30 avr. 2021

LE CHAT DE BYAM STREET

 


S’il y a bien un animal qui n’a pas fini d’intriguer, c’est le chat. Vous connaissez tous le côté câlin de cet animal de compagnie, sa moue capable de faire fondre le plus réfractaire aux bêtes, son caractère à part, pouvant passer de l’ange au démon en seulement quelques secondes. On le maudit parce qu’il a renversé la théière en porcelaine de Mamie, qu’on pensait pourtant bien à l’abri en haut de l’armoire ; et dans le même temps, on ne peut s’empêcher de le filmer en train de faire des bonds dans tous les sens, avec une simple boulette de papier, ou parce qu’il s’est endormi dans son carton préféré. A la fois peluche angélique et démon retors qui adore faire ses griffes dans les endroits pas du tout préparés à son espièglerie ; nous rendant fou de colère après s’être rendu compte qu’il a marqué son territoire en urinant dans nos chaussons fétiches ; et l’instant d’après, c’est nous qui allons le chercher pour nous consoler d’une rupture amoureuse, en le caressant sur tous les angles, en véritable anti-dépresseur vivant à part entière.

 

Pourtant, l’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui va vous faire changer d’avis sur le côté à priori adorable de cette mascotte, qui, de plus en plus, séduit les humains à travers la planète, face à son éternel concurrent le chien. Au départ, ce chat particulier, va vous sembler à l’image des autres : attendrissant, plein d’affection, mais gardant cet aspect indépendant qui fait sa différence. Mais son comportement étrange va susciter tout d’abord l’étonnement, puis la perplexité, tel que je l’ai ressenti au fil des jours où j’ai rencontré cette petite boule de poils, juste avant que je découvre toute l’horreur dont était capable ce petit être à 4 pattes. Ha, un point qui aura toute son importance à la fin de ce récit : ce chat est en fait une femelle. Primordial pour que vous compreniez bien la raison de ses actes, une fois que je vous aurais décrit ce que j’ai vu.

 

Maintenant que ce détail a été mis en lumière, je vais vous raconter ma rencontre avec cet animal, et ce qui m’a conduit à découvrir le secret dont il était le détenteur. Tout d’abord, je me dois de me présenter à vous : je me nomme Stanley O’Callaghan. Je suis écossais de par mes parents, mais je suis né dans la glorieuse Angleterre, n’ayant gardé de mes origines qu’un léger accent, propice à de petites moqueries de part et d’autre, mais sans réelle méchanceté. Dites-vous que l’accent d’un écossais pour un anglais, c’est comme si vous compariez le goût du Ketchup à la mayonnaise, ou un panaché à une guiness : de loin, son apparence semble identique, mais dès qu’on s’approche, et qu’on découvre le contenu, éloigné de ses propres standards, de ses habitudes, eh bien on ne peut que se surprendre à sourire de notre erreur de jugement. C’est très imagé bien sûr, mais ce n’est pas très éloigné de la réalité, telle qu’on la ressent sur l’instant.

 

Bref, ça c’était pour dire qu’un écossais qui emménage dans un quartier huppé de Londres, au début personne n’y prête attention. Jusqu’à ce qu’il se mette à parler. Et là, les allusions fusent. Elles ne sont pas toutes entendues, fort heureusement, le tact anglais étant loin d’être à toute épreuve, malgré la légende du flegme britannique. Alors, une fois cette étape franchie, l’écossais, qui en plus est célibataire, ce qui rajoute un écueil supplémentaire, eh bien, il se sent un peu seul, sans avoir de voisins avec qui discuter, de canapé et de muffin à partager en regardant un match de football à la télévision entre amis. C’est une solitude qu’on pense pouvoir apprendre à s’habituer, mais qui au bout d’un certain temps finit par vous miner le moral à petit feu. C’est dans cet état d’esprit que j’ai rencontré cette fameuse minette, Shona, en référence à ma défunte sœur. N’y voyez pas une offense à sa mémoire, bien au contraire. Ma sœur était vraiment comme ce chat. Indépendante à l’excès, ne supportant pas qu’on lui dise quoi faire, au caractère bien trempé, comme on dit familièrement. Et dans le même temps, capable d’une tendresse et d’une gentillesse hors-norme pour ceux qui avaient toute son estime. Dont je faisais partie.

 

Shona, le chat, donc, est arrivé un matin dans mon jardin, alors que j’étais occupé à tailler mes haies. Je sais qu’on dit beaucoup de stupidités sur les chats noirs, mais moi, ils m’ont toujours fasciné. Je ne saurais pas dire pourquoi. Je trouve qu’il y a une telle aura qui de dégage d’eux. Et c’était tout à fait ce que j’ai ressenti à l’arrivée de Shona. Il y avait un je ne sais quoi de majestueux dans sa démarche, sa façon de bouger sa queue. C’est bien simple : on aurait presque dit qu’elle était de la famille royale, tellement elle semblait adopter une attitude digne d’une princesse. Une princesse qui n’avait pas son pareil pour obtenir ce qu’elle voulait. Elle se frotta à moi, avec un ronronnement à déplacer les murs. Tournant, virevoltant, passant d’une jambe à l’autre. Pour ceux qui ont l’habitude des chats, vous savez ce qu’une telle attitude signifie. Vous avez le choix entre « Fais-moi un câlin » ou « Donne-moi à manger ». Ce n’est pas vraiment un ordre direct, parce qu’ils n’ont pas le don de parole, mais ça ressemble quand même fortement à une demande sans commune mesure.

 

Alors, je l’ai pris dans mes bras, cherchant dans un premier temps si elle disposait d’un collier ou tout du moins une marque d’appartenance à un quelconque propriétaire. Mais il n’y avait rien. Après s’être frotté quelques secondes, elle est descendue sur le gazon, et s’est dirigé vers la porte de ma maison, miaulant dans sa direction, me donnant l’impression que ce qu’elle voulait, c’était la deuxième phrase citée auparavant. Alors, je suis rentré chez moi, ouvrant la porte, suivie par Shona, faisant comme chez elle. J’ai sorti d’un placard un petit bol où j’ai versé le contenu d’une boite de thon. Elle l’a dédaigné, mais a tout de suite été intéressée par le steak posé sur la cuisinière, que je prévoyais de cuire pour le déjeuner. Après l’avoir sacrifié pour elle m’a lancée un petit miaulement, comme pour me dire « merci », et puis elle est repartie vers la porte, attendant patiemment que je vienne lui ouvrir. Ce petit rituel s’est répété plusieurs jours. Seul changeait la nature du repas. Mais elle ne voulait pas de pâtée, préférant la viande sous différentes formes.

 

De manière identique, elle n’a jamais voulu une seule des marques de croquettes que je lui présentais. Je lui faisais des repas particuliers, rien que pour elle. C’était ma manière à moi de la remercier d’égayer ma solitude. Elle était devenue plus qu’un animal de compagnie. Elle était une amie. Une amie aux mœurs particuliers, cependant, ce dont j’allais m’apercevoir, après quelques jours. J’appréciais beaucoup ses visites, mais j’avais toujours la hantise que son propriétaire débarque un jour, me traitant de tous les noms, parce que je lui avais plus ou moins « volé » son chat, à force de l’avoir habitué à manger chez moi. Un sentiment de culpabilité a commencé à se former ainsi en moi, et je me suis mis en tête de découvrir d’où Shona venait. Ainsi, après son repas habituel, je la suivais discrètement, afin de savoir si oui ou non, elle avait des maîtres. Je n’eus pas à aller très loin en la suivant, puisque je la vis se glisser par la fenêtre de la maison voisine. Depuis mon arrivée, cette maison m’intriguait, sans que je puisse trop savoir pourquoi. Appelez-ça l’intuition… ou la paranoïa, au choix. Mais le fait est que, contrairement aux autres habitants du quartier, je n’avais jamais vu quiconque sortir de cette maison. A se demander si elle n’était pas abandonnée.

 

Il n’y avait jamais le moindre son d’une chaîne Hi-Fi ou d’une radio qui en sortait, ni même celui d’une télévision, de travaux de bricolage, de cris d’enfants. Le vide absolu. J’aurais bien demandé à mes autres voisins si quelqu’un y habitait, mais au vu de ma popularité, c’était peine perdue que qui que ce soit me donne le moindre renseignement, ni même m’adresse la parole. La fierté anglaise n’a pas d’égal. Et à chaque fois, chaque soir, Shona s’adonnait au même parcours. De ma maison à celle-ci, et inversement. Je me demandais de plus en plus s’il n’était pas arrivé quelque chose de grave aux propriétaires, vu que je ne voyais jamais la moindre activité, ni même des lumières s’allumer, émanant de cette demeure où se glissait chaque soir Shona. Cela m’intriguait tellement qu’un soir, je n’y tint plus. Je suivais Shona dans la pénombre du soir, faisant attention que personne ne regardait dans ma direction, et pénétrais dans la maison, en passant par la fenêtre qui servait d’entrée et de sortie à Shona. L’ambiance à l’intérieur était vraiment lugubre, froid. J’eus l’impression d’avoir été propulsé à l’intérieur d’un film d’horreur. Et dans les faits, j’allais vite m’apercevoir que je n’étais pas loin de la vérité.

 

Je continuais à suivre Shona, mais n’étant pas aussi agile et rapide qu’un chat, je la perdis vite de vue dans cette immense maison, qui devait bien faire le double de la mienne. Tout à coup, j’entendis des miaulements venant d’une pièce plongée dans l’obscurité, comme toutes les pièces de la maison. Je sortis mon téléphone portable, et activais la fonction « torche », pour pouvoir mieux me repérer, et ne pas me prendre un mur ou un coin de meuble, et suivis le son des miaulements. Au début, je pensais que c’était Shona, mais le son de ceux-ci étaient différents. Plus aigües, et surtout plus nombreux. Ça ressemblait plus à des cris de chatons. Je me dirigeais à l’oreille vers l’endroit d’où ils provenaient. Au bout de quelques instants, je trouvais un interrupteur, et pus avoir plus de clarté au sein de la demeure. Je voyais Shona à l’encadrure d’une porte, comme si elle m’attendait. Comme si elle voulait me montrer quelque chose. Je m’avançais donc, et à mon arrivée, Shona entra plus à l’intérieur de la pièce. A peine passé le seuil, une odeur âcre se fit sentir, nauséabonde, très forte. Ça ressemblait à une odeur de… viande pourrie, ou tout du moins un produit ayant dépassé la date de péremption depuis déjà un bon moment.

 

Mais ce n’était pas de la viande. En tout cas, pas au sens où on l’entend. Sur le sol, devant moi, je compris soudain pourquoi la maison semblait abandonnée. Un corps inerte gisait sur le sol, parsemé de mouches voletant tout autour. Des asticots grouillaient par endroits sur le corps manifestement en putréfaction. Je ne savais pas depuis combien de temps la personne était morte, mais au vu de l’odeur, cela devait remonter à plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Et personne ne s’était étonné de l’absence de cette personne ? A moins qu’elle ne fût, comme moi, habitué à la solitude. Et Shona devait être son seul réconfort. Mais il n’y avait pas que le cadavre qui était dans la pièce. En tout cas, ce n’était pas le seul. Tout près du corps se trouvait aussi le corps d’un chat, complètement envahi par des insectes de toutes sortes. Et Shona était à côté. J’entendais les miaulement toujours plus forts, mais je ne parvenais pas à savoir d’où ils venaient. Jusqu’à ce que je voie une petite tête poilue et noire sortir du cadavre ! Était-il possible que ces chatons étaient ceux de Shona ? Alors, le chat mort devait être son compagnon. Je commençais à comprendre, en continuant à ressentir le froid de la maison. Shona, de peur de perdre ses petits, les avaient placés dans le seul endroit pouvant dégager de la chaleur entre ces murs : le cadavre de son ancien maître !

 

Ça ne faisait aucun doute. Je m’approchais, tout en masquant mon nez d’un mouchoir pris dans ma poche, tellement l’odeur était à peine supportable. S’il y avait des chatons là-dedans, comment pouvaient-ils supporter cela ? Moi, j’étais à la limite de gerber mes derniers repas… Je me rapprochais un peu plus, malgré tout, et je ne pus que me rendre à l’évidence sur ma théorie. Le ventre de ce qui semblait être un homme assez âgé, montrait un trou prononcé, qui semblait avoir été creusé par les griffes d’un animal. Ce ne pouvait être que Shona. Elle avait pratiqué cette ouverture, et mis ses petits à l’intérieur pour qu’ils aient la chaleur qu’elle ne pouvait leur offrir en suffisance. Il y avait 5 chatons, maculés de sang tous autant les uns que les autres. Mais ce n’était pas la seule horreur. Je vis Shona plonger les dents dans un morceau du corps en décomposition, arrachant un morceau de chair, avant de le mâcher délicatement, puis le recracher à côté des chatons. Ceux-ci se précipitèrent dessus, dévorant la bouillie offerte par leur mère, déchirant chaque parcelle, avant de les engouffrer dans leur gueule. J’avais du mal à croire ce que je voyais. Je comprenais pourquoi elle venait chez moi pour chercher de la nourriture. Elle réservait la « viande » du cadavre pour ses petits, la malaxait pour atténuer sans doute le mauvais goût, ou pour la débarrasser du grouillement des asticots et autres bestioles, en les mélangeant avec le « repas ».

 

Elle-même ne devait pas en consommer, ou alors très peu, de façon à ce que ses petits ne manquent de rien. Ce corps, c’était à la fois leur foyer, leur source de chaleur et leur garde-manger. Le simple fait d’avoir compris cela, je ne pus m’empêcher de vomir dans un coin de la pièce, le plus éloigné possible du cadavre et des chatons. Je restais plusieurs minutes à genoux, tentant de me remettre de ce spectacle à la limite du supportable. Mais ce n’était pas le pire à venir. Alors que je tentais de me remettre sur mes deux jambes, je vis Shona se poster devant moi, me fixant comme jamais elle ne l’avait fait avant, grognant et crachant dans ma direction. Je ne comprenais pas. Avais-je fait une erreur en la suivant ? Si c’était le cas, elle ne m’aurait pas plus ou moins invité à la suivre dans cette pièce. Non, c’était autre chose qui la motivait. Et j’avais peur de comprendre ce que c’était. La viande du cadavre ne devait plus trop être du goût des chatons, et Shona avait besoin de viande fraîche pour ses petits.

 

Était-il possible qu’elle ait eu assez d’intelligence pour élaborer un tel stratagème ? M’amadouant petit à petit, faisant en sorte que je la voie aller vers cette maison, espérant que je la suive dans son piège ? Etait-ce la consommation de viande humaine qui avait développé son cerveau de cette manière ? J’avais déjà entendu parler de l’évolution horizontale génétique dans un magazine scientifique. Il était indiqué que dans certaines conditions extrêmes, et selon certains animaux dotés de gênes particuliers, ceux-ci étaient capables d’assimiler quelques-unes des aptitudes de ses proies en les ingérant. Cela formait une sorte de déstructuration de l’ADN propre à l’animal. En l’occurrence, aussi improbable que cela pouvait être, Shona, en mangeant de la viande humaine, avait vu son cerveau évoluer vers un stade supérieur à son espèce propre. Devenant une sorte de mutant. Et elle comptait bien que ses chatons fassent de même. Pour qu’ils survivent. Et surtout, maintenant que j’étais tombé dans son piège, c’était moi sa proie. Je la voyais grogner de plus en plus, sortant les griffes à toutes ses pattes, relevant son dos, en forme d’attaque. Je n’arrivais pas à croire qu’il s’agissait de la même Shona à qui je donnais des caresses il y avait encore quelques jours. Tant bien que mal, je tentais de me relever, mais Shona me sauta dessus au même instant, me griffant de partout, visant mon visage, mes mains, mes bras. Puis elle planta ses crocs dans ma gorge, ce qui me fit ressentir une douleur extrêmement forte. J’essayais de mettre Shona à terre, mais elle s’accrochait de plus belle, resserrant encore plus son emprise sur ma gorge, dont le sang coulait en abondance.

 

Si je ne me défaisais pas très vite de ses crocs sur ma gorge, je deviendrais comme le cadavre sur le sol. Peut-être même que lui aussi avait été sa victime ? Peut-être qu’il y avait un autre cadavre dans la maison, dans une autre pièce ? Je savais combien cette situation semblait tout droit sorti d’un scénario de Rod Sterling, mais là, je n’était pas dans la 4ème Dimension. Ce que je vivais était bien réel. Puis, j’eus un éclair de lucidité, bien que l’idée même me répugnait, car elle allait m’obliger à commettre un acte qu’un amoureux des animaux tel que moi ne pouvait pas concevoir. Mais si je ne voulais pas finir en casse-croûte pour chat et chatons anthropophage, je n’avais pas le choix. Même si ça signifiait également pour moi de me faire très mal dans le même temps. Je devais cependant m’y résoudre si je voulais survivre aux morsures de Shona, qui plongeait ses crocs dans ma gorge toujours plus profondément. 

 

Alors, je lançais mon corps vers le mur avoisinant, écrasant mon visage contre celui-ci, afin de faire lâcher prise à Shona. Encore…. Encore… Toujours plus fort, me brisant la mâchoire inférieure, voyant une partie de mes dents tomber au sol, une à une. Mes yeux se tuméfiait de plus en plus, virant au bleu, puis au noir. Je commençais à ne plus voir grand-chose, mais je devais continuer. Je sentais que Shona lâchait prise. Faiblement, mais elle donnait des signes de fatigue. Je ne pouvais pas voir dans quel état elle était, mais elle ne devait pas être très belle à voir elle non plus. Je continuais à frapper mon corps et mon visage encore plus fort, quitte à ressembler à un tableau de Picasso par la suite, et ne plus jamais ressembler à quelque chose d’humain. Au prix d’un énorme effort, je lançais une « attaque » plus violente que les autres. Ce fut payant : Shona lâcha finalement prise, et tomba au sol. Je ne sentais plus la pression de ses crocs sur mon cou, mais le sang continuait à couler. Je me laissais alors glisser le long du mur, le visage en lambeaux, pouvant à peine voir ce qui se passait autour de moi. C’était tout juste si je pouvais tourner le cou, tellement la douleur en émanant était insupportable. Je déplaçais mes jambes endolories, tremblantes à cause de la peur et du stress orchestrée par l’attaque de Shona. Et là je vis que Shona était affalé sur le sol. Elle ne bougeait plus. En tout cas, à première vue.

 

J’avançais à genoux vers elle, histoire de vérifier si elle était toujours en vie. Elle était totalement inerte, et je ne voyais aucun mouvement venant de son corps, que ce soit ses pattes, sa gueule ou ses oreilles. Je mettais ma main sur son cou, espérant trouver un pouls, m’indiquant que je n’étais pas responsable de la mort d’un animal. Mais je devais me rendre à l’évidence : Shona était bel et bien morte. J’étais sauf, mais à quel prix ! Et puis, mon regard se posa vers le cadavre plus loin. 2 chatons en étaient sortis, reniflant l’air, s’approchant du corps de leur mère peu à peu.

 

Moi qui pensais être sorti de l’enfer, celui-ci continuait de plus belle. Les 2 chatons mordait leur mère, croquant ses oreilles, son corps, arrachant de petits lambeaux de sa chair, avant de s’en délecter. Sans doute attiré par le bruit de mastication de leurs frères, les autres chatons sortirent à leur tour du cadavre qui leur servait de panier, se dirigeant eux aussi vers le corps de leur mère, où étaient déjà affairés les autres membres de la portée. J’étais horrifié par le spectacle qui s’offrait à mes yeux. Bientôt, les 5 chatons dévoraient, au sens véritable du terme, celle qui leur avait donné la vie, celle qui les nourrissait de leur régime particulier, cette mère que je venais de transformer involontairement en rien de plus qu’un morceau de viande pour ses petits.

 

Je crus que je vivais un cauchemar vivant dont je ne parvenais pas à me réveiller, et dont je ne connaissais pas l’issue. Je n’osais même pas les empêcher de continuer leur repas, de peur qu’ils me choisissent pour cible. Il valait mieux attendre qu’ils soient rassasiés. Cela prit bien 2 heures, avant que ceux-ci soient repus, et laissent ce qui restait de leur mère à la merci des mouches et autres insectes nécrophages. Je parvenais à me relever sur mes jambes péniblement, m’appuyant sur le mur, puis sur un meuble à chaussures, situé à proximité. Je commençais à me diriger vers la sortie de la pièce, quand je posais les yeux en arrière. Sans doute n’aurais-je pas dû, car derrière moi, je voyais les chatons, positionnés sur leurs pattes arrière, m’observant, comme pour me demander ce qu’ils allaient devenir maintenant que leur mère ne serait plus là pour les nourrir, une fois toute sa viande consommée. Ils avaient beau être « particuliers », ils n’en restaient pas moins des chatons, et je ne pouvaient pas les abandonner à leur sort. Ils étaient trop petits pour pouvoir atteindre une fenêtre et sortir, et si je les aidais à ça, ils seraient incapables de se débrouiller seul dehors. Incapables de chasser des proies à leur taille, et pouvant devenir les victimes de petits cons, aimant martyriser plus petits qu’eux, ou éventrés par un chien errant.

 

Je retirais alors mon tee-shirt, et, malgré la douleur, je m’accroupissais, étalait le vêtement au sol, avant d’y envelopper les chatons. Puis, je repartais, reprenant le chemin inverse, les chatons dans mes bras, dans le tee-shirt, afin de revenir dans ma maison. Le soir même, je donnais un coup de fil anonyme à la police, pour qu’ils puissent venir récupérer le cadavre du propriétaire du 52, Byam Street, avant de raccrocher, pour ne pas que mon appel soit repéré. Si la police m’avait vu dans mon état, elle aurait forcément eu des soupçons. Bien sûr l’heure de la mort du cadavre aurait joué en ma faveur, et j’aurais sûrement été innocenté, mais cela aurait pris un temps fou, et mes finances ne me permettaient pas de prendre un avocat. Quant à dire la vérité… Personne n’aurait cru mon histoire de chat mangeur de viande humaine, aussi intelligent qu’un homme, et capable de stratégie. Ni que j’avais dû me ravager le visage pour me défaire de son emprise. Franchement, qui croirait un truc pareil ? Sans compter que ça me ferait une « publicité » dont je n’avais vraiment pas besoin. Alors je n’ai rien dit de plus que les prévenir anonymement. Je me suis soigné, restant plusieurs jours sans sortir, pour éviter les questionnements que ne manqueraient pas de se faire les habitants du quartier s’ils m’avaient vu dans mon état.

 

Je mis une pancarte sur ma porte « Parti en voyage ». Comme mes voisins ne s’occupaient pas d’un petit écossais dont ils se foutaient royalement, j’étais tranquille. Et comme je n’avais pas de voiture, l’excuse du voyage, les volets baissés, les portes fermées, ça rajouterait au mensonge, et personne ne chercherait plus loin. Quant aux chatons me direz-vous ? Eh bien, ils ont finis par s’habituer à autre chose que de la viande humaine, à force d’efforts. Mais ils refusent catégoriquement croquettes et pâtée pour chats, exactement comme l’était leur mère. Ils ne veulent que des biftecks, des entrecôtes ou assimilés… Crus. Tant qu’ils ont à manger, je sais que je ne crains rien, et d’ici quelques semaines, mes blessures seraient guéries, et je pourrais reprendre une vie normale. Et leur acheter régulièrement de la viande rouge. Pas de poisson. Ils n’en veulent pas non plus. J’espère qu’à force de ce régime, ils perdront le goût de la viande humaine, mais comment en être sûr ? Seul un manque de viande pourrait me donner la réponse. Mais je ne prendrais pas ce risque de les mettre dans cette situation, pour les voir parvenir à s’échapper de la maison, et chasser par eux-mêmes.

 

Il y a autre chose qui m’inquiète : j’ignore si c’est le fait de l’évolution ou quoi que ce soit d’autre venant du fait d’avoir consommé leur mère, mais je trouve qu’ils ont une taille anormalement élevé pour des chatons. Ils n’ont que 4 mois, et ils sont déjà aussi gros qu’un caniche. Je n’ose imaginer quelle taille ils feront à l’âge adulte… Ni de quelle quantité de viande ils auront besoin à ce moment-là. Et surtout, si je pourrais les empêcher de choisir leur repas….

 

Publié par Fabs

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