17 nov. 2021

L'ANGE NOIR

 


 

On dit souvent que les créatures sorties des ténèbres ont toutes un mauvais fond, qu’elles existent uniquement pour montrer aux hommes leur faiblesse, et se repaître de leur chair et leur sang, ou encore par simple plaisir de tuer, afin d’assouvir leurs pulsions meurtrières. Mais même si cela représente effectivement la majorité des cas, il y a parfois des exceptions… Il existe aussi des être dont les capacités et le mode d’alimentation servent les intérêts de l’homme. En tout cas une partie d’entre eux. Je connais l’une d’entre elles. J’ai appris à m’habituer à sa présence au sein de l’hôpital où je travaille. Je peux même communiquer avec elle. Il me suffit juste de l’appeler par son prénom… Enfin, ce n’est pas vraiment son prénom. C’est celui que je lui ai donnée en rapport à ses facultés. Et elle l’aime beaucoup. Comment je le sais ? Parce qu’elle me l’a dit…

 

Pas directement. Elle n’est pas dotée de parole. Elle communique avec moi par la pensée. Ou plus exactement, je vois son image, sa silhouette exprimer des paroles à l’intérieur de ma tête. C’est difficile à expliquer. C’est comme un rêve éveillé. Mes yeux sont ouverts, mais j’ai l’impression de naviguer à l’intérieur même de mon esprit, pendant que mon corps, lui, reste immobile, comme figé dans l’espace où je me trouve quand je communique avec elle. Comme si je m’étais rapetissé, et que j’avais pénétré dans ma tête, marchant sur le sol que représente mon cerveau. Et là, elle apparaît. Pour faciliter nos échanges de pensée, le terme qui désigne le mieux notre moyen de communication, je l’ai doté d’un prénom. Ça me semblait plus simple, aussi bien pour elle que pour moi…

 

Je l’ai donc appelé Elizabeth. C’était le prénom de ma grand-mère. Une brave femme qui m’a élevé la majorité de mon enfance. Etant né d’une femme que je n’ai jamais connue, abandonné près d’une fontaine, au beau milieu d’un village. Elizabeth Karston était la matriarche de celui-ci, et elle fut la première à sortir, alerté par les cris que je poussais, et venant de devant la fontaine. Contre l’avis des autres villageois, elle prit soin de moi, m’adopta officiellement, m’éduqua, et surtout c’est à elle que je dois la passion de la médecine. Elle était ce qu’on a coutume d’appeler une guérisseuse, une rebouteuse. Elle usait de ses connaissances de la nature, et d’un pouvoir de magnétisation en elle pour soulager ceux et celles qui venaient la voir à sa demeure. Et nombreux étaient les personnes se succédant pour profiter de ses miracles. Elle m’avait dit un jour qu’elle tenait son don et ses connaissances d’une sorte de fée, qui l’avait choisie pour diffuser le bien autour d’elle, grâce à ce don. J’ignore si ce qu’elle m’a confié, et qu’elle considérait comme un secret, était la vérité, ou si elle voulait simplement me donner une explication à son don. Pendant longtemps, j’y ai vraiment cru en tout cas. Car pour un petit garçon tel que moi, voyant en elle l’image même de la bonté, ça ne pouvait être que la vérité, m’étant impossible de mettre sa parole en doute.

 

Bien sûr, en grandissant, j’ai appris que les mythes et les créatures de tout bords étaient nés de l’imagination parfois débordantes d’écrivains et de conteurs, et je me suis dit malgré tout, que l’origine du don de ma grand-mère, qui, lui, était véritable, venait peut-être tout simplement de gênes héritées de ses ancêtres. Transmis de génération en génération. C’était sans doute une sorte d’héritage familial. N’étant pas de son sang, je ne possédais pas ce pouvoir. Mais je savais tout ce qui était possible de savoir en ce qui concernait l’utilisation des plantes pour guérir les maux les plus divers. Et c’est donc naturellement que je me suis tourné vers des études de médecine, avec l’approbation de ma grand-mère. Même si cela signifiait que je serais séparé d’elle. Je venais la voir souvent malgré tout, dès que mon emploi du temps me le permettait, et elle avait toujours ce sourire unique à mon arrivée qui me faisait oublier mes soucis de la vie quotidienne.

 

J’ai vécu ainsi pendant des années, oscillant entre le village où j’avais grandi, et l’hôpital, où je devins interne, à la fin de mes études, une fois obtenu mon diplôme. Et puis, elle finit par mourir de sa belle mort. A 96 ans. Moi qui pensais qu’elle était immortelle, ce fut un grand choc. Quand je vins voir son corps, installée dans son cercueil, le jour de la cérémonie, juste avant son enterrement, il s’est passé quelque chose d’étrange. J’étais seul dans la pièce avec son corps froid, et son visage qui respirait toujours autant la sagesse, quand je ressentis une violente sensation m’emplissant tout le corps, en même temps qu’une sorte de brume semblant sortir du cadavre de ma grand-mère, envahissait tout l’espace. C’était une sensation loin d’être désagréable à dire vrai, c’était même tout le contraire. L’effet ne dura que quelques minutes, et juste après, j’eus l’impression de voir l’expression de ma grand-mère changer. C’était comme si elle souriait. Comme satisfaite de m’avoir transmis son don. Je sais, ça peut paraître un peu ridicule dit comme ça, mais je vous assure que c’est vraiment ce que j’ai ressenti à ce moment…

 

Les années passèrent, et je devins un docteur reconnu, ayant même mon propre personnel à mon service, au sein d’un hôpital réservé aux personnes âgées, où je me sentais plus à l’aise que dans un établissement médical classique. Certains lui donneront le terme d’asile psychiatrique, mais je n’aime pas ce mot. Je préfère le désigner en celui de maison des esprits. C’est un peu candide me direz-vous, le genre de terme utilisé par un enfant, mais au fond de moi, c’est exactement ce que je ressens. Un enfant enfermé dans un corps d’adulte, refusant de voir le mal, quel qu’il soit. Je pense que c’est cet état d’esprit qui m’a permis de me rapprocher d’Elizabeth, cette créature dont je découvris l’existence au sein de mon lieu de travail. Bien qu’au départ, je ne la percevais pas comme quelque chose de bienveillant. C’était même tout le contraire… Pour moi, quelque pouvait être la « chose » qui vivait au sein de cet hôpital, elle n’était qu’une meurtrière, volant la vie de mes patients, sans le moindre remords. Mais plusieurs éléments découverts au fur et à mesure des cas de morts survenant dans l’hôpital, me firent changer d’avis. Notamment, le visage radieux affiché par toutes les victimes. Mais il vaudrait mieux expliquer en premier lieu, de quelle manière les premiers cas ont débuté.

 

Ça a commencé il y a de ça maintenant 3 mois. Avec Mr. Harvey Larmin, un vieux monsieur apprécié pour sa gentillesse et ses paroles toujours réconfortantes. Il avait cette faculté à part de pouvoir rendre le sourire à n’importe quelle infirmière quand l’une d’elles montrait des signes de fatigue ou d’anxiété, après une dure journée. Et c’était la même chose pour tout le personnel médical. Bon, certaines vous diront qu’il avait la sale manie d’avoir les mains baladeuses quand les infirmières s’occupaient de changer ses draps, au moment où il revenait de sa promenade journalière. Avec un goût particulier pour les nouvelles recrues, qui « bénéficiaient » de ses caresses sur leurs fesses, au moment où elles se penchaient pour remettre les draps en place. Si certaines s’en offusquèrent au début, s’en plaignant à moi ou d’autres médecins, elles changèrent vite d’opinion, après que ce même « pervers », selon leurs dires, leur aient rendu le sourire. L’une parce qu’elle venait de rompre avec son petit ami, l’autre parce qu’elle n’arrivait pas à calmer les petites crises de son fils de 5 ans. Il avait toujours les bons conseils à leur prodiguer, pour qu’elles trouvent une solution à leur mal-être. Et du coup, elles en venaient à se contenter de faire de simples remontrances, tout en souriant, à leur pervers préféré, quand celui-ci vaquait à son occupation favorite. A savoir « tâter » la forme du postérieur de ses chères visiteuses…

 

Harvey était devenu en peu de temps la « mascotte » de l’hôpital. Certains en arrivait même à se demander pourquoi un homme tel que lui se trouvait ici, ne montrant pas les symptômes de quelqu’un atteint de problèmes psychologiques flagrant. En fait, c’est Harvey qui avait demandé à être interné, de peur d’avoir l’envie de retrouver son épouse décédée peu de temps avant son arrivée, avec l’accord de son médecin traitant. Ainsi entouré, il ne ressentait plus le sentiment d’idées noires, et il se sentait apaisé. Du moins, c’est ce qu’il tentait de faire croire. Car malgré sa bonne humeur constante, son sourire, ses petites « tapes » amicales sur le derrière des jeunes infirmières, Harvey souffrait de cauchemars persistants chaque nuit. Des cauchemars très violents qui le hantait depuis le décès de celle qui avait partagée sa vie pendant 20 ans. Personne n’a jamais su en quoi consistait ces cauchemars, Harvey se refusant à en parler. Tout au plus, disait-il qu’ils cesseraient bientôt, car l’Ange Noir viendrait l’en délivrer pour toujours. Qu’il lui avait promis. Et même qu’il avait déjà commencé à absorber certains d’entre eux. C’est le terme exact qu’il a employé.

 

Au début, personne n’a vraiment compris de quoi Harvey voulait parler, pensant qu’il était sujet à des hallucinations, suite logique du mal-être qu’il tentait de dissimuler par ses sourires et sa bonhomie. Mais il parlait de plus en plus de cet « Ange Noir » qui venait lui rendre visite chaque nuit, pour lui enlever un peu plus de ses cauchemars, même si cela signifiait qu’à chacune de ses actions, il perdait un peu de sa vie dans le même temps. Que c’était le prix à payer pour ne plus être envahi des ces images cauchemardesques qui lui pourrissaient ses nuits, avant qu’il vienne ici. Il disait qu’il était heureux de lui permettre de se nourrir grâce à ses cauchemars. Et que ça ne le dérangeait pas qu’il meure un peu plus tôt que prévu, si cela lui permettait de s’en aller avec le sourire. Sans amertume. Sans images noires dans la tête. Sans mauvais souvenirs le faisant se réveiller en sursaut, en proie à une terreur indescriptible. L’Ange Noir lui offrait ce bien-être auquel il aspirait. Il disait qu’il ne pouvait rêver meilleure fin…

 

Quelques jours plus tard, une infirmière trouva Harvey sans vie dans son lit, les deux mains croisées sur son ventre, un immense sourire parsemant son visage. Beaucoup de membres du personnel furent attristés de ce départ imprévu… En particulier les victimes favorites de ses « caresses ». L’une d’elle demanda même un congé d’une semaine, suite à ce décès, tellement elle avait du mal à se faire à l’idée de ne plus pouvoir discuter avec ce vieux pervers, mais si adorable par ses paroles. Quand le corps fut emmené vers la morgue, tout le monde se mit au garde à vous à son passage. Comme s’il s’agissait d’un président ou une star de cinéma. Un moment très émouvant, et moi-même je ne pus m’empêcher de verser ma petite larme, à l’image de nombre des membres du personnel présent. Cependant, Harvey n’était que le premier à disparaitre de cette manière, de manière incompréhensible, vu que son état de santé ne laissait en aucun cas supposer une mort aussi prématurée… Rien dans ses diagnostiques n’indiquait le moindre problème. Qu’il soit cardiaque, pulmonaire ou sanguin. Il n’y avait absolument aucune logique à son décès… Si ce n’est l’évocation de ce fameux Ange Noir dont il parlait tant lors de ses derniers jours de vie….

 

Deux jours passèrent et chacun revint à ses occupations, oubliant presque la disparition d’Harvey, quand un autre drame survint. Cette fois, il s’agissait de Mme Carves, une dame de 67 ans, sujette à des hallucinations importantes, la faisant parfois entrer dans des phases délirantes où n’importe quel objet pouvait être la « solution », selon elle, à faire fuir les fantômes qui la harcelaient. Cependant, tout comme Harvey, on la trouva dans son lit, le visage apaisé, orné d’un grand sourire, les mains posées sur sa poitrine. Je m’interrogeais sur cette étrange attitude, et plus encore en découvrant qu’elle aussi, dans les jours précédant son décès, avait évoquée cet Ange Noir dont parlait Harvey. Les infirmiers chargés de s’occuper de sa chambre, celle-ci refusant la présence d’une femme, sans qu’on en sache la raison exacte, me précisèrent que son comportement avait énormément changé ces derniers jours. Elle n’avait plus de crise, leur parlait gentiment, redoublait d’attention même à leur égard. Alors qu’une semaine auparavant, elle n’hésitait pas à les insulter de tous les noms, leur disant qu’ils étaient des incapables de ne pas savoir comment faire fuir ces fantômes qui étaient autour d’elle. Parfois, elle leur jetait même le contenu de son plateau repas, quand ce n’était pas le plateau lui-même.

 

Ils n’en avaient pas vraiment parlé, pensant que des médecins lui donnaient des calmants sans leur avoir dit, et expliquant cette modification de son attitude envers eux. Ils précisèrent aussi qu’elle affichait un grand sourire régulièrement, disant que l’Ange Noir était parvenu à faire partir les méchants fantômes qui lui faisaient peur. Et qu’elle savait qu’elle allait bientôt partir en paix, débarrassé d’eux. Que c’était un vrai plaisir pour elle de lui offrir la nourriture dont l’Ange Noir avait besoin, grâce à ses fantômes… Les mêmes propos qu’Harvey… Et la même incompréhension quant à sa mort. Totalement illogique. Pour elle aussi, rien ne pouvait expliquer sa mort soudaine. Rien de naturel en tout cas. Tout ça n’avait aucun sens… D’un point de vue médical, c’était incompréhensible que Harvey et Mme Carver soient partis ainsi, sans que rien ne puisse le faire soupçonner. Et c’était loin d’être le dernier cas qui montrerait les même symptômes…

 

Mr. Frands, 74 ans, souffrant d’une psychose de persécution, doublé d’une paranoïa, persuadé que tout le monde voulait lui nuire, voire même l’emmener pour l’utiliser pour des expériences secrètes, organisées par le gouvernement…

 

Mr. Soultik, 66 ans, atteint d’un dédoublement de la personnalité. Son « double » étant sujet à des signes de violence très prononcées, et survenant à des horaires bien précis….

 

Mme Alma, 82 ans, syndrome de Peter Pan, parlant avec une voix de petite fille pour s’exprimer, par le biais d’une poupée de chiffon que personne ne doit toucher, sous peine de crises extrêmement violentes. Un état qui est arrivé suite au décès de sa petite fille de 6 ans, à qui appartenait la poupée…

 

Mme Falknor, 89 ans, victime de TOC convulsif, et d’une psychose curieuse, refusant de s’installer ailleurs que dans un lit dépourvu du moindre drap, par peur d’être assaillie par des acariens géants voulant la dévorer. Les personnes chargées de lui apporter ses repas doivent les goûter devant elle. Sans cela, elle refuse de s’alimenter, et toute personne entrant dans la chambre doit être munie d’une combinaison…

 

Et enfin Mr. Trevor, 71 ans, vétéran de guerre, ancien sergent-chef, n’acceptant que des produits fabriqués en Amérique, du lit aux draps, meubles, nourriture, et autres ustensiles de cuisine. Demandant à ce qu’on lui apporte la preuve que ce sont bien des produits américains. Dans le cas contraire, il peut être sujet à des actes d’auto-mutilation, pour, dit-il, se débarrasser de la souillure reçus des anti-américains….

 

Autant de cas graves, donnant du fil à retordre au personnel soignant, de par leurs attitudes, leurs exigences, leurs actes de violence potentiel… Et tous ont vu leur comportement changeant radicalement les jours précédant leur décès. Tous également ont évoqué un Ange Noir mangeant leurs cauchemars, en échange d’une perte de « morceaux de vie », accélérant le temps les séparant de la mort, avec leur accord. Tous enfin affichaient ce sourire radieux sur leur lit, les mains croisées sur leur poitrine, avec un air apaisé et heureux. Et comme pour Harvey et Mme Carver, aucune logique à leur mort, survenu le temps d’une nuit, sans que personne ne comprenne cette dégradation soudaine de leur état de santé, sans qu’aucun appareil, tests ou autre ne détecte un quelconque changement… Cette hécatombe devenait alarmante, et personne n'était en mesure d’expliquer le phénomène. Des hypothèses d’une nouvelle « Mildred Ratched » furent bientôt mises en avant. Mais aucune trace d’un produit létal ne fut trouvée lors des autopsies des personnes décédées. C’était un mystère complet au-delà de toute compréhension médicale…

 

En tant que médecin principal du service, et au vu du nombre conséquent de décès, sans qu’on puisse donner d’explications rationnelles, je fus interrogé par une enquête interne de l’hôpital au départ. Puis, par les services de police, qui épluchèrent les fiches de tous les membres du personnel, afin de trouver un élément de leur passé pouvant les diriger vers un semblant d’explication. J’eus beau leur dire que je me portais garant de tout le personnel, m’étant moi-même chargé de leur intégration au sein de l’hôpital, ils n’ont rien voulu entendre, et firent des recherches poussées pour chaque personne affiliée aux patients. Que ce soit les infirmières, les personnes chargées de l’entretien, les médecins, internes, stagiaires, les commis de cuisine… Tout fut passé au peigne fin. Au bout d’un moment, ils durent s’avouer vaincu, rien ni personne ne montrant de choses suspectes, pouvant faire soupçonner des actes menant à la mort des patients, de façon prématurée. Finalement, l’enquête conclut à des morts naturelles, bien qu’il était impossible d’expliquer  par quel miracle des personnes n’ayant aucun problème majeur de santé aient pu passer de vie à trépas l’espace d’une nuit…

 

Bien qu’aberrant, je signalais l’évocation de l’Ange Noir indiqué par tous les patients décédés, avant leur mort. Ce à quoi les policiers me rétorquèrent qu’ils étaient surpris qu’un médecin tel que moi puissent croire qu’un être surnaturel soit à l’origine de morts qui, de toute évidence, devaient leur fin à quelque chose de tout à fait naturel, même si personne à ce jour ne pouvait définir clairement ce que c’était. Me conseillant même, de manière ironique, que je devrais éviter de regarder trop de films d’horreur, pour éviter de mélanger réel et folklore fantastique, indigne de l’Ordre des Médecins. Je baissais la tête, n’osant pas aller plus avant dans mes suppositions, et les laissait partir, entendant des petits rires étouffés, émanant d’eux. Les imbéciles ! Alors, pour vous, toutes ces morts sont naturelles ? C’était complètement stupide ! Il n’y avait rien de naturel là-dedans, et je le savais plus que quiconque. Une idée folle me parvint alors… Si c’était moi le responsable ? Même si je n’avais jamais testé quoi que ce soit depuis ce jour, je me rappelais la sensation de cette étrange force m’envahissant, lors de la mise en bière de ma grand-mère, qui semblait venir du cercueil, et plus précisément de ma grand-mère elle-même.

 

Je me souvenais de ce sourire que j’avais cru apercevoir à ce moment-là sur son visage. De ses bras croisés sur la poitrine… Il y avait trop d’éléments analogues pour que tout ça soit une coïncidence… Était-il possible qu’involontairement, en touchant ces personnes, cette force en moi se soit déversée en elles ? Leur dévorant leurs cauchemars, telles qu’elles l’indiquaient, et leur faisant subir une forme hallucinatoire, se présentant sous l’aspect de cet Ange Noir évoqué par tous ? Ou bien peut-être était-je doté d’un corps astral, agissant indépendamment de moi la nuit ? Je n’avais jamais véritablement cru à l’existence du Paranormal, quelque soit sa forme, même si je devais reconnaitre les côtés troublants de certaines affaires développées sur les réseaux sociaux ou les forums. Mais là, je devais bien avouer que les similitudes entre ce que j’avais vu lors de la cérémonie de l’enterrement de ma grand-mère, et la position des patients « visités » par l’Ange Noir, et surtout la manière de disposer leurs mains sur leur poitrine, tout comme le sourire affiché, étaient plus que troublantes… Je ne savais plus quoi penser… J’étais perdu… Et je redoutais que de nouveaux cas arrivent prochainement ...Ce qui fut le cas….

 

3 nouvelles morts survinrent les semaines suivantes. Avec exactement les mêmes symptômes, ou plutôt l’absence de symptômes, constatés à leur décès. Même position des mains, même sourire, même évocation de l’Ange Noir les jours d’avant leur mort… Et rien de probant concernant les caméras de surveillance présentes dans les chambres et les couloirs. En tout cas, à première vue. Un week-end, alors que le personnel était limité, du fait du nombre de patients ayant drastiquement baissé, je trouvais une excuse auprès du garde de nuit, pour visionner les enregistrements correspondants aux jours des décès de chaque patient. Le garde m’indiqua que tous les enregistrements étaient déjà aux mains de la police, afin de vérifier si quelque chose leur avait échappé. Juste au cas où, avaient précisés les agents chargés de l’enquête. Je montrais un air dépité… Moi qui pensais avoir une piste… Et au vu du manque d’objectivité des fameux agents, je doutais qu’ils puissent voir quelque chose. Puis, le garde se rappela que les enregistrements concernant les 3 derniers cas n’avaient pas encore été envoyés. Les agents avaient demandé à ce qu’on leur envoie aussi, à chaque nouveau décès constaté. Mais qu’il avait oublié de le faire pour ceux-là…

 

Une lueur d’espoir parvint alors dans mes yeux. Je demandais au garde s’ils pouvaient me faire une copie de ces enregistrements, afin que je les étudie plus en profondeur au calme dans mon bureau. Ce qu’il fit sans poser de questions. Après quelques instants, il me confia une clé USB contenant ce que je lui avais demandé. Je le remerciais, et pressais le pas vers mon bureau, afin de voir par moi-même toute étrangeté sur les vidéos. Une fois sur place, je fermais à clé la porte, afin d’être sûr de ne pas être dérangé, et m’installais sur mon fauteuil. Je plaçais la clé USB dans la fiche de mon ordinateur, et commençais à visionner les vidéos…

 

Au premier abord, je ne vis rien de suspect. Cependant, à force de visionnage, je m’aperçus de quelque chose d’étrange. Je voyais Mme Rassick, l’une des dernières victimes de ce mal funeste, debout devant son lit, semblant s’adresser à quelque chose devant elle. Mais il n’y avait rien. En tout cas, rien de visible. Interloqué par l’attitude de Mme Rassick, je passais la vidéo par plusieurs filtres et zoom, afin de « nettoyer » et surtout approfondir l’image. A force de plusieurs traitements, je finis par apercevoir une forme qui se dessinait devant le mur en face de Mme Rassick. Une silhouette semblant se fondre dans le mur. Presque imperceptible. Je fis d’autres traitements plus puissants, afin d’obtenir une netteté plus importante. Et je finis par obtenir une image plus propre, et ce que je vis me fis sursauter sur mon siège…

 

La silhouette semblait drapée d’une sorte de suaire noir, flottant au-dessus du sol. Il n’y avait pas de pieds. En tout cas, ils n’étaient pas apparents. Mais peut-être étaient-ils cachés par la longueur du suaire. Un visage se dessinait, mais il restait encore peu visible. Cependant, on voyait nettement des cheveux d’un noir opaque à l’arrière. Je zoomais encore un peu plus, me concentrant sur la tête de la silhouette, et c’est là que je vis la première fois le visage de celle qui allait changer ma perception de l’au-delà. C’était le visage d’une femme d’une grande beauté. Il émanait d’elle une sorte de fascination qu’il est difficile, même impossible à décrire avec des mots. J’étais subjugué par cette beauté, sans pouvoir l’expliquer. D’un coup, je comprenais le visage radieux arboré par les victimes de cet être. Je découvris également qu’une sorte de filet de lumière noire, très pâle et très fin, partait de la bouche de l’apparition vers Mme Rassick, celle-ci étant enveloppé d’une sorte de halo tout autour de sa tête. On distinguait des sortes de petites formes à l’intérieur du filet de lumière. Je tentais de zoomer un peu plus sur ce dernier, utilisant d’autres filtres, mais je n’obtins rien de très défini. Tout au plus des silhouettes évoquant des sortes de créatures difformes.

 

Et il y avait autre chose. Semblant sortir du dos de la silhouette de l’être, on apercevait une ébauche d’ailes. L’obscurité de la pièce ne me permettait pas d’avoir plus de détails, mais j’étais certain qu’il s’agissait d’ailes. Des ailes noires elles aussi. L’Ange Noir décrit par Harvey et les autres. J’avais devant moi la preuve de son existence. Et ce filet de lumière partant de Mme Rassick vers sa bouche, tout portait à croire qu’il s’agissait des cauchemars « absorbés » tel que l’indiquait également les victimes. Alors, tout était vrai. L’Ange Noir, les cauchemars, cette joie de vivre ressenti après cette absorption… Et donc le « vol » de morceaux de vie dans le même temps… Je m’enfonçais dans mon fauteuil, me frottant les yeux, regardant à plusieurs reprises ce qui se trouvait devant moi. Juste pour vérifier que je ne rêvais pas. C’était tellement… Fantastique ! J’avais du mal à y croire, mais j’avais bel et bien la preuve de l’existence de l’Ange Noir juste devant moi. Quelque part, j’étais rassuré… Ce n’était donc pas moi le responsable involontaire de toutes ces morts… Et en voyant le visage plein de sérénité affiché par Mme Rassick, je comprenais mieux beaucoup de choses.

 

Cet Ange Noir n’était pas mauvais en fait. J’en étais persuadé… Il ne faisait qu’apporter une fin de vie dépourvue des cauchemars hantant ceux qu’il choisissait comme cible. J’ignorais encore pas mal de choses sur sa façon d’agir… Est-ce que l’être choisissait ceux qui allait bénéficier de son pouvoir ? Et en ce cas, qu’est-ce qui motivait ce choix ? Des pleurs, des cris, une faculté à ressentir la souffrance que les humains ne perçoivent pas ? Ou bien était-ce les victimes elles- mêmes qui demandaient à ce qu’il leur rende visite ? Mais comment pouvaient-ils connaitre son existence ? Y-avait-il des signes qui s’offraient à eux, pour les persuader de ça ? Des sensations, telles que j’en ai reçues lors de l’enterrement de ma grand-mère ? Un bien-être imperceptible par sa simple présence, alors qu’il les observe, attendant qu’ils leur fassent signe de les délivrer de leur mal ? Des milliers de questions se bousculaient dans ma tête, quand on cogna à la porte. J’éteignais l’écran de l’ordinateur, et me dirigeais vers la porte d’entrée, avant de la déverrouiller. Une fois ouverte, je vis le garde devant moi, me demandant si je pouvais le suivre. Qu’il y avait quelque chose de bizarre qui se passait dans la chambre de Mr Barotnek.

 

Intrigué, je suivais le garde affolé, qui me conduisait jusqu’au poste de garde. Là, il me fit voir l’image de Mr. Barotnek semblant avoir les pieds flottant au-dessus du sol, le visage affichant un bonheur visible. Pour parer à toute éventualité, j’indiquais au garde que ce n’était vraisemblablement qu’une illusion d’optique. Qu’il ne devait pas s’alarmer. Voyant une opportunité unique, je lui signifiais que je le sentais fatigué. Qu’il devrait rentrer chez lui, exceptionnellement, un peu plus tôt aujourd’hui. Qu’il ne devait pas s’inquiéter. Que je me chargeais d’aller voir Mr. Barotnek. Le garde, encore un peu choqué par ce qu’il venait de voir, accepta aisément ma proposition, et fila sans demander son reste, en direction de la sortie. Une fois assuré de son départ, je me rendais à la chambre de Mr. Barotnek, où je le trouvais toujours avec les pieds à quelques centimètres au-dessus du sol. Puis, petit à petit, ses pieds touchèrent à nouveau ce dernier. Il resta quelques instants immobiles, avant de se diriger vers son lit, et se recoucha, avant de s’endormir presque immédiatement. Au même instant, comme pris d’un instinct indéfinissable, je me retournais. Et devant moi, par petites couches, je vis l’Ange Noir apparaître devant moi, dans toute sa splendeur. Je ne parvenais pas à bouger, tellement sa beauté me paralysait. C’était comme si j’étais attaché par des fils invisibles…

 

L’être s’approcha de moi, de plus en plus près. Je ne ressentais aucune peur, bien au contraire. Plutôt un apaisement, une sorte de sérénité intérieure. Puis, l’Ange Noir toucha ma joue droite, plongeant son regard dans le mien. Je voyais dans le sien. On aurait dit une galaxie peuplée d’étoiles aux formes inconnues, où volaient des créatures de cauchemar qu’il m’est impossible de définir. Elles semblaient comme prisonnières. Et peu à peu, j’avais l’impression de les voir fondre, et disparaitre, se transformant en poussière, celle-ci se regroupant, et devenant une de ces autres étoiles aux formes bizarres qui se trouvaient tout autour. L’Ange Noir s’écarta alors, restant immobile devant moi, continuant à m’observer. C’est là que se fit notre premier « contact » à l’intérieur de ma tête. Je la « voyais » dans mon esprit, alors que moi-même je marchais vers elle, comme attiré. Elle s’adressa alors à moi :

 

« Tu as la même odeur que Liian… Serais-tu de sa famille ? »

 

Je ne comprenais pas de qui elle parlait… Mais ce qui me surprenait en premier lieu, c’était de l’entendre me parler. Même si je savais que ce n’était pas à vrai dire de vraies paroles. Mais plutôt des pensées converties en paroles…

 

« Liian ? Je… Je ne sais pas qui c’est… Mais peut-être voulez-vous parler du don légué par ma grand-mère ? »

 

L’Ange Noir m’observa encore, semblant s’interroger…

 

« Je vois… Je comprends… Liian m’avait dit avoir donné un peu de son pouvoir à une humaine. Ce devait être ta grand-mère… En te léguant son don à son tour, cela t’a donné la possibilité de communiquer avec moi… Et de me voir… »

 

« Vous… Vous êtes… un ange ? »

 

A ces mots, l’être se mit à rire. Un rire enchanteur, empli de charme…

 

« Un ange ? »

 

Elle riait encore...

 

« Non… Je n’appartiens pas à cette espèce… Même si je reconnais avoir certaines similitudes… Je suis une Nyaal… Une mangeuse de cauchemars… Je n’appartiens pas à votre dimension… Mais moi et d’autres de mon peuple aimons traverser les dimensions pour nous nourrir… Et votre monde est un vrai paradis pour nous à ce niveau… »

 

Elle continuait à rire, pendant que je restais hypnotisé par son regard et sa beauté tellement incroyable… S’apercevant de cela, elle pointa son doigt vers moi, avant de le déposer sur mon front…

« Excuse-moi… C’est une forme de protection pour notre race… Notre regard fige nos ennemis, tout comme ceux destinés à nous nourrir de leurs peurs, engendrés par les cauchemars les envahissants… Je viens de t’en libérer… Tu peux me parler librement à présent… »

 

Effectivement, je ne ressentais plus cette sensation d’immobilité, et je pus converser plus sereinement…

 

« Vous… Vous avez un prénom ? Ce serait plus facile de vous désigner… »

 

La Nyaal sourit à nouveau, avant de répondre :

 

« Contrairement à Liian, mon prénom sera trop compliqué à prononcer pour un humain… Mais si tu le désires, je te laisse m’en choisir un… »

 

« C’est vrai ? Je… Je peux vraiment choisir votre nom ? »

 

Toujours souriante la Nyaal me rassura :

 

« Mais oui… Choisis celui que tu veux… Je l’accepterais avec grand plaisir… »

 

Je réfléchissais quelques secondes, avant que l’évidence ne me parvins :

 

« Alors, je t’appellerais Elizabeth… C’était le prénom de ma grand-mère… Une personne qui comptait beaucoup pour moi… »

 

« Elizabeth…. C’est joli… J’aime beaucoup… Qu’il en soit ainsi… Pour toi, je serais donc Elizabeth… Mais je suppose que tu as beaucoup de questions à me poser ?... N’hésite pas… Je tacherais d’y répondre du mieux possible… »

 

Et ainsi, nous conversâmes durant un temps indéfini. Je ne ressentais pas de limite de temps. C’était comme si celui-ci s’était arrêté. J’appris ainsi plus de détails sur sa race, la dimension d’où elle venait, la manière dont son espèce découvrit la nôtre, leurs facultés particulières aussi, ainsi que « l’échange », le terme qu’elle utilisa, qui se déroulait entre elle et les siens face aux personnes ressentant l’envie de partir sans pouvoir le faire, car ne voulant pas s’en aller en emportant avec eux leurs doutes et leurs peurs, à travers les cauchemars qu’ils possédaient. Elizabeth m’indiqua que les membres de son espèce ressentaient la souffrance des personnes dans cet état. Et elles se rapprochaient d’elles, les laissaient les voir, avant d’aspirer leurs cauchemars, pour les délivrer. Pour ces personnes ne désirant plus vivre au sein des hommes, c’était une bénédiction. Elles étaient libérées de leurs cauchemars les plus sombres, et pouvaient partir en toute quiétude, sans regrets, sans souffrance. L’Echange leur permettaient d’atteindre ce niveau de sérénité qui s’affichaient sur leurs visages, une fois leurs morceaux de vie aspirés en même temps que les cauchemars. Elizabeth expliquait que sa race ne pouvait faire autrement. Les cauchemars sont des parties de la vie de la personne. C’est pourquoi en les aspirant, en les absorbant, ils aspirent aussi les derniers instants de vie.

 

Mais c’est le choix de la personne. Sa race ne pratique l’Echange qu’avec les personnes acceptant de mourir, parce que c’est leur désir profond, ne supportant plus de vivre, du fait de leur état. Jamais les Nyaal ne pratiquerait l’échange sans cette condition, envers une personne qui désire continuer à vivre. Certains cauchemars sont plus profonds que d’autres, se rattachant à des morceaux de vie plus grand. Ce qui expliquait pourquoi certains, suivant la grandeur de leurs cauchemars, perdait la vie plus rapidement que d’autres plus âgés qu’eux. Je buvais ses paroles, c’était une expérience incroyable de pouvoir converser avec Elizabeth. Je découvrais une partie du surnaturel que je ne soupçonnais pas, et c’était un plaisir immense.

 

Connaissant cela, je ne pouvais évidemment pas empêcher les Nyaal de faire ce qui leur permettait de vivre. Elizabeth m’indiqua que l’échange était indispensable à leur mode de vie. Sans lui, sans se nourrir de cauchemars, les Nyaal mourraient de malnutrition. Elles ne pouvaient pas aller contre leur nature. Je comprenais ça, et l’indiquait à Elizabeth. Lui assurant qu’il ne chercherait pas à leur nuire, maintenant qu’il savait ce qu’il en était. Elle me remercia avant de mettre fin à notre « conversation », me permettant de reprendre mes esprits et utiliser à nouveau mon corps. Nous conclûmes un accord. Elle s’engageait à manger moins de cauchemars de mes patients en mal de vivre, afin que je ne me retrouve pas confronté à trop d’interrogations, que trop de morts successives risquaient de provoquer. En tout cas, de mettre une certaine distance, en terme de semaines, entre chaque échange. Ses facultés lui permettaient de se nourrir n’importe où, à des milliers de kilomètres de distance sur notre planète. Simplement, cet hôpital possédait une très grande quantité d’âmes torturées, et cela avait attisée sa faim, s’avouant très gourmande en ce sens, contrairement à d’autres de ses congénères, plus… « raisonnables ».

 

Depuis, je converse souvent avec Elizabeth, lui parlant de mon monde plus en détail, de mon lien avec ma grand-mère, mes passions… Elle me parle de Liian, celle qui est à l’origine du don de ma grand-mère, et aussi me promettant de m’indiquer comment l’utiliser, maintenant que ce pouvoir coulait en moi. Un pouvoir de guérison qui pourrait sauver de nombreuses vies désirant continuer de vivre. En y repensant, je me dis que l’univers est sans doute rempli d’autres espèces comme les Nyaal. Il n’y a pas que des créatures monstrueuses, avides de sang, vivant pour détruire. Pour ma part, je suis très heureux d’avoir découvert l’existence d’Elizabeth et son espèce. A force d’insistance, j’ai fini par lui faire dire son véritable prénom. Et elle avait raison. Je suis totalement incapable de le prononcer. Ce qui l’a fait beaucoup rire. J’adore quand elle rit… Je ne sais pas ce qu’elle pense de moi…Les Nyall peuvent-ils avoir des sentiments ? Un humain peut-il avoir une relation inter-espèces ? Je sais, c’est ridicule, mais je ne peux m’empêcher d’y penser. Je dois être trop sentimental. Mais si vous pouviez la voir vous aussi, vous comprendriez le pouvoir de sa beauté. Mais je m’égare. Il est temps pour moi de vous quitter, et de retourner à mes fonctions.

 

Maintenant, vous savez qu’il ne faut pas juger le mode de vie de certaines créatures. Sous des aspects funestes, certaines agissent pour le bien, et peuvent s’avérer nécessaires au bien-être des humains. Pensez-y la prochaine fois que vous verrez une créature inconnue en plein repas… Mais apprenez aussi à bien les observer, avant d’engager un contact physique, pour ne pas regretter votre choix. Elles ne sont pas toutes non plus comme les Nyaal. Et c’est bien dommage….

 

Publié par Fabs

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