif, ayant épuisés leurs rations de survie. Comme nombre de personnes avant moi, je voulais savoir s’il n’y avait pas autre chose ayant causé ces tendances au suicide, par pendaison pour la grande majorité, au sein du Jukai, la mer d’arbres. L’autre nom donné à Aokigahara. De nombreux panneaux figurent en plusieurs endroits pour inciter ceux qui viennent pour mourir à rebrousser chemin. Des mots plein de sens : « La vie est un cadeau précieux offert par vos parents. S’il vous plait, pensez à eux, à votre entourage, à vos amis. Ne gardez pas les choses en vous. Parlez-en ».
Mais malgré ça, les suicidaires continuent d’affluer à Aokigahara, le 2ème endroit le plus prisé par ceux désirant en finir avec la vie, après le Golden Gate Bridge de San Franciso, aux USA. J’étais persuadé que derrière toute l’histoire officielle de la forêt, due aux livres et son passé mortel, il y avait une autre explication à ces vagues de suicides, qui remplissait les branches des arbres de nombreux pendus. Certaines rumeurs parlaient bien sûr des Yurei, mais il me semblait curieux que ces esprits vengeurs incitent leurs proies à se tuer, plutôt que de le faire eux-mêmes. Quand aux monstres décrits dans d’autres récits, ça me semblait plus dû à des erreurs d’interprétations à cause de l’environnement propre à la forêt, pouvant faire passer des ombres d’arbres, ou des excroissances de plantes, à des animaux parfaitement normaux. Même si je n’écartais pas que monstres et esprits aient leur part de culpabilité dans le phénomène suicidaire au sein d’Aokigahara, quelque chose en moi me disait que la cause était bien différente de tous ces racontars non-vérifiés.
Alors, j’ai préparé un matériel de survie, et comptant sur mon expérience de survivaliste avéré, m’ayant poussé à faire des vidéos sur YouTube pour montrer comment s’en sortir à des explorateurs en herbe, je me suis rendu au sein d’Aokigahara… A mon arrivée, comme tous ceux étant venus ici dans un but de découverte ou de trek, j’ai été subjugué par la nature composant l’endroit. La forme des arbres, des plantes, et même des roches… Même sachant que l’étrangeté des formes des rochers étaient dû à des poches de gaz s’étant libéré de la lave lors de l’évènement dont je vous ai parlé plus tôt, le résultat était fascinant, et nombre d’entre elles faisaient penser à des créatures issues du folklore japonais. Bien qu’étant aussi un peu angoissé par l’atmosphère pesante qui se dégageait des alentours, je me décidais à quitter le sentier, et m’enfonçais dans ce qui constituait l’essence même de la forêt.
Après plusieurs mètres, je découvrais ce qui avait perturbé nombre de randonneurs aux destins tragiques : cette perte de lumière, cachant le soleil, pouvant laisser penser qu’on se trouvait dans un autre monde. Des fluorescences se faisait voir sur les troncs d’arbres, des cris d’animaux que je ne parvenais pas à reconnaitre se faisaient entendre. Parfois, je voyais des ombres furtives se glisser de buissons en buissons. Je me rappelais avoir vu certaines photos prises discrètement par des sauveteurs, lors de la découverte des corps des trekkeurs et assimilés.
Des visages montrant non pas des signes de déshydratation ou de blessures occasionnées par la fatigue, leur ayant fait perdre leur prudence dans leur pas, mais bel et bien des marques de terreur intense. Comme s’ils avaient vu la plus horrible des créatures, ou peut-être pire encore. Parmi ces photos divulguées sur le net, certaines montraient aussi une blancheur extrême des cheveux, des mains et de la langue ressortie sur quelques-uns des cadavres. La peur pouvait expliquer l’état des cheveux. En revanche, difficile de comprendre comment la peau des mains avait pu faire de même. Ce n’était pas naturel, c’était certain, et un cryptozoologue aurait certainement soupçonné un type de créature non-identifié, sévissant au cœur de la forêt. Mais même si c’était le cas, comment expliquer la vague de personnes régulière se rendant à Aokigahara dans le but de se suicider par pendaison pour un grand nombre d’entre elles ? Cela supposait un lien, un contact avec les futures victimes. Pour les randonneurs, les curieux du surnaturel s’étant perdus, je pouvais comprendre ce contact, mais ceux vivant à des kilomètres de là…
Mais très bientôt, les questions en masse que je me posais trouvèrent leur réponse, en parvenant dans une petite clairière qui n’était mentionnée nulle part dans les écrits relatant les légendes liées à Aokigahara. Comment décrire ce spectacle curieux ? C’était comme si les arbres étaient tous reliés entre eux, formant une sorte d’arche à plusieurs endroits. Arches composées de racines, de plantes, de champignons… Mais avec des formes se différenciant les unes des autres. On aurait dit des portes d’un jeu vidéo, où on doit faire un choix permettant d’accéder au niveau suivant. Je prenais plusieurs photos, et m’avançais, franchissant au hasard l’une des « portes ». Bien que ça paraissait impossible, vu que de l’extérieur, j’avais clairement vu qu’il ne s’agissait que d’arbres, et que je voyais le centre de la clairière au-delà, en franchissant l’arche que j’avais choisi, je me retrouvais soudain dans une obscurité totale, marchant sur un sol qui me donnait l’impression de me porter, me déplacer. Comme une sorte de tapis roulant. Je fis l’essai de stopper mes pas, juste pour voir. Et je continuais d’avancer…
L’hardiesse que j’avais au départ commençait nettement à fondre au fur et à mesure que je m’approchais de ce qui semblait désigner la sortie. Une autre arche me faisait alors me rendre en un lieu gorgé de ténèbres, tout juste parsemé de petites lumières virevoltant tout autour de moi. L’une d’elles s’approchait de moi. Je pensais qu’il s’agissait de lucioles ou quelque chose comme ça, mais c’était loin d’être quelque chose de normal. Cette… Chose n’avait pas de visage à proprement parler. Tout juste des sortes de rides entrecoupées de surfaces noires sans fond apparent. Un corps longiligne d’où sortaient des dizaines de petits bras avec juste deux doigts à leur extrémité. Ou plutôt des sortes de ronces, d’épines. Interrogatif à cette vision, je ne me rendis pas compte que j’étais entouré d’autres de ces créatures, et je ressentis alors des dizaines de piqûres sur tout le corps, traversant mes habits épais.
Au bout d’un instant, ma vue se troublait, je voyais comme un tourbillon noir, me faisant voir des visages connus, des lieux connus, d’autre moins. Mais ils me disaient néanmoins quelque chose. Je me rappelais leur description par mes parents. C’étaient des endroits où ils étaient allés, alors que je n’étais qu’un bébé, et dont ils m’avaient parlé plus tard, lors de séances de consultation de vieilles photos. Comment je pouvais voir tout ça ? Les images s’enchainèrent à une vitesse folle. C’était comme si tout ma vie défilait devant moi, me rappelait mes erreurs, mes réussites, mes choix… et mon avenir. Je voyais une corde se balançant au bout de la branche d’un arbre. Une forme se dessinait petit à petit, de plus en plus distincte, jusqu’à ce que je reconnaisse qui elle était. C’était moi. C’était mon futur, ma punition peut-être pour avoir osé pénétrer cet endroit.
Je repensais aux autres arches. Est-ce qu’elles menaient toutes au même endroit, ou bien chacune d’entre elles étaient habitées par des créatures différentes, mais proposant un destin analogue ? Au vu de la capacité de ces créatures de discerner la vie et l’avenir de chacun, j’en venais à repenser à ce lien entre le secret d’Aokigahara et ceux qui venaient se suicider ici. Était-il envisageable de croire que le destin de ces personnes se décidait ici, au sein de cet environnement de ténèbres, ce néant où ces créatures, quelles qu’elles soient, nous montraient ce à quoi nous étions destinés ? Et nous appelaient, d’une manière ou une autre, à nous rendre au sein de la forêt, ici, au-delà de cette clairière n’apparaissant dans aucun récit ?
Je sentais la folie m’envahir. Je ne sais pas comment, mais je parvins à me défaire de l’emprise du poison vraisemblablement inoculé dans mon corps à la suite des piqûres ressenties plus tôt. Je reprenais le chemin sombre qui m’avait fait venir auprès de ces monstres petits par leur taille, mais grands par leur pouvoir de persuasion. Le « tapis roulant » ne marchait plus, j’avais l’impression que le retour était sans fin. Mais finalement, je parvins à ressortir, courant sans m’arrêter à travers les bois. Ma connaissance en survie m’avait fait prendre des repères pour retrouver mon chemin, et je parvins, non sans mal, à sortir d’Aokigahara.
Je n’ai jamais parlé de mon expérience jusqu’à ce jour. J’étais persuadé qu’on me prendrait pour un fou. Cet espace au-delà de l’arche franchie, est-ce que c’était une sorte de vision de l’enfer ? Celui destiné à ceux qui étaient « appelés » à distance, avant de venir se pendre au sein d’Aokigahara ? Je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c’est que depuis, chaque jour un peu plus, je ressens l’envie d’y retourner. Je revois la corde se balançant au gré du vent, avec mon corps à son bout. Plus les jours passent, plus la vision est distincte, je perçois mieux les détails du visage, des habits portés. Je sais que je ne pourrais pas résister longtemps à l’appel. Je rejoindrais bientôt ceux qui ont remplis les branches des arbres de la forêt de leur corps. C’est pourquoi je tenais à laisser une trace de ce que j’ai vécu, avec cet audio que j’ai programmé pour être diffusé sur ma chaine YouTube. Si vous le voyez aujourd’hui, si vous l’entendez, c’est que l’échéance est arrivée, et que je ne suis plus qu’un corps sans vie, ayant rejoint la troupe des pendus d’Aokigahara.
Je m’adresse alors à ceux dont la vie vous insupporte, et qui ressente cet appel de se rendre dans cette forêt. Résistez. Parlez-en autour de vous. Ne vous laissez pas envahir par la morosité, dirigez-vous vers vos proches, vos amis, tout ceux qui vous aiment, et peuvent vous faire à nouveau aimer la vie, malgré ses obstacles permanents. Soyez forts. Pour ma part, je n’ai plus de contacts avec ma famille et d’autres personnes depuis bien longtemps. Mis à part les abonnés de ma chaine, par le biais des commentaires sur mes vidéos. C’est sans doute pour cette raison que vous voyez cette dernière publication actuellement. Parce que l’appel d’Aokigahara a été plus fort que ma volonté…
Publié par Fabs
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