16 nov. 2021

L'EMPIRE DE KRYSTA 3

 


Près de 4 semaines s’étaient passées depuis que Sacham avait été officiellement intronisé par Krysta, et il prenait déjà son rôle très au sérieux. Se plongeant dans les rapports des usines de traitement de la viande, afin d’en vérifier le taux de qualité de chacune, les temps de transport de celles-ci jusqu’au palais et aux dépôts urbains, pour les sirènes et tritons vivant dans les villes humaines. Ceci afin de vérifier le bon fonctionnement et la servilité de ces derniers, ainsi que les commandes spéciales pour la communauté scientifique, sans oublier les humains ayant acceptés de trahir leur race, en fournissant les infos nécessaires aux agents de l’Empire, postés à des lieux stratégiques un peu partout sur le territoire. Avec l’accord de sa mère, il imposa un barème de qualité auprès des centres de reproduction. Les classes les plus basses, incapables de fournir un pourcentage stable de spermatozoïdes, aux sirènes triées sur le volet pour enfanter, étaient purement et simplement éliminées du processus, dans le but d’offrir de futures progénitures de guerriers, capables de tenir tête à n’importe quel ennemi.

 

Car même si les pays et continents extérieurs à l’Empire s’étaient toujours tenus en statu quo, depuis que sa mère avait montré la puissance de son peuple, il subsistait un doute à ce que ceux-ci n’établissent pas dans l’ombre un plan pour mettre fin au règne de l’Empire sur le territoire américain. Un projet d’espions prévus d’être envoyés dans les pays limitrophes dans un premier temps, comme l’Amérique du Sud et Centrale, fut étudié en profondeur, avec les conseils avisés des meilleurs éléments stratégiques, parmi les proches de Krysta. Plus les jours passaient, plus l’ambition démesurée de Sacham surpassait celle de Krysta, voyant l’expansion de l’Empire à un niveau bien plus haut que sa mère. Pour Sacham, sa mère avait été trop conciliante ces dernières années, pour ne pas dire laxiste concernant ces dangers potentiels qu’étaient la partie extérieure de l’Empire. Et plus que tout, il réfléchissait à une manière d’infiltrer les lignes de la résistance humaine dirigée par le Général Weiss.

 

En ce sens, il passa de longues heures à discuter avec les scientifiques du palais, et ceux placés dans les villes, afin de développer des techniques génétiques promptes à accélérer le processus d’adaptation des futures générations de sirènes et tritons au monde humain. A savoir, ne plus dépendre de la nécessité pour son peuple et lui-même de l’élément liquide, qui représentait encore la faiblesse la plus évidente de leur race. Sacham était passé du rang de fils désinvolte, vu comme un enfant gâté, à celui de monarque incontesté, respecté par tous. Certains s’accordant à dire qu’il ne faudrait pas longtemps avant que Krysta le désigne comme souverain unique du peuple des sirènes, au vu de ses capacités d’adaptation, aussi bien d’un point de vue militaire, économique et social. Mettant un point d’honneur au bien-être des sirènes et tritons, quel que soit l’endroit où la communauté se trouve. Y compris parmi les services de sécurité et de reproduction des centres et des usines de traitement de la viande humaine. C’était sa priorité absolue. Cependant, tout cet engouement, cette fougue protectrice envers son peuple avait son revers…

 

Scylla, sa jeune épouse, en était la victime principale. Elle qui pensait qu’en dénonçant la relation de Sacham et Dolorès, elle obtiendrait les faveurs de ce dernier, après lui avoir ouvert les yeux sur le peuple humain et ses mensonges, elle avait la nette impression que, même s’il s’en défendait, il ne voyait en elle que celle qui avait mis fin à une relation qui le rendait heureux. Bien sûr, en public, il était toujours près d’elle, afin de faire bonne figure aux yeux du peuple sirène. Montrant son attention à ses moindres désirs, élevant la voix quand une de ses demandes n’était pas traité suffisamment vite par les serviteurs humains officiant au palais, se soldant souvent par la mise à disposition de l’imprudent ou l’imprudente envers l’appétit insatiable de ceux présents lors de ces instants. Mais en privé, il en était tout autre… Scylla ne passait qu’au second, voire au 3ème plan des priorités de Sacham, lorsqu’ils se trouvaient seuls dans leurs appartements. Depuis leur mariage célébré en grande pompe il y avait de cela 2 semaines, elle avait surtout l’impression d’être un fardeau, un bagage inutile, un objet qu’il est de bon ton de présenter lors des mondanités du palais, mais ne présentant pas le moindre intérêt, passé ces festivités.

 

Elle se demandait si Sacham la punissait pour avoir été celle qui avait brisé sa conception du bonheur, telle qu’il l’imaginait avec Dolorès. Pourtant, c’était lui-même qui avait ordonné sa mise à mort, sans que Krysta ne lui impose quoi que ce soit. Cette colère, cette haine qu’il avait envers Dolorès, en ayant appris sa traitrise, était-elle feinte ? Avait-il eu recours à cette mise en scène macabre, dans le seul but de satisfaire les ambitions de sa mère pour lui ? Alors qu’au fond de lui, il ressentait une autre forme de colère dirigé cette fois vers elle ? Ou bien encore était-ce simplement le vrai visage de celui qu’elle pensait aimer de tout son cœur ? Elle ne savait plus quoi penser. En proie au doute, elle s’était confiée à Krysta, ne sachant à qui d’autre s’adresser. Cette dernière, plus que Sacham, lui donnant une vraie affection, comme si elle était sa propre fille.

 

« Ma reine… Je… Je ne sais plus quoi faire… Sacham me donne l’impression que je le gêne plus qu’autre chose lorsque nous sommes seuls, loin des gens du palais. J’ai l’impression de l’avoir blessé plus qu’il ne veut le dire, en vous indiquant sa relation avec cette humaine. Et qu’il me le fait payer en m’ignorant volontairement… »

 

Krysta la regardait, silencieuse, voyant la tristesse qui émanait d’elle, et cela la peinait, elle aussi, de la voir ainsi :

 

« Scylla, ne pense pas ça de Sacham. Je sais qu’il peut paraître parfois désinvolte sur les questions sentimentales, n’y accordant que peu d’importance, depuis l’histoire avec Dolorès. La trahison de cette dernière l’a beaucoup affecté. Bien plus qu’il ne veut le dire. En tant que mère, je le ressens à chaque fois que nous échangeons, même s’il ne le dit pas directement… Ne crois pas qu’il n’ait pas d’affection pour toi. C’est juste qu’il ne sait pas encore comment te le montrer. Les affaires politiques et économiques lui prennent énormément de temps, et il a tant à faire… »

 

« Je sais bien tout ça, ma reine… mais… »

 

Krysta la stoppa d’un geste de la main, tout en souriant :

« Ne m’appelle pas ma reine lorsque nous sommes toutes les deux. Appelle-moi mère. Tout simplement »

 

Scylla souria à Krysta, comme pour la remercier de cette sollicitude :

 

« Bien, ma rei… je veux dire, Mère… Si je comprends bien, vous me demandez de faire preuve de patience à son égard encore un peu ? Mais est-ce que sa colère parviendra un jour à se dissiper suffisamment, pour qu’il me remarque enfin ? Je ne sais pas si je pourrais supporter cette situation très longtemps… Je souffre, et il ne s’en rend pas compte. Il n’y a que les affaires du palais qui le préoccupent… »

 

Krysta s’approcha de Scylla, la prenant dans ses bras, comme pour la réconforter, alors que celle-ci semblait se retenir de lâcher une cascade de larmes :

 

« Ne te retiens pas… Si tu veux pleurer, fais- le sans retenue. Jamais je ne te jugerais pour cela. Moi aussi, il fut un temps où j’ai connu la trahison d’un homme. Et j’en ai beaucoup souffert… Surtout n’hésite pas à venir me voir quand tu ressens de la tristesse. Je ferais de mon mieux pour apaiser ta mélancolie… Tu es ma fille désormais, ne l’oublie jamais. Et je serais toujours là pour te protéger. Même contre Sacham… »

 

Scylla regarda un instant Krysta. Elle ne voyait plus en elle sa reine, celle à qui elle devait obéissance par-dessus-tout. Elle voyait une mère. Celle qu’elle n’avait jamais connue. Etant le fruit, comme la grande majorité du peuple sirène, d’une union forcée, dans un centre de reproduction. Quant à son père humain, elle savait qu’il avait vraisemblablement été réduit à un morceau de viande depuis longtemps, une fois épuisé ses capacités à donner la vie. Les enfants nés dans ces centres étaient élevés et éduqués par des nourrices au sein d’institutions spécialisées, sans connaitre l’identité de leurs parents, sans même une photo ou quelque objet ou souvenir de ceux-ci. Pas même une mèche de cheveux.

 

 Pourtant, Les mères sirènes avaient la possibilité de demander à voir leur progéniture, selon le protocole mis en place par Krysta, dès la création des centres de reproduction. Mais très peu en faisait la demande. Sans doute pour ne pas perturber la bonne marche pour en faire de futurs soldats de l’Empire, des scientifiques en devenir, des agents d’infiltration, ou d’autres mères officiant dans les mêmes centres, comme leurs propres mères l’avaient été avant elle. C’était un peu la face cachée du faux bonheur de l’Empire, mis en place par Krysta, qui reposait sur une fidélité absolue de son peuple, ceux-ci ne voyant dans ces méthodes, que beaucoup jugeraient au moins aussi abjectes que celles perpétrées sur les humains servant de reproducteurs. Une dévotion totale et incompressible des sirènes et des tritons envers leur reine, persuadés que c’était la meilleure manière pour eux de permettre à leur race de subsister. Et ne voyant pas toute l’absurdité et la cruauté de ce système. Seuls les proches de la famille royale ne subissaient pas ces inconvénients, et pouvaient choisir leurs partenaires sexuels, tout comme il pouvaient décider de fonder une famille digne de ce nom. Avec un père, une mère et des enfants côte à côte.

 

Quelques minutes plus tard, Sacham fit son entrée dans la salle du trône. Voyant Scylla dans les bras de sa mère, il s’interrogea :

 

« Que se passe-t-il Scylla ? Quelqu’un t’aurait-il fait du mal ? Dis-moi qui est cet inconscient ? Que je me charge de le faire punir sur le champ ! »

 

Scylla, essuyant ses larmes, et s’écartant doucement des bras de Kysta, le rassura :

 

« Non, ne t’inquiètes pas… Je… Je suis juste un peu émotive, c’est tout. Personne ne m’a fait du mal… En tout cas, pas au sens où tu l’entends… »

 

Sacham s’approcha de sa jeune épouse, sous les yeux de sa mère, et lui adressant un mouchoir pour sécher ses larmes restantes.

 

« Sèche tes larmes, Scylla. Il est indigne pour une reine de montrer ses faiblesses. Je sais que tu es forte. Jamais tu ne dois montrer au peuple, ou à qui que ce soit d’autre, que tu es à leur niveau. Ils doivent voir que tu es au-dessus d’eux. Que tu leur es supérieure. Comprends-tu cela ? »

 

Scylla prit le mouchoir, et sécha les quelques gouttes sortant de ses yeux.

 

« Oui… Oui, bien sûr que je le comprends… Je ne recommencerais plus. Je te le promets… »

 

Sacham fit alors un grand sourire.

 

« Bien. Très bien, Scylla. Je savais que tu me comprendrais. Tu as l’étoffe d’une grande reine. Rien ne doit t’atteindre. »

 

Sans répondre, Scylla hocha de la tête, comme pour acquiescer, avant de déposer un baiser sur le coin des lèvres de Sacham. Celui-ci restait impassible, mais adressa néanmoins un sourire à cette dernière. Juste avant qu’elle prenne congé, adressant un dernier regard à Krysta, la remerciant de la tête pour sa compréhension. Celle-ci partie, Sacham s’installa sur le trône, aux côtés de sa mère. Cette dernière s’adressa alors à lui :

 

« Tu ne devrais pas t’adresser à elle de cette manière…. Comme si tu parlais à une inconnue, ou une simple servante. Elle mérite mieux que ça. Je me demande parfois si tu l’aimes vraiment, ou si tu ne la considères que comme un animal de compagnie… »

 

Sacham sembla étonné des mots de sa mère :

 

« Que t’as-t-elle dit sur notre relation ? Je l’apprécie, ne te méprends pas. Seulement… J’ai d’autres préoccupations en ce moment. Mes espions m’ont tenu au courant de mouvements du côté de la résistance humaine, et cela me semble plus important que de vulgaires pleurnicheries inutiles. Ce n’est pas à toi que j’apprendrai que le rôle d’un monarque impose certaines priorités… »

 

« Et Scylla n’en fait pas partie à tes yeux ? C’est bien cela que tu cherches à dire ?  Une femme aimante est moins importante qu’une stratégie militaire ? »

 

Sacham baissa alors les yeux, comme conscient d’avoir été trop loin dans ses propos :

 

« N..Non. Ce n’est pas ça… C’est juste que je ne suis pas doué en la matière, je pense. Je me sens plus à l’aise devant un plan de bataille, des rapports scientifiques, expliquant l’avancée de notre futur, que pour faire preuve de sentiments… J’aime Scylla… Mais à ma manière… Je ne peux pas aller contre ma nature… »

 

« Surtout depuis Dolorès … ? »

 

Sacham se tut à l’énonciation du prénom de celle qui l’avait transformé, lui et ses ressentiments envers la race humaine. Mais aussi envers la gent féminine, inconsciemment. Krysta reprit :

 

« J’ai touché juste, j’ai l’impression. Tu dois absolument enlever l’image de cette traîtresse de ton esprit. Et ne plus y voir que Scylla. C’est elle ton épouse. Pas Dolorès. Elle seule doit remplir tes pensées et ton cœur. Je ne peux pas t’imposer de le faire, mais penses-y sérieusement… Cela aussi fait partie des priorités d’un souverain… Si le peuple sent que le couple royal ne s’entend pas, cela peut le déstabiliser… Provoquer des remous… Peut-être même un sentiment de ne pas être protégé suffisamment, par un roi et une reine, qui eux-mêmes semblent fragile émotionnellement… »

 

Sacham releva la tête, et s’adressa à sa mère :

 

« Oui… Je comprends ce que tu veux dire… Je vais faire de mon mieux pour redresser la situation… Je n’ai jamais eu l’intention de la blesser par mon attitude… »

 

Puis, reprenant :

 

« Je parlerais avec elle dès ce soir. Je te le promets… Mais je ne garantis pas pour autant que je pourrais changer ma nature. Ce n’est pas aussi facile que tu pourrais le penser… C’est donc à cause de moi qu’elle pleurait tout à l’heure ? »

 

Krysta, pour toute réponse lui adressa un clignement des yeux. Mais avant qu’il puisse dire quelque chose, l’un des officiers entra en trombe dans la pièce, avant d’annoncer que plusieurs usines, et des centres de reproduction, subissait à l’instant des attaques de groupe armés humains, et demandait l’autorisation d’envoyer des troupes de renforts. Les quelques gardes sur place n’étant pas préparés à ce type de scénario guerrier. Sacham se leva, s’excusant auprès de sa mère, et lui signifiant qu’il devait prendre congé

 

« Désolé, mère. Mes espions ne s’étaient pas trompés. A la différence que le Général Weiss a débuté ses opérations plus tôt que prévu… »

 

Puis, adressant un petit sourire narquois…

 

« Le pauvre : il ignore à quel point tout ça va être inutile… J’ai des informations dont il ne peut imaginer les conséquences pour lui et ses troupes… »

 

Il se mit alors à rire à gorge déployé :

 

« L’imbécile ! Il est tombé en plein dans mon piège ! Mère, je pense que d’ici quelques heures, nous allons recevoir une heureuse visite qui pourrait bien mettre fin à l’arrogance du Général ! Et montrer une fois pour toutes notre suprématie ... »

 

Il ria à nouveau, avant de repartir, suivant l’officier venu quelques instants plus tôt… Krysta l’observa quitter la pièce, la laissant seule avec ses pensées. Le petit intermède avec Scylla et son fils la fit repenser à son propre passé. Bien avant qu’elle ne lance l’invasion sur le territoire humain. A une époque où, encore enfant, elle dut subir la séparation de ses parents, juste après la chute d’Atlantis…

 

Une plongée dans ses souvenirs, qui la ramenait à la guerre menant ses parents face au peuple en colère, lassés des expériences menées par les scientifiques sous les ordres de son père, afin de créer une race supérieure de sirènes et de tritons. Krysta n’avait qu’une centaine d’années à l’époque, un âge correspondant à une enfant de 8 ans pour un humain. Elle se souvenait de la terreur subie en entendant les explosions, survenant de toutes parts dans la cité, les bâtiments s’écroulant sous le feu des armes destructrices, créées par la section militaire scientifique, celle-là même à l’origine des expériences ayant mené à cette révolte sans précédent dans l’histoire d’Atlantis. Elle se souvenait de sa mère la prenant dans ses bras, suivant son père, alors que le palais royal était pris d’assaut. S’enfuyant par l’aile Ouest, accolée à une chaîne de rochers sous-marine, où s’enfonçait des couloirs creusés à même la roche. Une sortie de secours prévue pour sortir du palais en cas de cataclysme naturel, si l’un d’eux mettait en danger tous les résidents Son père n’aurait jamais imaginé à ce moment qu’ils lui serviraient pour fuir son propre peuple…

 

La fuite fut longue, parcourant le dédale de couloirs menant à une sortie, très loin en amont de la cité. Une fois arrivés à celle-ci, son père ordonna qu’on fasse s’effondrer des rochers devant, sans tenir compte des dizaines d’atlantes encore dans les couloirs, et ignorant les suppliques de sa mère, lui demandant de les attendre. Mais son père fut imperturbable. Krysta se souvenait aussi du fracas des rochers tombant en pagaille, de la fuite sur de nombreux kilomètres à travers les eaux changeantes. Passant du chaud au froid. Des différences de température à laquelle certains atlantes ne résistèrent pas. Lasnur, le père de Krysta, privilégiant de mettre le plus de distance possible entre eux et leurs poursuivants, en bien plus grand nombre que leur groupe, laissant sur place les cadavres, sans leur offrir le rituel d’adieu. Ce qui déclencha la fureur de ma mère. Ne voulant pas vivre ainsi, toujours dans la fuite de leur propre peuple, et refusant que son propre mari abandonne leurs principes de vie, et ne veuille pas assumer ses erreurs.

 

Une violente dispute s’ensuivit, Myrga, la mère de Krysta, demandant à ce que soit pratiqué le Vyrn Daes entre elle et son époux. Une confrontation rituelle qui n’avait plus été utilisée depuis des siècles, consistant en un affrontement physique sans armes. Le perdant étant condamné à l’exil du groupe. Larnus accepta que soit pratiqué le Vyrn Daes. Un ancien garde du palais fut chargé de veiller sur Krysta pendant le combat, malgré ses pleurs, ne voulant pas que ses parents meurent.

 

« Es-tu prête à subir le jugement des Dieux de l’Océan, femme ? Tu sais qu’il ne pourra pas y avoir de retour en arrière… Tu devras accepter ta défaite et t’exiler, ou mourir de ma main… »

 

« Je connais très bien le principe du Vyrn Daes. Crois-tu vraiment que je l’aurais invoqué sans en connaitre les conséquences ? »

 

Larnus, impassible, reprit :

 

« En cas de défaite, tu es consciente que tu ne pourras pas emmener Krysta avec toi ? Elle devra rester à mes côtés… »

 

« Je le sais bien. Mais je ne perdrais pas… »

 

« Nous verrons ça »

 

Larnus sourit malicieusement, comme certain de sa victoire. Suivit un combat sans retenue entre les deux anciens mari et femme, où chaque coup en entraînait un autre, plus violent que le précédent. Si les armes étaient interdites durant l’affrontement, en revanche tout objet figurant autour pouvait être utilisé. Que ce soit pierres, sable, et même l’utilisation de petits animaux marins, commandés par pensée, pour gêner les mouvements de l’adversaire. Et en cela, Myrga était beaucoup plus doué que son mari à cette capacité. Sans compter son chant, capable d’affaiblir la vivacité de son opposant. Normalement, ce chant ne fonctionne que sur d’autres races que les sirènes et tritons. Mais le chant de Myrga était bien plus puissant que la moyenne, et affectait aussi les gens de sa race. Et elle se fit le plaisir de l’utiliser sur Larnus, qui sentait ses forces ployer dès qu’il s’approchait trop près, l’obligeant à des attaques éloignées, utilisant des jets de pierres pour blesser Myrga, et surtout la faire reculer là où il le voulait. Près d’un gros monticule rocheux. Une fois obtenu ce qu’il voulait, Larnus sourit à nouveau, pendant qu’une rafale de rochers tomba du haut du monticule. Myrga se retrouva la queue coincée. Incapable de bouger et continuer le combat. Larnus s’approcha alors, satisfait de sa victoire :

 

« Tu as perdu, Myrga. Tu connais la loi du rituel. Il ne te reste plus qu’à repartir vers Atlantis, ou ce qu’il en reste. Quitte à mourir sous la main de ton peuple que tu chéris tant. »

 

Myrga grimaçait de douleur, avant de répondre :

 

« Maudit soit-tu ! C’est une de tes âmes damnées qui a poussé ces rochers, j’en suis sûre ! Tu as triché ! Tu es encore pire que ce que je pensais ! »

 

Larnus regardait Myraga, l’air victorieux :

 

« Je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Personne n’a poussé quoi que ce soit. Tu es mauvaise joueuse, c’est tout. »

 

Puis, il s’approcha de Krysta, lui prenant la main, et lui signifiant qu’il était temps de partir. Krysta pleurait à torrents, disant qu’elle voulait que sa maman vienne elle aussi. Qu’elle ne voulait pas qu’elle reste ici et qu’elle meure. Mais Larnus ne fit pas attention à ses larmes, mais pour faire cesser les pleurs de sa fille, il demanda à ce qu’on libère Myrga de son piège, lui ordonnant, dans le même temps, de partir loin de leur groupe. Une fois libérée, Myrga regarda Krysta une dernière fois, elle aussi pleurant comme jamais elle ne l’avait fait auparavant. Puis elle se retourna, et s’enfuit vers l’horizon sous-marin…

 

Krysta rouvrit soudain les yeux, se rendant compte qu’elle s’était assoupie un instant, en se remémorant ces douloureux souvenirs, observant autour d’elle la salle du trône, vide de tout occupant. Semblant rassurée que personne ne l’ai vu ainsi, elle se leva du siège royal, et sortit de la pièce, en direction de ses appartements…

 

Au même moment, près du palais royal, des ombres se faufilaient, masquées par les buissons avoisinants, se préparant à une opération voulu par le chef de la résistance humaine, le Général Weiss. Parlant à un de ses subordonnés, en charge de superviser l’une des attaques centrées sur les centres et usines de traitement de l’Empire, il demanda comment se passait ce leurre, mis en place pour obliger Krysta à affaiblir la sécurité du palais, afin de prêter main forte aux différentes attaques perpétrées par ses troupes. Un plan savamment mis en place, afin de s’attaquer directement à la tête pensante de l’Empire : Krysta.

 

« Unité 3 ? Où en êtes-vous ? Tout se passe conformément à nos prédictions ? »

 

De l’autre côté de la ligne, un sergent lui affirma que tout se passait parfaitement bien, pendant que Weiss entendait des combats faisant rage, derrière la voix de son interlocuteur. Les cris se substituait aux explosions, provoquées par des lancers de grenades en direction des troupes de l’Empire en face d’eux, parsemées de bruits de corps déchiquetés, de gorges arrachées et d’autres cris d’agonie, telle une horrible symphonie…

 

« Bien. C’est parfait. Krysta et les siens n’en ont plus pour longtemps. Les petits groupes envoyés un peu partout ne résisteront certainement pas aux attaques des troupes de l’Empire, mais peu importe. C’est un mal nécessaire… »

 

Puis, sans attendre la réponse de son interlocuteur, il fit signe aux hommes faisant partie de son propre groupe de s’approcher en silence vers le palais pratiquement déserté. Seuls restaient quelques gardes devant les portes principales du palais, et à quelques endroits des jardins autour. Rassuré, voyant que le gros des gardes avait visiblement déjà été envoyés en renfort, pour contrer les attaques de ses sections, il s’approcha un peu plus, lui et ses hommes, chacun suivant ses directives… Il ne fallut que quelques minutes pour que ces derniers parviennent à maitriser, et tuer discrètement, les quelques gardes restés pour la surveillance du palais. Une fois les alentours de ce dernier « nettoyé », il tenta de rappeler la section appelée quelques instants plus tôt. Mais cette fois, il n’y eut aucune réponse. Il appela aussi, chacune à leur tour, les autres sections faisant partie de l’opération, mais aucun des 5 groupes ne répondit à ses appels. Il devenait clair qu’ils avaient déjà tous été décimés. Le temps pressait pour le Général Weiss pour investir le palais, et éliminer Krysta et les autres. Il fit signe de la main à ses hommes de le suivre, et entrèrent dans le palais, indiquant de faire vite.

 

Weiss ne s’attendait pas à ce que les autres sections soient éliminées aussi rapidement. Chacun des membres de celles-ci étaient spécialisées dans les opérations commandos, et n’avaient pas leur pareil en matière de combat rapproché. Mais face à de tels monstres qu’étaient les sirènes et tritons, le meilleur des entrainements humains ne valait plus bien grand-chose… Du coup, le timing qu’il avait prévu s’en trouvait fortement modifié, et il se devait d’accélérer la cadence pour l’invasion. Très vite, lui et ses hommes se trouvaient à l’intérieur, et se dirigeaient vers l’emplacement de la salle des trônes, grâce à un plan obtenu par une taupe, installée au sein du personnel humain des proches de la reine. Le petit groupe constitué de 4 hommes en plus de lui-même se trouva très rapidement dans l’enceinte de la pièce, sans trouver la moindre résistance. Si ce n’est deux ou trois gardes facilement éliminés. A la vérité, Weiss trouvait cela étrange qu’il y ait aussi peu de gardes à l’intérieur du palais. Certes, il avait fait en sorte que la majorité de ceux-ci soient envoyés en renfort aux attaques-leurres, mais tout de même. C’était surprenant que Krysta ait décidée d’en laisser un si petit nombre pour sa protection…

 

Weiss comprit rapidement la raison de cette disparité curieuse… A peine entré dans la salle du trône, Weiss aperçut une silhouette installée sur le siège royal, et sans même réfléchir, il fit signe à ses hommes de lancer un tir groupé dans cette direction. La pièce s’emplit d’un bruit assourdissant de projectiles se fichant dans le corps immobile assis sur le trône, le criblant de balles par dizaines, d’où du sang en pagaille ressortait de chaque blessure. Voyant le corps s’affalant sur le sol, Weiss ordonna d’arrêter de tirer, avant de s’avancer lentement vers le cadavre…

 

« Je dois avouer que je suis un peu déçu, chère reine Krysta. Vous m’avez vraiment facilité le travail en laissant si peu de vos gardes sur place. Ce fut un vrai jeu d’enfant que de mettre fin à votre vie. Les humains vont enfin pouvoir reprendre le pouvoir, petit à petit. Les sirènes et les tritons vont être complètement déstabilisées avec votre mort… »

 

Mais à peine Weiss eut-il prononcé ces mots, que les portes derrière lui et ses hommes, au fond de la pièce claquèrent, après que des dizaines de membres des troupes de Krysta soient entrés, encerclant le groupe d’assassins. Puis, passant par une des autres portes, un homme s’approcha, applaudissant, tout en s’approchant du trône. D’un geste du pied, il fit rouler le corps rempli de blessures par balles vers le bas des escaliers, avant de s’asseoir. A peine fait, il s’adressa à Weiss :

 

« C’était un joli carton, dites-moi, Général Weiss. Vous devez être un vrai expert dans les foires, au stand de tir… »

 

Observant le sourire sarcastique de l’homme en face de lui, Weiss semblait perdu… Puis, il vit le visage de la femme qui gisait au sol. Il reconnut immédiatement sa taupe…

 

« Que…Qu’est-ce que ça signifie ? Qui êtes-vous ? Où est Krysta ? »

 

« ça fait beaucoup de questions… Mais je vais tâcher d’éclairer votre petite lanterne insignifiante d’humain de bas étage. Sans vouloir vous manquer de respect, Général… »

 

Là-dessus, l’homme s’approcha lentement en direction du Général Weiss.

 

« Ah, au fait, inutile de tenter de me tirer dessus. Ça ne ferait que précipiter votre propre mort…. Mais quelque chose me dit que vous avez déjà vidé vos premiers chargeurs. Et mes gardes ne vous laisseront pas vous recharger… »

 

L’homme continua à s’avancer :

 

« Bon, je vais me présenter : je me nomme Sacham. Et je suis le nouveau monarque de l’Empire. Et accessoirement, fils de Krysta. Qui n’est pas celle qui est au sol, comme vous avez pu le constater par vous-même… »

 

« Sacham ? impossible ! On m’a dit que c’était le type même de l’enfant gâté, qu’il était passionné par le monde humain… en particulier par l’une de ses représentantes… »

 

Sacham se mit à rire :

 

« Dolorès ? Elle a fini dans l’estomac des mes chers concitoyens. Quant à l’enfant gâté que vous évoquez, il n’existe plus. Grâce à Dolorès d’ailleurs… Pour que ne vous mourriez pas idiot, je voudrais rajouter que Krysta est toujours reine. Mais elle n’est plus seule. Il y a une autre reine. Et il y a moi… »

 

« Comment ? Comment avez-vous pu avoir connaissance de notre opération ? Je suis sûr de la fidélité du moindre de mes hommes … »

 

« Ah, c’est là que ça devient drôle… Ce n’est pas un de vos hommes qui vous a trahi… Mais votre propre fille… Tara, c’est bien ça ? »

 

Weiss devint tout à coup d’une couleur blême à l’évocation de sa fille.

 

« Tara ? Impossible… Jamais elle ne ferait ça… Jamais elle ne trahirait son père… »

 

« Vous seriez étonné de ce qu’est capable de faire une fille amoureuse, dont le père à tué son amant. Simplement parce que c’était un triton… Eh oui, Général, moi aussi j’ai mes petites infos. Pas chez vous, rassurez-vous… En tout cas, pas encore… Votre système de sécurité interne est très au point, je dois l’avouer… »

 

Weiss observait Sacham, le regard encore plus perdu que précédemment…

 

« Je… Je ne comprends pas… Comment avez-vous pu approcher Tara… »

 

Sacham arbora à nouveau un sourire satisfait :

 

« C’est très simple en fait : Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que votre fille est très douée pour charmer. Elle a « convaincu » un de vos gardes de nuit de la laisser sortir. En retour d’une petite « gâterie », si vous voyez ce que je veux dire. Une coquine votre fille… Elle a ainsi pu sortir de l’enceinte de votre forteresse, et rencontrer l’un des amis de l’amant que vous avez fait tuer, une fois appris leur relation. Bon, j’imagine que pour le voir à votre insu, en sortant de nuit, il doit y avoir plus d’un garde qui a dû avoir ses faveurs… »

 

Sacham continuait à s’avancer :

 

« C’est ainsi qu’elle a fait part de votre plan à ce triton, qui m’en a rapporté ensuite tous les détails ... Ne me demandez pas comment votre fille a réussi à connaitre ça… Je n’en sais rien, et franchement, je m’en fous complètement… »

 

A cet instant, Krysta et Scylla firent leur entrée à leur tour dans la pièce :

 

« Tout se passe bien Sacham ? » demanda Scylla

 

Ce à quoi Krysta rajouta :

 

« Bien évidemment… Ce n’est pas mon fils pour rien… Il était évident que tout se passerait comme il l’avait prévu »

 

Entendant ces mots, la fierté de Sacham lui fit faire une erreur. Il se retourna, et esquissa une révérence pour remercier sa mère de ses mots. Profitant de ce petit moment d’inattention, Weiss mit la main à l’intérieur de son veston, et en sortit un pistolet, avant de tirer plusieurs coups en direction de Krysta et Scylla. Une balle atterrit dans l’épaule de cette dernière. La douleur la fit tomber en arrière, heurtant un mur, avant de glisser au sol, un filet de sang coulant le long de son bras. Krysta, elle, reçut 4 balles en plusieurs endroits du corps, dont une à proximité du cœur, le manquant de très peu. Elle s’affala sur le sol, laissant échapper une mare de sang tout autour d’elle, pendant que des gardes s’affairèrent tout autour, afin de constater l’étendue de la blessure

 

Sacham, à la vue de sa mère et de Scylla, blessées, explosa de colère :

 

« Tuez-les tous ! Dévorez ces tas de viande ! N’en laissez que des miettes ! c’est votre roi qui vous l’ordonne ! »

 

Puis, il rajouta, à voix plus basse :

 

« Mais laissez-moi Weiss : je vais m’occuper personnellement de lui ... Et plus tard, ce sera au tour de sa fille ... »

 

Weiss voulut tirer à nouveau, mais son pistolet s’enraya. Il le laissa tomber, pendant qu’il entendait derrière lui ses hommes se faire dévorer sur place par les gardes de Sacham, livrant des bruits de mastication, de morsure, et de morceaux de corps arrachés, emplir tout l’espace de la pièce, laissant s’échapper des cris horribles de souffrance et d’agonie. Sacham commença à se transformer à son tour, prenant son apparence de triton, toutes dents dehors, prêt à foncer sur sa cible pour n’en faire qu’une bouchée. Quand il entendit la voix de Scylla derrière lui :

 

« Sacham ! Laisse-le ! Ta mère…. Ta mère est mourante… Si on ne la transporte pas très vite dans la salle des soins ...Elle… Elle ne tiendra pas…Je t’en prie…. Emmène-là là-bas très vite…. Les médecins ont été prévenus… Il faut faire vite… Je ne veux pas la perdre… Et toi non plus… Je le sais… »

 

Sacham regarda Weiss qui profita du moment d’hésitation de Sacham, et du fait que les autres gardes étaient occupés à manger les corps de ses hommes, pour foncer vers la porte du fond de la salle. Sacham hésita un moment, observant tour à tour Weiss, puis sa mère, qui ne bougeait presque plus… Il s’adressa à Weiss qui venait d’atteindre la porte, avant de l’ouvrir et de s’enfuir :

 

« Weiss !!! Vous gagnez un sursis aujourd’hui !! Mais désormais, je vous déclare une guerre totale !! Si ma mère survit, je me contenterais d’envahir et de détruire votre petit camp fortifié ridicule en force. Si elle meurt, je ravagerais toutes les villes autour de vous jusqu’à ce que vous décidiez de vous livrer vous-même, et je découperais chacune des parties de votre corps une à une, avant de les dévorer devant votre fille et vos hommes les plus fidèles. Et ensuite ce sera à leur tour !! Vous entendez Weiss ?!! Vous pouvez déjà compter les heures qui vous restent à vivre !!! »

 

Le général courait sans s’arrêter, arpentant les couloirs du palais déserté, jusqu’à atteindre la sortie, traversant les jardins, et s’enfuyant au loin, en direction de la forteresse de la résistance. Pour la première fois de sa vie, il était totalement terrorisé, laissant couler des litres de sueur et de larmes. Il avait du mal à croire que toute cette opération avait été un échec total à cause de la chair de sa chair. Sa propre fille l’avait trahi ! Les 5 sections servant de leurre avaient été totalement annihilées. Auquel se rajoutaient les 4 hommes qui l’avaient accompagné. C’est près de 140 hommes qui étaient tombés sous les dents du peuple des sirènes aujourd’hui ! Et l’avenir était encore plus noir. Certes, il avait pu blesser mortellement Krysta, mais il se souvenait des mots de Sacham dans sa tête…

 

Des mots terribles qui résonnaient comme un couperet mortel. Le poussant à un dilemme terrible. Bien que cette idée le révulsât, il en était à espérer que Krysta survivrait à ses blessures, afin que des innocents, des civils, ne subissent pas son erreur. Les prochains jours seraient déterminants dans ce sens, il le savait…. Et il ignorait encore quelle décision il devait prendre, entre le sacrifice volontaire, ou se rendre coupable de milliers de morts par lâcheté…

 

Publié par Fabs

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