2 juin 2024

YORLOTH (Partie 2)

 

 

CHAPITRE 6 : ALMA


Le voyage a été agréable, si ce nest une menue perturbation lors du trajet se présentant sous la forme dun charmant bambin ayant oublié le numéro du compartiment où se trouvait sa mère. Il avait profité dun assoupissement de cette dernière pour jouer les explorateurs à lintérieur du train, avant de se perdre en route. Ayant entendu ses pleurs se prolongeant dans le couloir, sans que cela inquiète qui que ce soit, je me suis précipité pour connaître la raison de ces larmes. Lenfant, répondant au prénom de Chester, mindiquait, entre deux larmoiements, le pourquoi de son désespoir. Je parvenais, non sans mal, à calmer sa tristesse en lui promettant de retrouver sa chère maman. Ne voyant pas dagent susceptible de maider dans ma tâche, jai dû, à contrecœur, procéder au dérangement des autres occupants du train. Ceci en ouvrant les différents compartiments et maffairant à questionner les passagers sur déventuels indices à me fournir sur le lieu dans lequel la maman du petit Chester était logée. Après plusieurs minutes de recherches, je finissais par tomber nez à nez avec une jeune femme éplorée, cherchant son petit garçon ayant disparu de son compartiment. Chester, reconnaissant sa mère, méchappait des mains pour se blottir en larmes contre elle.

Chester ! Bonté divine ! Pourquoi es-tu parti sans me prévenir ?

Pleurant de plus belle, le garçon se confondait en excuses.

Je suis désolé maman ! Je mennuyais et jai voulu explorer le train. Je voulais pas te réveiller, tu dormais si bien. Excuse-moi, je le referai plus ! Je te promets

Petit sacripant Évidemment que je te pardonne Mais je ne veux plus que tu réitères un coup pareil, cest bien compris ?

Regardant le visage de sa mère, Chester, essuyant ses larmes, promettait.

Plus jamais, maman

Et se tournant vers moi :

Mais tu sais, cest grâce au monsieur. Cest lui qui ma aidé à retrouver mon chemin

Retenant ses larmes à son tour, toute heureuse davoir retrouvé son chérubin enfui, la maman dirigeait son regard dans ma direction.

Cher monsieur, je naurais jamais de mots assez forts pour vous gratifier de ma reconnaissance

Souriant, tout en observant le jeune enfant blotti contre sa mère, je rassurais la mère du petit fuyard.

Je vous en prie : rien de plus normal. Jai été enfant, moi aussi. Et jai fait mon lot de frayeurs à mes parents. Je sais à quel point il peut être terrifiant de se retrouver séparés deux alors quon veut jouer les grands

Esquissant un sourire à mes mots, elle sortait à ce moment-là un mouchoir du petit sac à son bras droit. Elle séchait ses larmes naissantes, quelle avait eu bien du mal à empêcher de couler, et se présentait.

– Je me nomme Alma. Alma Hawthorne. Et ce petit espiègle, cest mon fils, Chester. Je ne peux faire moins que de vous offrir un thé en remerciement de votre aide fort appréciée, monsieur Monsieur ?

Répondant à sa demande, je me présentais à mon tour.

Ciaran. Ciaran Cornwell. Ravi davoir pu secourir cette âme en peine quest Chester. Et jaccepte avec grand plaisir votre proposition.

Alma semblait surprise en découvrant mon identité, et elle ne put se retenir de minterroger sur celle-ci.

Cornwell ? Est-ce que vous seriez en parenté avec la même famille Cornwell à la tête des sociétés dimport-export Far Away Industries ?

Je faisais mine de faire une révérence, posant ma main droite sur ma poitrine, et minclinant légèrement, tout en affirmant mon appartenance à ma célèbre famille.

Tout à fait. Jai lhonneur dêtre le fils de mon illustre père Ezra Cornwell. Pour vous servir, madame Hawthorne.

Elle me reprenait à cet instant :

Je vous en prie, appelez-moi Alma. Cest la moindre des choses que de vous permettre cette familiarité après mavoir sorti de langoisse de la disparition de ce petit gredin de Chester.

Ce dernier, pour répondre aux paroles de sa mère, se blottissait encore plus contre sa mère, et sexcusait de nouveau.

Je suis désolé, maman. Je voulais pas te faire de peine

Alma souriait et caressait la tête blonde du petit garçon.

Je tai déjà pardonné. Inutile de te répéter.

Puis,  relevant la tête à nouveau vers moi.

Mr. Cornwell. Ciaran, si vous me permettez de vous appeler par votre prénom, me ferez-vous donc lhonneur de me suivre pour que nous puissions discuter autour de la tasse de thé promise ? Je dois avouer que jai des dizaines de questions à poser à quelquun appartenant à une famille aussi illustre que la vôtre.

Je souriais et exécutais à nouveau une révérence.

Mad Alma, je vous suis. Et je répondrai à toutes vos interrogations en toute sincérité.

Ainsi, nous nous sommes dirigés vers le wagon faisant office de salon de thé, et jentamais alors une fort agréable discussion avec Alma. Mon cher Milton, si vous aviez été dans ce train avec moi, nul doute que vous seriez immédiatement tombé sous le charme de cette beauté presque irréelle. Je dois avouer que, moi-même, si je navais pas mes préférences pour la gent masculine, jaurais sans doute succombé très rapidement à son sourire ravageur et laura de séduction équivoque émanant de sa personne. Au fil de la conversation qui sétablissait entre nous, japprenais quelle était la cousine du bouquiniste de Burdlow et grande amie de lépouse du maire de la ville. Je nai pu que me réjouir de lopportunité que mavait envoyé le destin en ce moment. La perspective dêtre accepté plus facilement que je ne laurais cru de la populace de Burdlow, grâce à Alma, mapparaissait comme une nouvelle preuve de ma chance insensée. Et ce nest pas vous, mon dévoué Milton, qui me direz le contraire. Sachant bien que vous me gratifiez régulièrement de louanges concernant cette faculté innée qui est la mienne dattirer la providence à mes pieds. 

Je nai pas osé lui avouer mes préférences, alors même que je voyais ses yeux me dévorer du regard. Je ne savais pas si cet intérêt de sa part à ma personne venait du prestige de mon nom de famille, ou dune sincère attirance, mais je ne voulais pas risquer de perdre lavantage qui sétait offert à moi en profitant de cette manne de renseignements substantielle quétait Alma. Dautant que Chester semblait mavoir déjà plus ou moins adopté, ne cessant de me poser mille questions sur mes passions et préférences sur de multiples sujets. Ce qui embarrassait parfois sa tendre mère, rougissant dune honte palpable à lindiscrétion de son curieux de fils. Ce à quoi je mempressais de répondre de ne pas gronder un enfant qui montrait autant dengouement à apprendre. Japprenais ainsi quAlma était veuve depuis quelques mois. Son défunt époux était à la tête dune confortable fortune obtenue dans le commerce darmes destinées à des fins militaires et policières, et pour lesquels il était un des fournisseurs exclusifs. Nétant pas très à laise avec la gestion de lentreprise dont elle devait désormais assurer la succession, elle avait fini par recourir aux services de son frère pour sen occuper. Ce dernier étant plus expert dans ce domaine. Elle se rendait à Burdlow pour se changer les idées des tracas commerciaux de la société dont elle restait à la tête, faisant toute confiance à son frère pour pérenniser lhéritage de son mari disparu et le faire fructifier.

 

CHAPITRE 7 : NIGEL 


Le reste du trajet, je le passais auprès de mes nouveaux amis, que représentait donc Alma et Chester, et je nai pas vu le temps passer. En moins de temps quil nen faut pour le dire, nous étions déjà arrivés à la petite gare de la ville voisine de Burdlow. Je savais que les voies ferroviaires ne sarrêtaient pas à ma destination, car Ridgwell men avait fait part lors de notre discussion la semaine précédente. Une volonté du maire de la ville, qui semblait ne pas voir du meilleur œil la présence dun monstre de fer, tel quil le désignait, trop proche de la cité dont il sétait fait le devoir de protéger de toute pollution intempestive. Cétait la raison pour laquelle tout engin motorisé y était proscrit. Artus Caldwell, le maire, expliquait que les cultures autour de Burdlow, source principale de revenus de la cité, pouvaient pâtir des retombées toxiques de la technologie nocive, tel que voitures ou autres machines du même ordre. Cétait louable de sa part, même si, dans les faits, cela mobligeait à trouver un marchand acceptant de me conduire à Burdlow en usant dun véhicule archaïque, tel quune charrette, à défaut dun fiacre assurant la correspondance directe avec Burdlow. Ou bien encore un cheval dans le pire des cas.

La rencontre avec Alma mavait libéré de cette contrainte, puisque son cousin attendait sa venue à bord dun chariot lui servant pour effectuer les voyages. Ceci afin dacquérir les livres de son commerce. Ce dernier fut quelque peu étonné de constater ma présence auprès de sa cousine, ayant reçu un télégramme quelques jours plus tôt de la part dAlma lui signifiant sa venue avec son fils Chester, sans avoir le moindre accompagnant. Jai cru comprendre que son frère, Maxwell, sinquiétant du fait quelle effectue ce voyage seule et sans protection masculine, avait essuyé un refus dAlma sur ce point. Celle-ci lui ayant répondu quelle navait pas besoin dun chaperon et arguant du fait que le voyage serait court. Sans compter que les voyages en train étaient bien plus sûrs que dautres moyens de transport. Résigné et convaincu malgré tout par le fort tempérament de sa chère sœur, Maxwell avait cédé, laissant Alma parcourir les quelque 120 miles la séparant de Burdlow avec pour seule compagnie Chester. Il avait aussi été rassuré par la promesse de Nigel, son cousin, de venir personnellement la récupérer à la sortie du train à NorthDown, la ville voisine de Burdlow.

Cest pourquoi lair inquiet de Nigel à ma vue ne passa pas inaperçue. Alma se hâta de refroidir le tracas visible sur le visage de celui-ci, en lui expliquant de quelle manière elle avait lié connaissance avec moi à lintérieur du train et la manière dont javais été le sauveur de limpétueux Chester. Nigel sourit à ces explications, ne semblant pas vraiment étonné de laventure du fils dAlma. Même si ce dernier sétait montré désolé de sa sortie non dénuée dun courage certain pour un petit garçon de son âge, ceci au sein dun environnement inconnu pour lui car étant son premier voyage en train, jai vite compris que Chester était coutumier du fait. De nombreuses fois sa curiosité avait donné des sueurs froides à sa mère, et Nigel mapprit que cela faisait aussi partie des raisons ayant fait insister le frère dAlma pour quelle ne parte pas seule. Il sinquiétait plus du tempérament de son neveu que de la propension de sa sœur à se débrouiller et se défendre déventuels malotrus durant le trajet. Une fois compris la raison de ma présence, Nigel a été dune courtoisie sans pareil, me remerciant pour mon aide précieuse pendant le voyage, et ravi que sa cousine ait pu voyager sous la protection dun homme plein de bon sens en plus d'être un gentleman aguerri, comme je lui faisais ressentir.

Ce à quoi Alma se moqua gentiment.

Mon cher cousin, oseriez-vous prétendre que je ne puisse pas prétendre à me défendre seule ?

Montrant un air gêné, mais néanmoins guilleret, sans doute dû à lhabitude des réparties dAlma, Nigel usa dun flegme certain pour répondre.

Je ne me permettrai pas cet affront, chère cousine. Je sais bien que vous nêtes pas du genre à vous laisser faire. Je me souviens encore dune certaine soirée où ce paltoquet de Rufus a fait les frais de sa rustrerie en osant tenter de vous séduire, alors même que ce regretté Kent se trouvait dans la même pièce

Retenant à peine un rire discret, Alma samusa de cette évocation.

Javoue navoir pas été tendre avec lui ce soir-là. Sa malencontreuse chute est encore dans toutes les mémoires. Je ne lai pourtant pas poussé très fort. Mais il était tellement imbibé dalcool dans le corps, quun simple souffle de vent aurait suffi à le faire basculer, à dire la vérité.

Nigel riait de bon cœur.

Une bonne bourrasque alors. Rufus nest tout de même pas un fétu de paille quon renverse facilement. Vous sous-estimez votre force parfois, ma chère cousine. Parfois, je me dis que si Kent nosait jamais vous contredire quand vous aviez une idée en tête, cest parce quil nignorait pas cette particularité.

Alma riait de manière plus explicite.

Oseriez-vous prétendre que je suis une femme dangereuse, Nigel ?

Se grattant la tête, comme pour réfléchir à sa réponse, Nigel répliquait.

Pour tout homme imprudent et discourtois, oui, vous lêtes sans aucun doute

Là-dessus Alma et Nigel rirent de concert. Après quoi, Nigel se faisait un devoir de sexcuser auprès de moi pour ces petites mises en avant du caractère bien moins fragile et réservé quon pouvait le penser de la part dAlma, en mincitant à prendre garde à ce que je disais pour ne pas en subir les conséquences. Ce qui valut à Nigel un léger coup dombrelle dAlma en guise de représailles. Il madressa un regard en coin, jouant un simulacre dhomme martyrisé.

Vous voyez bien quelle nest pas une femme ordinaire ! Si je peux vous donner un conseil, ne la fâchez pas. Voyez ce quil vous en coûtera dans le cas contraire

Je riais à mon tour, pendant quAlma faisait mine de bouder.

Je prends note, mon cher Nigel. Je tâcherais de men souvenir, si daventure il me prenait lidée saugrenue de ne pas être daccord avec votre cousine.

Nigel souriait à nouveau.

Cest mieux pour votre sécurité. Alma est aussi belle que pleine de dangers pour qui ne se méfie pas de ses sautes dhumeur.

Souriant dun air presque machiavélique, Alma rétorquait.

Cherchez-vous à recevoir un nouveau coup, Nigel ? Je suis dhumeur généreuse vous concernant aujourdhui

Nigel montrait un air de défense, tout en madressant un clin dœil. Une manière de dire : Voyez comment est la véritable Alma sous le masque de douceur quelle montre à tous... ”. Ce à quoi je me retenais de ne pas mesclaffer de nouveau et éviter de subir, à mon tour, les foudres de ce faux ange qui se trouvait à mes côtés. Cette petite mise en bouche me permit de mieux me faire apprivoiser de Nigel, si je puis me permettre cette expression. Nous discutâmes de choses et dautres concernant son commerce, les facéties régulières dont Chester faisait cadeau à sa mère et au reste de son entourage, ainsi que certaines indiscrétions du passé dAlma avant quelle fasse la rencontre avec son futur époux. Un mariage arrangé entre sa famille et celle de Kent. Si, dans les débuts, elle navait guère dattirance pour son mari, elle avait appris par la suite à apprécier ce dernier et développer des sentiments sincères. Kent navait jamais cherché à brusquer les choses, conscient du piège de leur union voulue par leurs parents respectifs. Il avait compris cela et Alma a été très sensible à cette délicatesse de sa part. Ce qui a contribué à ce que les deux époux se rapprochent peu à peu, sentimentalement parlant.

Chester était né deux ans après leur mariage et est devenu le symbole du vrai amour qui a lié Alma et Kent à ce moment. Un amour sincère et pur qui faisait ladmiration de tous. Mais sentant que ces souvenirs montraient une certaine forme de mélancolie de la part dAlma, on en est vite venu à discuter de ma propre vie. Jai donc parlé de ce que javais déjà discuté dans le train, avec quelques nouveaux éléments. Aussi bien Nigel quAlma, et même Chester, discret jusquà présent, tous ont bu mes paroles. Jai évité soigneusement dindiquer mes sorties régulières avec des femmes, dans le seul but de masquer mes réelles préférences en matière de sentiments et daventures dordre sexuel. Ça ne me semblait pas pertinent. Et surtout, je craignais que cela me porte préjudice, voire même déclenche un regard différent envers moi de la part dAlma et Nigel. Sans compter que je ne pouvais décemment pas parler de cela ouvertement en la présence de Chester. Cela aurait été déplacé. Je compris dailleurs aux sourires quAlma me portait quelle me remerciait pour cela. Peu après,  le panneau indiquant notre arrivée à Burdlow se montrait.

 

CHAPITRE 8  : RUMEURS ET REVELATIONS

 

Une fois arrivé à Burdlow, alors que Nigel se chargeait de descendre les bagages de sa cousine, Alma se proposa de me mener plus tard à lauberge proche. Nigel insistait pour me présenter son épouse, prétextant quelle serait ravi de discuter avec un homme de ma condition, et surtout de voir celui ayant été en mesure damadouer Chester. Ce dernier naccordait que très rarement sa confiance envers quelquun quil ne connaissait pas, même dans les conditions de notre rencontre. Nigel était persuadé que son épouse considérerait que je devais avoir une aura exceptionnelle pour avoir su faire sabaisser les barrières dun enfant comme Chester. Conformément au portrait que men avait brièvement fait Nigel, Emily Ravenworth était une femme pleine de sagesse et je me suis tout de suite senti à laise avec elle. Après avoir échangé sur ma rencontre avec Alma et son fils lors du trajet en train, afin de tenter de comprendre létonnant revirement de Chester envers un étranger, elle mindiqua que je serais le bienvenu au sein de la boutique de son mari, aussi souvent que je le désirais.

Mr. Cornwell, jai cru comprendre que vous vous êtes rendu à Burdlow dans le cadre dune enquête, cest bien cela ?

Javais été assez évasif sur ce point auprès de Nigel et dAlma. Il mavait semblé plus prudent et judicieux de ne pas indiquer les raisons exactes de ma venue à Burdlow. Il mavait semblé préférable de me contenter dindiquer que je mintéressais à lhistoire de la ville, dans le cadre dun livre portant sur certaines cités atypiques. Je précisais que le refus du maire, Artus Caldwell, de toute forme de progrès manifeste au sein de la cité mavait intrigué. Ce qui mavait incité à placer Burdlow en tête de ma liste des villes à étudier. Ça paraissait assez crédible pour emporter ladhésion de quiconque, sans révéler ce qui mavait véritablement amené à venir en ces lieux. À savoir lécole maudite et ce qui sy cachait. Malgré tout, je jugeais important de révéler que cétait Ridgwell qui mavait orienté sur mon choix. Jai pu voir un changement dambiance dès lors que jévoquais son nom Emily fut la première à prendre la parole à ce sujet

Ridgwell Il est surprenant que vous ayez eu à fréquenter un tel homme. Pas quil soit désagréable en soi, bien que nayant jamais eu à faire avec lui directement. Mais de par sa position sociale, je métonne que vous ayez eu une discussion avec lui, et encore plus quil vous ait fait les louanges de Burdlow, quil a quitté sans prévenir. De ce que je sais, je nai pas souvenir quil portait la ville dans son cœur En partie à cause de ce que lui faisait subir le Père Thorin

Nigel sinterposait.

Mon épouse dit vrai. Ridgwell a toujours été quelquun au comportement, disons... peu conventionnel. Cétait un bon commerçant, loin sen faut, et il a eu son moment de prospérité. Mais cétait surtout un solitaire. Je ne lai jamais vu avec une femme et il ne semblait pas montrer dintérêt pour elles. Il y a eu des rumeurs sur ça. Je ny ai jamais cru personnellement. Un homme est en droit de préférer la solitude. Mais vous savez ce que cest dans les petites villes : les langues des commères parlent, sans prendre en compte les retombées, et cela peut mener à des conséquences inattendues.

Je minterrogeais à ces propos, bien que paraissant percevoir la raison de ce qui se disait au sujet de Ridgwell, à cause de labsence de présence féminine aux côtés de ce dernier.

Je ne comprends pas Seriez-vous en train de me dire que Ridgwell naimait pas les femmes ? Je veux dire

Alma minterrompait de la main, après quelle ait surveillé où se trouvait Chester. Sans doute pour sassurer quil ne puisse pas entendre notre conversation au sujet un peu brulant. Le voyant jouer dans le petit salon, loin de nous, elle se montrait rassuré, et prenait la parole.

Vous supposez bien, Mr. Cornwell. On disait que Mr. Fuldorn montrait des yeux remplis de passion uniquement auprès des jeunes gens. Et ses visites régulières à lauberge de Mme Salter, là où je vais vous conduire pour que vous puissiez y prendre une chambre, nont fait qualimenter les suspicions à son égard.

Emily continuait :

Tout à fait. Je pense même que cest à cause de ça sil y a eu lincendie ayant détruit son commerce, et son train de vie par la même occasion. Certaines familles voyaient dun mauvais œil quun homme se livre à de telles dépravations interdites par lÉglise. Et je ne peux que les comprendre, ayant les mêmes réticences à légard de cette catégorie dhommes. Pour que vous puissiez y voir plus clair, Mr. Cornwell, sachez quau sein de cette auberge vit un jeune écrivain du nom de Conrad Moser, et que lui aussi a des préférences inhabituelles. Celui-ci sort rarement de sa chambre. Il se fait porter ses repas par Autumn, la bonne, qui fait aussi office de serveuse au sein de lauberge. Je crois savoir que cest cette dernière qui a fait part des rumeurs sur les habitudes de Mr. Moser.

Nigel sinterposait.

Il faut préciser quAutumn est comment le dire sans être vulgaire

Voyant son embarras, Emily jugeait bon de donner son avis personnel sur Autumn.

Cest une traînée Il ny a pas dautres mots Nigel. Ce nest pas un secret : il ny a que très peu dhommes dans la ville qui ne lui sont pas montés dessus. Artus compris.

Nigel soffusquait :

Tu exagères : il ny a aucune preuve de ça. Je ne pense pas quArtus

Emily linterrompait :

Arrête-ça, Nigel. Même toi, tu nes pas insensible aux charmes oppulents de cette petite non, je vais me retenir sur ma pensée Bref, plusieurs habitants peuvent témoigner des regards plus quinsistants partagés par Artus, notre maire, avec Autumn. Ça ne trompe pas une femme ce genre dattitude au sein dun tel établissement. Il est évident quArtus et elle ont une liaison. J'ai été également témoin de leurs regards affamés de luxure, lors dun repas avec mon époux ici présent. Mais bon, on sort du propos. Pour en revenir à Conrad et Autumn, dont le décolleté ravageur fait partie des raisons du succès de lauberge et attirant nombre de clients en son sein, ce mot ayant ici un double sens, Autumn disais-je a remarqué que Conrad ne montrait aucun intérêt à ses courbes. Au contraire de tous les hommes ayant eu le loisir de la croiser dans lauberge ou sétant fait servir par elle. Elle en a vite conclu, et dautres avec  qui elle en a parlé, quil préférait les hommes. Donc, forcément, que Ridgwell vienne régulièrement à lauberge pour aider Conrad dans la rédaction de ses livres, en privé, ça a soulevé de multiples rumeurs.

Je sentais une certaine animosité dans les paroles dEmily, et je me disais à ce moment que javais rudement bien fait de ne pas indiquer mes propres préférences. Ce qui maurait certainement valu un tout autre accueil de sa part dans sa demeure. Pour ne pas montrer mon désarroi quant aux propos dEmily, je gardais en moi mes propres ressentiments sur lire dont semblait victime le fameux Conrad.

Vous soutenez donc que Ridgwell pouvait avoir une liaison contre-nature avec ce Conrad ?

Cette fois, cest Nigel qui prenait la suite. Alma voyant la tournure de la conversation et sétant aperçu que Chester, lassé de jouer seul, se rapprochait de la pièce où nous nous trouvions,  prenait soin demmener celui-ci avec elle à létage. Vraisemblablement pour rejoindre leur chambre, afin de préserver linnocence de son jeune fils de nos propos. Nigel, comprenant lintention de sa cousine et attendant quelle et son fils soient suffisamment haut dans les escaliers pour continuer la conversation entamée, répondait :

On nest sûr de rien : ça reste des rumeurs. Mais les purs catholiques de la ville nont guère apprécié quun dépravé fasse partie des commerçants de la ville. Peu de temps après quAutumn a révélé ce quelle avait constaté sur lattitude anormale”, selon elle, de Conrad, se rajoutant aux nombreuses visites de Ridgwell, souvent en soirée qui plus est , ça a causé la chute de ce dernier. En pleine nuit, alors quil était occupé avec Conrad à lauberge, son commerce a subi un incendie. Ridgwell na été prévenu par Mme Salter, la tenancière de lauberge, que bien trop tard. Son magasin était déjà la proie des flammes. Les pompiers volontaires de la ville ont également pris leur temps pour arriver et saffairer à éteindre le foyer. Ridgwell a tout perdu et personne ne la aidé à remonter la pente après ça. Ses clients lont lâché lun après lautre, parce quil était incapable dhonorer ses commandes, et créant une montagnes de dettes en termes de remboursement. Il na pu bénéficier dindemnités, nétant pas assuré. Sans le Père Thorin, le seul à lui avoir tendu la main, je pense quil en serait venu à attenter à sa propre vie par désespoir.

Emily donnait ses propres impressions sur le rôle du Père Thorin.

Cet opportuniste de Père Thorin, tu veux dire. Il a vu en lui un esclave docile qui ne pourrait rien lui refuser. Lui aussi le détestait, à cause de sa relation plus quévidente avec Conrad. Sa proposition, c'était de la poudre aux yeux pour avoir une bonniche qui ne lui coûterait rien, et le plaisir dhumilier quotidiennement un adepte dactes réprouvés par lEglise.

Des propos qui rejoignaient les déclarations de Ridgwell sur sa relation avec le Père Thorin, où il se disait considéré comme pratiquement un sous-homme aux yeux du prêtre, tout juste bon à effectuer les tâches les plus ingrates. Cependant, Nigel semblait plus tolérant envers le religieux.

Tu exagères, Emily. Je ne pense pas que le Père Thorin soit lhomme que tu décris. Il a vraiment essayé de laider. Mais les réactions de certains habitants quand celui-ci travaillait au-dehors de lÉglise, les enfants en tête, nont clairement pas aidé ce pauvre Ridgwell à se sentir bien dans sa peau non plus.

Emily semblait semporter.

Thorin est un dépravé au moins autant que Ridgwell. Ils se sont bien trouvés ces deux-là. Un homme dÉglise digne de ce nom ne va pas chez des femmes célibataires pour des confessions privées. Et la petite Nora, tu veux quon en parle ? Elle est tombée enceinte par le saint-esprit peut-être ? Elle aussi bénéficiait des visites de ce saint de Père Thorin. Comme par hasard, dès lors quil a appris quelle était enceinte, il la considérait comme une pestiférée. La pauvre sest suicidée, rongée par la honte, la culpabilité et je ne sais quoi dautre dû à la lâcheté de Thorin davouer sa culpabilité !

Nigel tentait de calmer son épouse. Je ne savais pas qui était cette Nora. Ridgwell ne mavait pas parlé de cet épisode concernant le Père Thorin. Voyant les tensions que cette conversation apportait, je regrettais presque davoir parlé de ma discussion avec celui étant à lorigine de ma venue ici. Je tentais de calmer les ardeurs de chacun.

Sil vous plait, ne vous fâchez pas. Ça nen vaut pas la peine. Vraiment. Si javais su que le fait dévoquer Ridgwell envenimerait les choses, jaurais sans doute évité den parler. Vous savez, ce qui compte pour moi, ce nest pas vraiment les ragots de tout un chacun. Juste ce qui concerne les particularités de la ville et son histoire. De sa création à aujourdhui, rien de plus. Mais pour linstant, mettons ça de côté. Concernant lauberge, Alma mavait indiqué quelle my mènerait pour que je puisse my loger. Je vais aller la voir pour lui demander si elle est toujours daccord pour cela. Avec votre accord, bien entendu.

Emily et Nigel semblaient sinterroger du regard, conscient quils sétaient sans doute un peu emportés sur leurs interprétations opposées concernant Ridgwell, le Père Thorin et même le fameux Artus Caldwell, de ce que javais cru comprendre. Emily montrait une rigueur de catholique dévouée, ne portant pas dans son cœur le prêtre de la ville. Cétait une évidence. Tout comme létait son ressentiment sur les actes sécartant de toute normalité religieuse. Lattitude dAutumn envers les hommes la côtoyant, la relation entre Ridgwell et Conrad, le statut de reclus de ce dernier, sans doute pour éviter les esclandres de personnes comme Emily nacceptant pas ce quil était, le comportement intéressé dArtus sur Autumn lair de rien, même si jaurais préféré en avoir connaissance de manière moins houleuse, cette conversation mavait apporté son lot dinformations loin dêtre négligeable pour la suite de mon enquête. Je comprenais un peu mieux les relations entre chacun, leur caractère, leurs positions au sein de la population et le fait que cette ville comprenait son lot de secrets pas très catholiques si lon puis dire.

 

CHAPITRE 9 :L'INVITATION

 

Il y avait un fait, ressortant de ma conversation avec Nigel et Emily, qui me serait profitable :  me trouver à lauberge, là où se trouvait Conrad, ça pourrait mapporter dautres éléments capables de répondre à mes interrogations. La tenancière, Mme Salter, serait peut-être aussi  une source déclaircissements sur certains points. Il me faudrait dabord étudier le terrain, afin de juger de ce que je pourrais  soutirer comme révélations, sans que cela attire trop lattention sur mon véritable rôle à Burdlow. Le Père Thorin faisait aussi partie des personnes à interroger de manière subtile. Je savais quil jouait un rôle primordial dans le secret se cachant sous lécole : cette créature et le probable culte autour. Les détails donnés par Ridgwell sur le livre dincantations, la pièce secrète, la bibliothèque et ses ouvrages singuliers, le fait que le Père Thorin sorte la nuit revêtu dune tenue monastique étaient éloquents en ce sens. Je devais trouver des confirmations de ces dires et découvrir les raisons de tout ça.

Nigel était bouquiniste et son épouse mavait assuré que je serais toujours le bienvenu au sein de leur demeure, et donc de leur boutique. Ce pourrait être une autre source dinformations à travers le contenu de celle-ci concernant lhistoire de Burdlow et les origines de lécole. Des parties de ce passé de la ville étaient sûrement inscrites dans les pages des livres du commerce de Nigel. Ce qui pourrait mapporter des lumières sur ce qui avait été le point de départ de la venue de Yorloth. Tout comme la constitution des inscriptions sur les murs des sous-sols de lécole, le pourquoi de son endormissement, ou encore la raison de linquiétude de Thorin sur ce qui allait recommencer après la faute de Ridgwell. Il y avait des centaines de questions qui sentrechoquaient dans ma tête, mais je devais être méthodique. Javais eu la chance de rencontrer Alma dans le train mayant amené ici. Un imprévu salutaire, dautant que je comprenais que cette jeune veuve semblait avoir une certaine attirance envers moi. Jétais persuadé que Nigel nétait pas aveugle au point de ne pas lavoir remarqué, ce qui expliquait lattention toute particulière dont il faisait preuve envers moi.

Emily paraissait avoir montré une certaine gratitude à ma présence en ce sens également. Je supposais quelle sétait également aperçue de léclat des yeux pleins dintérêt quAlma me portait. Sans compter laffection dont Chester me gratifiait depuis lépisode du train. Je ne voulais pas les décevoir et je savais déjà que je devrais pratiquer le même type de jeu auquel je recourais à Providence auprès de mes admiratrices pour donner le change. Dans le même temps, je ne voulais pas blesser Alma. Il était impensable pour moi de briser son cœur. Elle qui avait déjà subi la perte de son époux, se retrouvant seule avec un fils plein dénergie et de curiosité et ne se montrant pas toujours facile à contrôler. Elle était venue ici, à Burdlow, pour séloigner de la pression des affaires de son défunt mari, maintenant administrées par son frère. Un voyage prévu pour lui faire oublier les soucis, mais sans doute sa solitude au sein du vide de son chez soi, malgré la proximité des membres de sa famille et de proches. Je nétais pas expert bien sûr et je ne la connaissais pas assez pour deviner tout le fonctionnement de son esprit. Mais je devinais une certaine fragilité cachée sous un masque. Elle ne voulait pas le montrer, surtout devant son fils, mais il était plus que probable que ce départ de son lieu de vie habituel, cétait pour ne plus voir pendant quelque temps limage des souvenirs que devaient lui rappeler chaque objet de sa demeure. Le souvenir dune absence.

Javais été une forme de lumière à sa condition de veuve marquée par la perte dun être cher. Celui qui participerait à une renaissance attendue. Je ne pouvais pas détruire cet idéal en me rendant coupable de maladresse. Avait-elle des sentiments pour moi ? Il était trop tôt pour le dire. Mais si je voulais lui dire la vérité sur mes préférences, je devais le faire de manière à ne pas lui faire couler de larmes, une fois quelle aurait compris que lespoir sur lequel elle comptait ne pourrait jamais avoir lieu entre elle et moi. Cette enquête à Burdlow sannonçait donc plus difficile que je ne lavais envisagé, sur plusieurs tableaux. Le Père Thorin, Conrad, Artus, Autumn, Mme Salter, Emily, Nigel et ses livres, sans oublier Alma : cétait tout un pan de renseignements qui soffrait à moi. Un flot dinformateurs à sonder délicatement, sans précipitation aucune, pour ne pas risquer de montrer mes objectifs secrets. Ce serait difficile, jen étais conscient. Alors, je devrais être patient et attentif à tout ce que je ferais et dirais. Tout à mes pensées, je voyais à ce moment-là Nigel et Emily montrant un air peiné, sapprocher de moi, après avoir mis fin à leur discussion quelque peu tumultueuse. Emily, prenant un air sérieux et désolé, sadressait à moi, frottant ses mains lune contre lautre et montrant ainsi son extrême anxiété à mon égard.

Mr. Cornwell, je tiens à mexcuser de notre attitude. Javoue avoir fait preuve dun manque de retenue et de discernement. Jespère que vous ne nous en tiendrez pas rigueur. Vous comprendrez que notre petite ville est comme toutes les autres : remplie de secrets et de rancœur de toutes sortes, avec des idées pas toujours conformes au calme, suvant ce que lon pense les uns envers les autres.

Nigel y allait d'excuses vivaces à son tour.

Ciaran Je peux vous appeler Ciaran ? Je suis désolé de ce dont vous avez été témoin. Comme la si bien dit ma chère épouse, nous ne sommes pas daccord sur tout. Nous avons des points de vue différents sur nos concitoyens, et ça entraîne parfois des petits conflits mineurs. Mais cest le sel de tout couple après tout Nous tâcherons de faire preuve de plus de modération désormais. Soyez-en assuré.

Je montrais un sourire large, comprenant leur position, et je tenais à les  rassurer sur ce qui sétait passé.

Ne rejetez pas sur vous toute la responsabilité de cette conversation ayant un peu débordé. Je suis aussi en partie fautif. Il était sans doute trop tôt pour vous parler de Ridgwell. Celui qui est à lorigine de mon choix de venir ici. Jétais au courant de certaines choses concernant son histoire au sein de cette ville, mais bien loin dimaginer tout ce que vous mavez appris tous les deux. Je comprends mieux certains éléments à présent. Mais quimporte : cela appartient déjà au passé.

Nigel et Emily montraient un air rassuré à mes propos. Je reprenais :

En ce qui concerne lauberge, je devrais peut-être laisser Alma et Chester se reposer. Le voyage a été long et assez mouvementé pour elle. Grâce aux bons soins de ce petit diable de Chester. Moi-même, je commence à ressentir une certaine fatigue. Je ne voudrais pas abuser, mais, si lun de vous deux pouvait me mener jusquà laccueil de létablissement, je vous en serais fort gré.

Sans que son mari ait le temps de réagir, Emily savançait.

Mr. Cornwell, au nom de mon mari et moi-même, je tiens à me faire pardonner notre attitude inqualifiable de tout à lheure. Non, non : ne dites rien. Je sais quand je fais preuve dune attitude inappropriée envers un invité. Comme Alma vous la promis, elle vous présentera à Mme Salter dès demain matin. Pour lheure, je me charge de vous préparer une chambre pour cette nuit. Il y a celle de notre fils qui est inoccupée depuis son départ pour larmée. Juste à côté de celle où séjourne Alma. Je suis certaine que sil était là, il ne verrait pas dobjection à ce que vous puissiez vous en servir en son absence. Et bien sûr, vous souperez avec nous.

Nigel rajoutait :

Je me joins à la demande de mon épouse. Interdiction de refuser, Ciaran. En plus de ça, je suis bien certain quAlma sera ravi de vous savoir à notre table. Et Chester probablement autant.

Jétais un peu pris au dépourvu, mais vu leurs regards pleins dappréhension à ma réponse, je nai pas eu le cœur de refuser. Malgré tout, je repensais à ce dont nous avions discuté, Alma et moi, sur les commérages qui pouvaient survenir nous concernant.

Cest très gentil à vous, et jaimerais beaucoup accepter. Mais ne craigniez-vous pas les quen-dira-t-on sur ma présence sous le même toit dune jeune veuve ?

Emily et Nigel se regardaient de concert, comme sattendant à ma question, et prirent plaisir à me rassurer.

Pas de souci, je vous assure. Ce ne sera que pour une nuit et je me charge de faire taire les mauvaises langues sil y avait lieu. Jai une réputation certaine à Burdlow, et mon époux tout autant. Jamais il ne viendrait à lidée dun habitant de la ville de douter de notre bonne foi en indiquant que vous avez dormi chez nous, en même temps quAlma, et que rien nétant contraire à la bonne morale ne sest déroulé lors de ce laps de temps. Soyez tranquille sur ce point.

Nigel me prit par le bras, comme pour compléter le propos de son épouse.

Venez Ciaran. Pendant que mon épouse se charge de préparer votre chambre, et en attendant quil soit lheure de souper, je vous emmène faire une petite balade au cœur de Burdlow. Je vous montrerai lessentiel de ce qui la compose. Il ne fait pas encore nuit : nous aurons tout loisir de discuter en profondeur de votre futur livre et de ce que vous recherchez à connaître pour rédiger son contenu. Ça me permettra aussi de vous faire un petit briefing complet sur les personnalités les plus emblématiques de notre ville. Il y a ceux et celles que nous avons évoqués tout à lheure, de manière pas très fine, dont je vous détaillerais lhistoire au sein de Burdlow. Et il y a les autres que vous rencontrerez sûrement durant votre séjour. Peut-être que nous serons amenés à parler de divers autres sujets également.

Le regard discret quil a alors lancé à Emily était équivoque. Je savais quà un moment ou un autre, il en viendrait à me parler dAlma et ma relation avec elle. Une sorte dintuition de ma part. Il me faudrait donc être prudent dans mes propos. Dune part pour quil ne se doute pas de mes préférences, surtout après lépisode de la conversation précédente. Dautre part pour quil ne devine pas le véritable but de ma présence à Burdlow. Néanmoins, jusquà présent, ma chance ne mavait jamais fait défaut, et je comptais à nouveau sur elle pour ne pas faire lerreur den dire plus quil ne fallait. Jacceptais donc avec enthousiasme la proposition de Nigel.

Eh bien, devant tant dinsistance, je ne peux que donner mon accord sur votre aimable invitation. Aussi bien pour le souper et la nuit que sur la balade. Je suis votre obligé, Nigel. Faites-moi découvrir votre belle cité que je compte bien auréoler de louanges dans mon futur ouvrage.

Tout souriant, Nigel se prépara à  ouvrir la marche, accueillant avec joie ladhésion à sa demande.

Splendide ! Partons de suite découvrir les merveilles de Burdlow et les secrets de ses habitants !

Se tournant vers Emily :

Nous faisons vite. Si tu as besoin, nhésite pas à faire appel à Chester. Cette petite girouette sera enchanté de se rendre utile, et ainsi, il ne fera pas angoisser à nouveau sa mère en procédant à  je ne sais quelle excentricité acrobatique dont il a le secret

Emily acquiesçait avec le sourire.

Je me charge de ce petit tourbillon sur pattes Après ça, il sera tellement fatigué quil ne mettra pas longtemps à aller au lit après le souper

Nigel ne put réprimer un petit rire.

Je te fais confiance là-dessus. Je sais que tu sauras y faire.

Se tournant vers moi :

Très bien. Ciaran, je suis tout à vous. Partons de ce pas dans les méandres de cette chère Burdlow

Linstant daprès, nous nous dirigions vers la porte dentrée et passions à côté de son chariot, toujours parqué devant la maison. Avant même que je nen parle, Nigel sadressait à moi, devinant ce que jallais demander.

Concernant vos bagages, nous les prendrons au retour de notre petite visite pour les monter à votre chambre. Il ny a pas de voleurs à Burdlow : aucune crainte à avoir.

Je souriais à Nigel, avant de suivre le pas de mon sympathique et jovial hôte au travers des rues de ce qui serait lépicentre dévènements qui me ferait voir limmensité de lunivers dune tout autre manière. Tout comme la noirceur de lâme humaine dans tout ce quelle a de plus détestable. Et je ne parle pas seulement du Père Thorin, qui se révèlerait être à la hauteur de la réputation exécrable quon mavait donné de lui bien avant mon enquête. À côté de ça, je ferais la rencontre de belles âmes torturées, aux ressentiments insoupçonnés. Des cœurs brisés par le destin, obligé de cacher ce quils étaient par obligation. Vous connaissez ladage Il ne faut pas se fier aux apparences. Je peux vous assurer que parfois, même si ce nest pas immuable, il est on ne peut plus exact. Cette ville allait se révéler le territoire des à priori les plus faux quil puisse exister sur Terre. Les amis se révèleraient ne pas se montrer forcément ceux que je pensais connaître, et les ennemis tout autant


À suivre...

 

Publié par Fabs

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