« Monsieur Davish, vous m’entendez ? C’est votre psychiatre qui vous parle. Êtes-vous avec moi ? »
L’homme sur la chaise relevait la tête lentement, les yeux embrumés, comme sortant d’une longue nuit de sommeil, les yeux hagards, d’immenses poches sous les yeux. Le signe d’un manque flagrant de sommeil prolongé pour lequel il venait de faire défaut, l’espace d’un instant. Se rendant compte de ce fait, il sembla en proie à la panique, tentant de se débattre sur sa chaise, se questionnant sur sa présence au centre de cette pièce, les bras et les jambes sanglées sur celle-ci. La brume qui obscurcissait ses yeux quelques secondes auparavant commençait à se lever, lui donnant une vision peu à peu plus nette de la personne devant lui, assis de l’autre coté d’une grande table. Toujours en proie à une peur que lui seul semblait comprendre, il demanda, en même temps qu’il tentait d’arracher vainement les sangles qui le maintenaient à la chaise…
« Que… Qu’est-ce que c’est ? Qui êtes-vous ?... Pourquoi je suis ici ? »
« Monsieur Davish, calmez-vous. Ça ne sert à rien de vous débattre. Tout ce que vous gagnerez, ce sont des bleus supplémentaires à vos bras… »
L’homme fixa plus avant le regard de son interlocuteur. Un homme d’une trentaine d’années, portant des lunettes visiblement bien trop grandes pour lui, à en juger au nombre de fois où il les relevait sur son nez, pour ne pas qu’elles tombent sur la table. Vêtu d’un costume chic, tels qu’en ont les hommes d’affaires. Une cravate au nœud mal fait régnant au milieu d’une chemise d’un blanc immaculé. Et ayant les mains posées sur un tas de document disséminés sur la table les séparant de plusieurs centimètres…. Finalement, comprenant, que ses gestes ne lui permettraient en rien de se libérer de son carcan, Davish se calma, reprenant son souffle peu à peu. L’homme en face de lui reprit :
« Tout va bien, Mr. Davish ? Je vais vous laisser récupérer quelques secondes… Ensuite, nous devrons discuter de votre présence ici, et de ce dont vous vous souvenez, concernant la nuit du 14 Octobre dernier… »
Davish reprenait une respiration normale, tentant encore de comprendre les paroles de l’homme s’étant adressé à lui. De quoi parlait-il ? Le 14 octobre ? Il ne savait même pas quel jour il était en ce moment même… Et ce nom, Davish… ne signifiait rien pour lui… Il n’en avait pas le moindre souvenir… Seuls quelques images flottaient dans son esprit… Des flashs, des silhouettes confuses qu’il ne parvenait pas à définir. Une grande, semblant avoir de longs cheveux flottant derrière ce qui était vraisemblablement sa tête. Et deux plus petites, s’agglutinant à la première silhouette… Donnant l’impression d’une peur immense. Même s’ils ne pouvaient pas les voir, il devinait aisément qu’elles regardaient dans sa direction… Était-ce lui l’objet de leur peur ? Mais pourquoi ? Qu’étaient ces silhouettes pour lui ? Pourquoi avaient-elles l’air en proie à la terreur en le regardant ? Soudain, les silhouettes devinrent plus floues, disparates… Avant de s’effacer complètement au sein de sa tête…
« Mr. Davish ? Est-ce que vous pensez être capable de discuter avec moi maintenant ? »
Davish ferma les yeux quelques secondes, les rouvrant, clignant de l’œil, tentant d’éclaircir un peu mieux sa vision. Il était maintenant redevenu complètement calme, et avec toute la lucidité nécessaire pour écouter l’homme au costume… Il ignorait ce qu’il faisait ici, attaché sur cette chaise, dans cet endroit. Mais le meilleur moyen de le savoir semblait d’écouter l’homme au costume qui voulait engager la conversation avec lui. Il positionna sa tête bien droite, ainsi que son regard, et répondit :
« Oui… Oui, je crois… Je ne suis pas sûr… »
Il marqua un temps d’arrêt, avant de demander :
« Dites-moi : qui êtes-vous ? Et pourquoi je suis attaché sur cette chaise ? Qu’est-ce que vous me voulez exactement ? Je… Je ne comprends rien… Je ne me rappelle pas comment je suis arrivé ici… Ni pourquoi… »
L’homme croisa ses mains, tout en les laissant posées sur la table, et reprit la parole :
« Vous vous appelez Carson Davish, 44 ans, marié, et père de deux petites filles de 5 et 8 ans… Du moins, ça c’était votre situation avant il y a 2 semaines… Vous ne vous rappelez vraiment de rien de ce qui est arrivé, Mr.Davish ? Pas même de vagues souvenirs de cette nuit ? »
Davish avait beau se triturer la tête, il ne se rappellait de rien, en dehors de ces silhouettes qui lui étaient apparues l’instant d’avant. Ce devait être la femme et les enfants dont l’homme lui parlait… Mais pourquoi ne voyait-il pas leurs visages ? Et pourquoi avaient-ils peur de lui ? Leur avaient-ils fait du mal ? Avait-il attenté à leur vie ? Il cherchait une réponse, creusant toujours plus, mais rien ne lui revenait… A part leurs silhouettes apeurées…
« Non…Je… Je ne me souviens de rien… Je ne vois que des silhouettes… Des silhouettes terrorisées… Elles semblent regarder vers moi… Comme si elles avaient peur de moi… Peur que je leur fasse du mal… »
L’homme en costume montra un petit sourire discret :
« C’est déjà un début, Mr. Davish… Je suis ici pour tenter de comprendre ce qui s’est passé. Pour quelle raison vous avez commis les actes dont vous êtes accusé… Et pour lesquels, je ne vous le cache pas, vous risquez la peine capitale… Sauf si je peux prouver la folie passagère, expliquant la barbarie des meurtres dont vous êtes responsable envers votre famille… »
Davish regardait l’homme avec insistance, semblant peu à peu comprendre la raison de sa présence, même s’il ne se souvenait toujours pas de la moindre étincelle de souvenir…
« Des meurtres… ? Vous… Vous voulez dire que je les ai… »
L’homme l’interrompit avant qu’il finisse sa phrase :
« Tués… Tout à fait, Mr. Davish. Vous avez sauvagement assassiné, sans la moindre raison apparente, votre épouse et vos deux petites filles, avec une sauvagerie rarement vue… Le corps de votre épouse a été retrouvée démembrée… Les morceaux ont été éparpillées dans toute la pièce. Certains ont même été… »
L’homme semblait avoir du mal à finir sa phrase, comme si cela le révulsait d’en parler…
« Ont été quoi ? Dites-moi… Je dois savoir…Quels que soient mes actes, dites-moi ce que j’ai fait… »
L’homme remit ses lunettes en place, remonta le nœud de sa cravate, puis reprit :
« Des parties ont été retrouvées partiellement dévorées… Des organes… un bras…Et… ses deux yeux ont été arrachés… On les a retrouvés dans une marmite, mijotant dans un bouillon… avec d’autres morceaux de corps… Des morceaux appartenant à vos filles… Leurs doigts pour être précis… Tous leurs doigts ont été coupées, et versés dans cette marmite, avec les yeux de votre épouse… Comme si vous vous prépariez à les manger à leur tour… »
Alors que Davish accusait le coup, les yeux pétrifiés d’horreur à l’énoncé de ses actes, l’homme continua le récit :
« Ce n’est pas tout : le reste du corps de vos filles a été trouvé dans diverses pièces de la maison… La tête de l’une d’entre elles dans la cuvette des toilettes… Ses jambes suspendues au-dessus de la baignoire, dans la salle de bain…
L’homme semblait presque suffoquer, s’arrêtant à nouveau pour énumérer les détails de la scène du crime dont Davish était le responsable…
« Mr. Davish… Il vaudrait peut-être mieux que je m’arrête là… Je pense que j’en ai déjà dit suffisamment pour que vous compreniez pour quelle raison vous vous trouvez en ces lieux… »
Davish n’arrivait pas à croire ce qu’il venait d’entendre… Avait-il vraiment été l’auteur de cette horreur ? Comment ? Comment en était-il arrivé à perpétrer cette abomination envers sa famille ? Cependant, même si cela le mettait au moins aussi mal à l’aise que l’homme en costume, il voulait en savoir plus. Inconsciemment, son besoin de savoir le lui réclamait…
« Je veux tout savoir… Ne m’épargnez rien, je vous en prie… Qu’ai-je fait d’autre ? Donnez-moi tous les détails… »
Alors que Davish retenait ses larmes du mieux qu’il pouvait, l’homme accéda à sa demande, sortant un mouchoir d’une des poches de son costume, afin d’éponger la sueur qui perlait sur son front…
« Très bien…Mr. Davish… Comme vous voulez… Même si je ne pense pas que savoir la suite soit très raisonnable… »
Observant Davish, comme pour lui demander de revenir sur sa décision de l’obliger à dicter le reste du massacre, mais voyant dans le regard de celui-ci sa détermination à tout savoir, l’homme en costume continua :
« Je vois que vous ne reviendrez pas sur votre décision… Très bien… Je… Je continue alors… »
L’homme se racla la gorge, comme pour se donner du courage, puis reprit :
« Le haut du corps d’une des filles, a été découvert dans une des chambres, attachée sur un petit cheval de bois... Avec l’intestin de votre autre fille… Celle-ci a été trouvée pour sa part éventrée, les boyaux à l’air, avec donc son intestin en moins, placardé sur l’un des murs de votre bibliothèque… Sa tête accrochée à un lampadaire. Il y avait aussi des traces de morsures sur les bras, où il manquait des morceaux de chair… Qui n’ont pas été retrouvés… On suppose que vous les avez… »
Davish continuait la phrase :
« Mangés, c’est ça ? J’ai… J’ai mangé de la chair humaine ?... J’ai mangé la chair de ma propre fille ?.... »
Davish avait tenu le coup jusque-là, mais les derniers détails eurent raison de sa force mentale… Il éclatait en sanglots, tentant de dire des mots entre chaque, mais aucun n’était compréhensible…L’homme en costume finissait d’essuyer son front, déboutonnant le haut de sa chemise, en proie à un mal à l’aise visible, après avoir décrit chaque parcelle des horreurs dont Davish était coupable. Il profitait de la détresse de ce dernier, qui était en état de choc, pour se verser un verre d’eau dans un gobelet en plastique disposé sur la table, grâce à la bouteille à sa disposition sur un coin de celle-ci, loin du périmètre de Davish. Au cas où ce dernier aurait eu l’idée de s’en servir comme ustensile pour se blesser. Une sécurité habituelle dans ce genre de réunion au sein d’un établissement dans lequel lui et son « client » se trouvait. Il attendit plusieurs minutes, le temps pour Davish de parvenir à revenir à un semblant de calme, après avoir entendu les faits lui étant reprochés. Il en profitait aussi pour ouvrir le dossier se trouvant devant lui, écartant les photos montrant l’état des corps retrouvés. Au vu de l’état de Davish, et de lui-même, il jugeait prudent de ne pas indiquer la présence de ces photos, pour ne pas accentuer l’état émotionnel de son client.
Il continuait de feuilleter les rapports d’enquête de la police, ainsi que les différentes descriptions du service de morpho-analyse, parlant d’une substance étrange trouvée mélangée au sang de la 2ème fille. Celle qui avait subie des morsures et avalement de chair. A l’heure qu’il était, les différents tests de la police scientifique n’avait pas permis de déceler de quel produit il s’agissait. Il était possible que ce soit un stupéfiant ou un produit proche. Auquel cas, il pourrait s’agir de l’origine de la folie de Davish. Mais quel enzyme ou toxine était capable de déclencher une telle bestialité ? Capable de faire régresser un homme au-dessus de tout reproche dans un état de transe proche d’un animal sauvage ? Et même plus que cela… En 15 ans de métier, jamais il n’avait vu un crime aussi abominable, dépassant tout ce qui était connu en psychiatrie moderne. Ça dépassait les limites même de la psyché humaine. C’était presque irréel… Comment Davish en était venu à avoir l’idée de disséminer les morceaux de corps partout dans la maison de cette façon. Contrairement à ce que pouvait laisser penser la première impression, il y avait une certaine logique dans la disposition des corps. Et il y avait autre chose qui l’avait troublé…
Chaque parties des corps découpés, en dehors du contenu de la marmite, portaient des numéros, gravés au couteau… Comme si Davish avait cherché à respecter une sorte de rituel bien défini. Ce qui était contraire à l’idée de dysfonctionnement passager du cerveau, suite à l’absorption supposée de stupéfiants. Si vraiment ce produit avait entraîné un tel dérèglement des capacités intellectuelles du cerveau, alors pourquoi ces numéros ? Et pourquoi les avoir disposés dans les pièces de telle manière. Même les morceaux de corps de l’épouse de Davish avaient été placés à des endroits bien distincts. Le haut de la cheminée… La table du salon… Le vaisselier…Le sofa… Et ces « numéros » se suivaient dans l’ordre dans la pièce, traçant un « trajet » défini, dont le dernier morceau était le tronc de la 2ème fillette dans la bibliothèque, à l’étage, située à quelques mètres de la chambre de ces dernières. Chacune ayant la leur… Pourquoi la chambre à côté de la leur avait été « épargnée » par cette piste ? C’était comme si la bibliothèque avait été choisie, à défaut de pouvoir utiliser la 2ème chambre.
L’homme n’avait pas précisé la présence des dents disposées sur la rambarde de l’escalier. Plantées dans le bois. Sur celles-ci, il n’y avait pas de numéro. Comme s’il s’agissait d’une sorte de « transition » pour indiquer la direction à suivre des morceaux suivants. Dans le même ordre d’idée, les toilettes du bas n’avaient pas été « utilisées » pour ce jeu de piste macabre, privilégiant celles du haut. Situées entre la chambre des parents, sur la gauche du haut de l’escalier et celles des filles, placées plus sur la droite de l’étage. La bibliothèque, elle, étant situé sur la partie en face d’une autre chambre, placée après celle des filles. Pour quelle raison une telle disposition des morceaux de corps, dans des pièces qui, visiblement, n’avaient pas été choisies au hasard ? L’homme en était à ses interrogations, quand Davish, ayant repris ses esprits, questionna alors l’homme au costume :
« Dites-moi : est-ce que j’ai agi à la suite d’une soirée particulière, d’une dispute, de quelque évènement particulier qui ai pu me faire basculer dans la folie de cette façon ? »
L’homme semblait surpris de cette question :
« À dire la vérité, Mr. Davish, je comptais sur vous pour m’éclairer sur ce point justement… La police a enquêté auprès de vos voisins, vos proches, vos collègues de travail… Histoire de savoir si vous aviez fait quelque chose d’inhabituel à votre quotidien, la journée précédant la nuit du massacre…. Mais la seule chose de différent à vos habitudes a été l’achat de fleurs, sur le chemin menant de l’entreprise où vous travaillez à votre demeure… Et vous n’y êtes resté, suivant les dires du fleuriste, qu’une dizaine de minutes. »
Davish réfléchissait, essayant de comprendre, pendant que d’autres images semblaient se former dans sa tête à l’issue de la révélation de ce détail…
« Le fleuriste… Oui… Je… je revois le magasin… Je… Je me souviens de ce moment… Pourquoi je ne me souviens que de ça ? Je lui ai demandé des fleurs spéciales pour un évènement particulier… Mais je ne sais plus lequel… »
L’homme sembla chercher dans les papiers disposés dans le dossier devant lui. Au bout de quelques secondes, il sortit un document. Un extrait d’état-civil, relatant le jour du mariage du couple.
« Le 14 Octobre, c’était l’anniversaire de votre mariage, Mr. Davish. Vous avez peut-être voulu fêter cet évènement par un cadeau particulier ? »
Davish revoyait d’autres images lui revenir en tête. Des flashs où il voyait du sang sur les murs. Des morceaux de corps arrachés par la seule force de ses bras. Il entendait les cris de terreur de sa femme, de ses filles… Leurs silhouettes s’affirmaient plus. Les traits de leurs visages devenaient plus distincts… Il se mit à crier, cette vision lui étant insupportable… L’homme n’osait pas intervenir, conscient que cette crise s’était déclenché suite à ces petits détails qui semblaient insignifiants, mais ayant visiblement leur importance. Davish se reprenait peu à peu, les images dans sa tête s’estompant. Il s’adressait alors à son interlocuteur :
« Excusez-moi pour ça… Je…J’ai revu une partie de la scène du massacre… J’ai revu de quelle manière…. Comment j’ai démembré ma femme… Puis mes petites filles… »
Davish était à nouveau en pleurs, abattu par la confirmation qu’il était bien le meurtrier abominable décrit plus tôt par l’homme en face de lui… Le visage encore inondé de larmes, il reprit :
« Le fleuriste… Il…Il m’a montré une fleur très rare… Il venait de la recevoir le matin même… Je me rappelle avoir été comme attiré par elle… J’ai ressenti comme un besoin de l’acheter… »
L’homme demandait :
« Une fleur ? Quelle fleur était-ce ? »
Davish creusait plus avant dans ses souvenirs…
« Elle était bleue… Bleue avec des sortes de petits bourgeons minuscules sous la corole… C’était la première fois que je voyais une fleur de ce type… Quand j’ai demandé au fleuriste le nom de sa variété, il m’a répondu qu’il n’en savait rien… Il l’avait reçu en même temps que sa commande le matin même, mais il n’avait rien commandé de tel… Pour lui, ce devait être une erreur de son fournisseur… Comme c’était la seule dans le lot, il s’est dit que ça ne servait à rien de faire une réclamation…D’autant qu’elle ne figurait même pas sur le bon de livraison… »
L’homme, entendant cela, se disait qu’il tenait peut-être une piste plus que sérieuse. Il avait entendu des particularités de certaines fleurs, dont le pollen avait le même effet hallucinogène que certaines drogues…
« Dites-moi, mr. Davish : vous souvenez-vous si le fleuriste vous a dit de quel pays provenait sa commande ? Une région particulière ? »
Davish réfléchissait encore
« D’une région près de l’Amazonie je crois. Je ne me rappelle plus vraiment le nom. C’était un nom assez complexe… Même le fleuriste avait du mal à dire le nom. Son fournisseur était en lien avec une tribu vivant dans un coin très peu exploré, avec qui il était en contact, via un de ses employés, venant de là-bas. Beaucoup de fleurs viennent de cet endroit, car elles sont très demandées. A cause de leurs vertus médicinales, d’après ce que je me souviens. Tout me revient petit à petit… Je… je ne sais pas comment l’expliquer… »
L’homme griffonnait quelques mots sur son carnet, avant de reprendre :
« Sans doute l’effet du pollen de cette fleur, Mr. Davish. Vous souvenez-vous avoir respiré son parfum, ou vu une sorte de poussière s’en dégager ? »
Entendant cela, d’autres images revinrent en tête à Davish. Il se revoyait sortir la fleur de son emballage, l’offrir à son épouse, qui lui souriait, l’embrassant pour le remercier d’avoir pensé à leur anniversaire de mariage… Il revoyait ses filles, voyant la fleur, se disputant pour aller chercher un vase pour la mettre dedans… Pour y mettre fin, il revoyait son épouse prendre un grand vase vide, placé au-dessus d’un meuble. Puis, elle demandait à ses deux filles de le remplir d’eau. Pendant que Davish finissait de développer le papier dans laquelle la fleur était placée. Il y eut une sorte de petit bruit en la prenant. Comme celui d’un désodorisant quand on l’actionne pour diffuser le produit à l’intérieur. Il avait accidentellement appuyé sur un des bourgeons situés sous la corole de la fleur. Une sorte de fumée légère bleutée et verte en était sortie. Il l’avait respirée. Cela l’avait fait éternuer, faisant rire son épouse et ses filles, qui revenaient, mettant le vase sur la table.
Puis, plus tard, il avait ressenti de forts maux de tête. De plus en plus importants. Il avait beau prendre de l’aspirine, ça ne servait à rien. Il devenait plus irritable, élevant la voix, faisant tomber le vase où se trouvait la fleur. Il la prenait à pleines mains, écrasant les autres bourgeons, faisant libérer encore plus de cette poussière, qu’il respirait à pleins poumons. Ses yeux se remplissaient de sang après ça. Ses veines de ses bras et de son cou devenaient apparentes. Il hurlait auprès de son épouse. Lui disant que c’était sa faute. Qu’elle l’avait énervé. Il la revoyait apeurée, ses deux filles collées à elle, demandant pourquoi papa était en colère… Ses bras gonflaient, comme soumis à une sorte de mutation… Sans doute un effet de la toxine de la plante absorbée en très grandes quantité. Ses veines passaient au noir. Un noir opaque. Ses yeux devenaient vitreux. Il s’approchait de sa femme, faisant tomber au sol l’une de ses filles. Celle-ci se mettait à pleurer. Il lui criait de la fermer, le visage menaçant. Sa femme lui demandait d’arrêter. Lui demandant pourquoi il agissait comme ça. Que s’il continuait, elle lui demanderait de sortir se calmer dehors.
Ça l’avait énervé encore plus. Il avait frappé sa femme. Très violemment. Elle était tombée en arrière, se tapant le dos sur la table de la cuisine, avant de se retrouver au sol, entraînant sa deuxième fille avec elle. Sa femme criait encore d’arrêter. Ses deux filles pleuraient. Les cris lui avaient fait encore plus mal au crâne. Il avait attrapé le bras de sa femme, tirant dessus, l’arrachant comme s’il ne s’était s’agit qu’un morceau de papier. Le sang giclait à profusion, se déversant sur ses filles, qui criaient encore plus, pendant que sa femme hurlait de douleur, mettant son autre main sur le moignon qui se trouvait à la place de son bras arraché. Il avait soulevé l’une de ses filles du sol, la tenant par le cou. Serrant de plus en plus fort. A tel point que sa tête se détachait, laissant tomber le reste du corps au sol. Sa femme devenait hystérique, pendant que son autre fille courait vers l’escalier, vers l’étage, espérant pouvoir s’y réfugier. Il s’approchait de sa femme, serrant son cou à son tour. Comme pour sa première fille, il la décapita à force d’user de la force de ses mains autour de son cou. La tête tombait à terre. Pris d’une folie meurtrière, il se mit à arracher l’autre bras de sa femme, puis ses bras, ses yeux. Mettant ces dernier dans une de ses poches, sans trop en connaitre la raison.
Puis il s’en prit au corps de sa petite fille décapitée, arrachant ses deux jambes, avant de s’emparer d’une pince dans un tiroir, arrachant plusieurs de ses dents, ainsi qu’à sa femme, dont la tête gisait toujours au sol. Il prit alors les morceaux du corps arraché de sa femme, les plaçant sur les meubles de la pièce, traçant des numéros sur les morceaux, avec son canif qu’il portait toujours sur lui. Il agrippait les jambes arrachées à sa fille au-dessus de la baignoire de la salle de bain, située à côté de l’escalier. Il se dirigeait ensuite vers l’escalier, le haut du corps de sa fille sur son épaule gauche, sa tête dans sa main gauche, les dents prélevées précédemment dans sa main droite. Il les plantait dans le bois de la rambarde, tout en montant l’escalier lentement. Arrivé en haut, il se dirigeait vers les toilettes en face de lui, situées entre la chambre des parents, et celle des filles, et y jetait la tête de sa fille dans la cuvette. Puis, il marchait vers la chambre de ses filles. Derrière la porte, sa 2ème fille, celle qui était parvenue à s’échapper, criait de la laisser tranquille, qu’il était un méchant papa, et qu’elle le détestait. Pour toute réponse, Davish défonçait la porte d’un coup de pied. Pendant que sa fille, acculé contre un mur, criait à tout rompre, il posait le tronc de son autre fille sur le lit, se dirigeant vers son enfant qui hurlait de plus belle.
Il se penchait vers elle, et d’un seul coup, lui fit subir la même chose qu’à sa sœur, la soulevant par le cou, serrant, jusqu’à ce que sa tête soit séparé du reste du corps. Davish observait le corps quelques secondes, puis pris le torse qu’il avait posé sur le lit, le disposait sur un petit cheval de bois. Voyant que le morceau de corps ne tenait pas, il revint vers l’autre corps, plongeait sa main dans le thorax, pour en prélever l’intestin, et s’en servit comme d’une corde pour fixer le torse sur le jouet en bois. Puis, il prit le corps de sa 2ème fille sur le dos, ainsi que sa tête, et se dirigeait vers la bibliothèque, dédaignant la seconde chambre. Une chambre au douloureux souvenir. Avant leurs deux filles, lui et son épouse auraient dû avoir un autre enfant. La chambre avait déjà été préparée à cette occasion. Mais son épouse fit une fausse couche. Depuis, plus personne n’entrait dans cette pièce. Une fois dans la bibliothèque, il accrochait le corps mutilé à l’un des murs, sur un porte-manteau. Puis plaçait la tête restante sur le haut du lampadaire de la pièce. Il observait un instant son œuvre, avant de s’en approcher. A ce moment, son ventre gargouillait, pris d’une faim intense. Il se mit à croquer alors le corps de sa fille fixé au mur, à plusieurs endroits, faisant la grimace. Alors, il découpait minutieusement chacun des doigts, les plaçant dans sa poche de pantalon, et fit de même avec les doigts de l’autre corps, puis redescendait.
En bas, il observait les morceaux du corps de son épouse. Comme pour vérifier quelque chose, il plongea la main dans la poitrine de cette dernière, extrayant son cœur, puis un poumon, croquant chacun d’eux, les mâchant méticuleusement. Puis fit du même sur un bras, semblant y trouver meilleur goût que le membre de sa fille. Ensuite, Voyant une marmite sur la cuisinière, il allumait le brûleur en dessous, puis sortait les doigts prélevés de sa poche, et les plongeait dans la marmite, dans un bouillon. Il se rappelait alors des yeux pris à son épouse, les sortait de son autre poche, et les plongeait à son tour dans le bouillon. Quelques instants plus tard, des sirènes de police retentissait dans la rue, des voix lui demandant de sortir. Il dédaignait la marmite et son contenu qu’il faisait cuire, et se dirigeait vers la porte de la maison. A peine sorti, des policiers qui se tenaient sur le côté de la porte l’empoignèrent, et l’un des deux lui donnaient un coup de tazer, l’assommant sur le coup.
Il expliquait tous ces détails l’un après l’autre à l’homme en costume, qui ne manquait pas une parole, restant silencieux tout du long, écoutant tout en prenant de nombreuses notes… Voyant que Davish avait fini son récit, il s’adressait alors à lui :
« C’est parfait, Mr. Davish. Maintenant, j’y vois plus clair. Je comprends ce qui s’est passé de manière plus limpide. Reste à voir avec la police si la fleur n’a pas été jeté par erreur, car c’est la seule chose qui peut vous donner des circonstances atténuantes. Une fois analysée, ses particularités pourront être étudiés plus en détail, et nous pourrons discuter avec le fournisseur du fleuriste, afin ce que celui-ci fasse en sorte que cette fleur ne se retrouve plus jamais sur un circuit de vente florale. »
Davish, un peu exténué par son long discours, demandait :
« Vous pensez que toutes ces révélations pourraient me permettre d’être déclaré irresponsable ? »
L’homme le regardait, baissant les yeux :
« Non, Mr. Davish. Vous restez malgré tout coupable d’un massacre abominable, et même sachant que c’est à cause de cette fleur et de son pollen particulier, ça ne vous empêchera pas de subir la peine capitale. Votre exécution est déjà programmée. Dans votre cas, la folie passagère va être presque impossible à établir. Et le temps que les analyses aboutissent, et ceci en supposant que la fleur soit retrouvée, il y a peu de chance que je puisse plaider une annulation de l’exécution. Peut-être un enfermement à vie ici, mais sans certitude. Tout au plus, dites-vous que vos révélations empêcheront d’autres cas du même type, et donc d’autres massacres… »
« Je comprends… C’est peut-être mieux ainsi… Maintenant que je me rappelle tout, de toute façon, je ne suis pas sûr que j’aurais pu accepter de vivre, sachant ce que j’ai fait »
« A la bonne heure, Mr. Davish…. Ravi de voir que vous comprenez la situation… Néanmoins, je vais faire tout ce qui est en mon pouvoir pour utiliser les informations fournies, et vous permettre de retarder votre exécution. C’est le mieux que je puisse faire, à mon avis… »
Davish fermait les yeux un instant, puis les rouvrait et répondait :
« Ne vous donnez pas cette peine. Je mérite 1000 fois de mourir. Et le plus vite sera le mieux… Cela m’évitera de souffrir dans ma tête plus longtemps… »
L’homme hochait la tête en signe d’acceptation, puis, refermant le dossier devant lui, signifiait à Davish son départ…
De l’autre côté de la porte où se situait cet échange, deux gardes discutaient entre eux :
« Alors, c’est lui qui va être exécuté dans 3 semaines ? C’est bien le boucher qui a massacré toute sa famille ? »
« Ouais, c’est bien lui. Un vrai malade… Personne sait pourquoi il a fait ça… Purée, j’arrive pas à croire comment on peut on arriver à tuer sa femme et ses gosses de manière aussi horrible… Comme une bête sauvage… »
« Des tarés, y’en a partout…. Regarde-le en plus ! Il parle tout seul… Il fait des gestes comme s’il y avait vraiment quelqu’un en face de lui. Non seulement, c’est un tueur taré, mais en plus il s’invente du monde dans sa cellule… »
« Moi, j’te dis, personne le regrettera, celui-là. Et pis un mec qui se parle à lui-même, c’est vraiment que son cerveau a disjoncté à fond… »
« Ouais… Si ça se trouve, il va même pas se rendre compte qu’il se fait exécuter »
« Ha, ha ! C’est bien possible encore… Bon allez, c’est pas tout ça, mais faut qu’on finisse notre ronde… Y’a d’autres tarés profonds dont on doit vérifier qu’ils foutent pas le boxon dans leur cellule »
Là-dessus, les deux gardes partaient de leur côté, laissant Davish seul avec lui-même, ce dernier ignorant que l’homme au costume avec qui il se croyait en grande discussion, le remerciant d’avoir trouvé une solution à cette énigme qui représentait le massacre de sa propre famille, n’était qu’une invention de son esprit tourmenté. Peut-être la solution trouvée pour lui permettre de comprendre et d’apaiser, par le biais d’un dialogue fictif, les évènements qui l’avaient amené à se trouver ici, au cœur de cette cellule. Et personne d’autre que lui ne saurait qu’il existe une fleur capable de transformer un homme en une véritable machine à tuer sans la moindre pitié, et sans équivalent en termes de puissance destructrice…
Publié par Fabs
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