30 sept. 2022

STEAMPUNK-Nouvelle Génération

 


 

Nous vivons dans une époque où l’homme est obnubilé par la machine, la mécanique qui la compose, ses différentes possibilités. C’est un miroir de l’évolution humaine, montrant les innombrables rouages de l’avenir qui se montre à nous. Un futur qui se dessine au fur et à mesure de l’imagination, de l’inventivité de l’homme, repoussant chaque jour les frontières de différents domaines, et en particulier la technologie. La montée en flèche de la robotique dans des dizaines de secteurs d’activité montre encore plus ce désir de voir notre société fusionner avec cette machine qui fascine tant de cerveaux scientifiques à travers le monde. Mais il n’y a pas que la science qui utilise cette passion pour montrer l’amour de l’homme envers les composants, de ce qui a longtemps représenté les fondements de la science-fiction dans la littérature, le cinéma, la BD et de nombreux supports artistiques.

 

Parmi les branches qui ont découlé de cette fascination se trouve le SteamPunk. Un mouvement littéraire au départ, créé par K.W. Jeter, avec ses amis Jim Blaylock et Tim Powers, associant l’ère victorienne, et l’époque de la Révolution Industrielle Britannique, à cette fascination pour la machine et la technologie. On a souvent tendance à croire que le SteamPunk doit son existence à un autre genre littéraire devenu habituel de nos jours, le CyberPunk. Même si les prémices de ce dernier commencent à se révéler dans l’histoire « Fragments of a Hologram Rose » de William Gibson, futur père du mouvement, en 1977, ce dernier ne naitra véritablement qu’avec « Neuromancien », du même auteur, en 1984. Mais les fondations du SteamPunk sont nées en France, avec le roman « 20.000 Lieues Sous Les Mers » de Jules Verne, œuvre reconnue comme le tout premier livre de cette catégorie, même si à l’époque, il n’était pas encore désigné sous cette appellation. Il faudra attendre 1979 et « Morlock Night », suite de « La Machine à Explorer le Temps » d’H.G. Wells, pour voir ce terme naitre, 5 ans avant le CyberPunk, largement utilisé de nos jours dans différents domaines culturels.

 

Le SteamPunk, lui, a vu une évolution plus discrète, dû à l’extravagance de l’association vestimentaire et technologique ancré dans une époque bien distincte, au contraire de son petit frère, qui s’incruste dans toutes les époques, et particulièrement futuristes. Néanmoins, l’attrait artistique du SteamPunk, pour nombre de passionnés de la technologie, est beaucoup plus important, car il utilise une esthétique, des formes, une utilisation de la mode et des mœurs, bien plus attrayants pour l’œil et l’imagination, que ne l’est le CyberPunk, surtout concentré sur la machine en elle-même, et pas sur sa fusion avec d’autres textures comme le fait le mouvement créé par K.W.Jeter. Nombre d’autres romans, de BD, de films… ont puisé et utilisé cette particularité de fusion des matières au travers d’œuvres uniques et faisant appel à un imaginaire proche de la Fantasy sous certains aspects.

 

Une fusion de l’homme et la machine par son côté esthétique plus que l’incrustation dans la chair du Cyberpunk, utilisant cyborgs, IA intrusive dans les cerveaux et les membres humains, ou encore des véhicules accentuant couleurs, boutons et données, mais dépourvu d’une vraie âme de beauté visuelle, comme l’offre le SteamPunk. Le plus parlant étant l’utilisation d’objets classiques, comme des boutons de costumes, des montres, des cannes, des livres, parés de rouages et de lignes métalliques, se fondant ensemble, avec un effet artistique indéniable. Et c’est encore plus vrai pour les tenues vestimentaires, sans doute la partie la plus représentative du mouvement, où robes, chapeaux, gantelets, broches, chaussures et costumes victoriens sont associés à des parties de machines autonomes, défiant toute logique, et avec des fonctions toutes aussi délirantes que l’imaginaire de leurs créateurs et créatrices.

 

C’est dans ce monde que je vis, dans cette uchronie permanente qu’est le SteamPunk, versant régulièrement dans la dystopie, utilisant les ombres des ruelles des villes plongées dans la pénombre tamisée par des lumières propres a dissocier clarté et ténèbres, au travers de tableaux, de dessins, de sculptures. J’aime cette harmonie des couleurs chaudes mélangées au froid du métal des ressorts, des poulies, des tubes aux formes étranges, aux liquides se versant d’un côté à l’autre. Cette folie des tissus et de machineries complexes, mais versant dans une réalité technologique propre à l’époque, où la vapeur ayant donné son nom au genre, enveloppe les villes, et donnant une atmosphère irréelle. A tel point qu’on se surprend presque à voir débarquer un émule de Jack L’Eventreur à chaque coin de rue, à chaque calèche dont même les harnachements des chevaux sont composés de structures métalliques, sans que cela nuise à la beauté du pelage de ces fiers animaux, qui sont les membres de la caste animale la plus usité de ce genre qui fait le bonheur de milliers, de millions de fanas d’art dans le monde…

 

Cependant, j’ai toujours trouvé qu’il manquait un petit quelque chose à toute cette maestria de formes et de couleurs. Car malgré tout ses atours, on sent le factice, l’improvisation, le simple collage entre machine et habits. Il manque à chaque tenue ce petit « plus » qui donnerait vie, d’une manière incomparable, à ses différents composants. Mais je ne me suis pas présenté : je me nomme Armin Caplehorn. Je suis un modiste reconnu du genre, et aussi un passionné de technologie, passé maitre dans la miniaturisation de systèmes mécaniques complexes. L’héritage sans doute de mon père, un illustre horloger-joailler ayant officié des années en notre belle ville de Londres, la capitale du SteamPunk. Travaillant beaucoup pour le cinéma et la télévision, j’ai accumulé une jolie fortune au fil des années. On a souvent tendance à me considérer comme un original, car il n’y a pas un jour, que ce soit dans la rue, ou sur un plateau de télévision, où je ne suis pas habillé avec une tenue que j’ai confectionnée, et montrant mon amour du genre…

 

Personnellement, j’aime qu’on me voie comme ça, car c’est devenu mon identité dans les milieux artistiques, ma marque de fabrique. C’est grâce à cette originalité que j’en suis arrivé à me hisser dans les stratosphères de la mode, et qui m’a valu d’avoir comme clients des grands noms du cinéma, du théâtre ou de la chanson, et même des peoples dont le visage parsème la grande majorité des réseaux sociaux du pays, mais aussi au-delà de la Grande-Bretagne, forgeant ma réputation, et aussi mon art, mon amour du SteamPunk, devenu ma figure de proue dans le métier. C’est grâce à cette notoriété que j’ai pu organiser la plus grande convention ayant jamais existé sur ce thème. Un édifice que j’ai fait construire spécialement, un peu en dehors de la city londonienne, pour accueillir tous les plus grands passionnés du mouvement.

 

L’occasion pour moi de montrer enfin au monde ma propre définition véritable de cet art qu’est le SteamPunk, et qui n’a jamais été montré sous l’apparence qu’elle mérite depuis sa création. Après cette convention, plus personne ne verra ce qui compose cet art de la même manière, car cela va révolutionner tout ce qui est envisageable, tous les désirs les plus fous de voir le SteamPunk devenir LE sujet de touts les médias du monde. A l’issue de cette journée réservée aux vrais amoureux du genre, vous découvrirez ce que ce mouvement devrait être. Une fidèle retranscription de cet univers unique que l’on n’a vu sous sa vraie nature, que dans les romans graphiques ou les films remplis d’effets spéciaux. Ce que je vais proposer à travers cette convention, c’est une évolution. Une Révolution. Une fusion sans équivalent de l’homme et de la machine au sens propre du terme…

 

C’est ainsi que le jour-J arrivait, et que je voyais tous les invités pénétrer l’un après l’autre au sein de l’immense bâtiment construit spécialement, et composé d’une multitude de zones dédiés aux différentes catégories du SteamPunk, que ce soit la littérature, la BD, la partie graphique, composée de dessins de grands artistes, de lithographie, d’écrans d’ordinateur montrant des œuvres numériques, les sculptures, qu’elles soient en argile, en marbre, ou constituées de vraies parties métalliques, les peintures, et bien sûr, la partie la plus importante, celle du cosplay. D’ailleurs, tous les conviés avaient pour consigne de venir habillés en tenue dans le pur style du genre. Une condition pour pouvoir pénétrer au sein de cet espace dédié à ceux qui avaient la vraie passion du genre en eux. Toute personne ne respectant pas cette condition serait systématiquement refoulée, et n’aurait pas accès aux festivités intérieures. Une condition à laquelle se rajoutait une autre, elle aussi indispensable pour avoir accès à cet antre du SteamPunk. Toute personne, qu’elle ait été invitée spécialement par mes soins, ou ayant acheté sa place auprès de la billetterie en ligne, se devait de porter un badge de ma création, qui était remis à l’entrée par des membres du personnel, dont c’était le rôle principal. Un service de sécurité, eux aussi porteur de ce badge, et arborant bien évidemment une tenue en adéquation avec le thème de la convention, était chargé de surveiller qu’il n’y avait pas de fraudeurs s’étant infiltrés.

 

Ceux-ci seraient immédiatement reconduits vers la sortie, avec force si nécessaire. Je ne permettrais à personne de venir gâcher la fête que j’avais organisé à la gloire du SteamPunk dans toute sa splendeur… Mais ce ne fut pas le cas, et tout le monde joua le jeu de manière très respectueuse. Ce fut un florilège de passionnés de tout bords, chacun arborant des tenues magnifiques et extravagantes, comme tout fan du mouvement qui se respecte. La fête battait son plein partout où je regardais, et ça me rendait vraiment heureux de voir tout ces visages pleins de joie, ces conversations enflammées autour des œuvres phares du SteamPunk, ces cris d’émerveillement face à des robes de toute beauté, parsemées de roues dentées brodée sur les épaules d’un côté, de chapeau voyant tourner une clepsydre contenant un vrai liquide de l’autre. Ou encore ailleurs, un petit génie montrant son chien mécanique dont les côtés de la gueule étaient constitués de tubes crachant de la vapeur, et son corps voyait des centaines de rouages s’imbriquant les uns dans les autres en continu. Oui, vraiment, où que pouvait se porter mon regard, je ne voyais que du plaisir…

 

Et cela me réconfortait, car ces grands passionnés allaient bientôt goûter au plaisir de devenir des éléments historiques du SteamPunk. Ils allaient être le SteamPunk, dans le plus pur de ce qu’il représente pour moi. Et donc pour eux. Je savais que je deviendrais ce soir leur bienfaiteur. Celui qui allait amener cet art à sa forme la plus profonde, et qui marquerait le monde de manière durable, en même temps que cette soirée unique sur plusieurs points, se transformerait en point d'orgue de l’évolution humaine. C’est alors que je fis la rencontre d’Amy, elle aussi une grande fan de cette passion commune à cette fête de grande ampleur. Avant qu’elle vienne vers moi, j’avais déjà remarqué l’exceptionnelle qualité de sa robe. Une tenue de Lady, d’un blanc immaculé, dont de multiples pièces de machinerie s’entremêlaient avec la dentelle du tissu, en une sorte de mosaïque d’un effet magique. Assurément la plus belle pièce que j’ai vu jusqu’à présent, et qui montrait tout l’amour du genre.

 

Elle portait des gantelets dont les côtés étaient faits de tubulures argentés et dorées, et son chapeau était orné d’une fleur donnant l’impression de s’ouvrir et se fermer à la manière d’un automate parfaitement calibré. Même ses chaussures, se constituant de boucles en rouages, et de petites poulies sur toute la périphérie de leur surface, tournant dans le sens inverse de l’aiguille d’une montre, étaient d’une perfection et d’un réalisme époustouflant. Se rajoutait à cela un collier fait d’aiguilles d’horlogerie, imbriquées dans de petits globes, à la manière de boussoles du pur style victorien. Cette tenue, c’était une véritable œuvre d’art à elle toute seule. J’étais à la fois subjugué par cette robe et ses constituants que par la propriétaire, dont le visage respirait la fraicheur et la vie, et au sourire ravageur. Non sans mal, je cachais mon admiration pour cette apparition qui aurait pu faire passer un ange pour une bestiole quelconque. Elle s’adressait alors à moi, me faisant sortir de ma quasi-léthargie, provoqué par sa vision.

 

« Vous êtes l’organisateur de la Convention ? »

 

Un moment surpris de cette lucidité, je me rendais compte qu’elle avait les yeux braqués sur la petite étiquette se trouvant sur la poche de mon veston, coincée entre deux petites cheminées en bronze. Je sortais de ma torpeur après cet instant d’absence, qui montrait qu’en plus d’avoir l’allure d’une déesse, elle était une fine observatrice, digne de Sherlock Holmes. Je répondais par l’affirmative à sa question, me présentant, tout en tentant de garder un semblant de dignité au gentleman que je me devais d’être. Je voyais immédiatement son enthousiasme de se trouver en face de celui qui avait fait de sa passion un rêve éveillé, le temps d’une soirée…

 

« C’est vraiment fabuleux ici ! J’aurais jamais imaginé voir autant de passionnés comme moi du SteamPunk, regroupés dans un espace aussi vaste. Mes yeux ne savent même plus où regarder… »

 

« Très heureux que cette Convention vous plaise autant. Je suis flatté de recevoir autant de louanges de la part de quelqu’un qui est d’un tel perfectionnisme pour sa tenue… Rassurez-moi : vous participez au concours de costumes, j’espère. Ce serait un crime de ne pas faire partie des candidates avec une tenue aussi magnifique… »

 

Elle se parait alors d’un grand sourire, et je pus percevoir presque comme une légère rougeur sur ses joues à ma question. Ce qui rajoutait encore plus à son charme…

 

« Oui, je participe au concours de costume… Sincèrement, vous pensez que j’ai une petite chance d’être sur le podium ? »

 

« Je ne voudrais pas vous apporter de faux espoirs, ce serait indigne de moi. Et surtout, pour des raisons que vous comprendrez, je ne fais pas partie des juges chargé de choisir le lauréat, ou la lauréate, du concours. Pour éviter toute tentative des candidats à obtenir des points, j’ai jugé plus sage de me contenter de superviser la soirée… »

 

Voyant une petite pointe de déception, j’étais presque sur le point de tenter de rattraper cette erreur d’appréciation de ma part, quand elle relevait la tête, et, ouvrant de grands yeux, elle reprenait :

 

« Je comprends : l’impartialité avant tout. C’est l’esprit de base du SteamPunk… Alors, souhaitez-moi bonne chance ! »

 

Rassuré et admiratif de son esprit de compétition et surtout, une fois encore, de sa passion pour le genre, je ne pouvais que lui accorder ce qu’elle demandait, non sans lui demander son prénom. Histoire que je sache, une fois l’énonciation du vainqueur du concours, si elle avait remporté l’épreuve. Elle me tendait alors la main, à la manière d’une véritable lady victorienne, attendant un baise-main, que mon esprit chevaleresque ne put que lui accorder. Tout à ce fait, elle m’énonçait en même temps son prénom, Amy. Un prénom aussi gracieux que son visage et sa tenue. Nous discutâmes quelque temps sur de multiples sujets, mais tous centrés sur le SteamPunk, et sa passion pour lui qui nous animait, quand une voix retentit, demandant aux candidats et candidates pour le concours de se présenter en coulisses. Amy s’excusait alors, et partait, non sans me gratifier d’un nouveau sourire…

 

En la regardant rejoindre l’aile où se trouvait l’estrade pour le concours de costumes, je ne pouvais m’empêcher de penser à quel point elle pourrait être le symbole parfait de l’évolution qui allait découler de cette soirée. Une fois que l’heure fatidique arriverait, dépendant du moment d’arrivée de chaque participant à cette convention, elle pourrait devenir la reine de cette soirée, la reine du changement qui se préparait à intervenir, la reine du SteamPunk nouvelle génération qui était sur le point de naitre, grâce à ma technologie. Les petits badges distribués à l’entrée, et obligatoires pour tous, n’était pas que de simples babioles, ou signe de reconnaissance de droit de participer à cette convention pour les agents de sécurité. Ils étaient le futur déclencheur de l’idée de génie que j’avais eu d’offrir à l’humanité les premiers jets de ce qui l’attendait. La fusion de l’homme et de la machine dans le plus pur esprit SteamPunk, comme jamais il n’avait été fait.

 

Ces badges contenaient un produit de ma fabrication en leur sein. Sous la partie arrière, au cœur du mécanisme le composant, il y avait une petite capsule d’un liquide dont j’avais trouvé la formule de base au sein d’un livre d’alchimie oublié par l’histoire. L’un de ces nombreux artisans de ce qui deviendrait la science telle que nous la connaissons aujourd’hui, mais traité comme des hérétiques à leur époque. J’ignorais comment ce livre avait pu échapper à la destruction, par une église peu encline à accepter le modernisme de la médecine selon leurs dogmes. 

 

Mais il m’avait servi de point de départ pour confectionner quelque chose capable d’accélérer l’action des nanorobots, que j’avais insérés à l’intérieur de la capsule contenant le produit. Des nanorobots conçus pour servir comme une sorte d’aimant pour les parties métalliques présentes sur les tenues de chaque participant, les faisant s’incruster dans la chair de ses « hôtes ». Le produit se chargeant également de modifier l’ADN, afin que métal et chair humaine fusionnent, et ne fassent plus qu’un. Plus un participant portait de pièces métalliques sur sa tenue, plus la transformation serait rapide et intégrale. A l’heure déterminée par le moment où les invités sont arrivés, de minuscules seringues se déploieraient à l’intérieur du badge, s’enfonçant dans la chair, et diffusant le produit et les nanorobots. Dès lors, la mutation s’opérerait, inexorable et définitive, formant un alliage entre l’homme et la machine, tel que le prône les fondements même du SteamPunk. Une évolution de la race humaine qui se perpétuerait ensuite à grande échelle, grâce aux petits gadgets du même ordre, des goodies, composant les articles de ma boutique en ligne dans un premier temps.

 

Mais d’autres articles de la vie quotidienne seraient aussi parés du même dispositif par la suite : des montres, des bracelets, des piercings, des éléments de scarification, des colliers, des boucles d’oreilles, des écouteurs pour smartphone, des systèmes auditifs pour malentendants, des montres connectées… Autant de dispositifs qui amènerait à un nouvel avènement : celui du nouveau SteamPunk. Celui qui amènera le genre à un nouveau stade d’excellence et de perfection. Mais déjà, j’entendais les premiers cris annonciateurs de cette future révolution. Je voyais des corps se tordre de douleur, tomber au sol, pendant que des rouages se fondaient dans la chair, se mélangeant au sang. Des tubes s’incrustaient dans les veines, des aiguilles de montres s’inséraient sous la peau, gonflant les artères, les modifiant, les déformant, jusqu’à ce qu’elles diffusent le métal fondu dans tout le corps, et formant une invasion intérieure sans possibilité d’être arrêtée. A terme, les corps humains deviendraient des machines vivantes. Rien à voir avec les cyborgs du cinéma.

 

Ici, le métal fera partie du corps, il s’alliera à la peau, aux organes, s’étendant par le sang à toutes les extrémités, pour créer des hommes et des femmes constituant la nouvelle génération de l’être humain. Un rêve fou était en train de se concrétiser. Des années d’expérience sur des cobayes humains, au sein de laboratoires clandestins se trouvant sous mes usines de confection ont été nécessaire pour arriver à ce moment. Mais voir cet amalgame de métal de chair et d’os fusionnant en une seule entité était la récompense de tout ces efforts. Au fur et à mesure que les cris s’intensifiaient, que le craquement des os s’amplifiait, formant une douce musique à mes oreilles, que les chairs se mélangeant au chrome, au bronze, à l’argent, à l’or, et tout ce qui constituait les formes diverses des éléments du SteamPunk, je sentais la joie m’envahir. Je ressentais un bonheur à l’état pur de voir que mon projet allait s’accomplir, et ouvrant des perspectives à l’homme que personne n’aurait pu imaginer.

 

Le bruit du changement devenait plus intense, les agents de sécurité se mêlaient à la danse, tout comme les autres membres du personnel. Bientôt, ce serait à mon tour, quand tous seraient transformés. Mais il manquait quelqu’un à cette sarabande infernale. Il manquait celle que j’avais choisi pour reine. Amy. Je me demandais où elle était, si elle était déjà en train d’atteindre ce firmament d’extase métallique. A peine avais-je eu ces pensées que je la vis courir vers moi. Apparemment, elle n’avait pas encore subi les contrecoups de la transformation. Mais elle portait son badge. Donc, elle rejoindrait bientôt les autres, et deviendrait reine. Je l’avais choisi parmi tant d’autres, car elle seule avait montré un amour immense au SteamPunk. Les autres « candidates » à ce titre n’y voyait pas autant de passion. Elle était affolée quand elle s’adressait à moi :

 

« Monsieur ! Qu’est-ce qu’il se passe ? Les… les costumes… Ils prennent vie ! C’est impossible ! les parties métalliques s’incrustent dans les chairs… Tout le monde se transforme ! C’est horrible ! Est-ce que… Est-ce qu’il va m’arriver la même chose aussi ? »

 

Je lui faisais part alors de ne pas s’inquiéter, que tout ceci était normal. Que c’était même le but de cette convention. C’était mon idée d’apporter cette évolution à la race humaine… Je voyais son incompréhension sur son visage, et les mots qui suivirent confirmèrent cet état :

 

« Je ne comprends pas… C’est vous qui êtes à l’origine de ce cauchemar ? Ce n’est pas à cause d’un esprit en colère ou un truc du genre ? »

 

A nouveau, je lui assurais du bien-fondé de mon cadeau à l’être humain, que grâce à moi, l’homme et la machine ne feraient désormais plus qu’un. Un être nouveau. Elle ne devait pas s’affoler ce qui se passait, car tous ici deviendraient les bases de ce que j’avais élaboré, et constituait le futur de l’homme.

 

« Mais pourquoi ? Pourquoi vous faites ça ? Je pensais que vous aimiez le SteamPunk… Mais là, ce que vous avez fait, ça n’a plus rien à voir avec la magie du mouvement… »

 

Elle ne comprenait pas. Sa position restait celle d’une humaine, d’un être de carbone de base, sans idées préconçues pour prétendre à accepter le monde que j’étais en train de créer. Pour qu’elle comprenne mieux, je lui expliquais en détail tout ce qui avait conduit à ce moment magique : la découverte du livre, mes études en métallurgie, et en diverses sciences pour apprendre à utiliser les connaissances du livre, l’apprentissage de la chimie et des méthodes de contrôle des technologies d’aujourd’hui au profit du SteamPunk, tels que les nanorobots. Tout ce que celle que je voulais voir reine de cette nouvelle génération avait besoin de savoir. Mais je fus très déçu de sa réaction

 

« Je vois… Nous ne sommes que des cobayes… Des poupées… De simples jouets à vos yeux… J’espère que l’enfer vous ouvrira ses portes après ça… Vous n’avez rien d’un amoureux du SteamPunk… Vous n’êtes qu’un grand malade… Je pourrais presque avoir pitié de vous… Mais en fait, j’espère juste que vous crèverez vite, quand on saura ce que vous avez fait… Vous êtes une honte pour tous les fanas du mouvement à travers le monde… »

 

Je voulais rajouter quelque chose, espérant parvenir à la convaincre d’accepter l’évolution que j’avais conçu et que j’offrais ce jour à ceux qui étaient fragiles, mourant par la maladie, les balles ou d’autres formes d’agression. Je voulais préciser que grâce à la fusion de l’homme et de la machine, la nouvelle structure des corps permettrait de meilleures défenses qu’aucun virus ne saurait atteindre, aucune arme ne pourrait percer ces corps nouveaux, aucune atmosphère ne nous serait néfaste. Mais alors, que je commençais à lui énoncer cette réalité, elle se tordait au sol à son tour, hurlant comme aucun autre autour. Du fait de la grande quantité de parties métalliques de sa tenue, sa transformation s’étendait plus rapidement, lui procurant dans le même temps beaucoup plus de douleur que les autres. Je me posais la question si elle parviendrait à survivre à un tel déferlement de modification génétique, si son corps et son mental tiendraient le coup. Finalement, je m’étais trompé. Elle n’était pas la reine que j’escomptais avoir à mes côtés pour le nouveau monde qui se formait dès ce soir.

 

Dès demain, les objets SteamPunk seraient mis en vente libre sur mon site web, et les boutiques en ligne partenaires, permettant la création d’hommes nouveaux, ouvrant le monde faible qui peuplait la terre jusqu’à présent à des perspectives qui changerait à jamais le futur que nous envisagions de prime abord. Plus rien ne serait pareil. Il faudrait un temps d’adaptation bien sûr. Au départ, beaucoup des membres du SteamPunk nouvelle génération m’en voudrait, je m’y étais préparé. Mais une fois que tous auraient vu les avantages de la fusion engendrée par ma technologie, ils changeraient d’avis, et feraient de moi le roi de cette nouvelle patrie en devenir. Le roi de la nouvelle humanité. Et tout ceci grâce aux bienfaits du mouvement créé par K.W. Jeter. Quand il a posé les premières lignes du genre, il n’imaginait sans doute pas la révolution qui allait découler de son univers. J’espère qu’il fera partie lui aussi de cette évolution, et qu’il approuvera mon geste et mon initiative d’avoir fait monter au firmament le SteamPunk. Aujourd’hui, j’ai posé les bases du futur, au sein de cet édifice. Demain, cela s’étendra au reste de la planète.

 

C’est à mon tour. Je ressens déjà l’extase de la transformation, le plaisir de l’alliance du métal et de la chair. C’est tellement grisant. Je ne comprends pas pourquoi Amy n’a pas compris. Son corps est étendu là, devant moi. Son corps n’a pas résisté au changement. Je sens son regard de désapprobation sur moi. Dommage… Elle aurait pu être tellement plus que de la chair morte au sol. D’autres qu’elles n’ont pas supporté cette modification du corps. Les survivants commencent déjà à se relever. Ils sont encore en phase d’incompréhension. C’est à moi de leur expliquer ce qu’ils sont devenus, et ce que va devenir l’humanité en semant les germes du SteamPunk à travers le monde. Une nouvelle ère s’annonce, et fera resplendir l’humanité tout entière…

 

Publié par Fabs

22 sept. 2022

JEU DE RÔLES MORTEL

 



 

Il vous est déjà arrivé de vous demander d’où venait l’inspiration des créateurs ? Que ce soit pour des films, des séries, des jeux vidéo, ou même des jeux de plateaux. Cette dernière catégorie est sans doute la plus parlante, car c’est à cause d’elle que je me retrouve aujourd’hui à raconter mon histoire à travers les lignes de ce site, en utilisant mon téléphone… Mes paroles vous paraitront peut-être celle d’un illuminé qui, à force de jouer, en est venu à confondre le réel de l’imaginaire. Et je ne peux pas vous en vouloir pour ça. A dire vrai, si j’étais à votre place, je penserais sûrement la même chose que vous. Mais je ne suis pas vous, et la chose à laquelle j’essaie d’échapper, en cherchant une issue dans ce labyrinthe qu’est ce manoir, n’a rien d’une hallucination. Mon bras blessé est là pour me convaincre que je n’ai pas absorbé une quelconque substance, par le biais de vapeurs qui auraient pu être disséminé par l’intermédiaire d’une fissure savamment cachée, et du fait de mon maitre de jeu. Celui-là qui m’a convaincu de réussir ce test fou, pour pouvoir espérer rejoindre son club de Donjons et Dragons.

 

Pour les plus jeunes d’entre vous, ce nom ne vous dit sans doute pas grand-chose. Tout au plus en avez-vous entendu parler par le biais de séries récentes, comme Stranger Things par exemple. Vu que ce jeu de rôle qui a rempli mon enfance à travers des quêtes passionnées au sein du cercle d’amis dont je faisais partie, y est le point central de l’intrigue, tel que l’a confirmé la saison 4 du show de Netflix. Des créatures telles que les Demogorgon, Vecna et les autres monstres issus de l’imagination des créateurs de la série ont toutes leurs origines dans ce jeu de rôles. C’est d’ailleurs à la suite du succès de la série, et d’un léger engouement en croissance pour le jeu que j’en suis réduit à tenter de survivre. Sans doute voyais-je dans la perspective de rejoindre ce club au sein de mon entreprise, comme le moyen de me replonger dans les aventures que je vivais dans mes jeunes années.

 

Avec de simples dés, des figurines, un plateau et un maitre de jeu aussi passionné que les membres du petit cercle où j’officiais, on pouvait créer des aventures trépidantes, dans un monde fait de dragons, de sorciers, de terres désolées et dangereuses, de pièges à déjouer au sein d’un château pour trouver des richesses, des artefacts ou autres objets magiques, pouvant nous permettre de continuer une quête, et nous faisant oublier les heures passées dans une petite cave. Un lieu où, l’espace d’une soirée, nous devenions des voleurs, des elfes, des mages, des gobelins, bravant mille dangers, transpirant à chaque coup de dés, comme si du chiffre qui allait s’afficher dépendait notre vie. Bien sûr aujourd’hui, il y a les jeux vidéo en réalité virtuelle qui peuvent donner cette impression de vie de manière encore plus flagrante. Mais pour moi, cela ne reste que des images créées digitalement, et des acolytes qui s’affichent sur un coin de l’écran, ou juste une voix me hurlant de ne pas aller vers tel endroit, ou me prévenant d’un danger.

 

Bien sûr, on ressent des sensations, mais c’est très différent de ce que je ressentais entre amis dans une ambiance propice à l’aventure. Mes amis, je pouvais les toucher, je pouvais voir leur peur en voyant leurs points de vie diminuer drastiquement, alors que la quête était loin d’avoir atteint sa fin. Je percevais l’angoisse des autres quand le maitre de jeu nous obligeait à choisir entre une zone dangereuse et une forêt remplie de monstres, pouvant à chaque instant, sonner la fin de l’aventure, si nous ne nous coordonnions pas de la meilleure des façons, et utilisions nos armes, notre magie à bon escient. On ne peut pas comparer cette atmosphère plus que vivante à celle d’un jeu vidéo où tout ce qui est touché physiquement par nos doigts, ce sont les boutons de la manette de jeu. Jouer à un jeu de rôles, c’est une expérience unique, grisante et qui n’a pas d’équivalent. La seule distraction qui peut vraiment s’en rapprocher, ce sont les Escape Game…

 

Quand j’ai intégré l’entreprise à l’origine de tout, je ne m’attendais pas à avoir l’opportunité de regoûter à un tel plaisir, des années après. Certains d’entre vous comprendront sans doute ce que c’est : on grandit, on doit faire des choix, des concessions pour parvenir à s’enfuir du nid familial, car on veut vivre notre vie. Sans contraintes, sans règles absurdes de notre père, notre mère. Sans subir les chantages de notre petit frère, menaçant de dire à nos parents qu’on sort en pleine nuit pour rejoindre notre cercle d’initiés à Donjons et Dragons, pour une campagne qui risque de durer une bonne partie de la nuit. Et pour le faire taire, on doit sacrifier une partie de notre argent de poche, une figurine Star Wars qu’il convoite depuis plusieurs mois, et qu’on lui a toujours interdit de toucher, lui indiquant que ce n’était pas un jouet. Oui, je sens que ces paroles parlent à nombre d’entre vous…

 

Une fois adulte, on a dû renoncer à ces années d’innocence où notre seule préoccupation, c’était de savoir si on allait avoir la moyenne en maths, ou comment aborder la fille la plus sexy du lycée, sans se prendre un râteau mémorable. Quand on a atteint un certain âge, tout ça semble si loin derrière nous. Et puis, au sein de notre lieu de travail, on fait la rencontre de collègues qui ont connus eux aussi les joies de piaffer d’impatience à l’idée de finir une quête proche de la fin. La sensation de victoire à ce moment, le sourire du maitre de jeu qui nous félicite de notre maitrise, de notre faculté à avoir bravé tous les obstacles, c’est un souvenir qu’un joueur de jeu de rôles ne peut pas oublier. Et c’est à la suite de discussions sur cette passion commune que je partageais avec nombre de collègues, que je me suis retrouvé dans ce piège à venir.

 

Pour que vous compreniez mieux, ces fameux collègues avaient mis au point une sorte de mix entre l’Escape Game et le jeu de rôles qui faisait notre joie étant enfant. Parmi les membres de ce club particulier, il y avait des experts comptables qui régissait les dépenses du club, et se chargeait des commandes pour des quêtes « Live », se déroulant sur des terrains loués, et possédant des structures pouvant simuler l’impression de se trouver au cœur d’un plateau de Donjons et Dragons. Comme si la figurine qui nous représentait normalement sur un plateau, c’était nous. D’autres membres du club étaient spécialisés en effets spéciaux, en animatronique, en électricité, en son… Tout ce qui fait le succès d’un Escape Game réussi, mais en mode jeu de rôles grandeur nature.

 

Quand j’ai demandé ce que je devais faire pour intégrer le club, j’ai vu le sourire sur un grand nombre d’entre eux. Un peu comme la fraternité d’un campus qui s’apprêtent à passer du bon temps à l’idée de martyriser les nouvelles recrues pour un bizutage en bonne et due forme. C’était un peu dérangeant, mais en même temps, la simple idée de retrouver l’ambiance que je ressentais étant gosse en jouant à Donjons et Dragons était plus forte que toute forme de prudence. Alors, j’ai accepté les conditions d’entrée au club, dont le chef, le maitre de jeu, était ni plus ni moins que le patron de l’entreprise. Ce qui ne manquait pas de me surprendre, connaissant l’extrême rigueur affichée au travail de ce dernier, et ne supportant pas les tire-au-flanc parmi ses employés. C’était très surprenant de l’imaginer organiser un jeu de rôles live, avec ceux qui travaillaient pour lui, au sein d’une structure telle qu’un château abandonné, cherchant un trésor, une arme magique, ou tout autre élément propre à ce style de jeu de plateau, qui n’est plus très en vogue de nos jours, à cause d’une technologie faisant la part belle au virtuel et au numérique.

 

Mais j’étais tellement excité à l’idée de retrouver tout ça que je n’ai pas pensé un seul instant qu’il pouvait y avoir le moindre danger, et que mon patron était une version moderne des fameux nécromanciens chers à Donjons et Dragons. Et encore moins que les dangers figurant sur le terrain de jeu en mode réel, ne faisaient pas tous partie de la technologie financée par le même patron, qui semblait encore plus passionné que n’importe qui parmi nous. J’étais très loin d’imaginer sa véritable nature, et surtout que j’allais me retrouver confronté à la pire frayeur de toute ma vie, voire la fin de ma vie, si je ne parvenais pas à échapper à cette créature me poursuivant inlassablement. Pourtant, au départ, tout semblait idyllique : un coin de campagne isolé, loué pour le week-end, un château au charme ancien et lugubre à souhait, un équipement de base fourni au sein d’une sorte de sac à dos vintage, tel qu’on en voit dans certaines reconstitutions d’époques féodales fantasy…

 

J’étais ébloui par la fidélité et la mise en place de ce jeu de rôles en pleine nature. Mon test pour intégrer le cercle était simple. Je devais parcourir le château en face de moi, et y trouver le bâton de Varnor. Un sceptre magique qui serait la preuve de mon courage, et de mon aptitude à reconnaitre les indices cachés. Le tout dans un temps limité de deux heures. J’étais autorisé à garder mon portable, pour le cas où un éboulement me mettrait dans l’impossibilité de continuer le test dans de bonnes conditions. Ce que je ne savais pas à ce moment-là, c’est que ce portable ne me servirait à rien, vu que ceux qui m’avaient entrainé dans ce cauchemar n’avait pas l’intention de me porter secours. Parce que de ma survie dépendait ma réussite au test d’entrée au club. Et que pour cela, je devais me débrouiller seul, sans la moindre assistance. Si je mourais, je perdrais. Si je survivais, je gagnais, et rejoignait le club. Mais cette particularité de l’épreuve m’était bien évidemment inconnue avant que je m’engouffre dans le château. Il était évident qu’en connaissance de cette « clause », je n’aurais jamais accepté de tenter de rejoindre leur fratrie de quasi-meurtriers à distance…

 

Alors, en toute confiance, je me suis rendu à l’intérieur du château servant de plateau pour mon épreuve d’aptitude d’entrée au club. Celle-ci se déroulait à la tombée de la nuit, pour, selon les dires de mon patron et maitre du jeu, pour accentuer la sensation de danger, et permettre une montée d’adrénaline importante. A l’intérieur, tout était reproduit d’une façon dingue. Des lampes à l’imitation de vieilles torches moyenâgeuses parsemaient les couloirs. Un premier test s’offrait d’ailleurs à moi avec la présence d’un pupitre au milieu de la pièce, où se trouvait un parchemin. La perfection de ce dernier, que ce soit la texture du papier, ou encore l’écriture y figurant était bluffante. Il y était indiqué que pour espérer parcourir plus loin les pièces du château, et surtout ses sous-sols, où se déroulerait la majorité de mon test, je devais choisir une torche parmi les 4 qui se trouvait autour du pupitre. Une seule d’entre elles était dotée d’un produit capable de brûler plus longtemps que les autres. Je devais faire le bon choix pour espérer aller plus avant dans ma quête du bâton.

 

J’ai hésité longtemps, et j’ai finalement opté pour la torche dont le bois semblait moins brut que les autres, et doté d’une sorte de petit cercle métallique faisant office de séparation entre la partie haute et la partie basse. A peine avais-je fait mon choix, et retiré la torche de son piédestal, que toutes les autres torches sur les murs devant moi, et qui elles devaient être électriques, s’éteignaient, me mettant dans une pénombre seulement éclairé par la source de lumière en ma possession. Je me suis avancé, et j’ai suivi les indices réguliers figurants au sol, sur les murs, ou disposés sur des éléments lugubres. Des squelettes plus vrais que nature, une toile d’araignée où était posté ce qui me semblait être une véritable tarentule… Sans compter des pièges par endroits, sous forme de trappes ou de flèches éjectées des murs, en appuyant sur la mauvaise dalle d’un parcours au sol. La manière dont le spectacle était agencé était incroyable de réalisme. Peut-être trop même.

 

Je me posais la question de ce qui arriverait si je me trompais dans la résolution d’une énigme, ou que je comprenais mal un indice, censé me diriger vers la prochaine pièce où me rendre. J’avais regardé de près les quelques flèches s’étant fichées dans le mur, et elles étaient clairement mortelle. Si j’en avais pris une dans le corps, cela aurait pu entraîner des conséquences graves. Quant à la tarentule… Je me disais qu’on devait lui avoir retiré sa poche à venin, mais était-ce bien le cas, au vu des nombreux autres pièges auquel j’avais échappé. Comme des trappes menant à une excavation remplie de pieux pointus, qui aurait pu me transpercer le corps de façon radicale. Je commençais à développer une vraie peur. Le souci du réalisme me semblait beaucoup trop extrême, et je commençais à regretter d’avoir accepté de participer à cette épreuve d’entrée. Une fois réussi le test, il faudrait que je demande des explications sur tout ça, et sur le nombre de personnes ayant pu sortir vainqueur de ces pièges… Mais ce n’était rien en comparaison de ce qui m’attendait dans les sous-sols…

 

Je venais de franchir de nouveaux pièges qui m’avait laissé des traces nettes de blessures aux jambes, perforant ma tenue. Un autre m’avait fait absorber une fumée qui avait bien failli me faire suffoquer, si je n’avais pas eu la force d’atteindre une petite étagère sur un mur, où figurait une fiole. Je n’étais pas sûr de moi à ce moment, mais au vu de la reproduction fidèle des périples propres au jeu de rôles, cette fiole ne pouvait être que l’antidote au poison en vapeur que j’avais respiré. Finalement, je parvenais à un escalier de pierre, me menant à une crypte à l’atmosphère toute aussi macabre que le reste du château. Des dizaines de corps, dont certains en décomposition avancée, jonchaient le sol. Et au vu de l’odeur qui s’en dégageait, j’étais certain que ce n’étaient pas des morceaux de plastique sur lequel on avait versé un quelconque produit imitant l’odeur de la chair putréfiée. Au vu de ce que j’avais croisé, et ayant déjà eu l’occasion malheureuse de respirer les effluves d’un corps envahi par les insectes, du fait du nombre de jours depuis le décès, je savais qu’il s’agissait de véritables cadavres.

 

Je n’avais qu’une envie : laisser tomber ce jeu devenu vraiment trop bizarre, et beaucoup trop réaliste, et sortir d’ici le plus vite possible. Tant pis pour le club. Je ne savais pas quel était le but véritable de ces malades qui me servait de collègues et de patron, mais il était évident qu’ils avaient tous un niveau de folie très élevé. Une fois sorti d’ici, je leur fausserais compagnie, et j’irais parler de tout ça à la police. Du moins pensais-je que je serais en mesure de le faire. Mais à peine avais-je commencé à rebrousser chemin, et me diriger vers l’escalier m’ayant mené ici, que j’entendais une voix au son guttural me demandant si j’étais là pour le libérer ou pour l’affronter. J’entendais le bruit de quelque chose en métal, frottant le sol. J’osais à peine me retourner, paralysé par la peur de savoir ce qui se trouvait derrière moi, alors que la chose qui s’approchait, et dont l’odeur de pourriture s’accentuait au fur et à mesure que la distance la séparant de moi diminuait, renouvelait sa demande de connaitre la raison pour laquelle j’étais là…

 

Bravant ma peur, je me retournais, et je ne pus qu’émettre un cri de terreur, tellement ce qui se trouvait devant moi était inconcevable. En tant que joueur de Donjons et Dragons, je reconnaissais parfaitement la créature qui se dressait devant moi, car c’était pratiquement un des personnages les plus emblématiques du jeu de rôles dont la passion m’avait emmené ici. Une liche. Autrement dit un sorcier qui a acquis l’immortalité en sacrifiant sa vie aux ténèbres. Il portait un sceptre en main, que je devinais être le fameux bâton de Varnor, scintillant d’une lumière bleue nimbée d’une aura noire. Dans Donjons et Dragons, il est pratiquement impossible de détruire une liche, à moins de savoir où se trouvait le phylactère, un petit objet contenant l’âme du sorcier, symbole de son pacte avec les ténèbres. Même si je détruisais le corps physique de la liche, tant que je ne brisais pas son phylactère, celle-ci renaitrait indéfiniment. Cela pouvait prendre du temps parfois, mais elle renaissait toujours. Et ma terreur s’accentuait en entendant une porte se fermer, venant du haut de l’escalier m’ayant mené ici.

 

Je ne comprenais que trop bien ce qu’il me faudrait faire désormais : trouver le phylactère, pour espérer détruire la liche, et réussir le test, en m’emparant du bâton. Mais cet objet pouvait être n’importe où dans la pièce. Et d’ailleurs, était-il vraiment dans cette crypte ? Une chose me chiffonnait. Les paroles de la liche. Elle demandait si je venais pour la libérer. Ce qui voulait dire qu’elle était prisonnière de cette crypte. Je ne savais pas par quel moyen, mais les membres du club avaient dû user de leur technologie ou de magie pour que la liche ne puisse pas sortir de cette crypte. Peut-être même que c’est eux qui étaient en possession du phylactère, et que tout ceci ne servait qu’à les divertir, car personne ne pouvait en réchapper. Je supposais qu’il y avait des caméras cachées quelque part, et qu’ils n’avaient rien loupé de mon périple mortel, tout comme ils devaient exulter de me voir face à cette liche qui ne pouvait que me rappeler l’archimage Vecna, la liche la plus connue de Donjons et Dragons, et qui a servi de base au personnage phare du même nom pour la Saison 4 de Stranger Things…

 

Vecna semblait s’impatienter de ne pas avoir de réponse, elle qui était aussi la proie des jeux morbides des membres du club. J’ignorais comment ils avaient pu mettre la main sur un tel monstre, ni de quelle manière ils l’avaient emprisonnée ici, mais ce n’était pas le plus important. Au bout d’un moment, Vecna dirigeait le bâton vers moi, ce dernier se parant d’une lumière luminescente, et projetant un rayon bleuté que je parvins à éviter de justesse. J’échappais ainsi à plusieurs autres rayons de la part de la liche, qui semblait avoir compris que je n’étais pas ici pour la libérer du sort l’empêchant de retrouver la liberté, et elle semblait être très en colère… Fort heureusement pour moi, la crypte semblait se composer de plusieurs autres pièces, au vu des portes que j’apercevais au loin, et je fonçais sans me préoccuper de quoi que ce soit d’autre vers l’une d’entre elles, tout en évitant d’autres rayons projetés par le bâton de Varnor. Dans l’une des pièces, je parvenais à pousser un vieux meuble suffisamment lourd pour empêcher Vecna de pénétrer là où j’étais.

 

Ce qui était d’ailleurs étonnant. Une liche est un sorcier, et le bâton de Varnor semblait avoir le potentiel pour détruire la porte, ce qui n’était pas le cas. Je supposais que cela faisait partie du jeu, pour faire durer le plaisir. Les portes, les murs devaient être fait d’une matière, ou enduit d’un produit, un sort ou je ne sais quoi, qui empêchait la liche de les franchir avec sa magie. Cela m’avantageait, mais pour combien de temps ? Je n’avais comme nourriture qu’une faible ration de survie, fournie par les membres du club, et une petite bouteille d’eau. De quoi tenir deux ou trois jours au maximum. Et après ? Si encore je savais où trouver le phylactère qui pourrait me servir à détruire Vecna. Ça me faisait bizarre de l’appeler comme ça. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à Eleven, à Eddie et les autres protagonistes de Stranger Things. Mais je n’avais pas les pouvoirs d’Elf, et on n’était pas dans le monde à l’envers. Ce n’était pas le tournage d’un épisode, c’était la réalité.

 

 Je ne sais pas combien de temps je parviendrais à tenir, avant que mon corps flanche. Peut-être que lassé de souffrir, j’enlèverais le meuble cloisonnant la porte, et laisserais Vecna faire ce qu’elle désire. A savoir m’achever pour compenser la douleur que je ne sois pas le libérateur qu’elle espérait. Au fond, elle aussi était une victime de ces dégénérés qui m’avaient conduit ici. En attendant que je me décide à en finir en ouvrant cette porte, j’ai écrit mon histoire et je l’ai publiée, tel que vous la lisez en ce moment. J’ignore si vous la croirez, ou si vous aurez l’idée de vous renseigner sur les actes des membres du club. Mais en même temps, comment arriveriez-vous à prouver leur implication dans une série de disparitions. Le patron de l’entreprise dont le club dépend a du penser à toutes les alternatives pour que son petit loisir ne soit pas découvert. Et puis surtout, comment arriveriez-vous à convaincre la police de l’existence d’une créature que je pensais n’être que le fruit de l’imagination du créateur de Donjons et Dragons, et qui s’avère pourtant bien réelle... Personne ne vous croira. Alors je prends mon mal en patience, et quand vous lirez ceci, j’aurais sans doute déjà rejoint les cadavres dans l’autre pièce. Quand au club, il cherche déjà sans doute le prochain candidat à leur petit jeu mortel. Je ne peux qu’espérer que mon témoignage permette de rendre méfiant ceux qui se verront proposer de faire un test pour rejoindre le club de ces passionnés de jeux de rôles bien trop réaliste...

 

Publié par Fabs