Habituellement, je ne suis pas vraiment à l’aise avec tout ce qui a trait aux festivités en tout genres, que ce soit Noël, Pâques ou d’autres. Pas que je n’aime pas l’ambiance, mais j’ai horreur des gens et de la foule. Ça peut paraître un peu idiot, mais cela m’effraie. Je me sens mieux au cœur de la forêt où je vis en solitaire. Enfin pas vraiment seul, même si parfois c’est le sentiment que j’ai. Je vis avec ma mère. Mais elle n’est plus toute jeune, et elle n’a plus vraiment toute sa tête. Elle radote, et je ne suis même pas sûr qu’elle sait à qui elle s’adresse quand je lui parle, au moment où je lui apporte ses repas. Cela m’attriste parfois. Plusieurs fois, je l’ai vu regarder par la fenêtre de sa chambre, les yeux fixés sur l’horizon et les sapins qui entourent notre maison forestière, comme si elle regrettait de ne pas voir quelque chose qui lui rappellerait les bons moments qu’on a passés ici avec Papa. Il lui manque, je le sais. Il me manque à moi aussi. On faisait tellement de choses ensemble. Des choses que beaucoup de personnes ne comprendraient pas. Des choses pas bien. Enfin, pour la plupart des gens. Papa, Maman et moi, on adorait ça. C’était notre notion des sorties en famille. De vrais instants de complicité et de convivialité. Je ne suis pas sûr que vous sauriez capter l’importance de tout ça. Il aurait fallu que vous le voyiez de vous-mêmes pour vraiment comprendre.
Papa était bûcheron. Toute sa vie, il avait vécu dans la forêt. C’est lui qui a construit de ses mains la maison dans laquelle moi et Maman on habite aujourd’hui. Loin de tout et des méchants. Ceux-là qui n’arrêtaient pas de m’envoyer des pierres à l’école, ou me faisaient tomber par terre, en me traitant d’erreur de la nature. A cause de mon visage. Je suis né avec une déformation. Mon œil droit est situé 4 cm en dessous de mon œil gauche, et ma bouche est également désaxée. C’est le mot employé par le médecin qui s’occupait de moi avant. Juste avant qu’il demande à Papa et Maman qu’il serait bien de me faire opérer. Que ce serait mieux pour moi. Mais ils ont refusé. Ils ont dit que c’était Dame Nature qui m’avait offert ce visage unique, et qu’il était hors de question de le changer. Qu’il était très bien comme ça. Alors, pour ne plus que je subisse des brimades de la part de mes camarades, ils m’ont retiré de l’école. Ils ont fait plein de papiers pour ça.
Et papa m’a appris son métier. Et d’autres choses aussi. Très amusantes. Pour mes 18 ans, Papa et Maman m’ont fait une surprise : ils ont invité 2 de mes camarades à la maison. Les 2 qui adoraient m’embêter dans la cour de l’école. Au départ, je n’ai pas compris pourquoi ils étaient là. J’ai interrogé Papa et Maman des yeux. Je ne comprenais pas. Pourquoi amener des garçons qui me détestaient, et m’avaient fait du mal ? Et aussi, pourquoi ils étaient attachés et avaient un mouchoir sur la bouche ? « Pour ne pas qu’ils crient, et gâchent ton anniversaire » m’a dit Maman. Après ça, Maman a apporté un beau gâteau qu’elle avait fait elle-même. Il était magnifique. Je n’avais jamais vu un aussi beau gâteau. On a mangé, on a bu. Papa m’a même autorisé à boire une bière. C’était la première fois. C’était bizarre comme goût. Pas mauvais, mais bizarre. Pendant ce temps, les deux garçons, John Frizzelli et Dustin Calvert, étaient restés là où Papa et Maman les avaient mis. Ils avaient l’air d’avoir peur. J’ignorais pourquoi. Ils bougeaient sans cesse pour essayer de se libérer. Le bruit des chaises tapant sur le sol était énervant. Papa aussi ça l’énervait. Il s’est levé, il a pris son couteau de chasse. Celui avec plein de crans dessus. Il s’est approché de John. Il lui a demandé de se taire. Qu’il en avait marre de l’entendre brailler. Qu’il gâchait la fête d’anniversaire de son fils adoré.
Mais comme John continuait à bouger sur sa chaise et à faire du bruit, Papa a mis son couteau sur la gorge de John, et a fait un mouvement de droite à gauche avec. Très rapide. Et puis là, John ne disait plus rien. Il y avait plein de sang par terre. Il y en avait plein aussi sur la belle chemise de John. Et sur celle de Papa aussi. Et puis Papa s’est tourné vers Dustin, et sans rien dire, juste en posant un doigt sur ses lèvres, et en montrant avec son couteau John devenu silencieux, il lui a fait comprendre de se taire s’il ne voulait pas devenir silencieux lui aussi. Dustin a eu l’air de comprendre. Il n’a plus rien dit. Papa est revenu à table, et on a continué à rire, boire et manger. C’était vraiment génial cette fête. Un peu plus tard, Papa s’est levé. Maman aussi. Ils m’ont dit qu’il était temps d’ouvrir mon cadeau. J’avais hâte de savoir ce que c’était. Papa a pris Dustin en le soulevant et en le mettant sur son dos. Je me demandais bien pourquoi. Et puis, on est tous descendu à la cave. C’était curieux. Pourquoi avoir mis mon cadeau à la cave ? Peut-être qu’il était très gros, et que c’était le seul endroit où ils pouvaient le mettre pour pas que je le trouve ? Je cessais de me poser des questions, et je continuais à suivre Papa et Maman jusqu’en bas des escaliers.
Arrivé en bas, il y avait une grande table. Dessus, il y avait un homme qui était attaché avec des sangles aux bras et aux jambes. Un peu comme Dustin. Celui-ci fut posé sur une chaise près du soupirail. Papa renouvela le signe de « Chut » qu’il lui avait fait avant, quand on était à l’étage. Puis il me prit par la main, pour m’amener près de l’homme sur la table. Il avait une sorte de sac sur la tête. Avec un ruban autour. Maman m’a dit de défaire le ruban. C’était lui mon cadeau. Je ne comprenais pas bien, mais j’obéissais en garçon gentil que j’étais. Je défis donc le ruban, enleva le sac, et en dessous je reconnus le médecin qui voulait que je me fasse opérer. Lui aussi avait un mouchoir sur la bouche. Papa s’approcha et me tendit son couteau. Celui avec lequel il avait fait taire John plus tôt. Maman avait sorti un caméscope pour filmer. Elle semblait très heureuse. Elle souriait. Papa aussi souriait. Alors moi aussi, j’ai souri, et j’ai pris le couteau. Je crois que je comprenais ce que Papa attendais que je fasse. Il voulait que je tranche la gorge du médecin, comme il l’avait fait pour John. Pour m’apprendre. Auparavant, il m’avait appris à tuer des animaux. A les piéger. A les découper. A sortir leurs entrailles de leur corps. A les manger.
Au début, j’aimais pas ça. C’était froid et visqueux. Ça avait un drôle de goût. Papa a insisté. Et je me suis habitué. C’était meilleur quand Maman cuisinait la viande, mais Papa m’avait dit qu’il fallait que je goûte la viande quand elle était froide. Que ça faisait partie de mon éducation. Maintenant, je l’aime aussi bien froide que cuite. Papa me prit la main, et la dirigea vers la gorge du médecin. Il s’appelait Harold je crois. Ensemble, on posa la lame du couteau sur la peau d’Harold, au niveau de sa jugulaire. C’est un mot que Papa m’avait appris. Il me fit appuyer dessus avec la lame. Profondément. Harold bougeait de partout, il essayait de crier, malgré son mouchoir sur la bouche. Papa me disait de ne pas y faire attention. Qu’il fallait que je continue. Alors j’ai appuyé plus fort, encore plus profond. Papa m’a montré après comment faire bouger le couteau, une fois que la lame était entrée dans la chair. A la bouger d’un côté et de l’autre, de façon à tracer une ligne. Papa était un très bon professeur. J’ai tout de suite compris comment faire. C’était super comme sensation. Encore mieux qu’avec les cerfs ou les lapins. Je saurais pas expliquer pourquoi, mais j’ai adoré ce moment. Je regardais Papa, comme pour lui dire : « T’as vu ? Je l’ai bien fait hein ? ». Papa me regardait. Il avait les larmes aux Yeux. Pas parce qu’il était triste. Parce qu’il était fier. Maman aussi était fière. Maintenant, j’étais un vrai Conroy. J’étais Calvin Conroy.
Papa me montra alors Dustin, toujours assis sur sa chaise. J’ai tout de suite compris ce qu’il voulait que je fasse. Deux cadeaux dans la même journée ! Papa et Maman étaient vraiment les meilleurs parents du monde. Pendant que Maman continuait de filmer, je m’approchais de Dustin, celui qui me traitait de monstre devant tout le monde à l’école. Je m’en souvenais. Et ça me mettait en colère. Je me suis souvenu du geste de Papa sur John. J’ai fait la même chose. En plus rapide. J’ai tranché la gorge tellement profond que sa tête avait presque été coupée entièrement. J’avais beaucoup de force visiblement. Le sang a giclé partout autour. Même moi, j’en avais reçu, sur mon tee-shirt. Il coulait le long du corps de Dustin jusque sur le sol, formant une flaque s’étendant au fur et à mesure qu’il continuait à être alimenté par l’ouverture à la gorge. C’était beau. Papa prit un verre et le remplit avec le sang qui coulait de la blessure, puis il me le tendit. Il voulait que je le boive. J’avais un peu peur de pas trop aimer, mais finalement, c’était très bon. J’en ai repris 2 verres. Papa souriait encore plus. Maman, qui avait posé le caméscope, s’approcha et me prit dans ses bras, en me disant que j’étais le meilleur des garçons. J’étais heureux.
Par la suite, Papa m’a appris à découper les corps avec les outils adéquats, à les préparer pour que Maman puisse faire de bons plats, à les stocker pour conserver la viande, à nettoyer le sol. Un apprentissage long, mais vraiment intéressant. J’étais un élève très doué. C’est ce que disait Papa tout le temps. Ce furent de grandes années, où je m’exerçais souvent avec des corps ramenés par Papa. Des promeneurs égarés, des touristes, des chasseurs. Les menus étaient très variés, et Maman n’avait pas son égal pour les cuisiner. Elle aussi elle m’apprit plein de choses en matière de cuisine. Comment les accommoder, les herbes à utiliser, le temps de cuisson, les sauces qui s’accordaient le mieux. En quelques années, j’étais devenu un expert. La somme de Papa et Maman. Après, j’ai commencé à chasser aussi. J’étais très doué également. Papa me le disait souvent. Meilleur que lui-même. Plus discret. Mais ça, c’était parce que j’étais plus jeune, et puis j’ai eu un très bon apprentissage. Oui, vraiment, ces années étaient les meilleures de ma vie. Jusqu’au drame qui a détruit cette petite vie idéale.
C’était un matin de Septembre. Il y avait beaucoup de brume. Papa et moi on avait repéré une proie près du petit étang. Une fille. Elle était en train de nettoyer ses chaussures. Papa et moi on s’est approché discrètement, chacun d’un côté, pour être sûr qu’elle ne s’enfuit pas. L’opération a parfaitement réussie. Mais la fille arrêtait pas de bouger dans tous les sens. Une vraie anguille. Papa a été obligé de la frapper et de la menacer avec son couteau. Il m’a demandé de la tenir, le temps qu’il sorte une corde de son sac. Mais elle bougeait trop. Elle a réussi à s’enfuir en criant. Papa et moi on s’est précipité à sa poursuite. Au bout de quelques mètres, cette gourde s’est pris le pied dans un trou. On s’est approché. C’est là qu’on a manqué de vigilance. On pensait qu’elle était seule. Mais ce n’était pas le cas. Un gars est arrivé derrière Papa et l’a frappé à la tête. Papa s’est effondré au sol. J’étais hors de moi. Personne n’avait le droit de frapper mon père. Je me suis rué sur le type. Je l’ai plaqué contre le tronc d’un arbre en serrant sa gorge. Je voyais l’expression de terreur dans ses yeux. Ça m’excitait. Je serrais plus fort. Toujours plus fort. Tellement fort que ses yeux sont sortis de leur orbite, et du sang coulait de sa bouche et du trou laissé par les yeux. Après, j’avais serré avec une telle force que sa tête est tombée au sol. Je l’avais décapité rien qu’avec mes mains. J’étais tellement fier de ça que je voulais le faire voir à Papa. Je me suis retourné. Et là, j’ai vu la fille avec le couteau de Papa dans les mains. Papa ne bougeait plus. Il était sur le dos avec une énorme blessure à la poitrine. Je ressentais une haine difficilement descriptible pour la fille. Je me dirigeais vers elle pour venger Papa. Elle criait de ne pas m’approcher, sinon elle allait appeler la police. Elle avait un téléphone dans son autre main.
Menace inutile. Je vivais depuis suffisamment d’années ici pour savoir qu’aucun réseau téléphonique mobile ne passait au milieu des bois. Le réseau était totalement nul. Je m’approchais encore plus, elle reculait, trempée de sueur, elle criait encore plus fort, mais je n’écoutais plus. Seul le désir de vengeance m’animait. Elle tomba au sol. Elle criait encore. Ça m’énervait. Je me penchais vers elle en m’agenouillant. Je l’observais quelques secondes, et je la frappais au visage avec une telle force, que la moitié de son crâne fut écrasé par l’impact, comme rentré à l’intérieur du reste, laissant ressortir son cerveau à l’air libre par le dessus. Tuée sur le coup, gisant par terre. Je revenais vers Papa, espérant qu’il vivait encore. Mais c’était trop tard. Je ne sentais plus son pouls. Un autre truc que Papa m’avait appris pour vérifier que les proies ne simulaient pas leur mort pour s’enfuir après, dès que l’on regardait ailleurs.
Il était bel et bien mort. Comment j’allais annoncer ça à Maman ? Je pleurais comme une fontaine. Je n’arrivais pas à croire que Papa soit parti de cette manière. Il ne méritait pas ça. Il me fallut plusieurs minutes pour me remettre. Je regardais le corps de la fille, puis de l’autre homme. Je viendrais prendre leurs corps plus tard. Je devais d’abord m’occuper de Papa. Je pris son corps, et le ramenais à la maison. Maman fut effondrée. Elle non plus n’arrivait pas à croire que quelqu’un d’aussi prévoyant que Papa n’ait pas pensé que la fille n’était pas seule dans la forêt. Elle ne s’en est jamais remise. Depuis ce jour, elle passe ses journées dans sa chambre, à l’étage, à fixer la fenêtre. Comme si elle espérait que Papa allait revenir. C’était idiot. Papa était dans le congélateur, dans la cave. Enfin… en partie. On ne pouvait pas gâcher de la viande. C’était ce que Papa aurait dit. Il aurait fait la même chose avec Maman.
Toutes les années suivantes, j’ai continué à chasser. Il fallait bien se nourrir. Mais Maman ne mangeait presque rien. Elle avait perdu le goût de vivre. Je ne savais plus comment faire pour lui rendre le sourire. Et un jour, en feuilletant un vieux magazine trouvé dans le grenier, j’ai eu une idée. C’était un magazine de Noël, avec plein de jolies images de décorations, de lumières, de guirlandes colorées. Mises sur des sapins. Je me souvenais que de la chambre de Maman, on voyait un grand sapin, juste en face. Un très grand sapin. Je crois même que c’est le plus grand de la forêt. Si je le décorais, peut-être que ça lui rendrait le sourire, qu’elle retrouverait un peu de joie. Mais pour ça, il fallait que les décorations lui rappellent le temps où Papa était là. De simples guirlandes et des sujets classiques de Noël ne seraient pas suffisants. Non. Il fallait quelque chose qui soient en relation avec notre famille. C’est alors que mon esprit s’illumina. J’avais trouvé l’idée idéale. Mais il fallait que je garde la surprise. J’ai alors prétexté qu’il fallait que je fasse des travaux dans sa chambre. Histoire de la forcer à aller dans une des autres chambres de l’étage. Du moins pendant quelque temps. Le temps que je mette mon plan à exécution.
Pour ça, je devais redoubler les chasses pour obtenir la matière première nécessaire pour décorer le sapin comme je l’entendais. La période de Noël était idéale pour ça. C’est durant cette période qu’on récoltait le plus de gibier habituellement. Alors, je multipliais les sorties, à la recherche de proies. De toute façon, ce n’était pas Maman qui pouvait me dire quoi que ce soit, au vu de l’état presque catatonique dans lequel elle était. Elle n’avait même pas réagi quand je lui ai dit de changer de chambre. Le mois de Décembre fut prolifique. Beaucoup de jeunes imbéciles venaient dans la forêt pour s’accoupler. D’autres s’y rendaient pour couper des sapins en famille. Il y avait les chasseurs qui étaient plus importants aussi. Sans oublier les cueilleurs de champignons. Tout ça représentait une quantité énorme pour mon projet. Et ce fut le cas. En seulement une semaine, j’avais récolté une quantité énorme de produits de base. Ça représentait du travail en devenir, mais le sourire de Maman valait bien ces efforts. Le plus compliqué était le mode de conservation. Mais ça aussi, je savais comment faire. J’avais lu un magazine sur la manière de faire pour éviter la décomposition avancée. Mon projet prenait forme, et j’en étais très heureux. J’étais persuadé que Maman allait adorer.
Mais il y a eu un grain de sable, comme on dit. Il faut dire que Papa m’avait appris qu’il fallait éviter d’attirer l’attention, en chassant trop. Que ça pouvait amener des ennuis, sous la forme de policiers. Même s’il est presque impossible de trouver la maison là où elle est située, il fallait être prudent m’avait-il dit. Et ces derniers temps, avec mes chasses intensives, forcément, la police de la ville a trouvé ça curieux cette recrudescence de disparitions. Toutes concernaient des personnes allant dans les bois en plus. Je savais que j’avais pris un gros risque avec ces chasses plus importantes que d’habitude, mais mon projet valait que je le prenne. Cependant, ce qui devait arriver arriva : un jour, une patrouille de police arpenta la forêt, espérant retrouver les disparus. Avec Papa, j’avais appris à chasser une proie à la fois, voire deux, mais jamais autant en même temps. Il y avait 5 policiers au total. Et j’ignorais comment m’en débarrasser sans me faire voir par les autres. En plus de ça, ils pouvaient trouver la maison. Et Maman. Ils l’enfermeraient sûrement dans un de leurs hôpitaux froids, sans que j’ai la possibilité de la voir. Je ne pouvais pas laisser faire ça. Je devais trouver une solution.
Je revins à la maison, et je pris deux des derniers corps que j’avais entreposé, pour m’en servir comme appât. Je l’emmenais avec moi, près de l’endroit où les policiers s’affairaient. Sans me faire voir, je disposais mes pièges pour attirer leur attention. Un dispositif qui fut bientôt payant. Un des policiers cria, alertant ses collègues. Il avait trouvé une tête, accroché à la branche d’un arbre. Ailleurs, un autre policier avertit avoir lui aussi trouvé quelque chose. Deux bras sanguinolents pendaient auprès d’un sapin. D’un autre endroit, c’est un corps entier qui fut découvert, placardé sur un tronc. Les policiers furent très vite persuadés d’avoir affaire à plusieurs meurtriers, au vu de la fraîcheur des corps, et la distance les séparant. Ils ignoraient ma rapidité et ma force, dommage pour eux. Ils se séparèrent, chacun dans une direction différente, l’un d’entre eux restant sur place. Mon plan marchait à merveille. Il ne me restait plus qu’à m’occuper d’eux un à un. Je trouvais le premier dans la petite clairière, pas très loin du lieu préféré des amateurs de champignons. Il ne me fallut que quelques secondes pour surgir devant lui, et lui défoncer la poitrine d’un coup de poing, celui-ci traversant son corps de toute part. Le deuxième, je retrouvais sa trace pas très loin de l’entrée du bois. Je lançais une bûche trouvée au sol loin devant moi. Celle-ci s’écrasa sur un tronc, à côté du policier. Surpris, ce dernier dirigea son regard vers le bruit de l’impact. Profitant qu’il avait le dos tourné, je m’approchais de lui, et lui dévissait la tête en la tournant vers la gauche d’un coup bref. Le troisième se trouvait près de l’étang. Alors qu’il était occupé à chercher des traces sur la berge, je montais à un arbre proche discrètement, afin de me rapprocher de lui par une des grosses branches situées au-dessus. Je tombais sur lui comme une masse. Il n’eut pas le temps de crier, que déjà j’enfonçais son visage dans le sol jusqu’à ce que ce dernier soit complètement écrasé.
Le quatrième était celui qui était resté sur place. Je comprenais vite pourquoi il avait décidé de d’y rester. Il ne tenait pas en place, regardant partout autour de lui, tremblant comme une feuille. Il devait avoir entendu les cris poussés par les deux premiers policiers que j’avais éliminés. Du coup, pour lui, je ne me cachais même pas. J’avançais tranquillement vers lui. A ma vue, il me somma de stopper. Il tira deux fois, mais ma masse musculaire, développée depuis des années, est telle que cela ne me fit aucun effet. Je le soulevais du sol, et le mit au-dessus de moi de tout son long. Il criait comme un enfant à qui on a pris son jouet. Je le brisais, littéralement parlant, en propulsant son corps sur mon genou, écrabouillant sa colonne vertébrale dans un énorme fracas, et le séparant en deux parties distinctes. Il n’en restait plus qu’un. Cela me prit plus de temps pour le retrouver, et, l’espace d’un instant, j’ai bien cru qu’il s’était enfui en entendant les cris de panique et de douleur de ma dernière victime. Pris d’un doute, je me dirigeais vers la maison.
Les chemins y menant sont presque inextricables, tellement il y a d’arbres enchevêtrés les uns dans les autres, sans parler des nombreux buissons de houx, de ronces parsemant les contours. Papa, Maman et moi étions les seuls à savoir à quel endroit passer en toute discrétion. Un petit passage que nous avions élaboré. Papa n’avait pas construit la maison au hasard dans cet endroit de la forêt. C’est justement à cause de ce terrain particulier qu’il avait décidé de l’ériger ici. Mais quelqu’un de suffisamment intelligent pourrait très bien découvrir le passage étroit menant à la maison. Et si ce policier était doté de cette intelligence rare ? je devais m’en assurer. De toute façon, je ne l’avais trouvé nulle part, et je devais entrevoir toutes les possibilités. Je fonçais donc vers la maison, et effectivement il était là, juste devant l’entrée, l’arme au poing. Il n’y avait pas d’endroit où le prendre par surprise. Je devais attendre qu’il entre dans la maison. Ce qu’il fit au bout de quelques minutes. Je contournais le devant pour me diriger à l’arrière, afin de rentrer par le soupirail de la cave, seul moyen de le surprendre, en rentrant dans la maison par l’escalier menant à l’étage. Une fois en haut de ce dernier, j’écoutais ses pas sur le carrelage. Dès que celui-ci passa devant la porte de la cave, j’ouvrais la porte et surgit derrière lui, l’attrapant par la taille, le serrant pour l’obliger à lâcher son arme qu’il tenait à la main. Je serrais davantage jusqu’à ce qu’il s’évanouisse. Celui-là, je n’avais pas envie de le tuer tout de suite. Je voulais lui montrer mon chef d’œuvre. Par précaution, je lui liais les mains et les pieds, et le disposais sur mon épaule, avant de me diriger vers le lieu où se trouvait le cadeau que je destinais à Maman.
Il se réveilla deux heures plus tard, vociférant des imbécilités que seuls ceux qui savent qu’ils vont mourir sont capables de dire. Je m’approchais de lui et de son visage en lui sommant de se taire. Quand il me demanda ce que je comptais faire de lui, je souris, et lui désigna le grand sapin situé juste devant lui. Et là, je vis qu’il était époustouflé par le travail fourni pour élaborer cette œuvre d’art, dont ses collègues, dont j’avais été rechercher les corps, avaient fournis la touche finale. Pensez donc : jamais il ne reverrait de sa vie une telle œuvre. Les branches avaient été peintes avec le sang recueilli des victimes, que j’avais vidé une à une. Avec la légère touche de neige s’étant disposée dessus, l’effet était saisissant. Un peu partout, on pouvait apercevoir les différentes têtes de mes proies, débarrassées de leurs yeux, ceux-ci ornant le bout d’autres branches. A la place des orbites, j’avais placé les mains coupées, donnant un impact artistique indéniable.
Ici et là, les troncs des corps étaient remplis de lumières colorées, permettant de visionner les flancs intérieurs de ceux-ci. Les intestins et autres entrailles servaient de guirlandes stylisées, sur lesquels j’avais disposés de petites lampes, afin qu’on puisse mieux les admirer. Bras et jambes étaient disposés un peu partout, au milieu des aiguilles du sapin, égayant l’ensemble de la meilleure des façons. Les pieds, dont les doigts avaient été tranchés et disposés en colliers au bout des branches, ornaient eux aussi l’intérieur du sapin, accrochés à distance égales aux entrailles-guirlandes. Mais le meilleur était en haut : les corps entiers de ses collègues, disposés tels ces petits bonhommes en papiers découpés, qui font la joie des enfants, formant la couronne. Je déclarais au policier qu’il ne manquait plus que l’étoile, en le fixant. Je pense qu’il comprit dès la fin de la phrase qu’il était le dernier élément à apporter au monument que j’avais érigé, juste avant que je plonge ma main dans sa poitrine pour en extraire le cœur. Il me servirait pour le repas de ce soir. Vous vous demandez comment j’ai bien pu faire pour monter les corps en haut ? Dois-je vous rappeler ma force ? Rien de plus facile que d’escalader le tronc du sapin pour aller les accrocher. Le plus compliqué a été de faire attention à ne pas abîmer les décorations déjà installées. Il ne me fallut guère plus de 45 minutes supplémentaires pour installer mon étoile humaine à sa place. Après ça, je suis reparti vers la maison, et monta à l’étage pour aller chercher Maman. Quand je lui ai dit que j’avais le plus beau des cadeaux à lui montrer, au début elle me dit qu’aucun cadeau ne pourrait lui enlever sa peine. Elle se trompait. Après qu’elle ai finalement acceptée de se déplacer pour revenir dans son ancienne chambre, prétendument en travaux, je l’installais sur son fauteuil préféré, devant la fenêtre, et lui fournis une paire de jumelles.
Je lui indiquais le sapin situé devant, et lui demandais de bien l’observer de près avec les jumelles. Elle s’exécuta, curieuse, et là je vis son visage s’illuminer comme jamais, balayant avec les jumelles la moindre parcelle du sapin sanglant. Elle regarda pendant plusieurs minutes. Elle semblait ne pas se lasser de ce spectacle. Puis, elle rabaissa les jumelles, les larmes aux yeux, me remerciant de lui avoir offert le plus beau des cadeaux qu’elle ait jamais eu. Vous n’imaginez même pas la fierté que j’ai ressenti à ce moment. Redonner le sourire à sa Maman reste inestimable. Je ne connais aucun enfant qui ne ressentirait pas la même chose dans la même situation. Depuis, Maman est redevenu radieuse, elle mange à nouveau normalement les repas que je lui offre, et chaque soir, elle passe plusieurs minutes à observer mon cadeau, ce fabuleux sapin de Noël comme il n’en existe aucun autre au monde. Bien entendu, à chaque Noël, je renouvelle les éléments de mon beau sapin, afin qu’il resplendisse toujours plus.
Pour la petite histoire, il n’y a plus jamais eu de patrouille de police qui est venue dans la forêt. Rassurez-vous, ce n’est pas pour autant que je manque de viande à préparer pour Maman. Il y aura toujours suffisamment d’inconscients pour ne pas croire les mises en garde, braver les interdits et me fournir en quantité. D’ailleurs, la forêt est maintenant considérée comme maudite, et attire régulièrement des curieux voulant prouver que ce n’est qu’une légende. Bon, il m’est bien arrivé de laisser s’enfuir un ou deux de ces idiots, mais c’est pour mieux permettre à d’autres de venir. Ça a permis d’alimenter mon mythe. Ceux qui m’ont échappé m’ont même donné un nom : Woodsman. Je l’aime bien. Maman aussi. Alors, si un jour vous voulez prouver que je n’existe pas vous aussi, n’hésitez pas à venir me voir. Je vous attends avec impatience.
Publié par Fabs
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