29 déc. 2020

MEFIEZ-VOUS DU NOUVEL AN !

 


J’ai longtemps cru que tout ce qui a trait aux divinités antiques et ses dérivés n’étaient que le fruit de croyances dus à de l’incompréhension des forces de la nature. Une manière pour l’homme de donner une explication à ce qu’il ne comprenait pas, en donnant son origine à des êtres fabuleux et invisibles pour les êtres humains, vivant dans un royaume tout aussi incroyable et féérique, et surveillant les moindres faits et gestes de nous, pauvres mortels, et n’hésitant pas à nous punir pour nos fautes blasphématoires, allant à l’encontre des doctrines érigées par « ceux d’en haut ». L’histoire a montré que ces fameux Dieux n’étaient en fait que des créations bien humaines, construites par des hommes bien réels, avides de pouvoirs, utilisant ces symboles pour mieux asseoir leur contrôle de clans, de tribus, voire de civilisations entières. Il suffit de voir le pouvoir exercé par les prêtres durant le règne des Pharaons, la Rome antique ou encore la Grèce pour s’en convaincre. Même les monarques, les empereurs, les rois, craignaient de provoquer la colère des Dieux en s’en prenant aux prêtres et leurs attributs.

 

Aujourd’hui, tout ça peut paraître désuet et ridicule aux yeux de beaucoup. Ces mêmes personnes qui idolâtrent un Dieu unique pour les mêmes raisons que le faisaient les anciennes civilisations, et ce depuis l’ère préhistorique. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui, la religion passe par des solutions plus extrêmes pour obtenir plus de fidèles, surtout au Moyen-Orient, et ce au détriment des non-croyants, à coups d’actes terroristes, de guerres fratricides et de conflits à l’intérieur même de gouvernements fragiles. Quand on y regarde de plus près, on ne voit pas de grands changements par rapport aux institutions religieuses des civilisations antiques. Maintenant, chacun croit ce qu’il veut, le principal étant de respecter le choix de ceux qui ont choisis de croire en un Dieu, quel qu’il soit. Là où je voulais en venir, c’est que je suis un pur athée. Je ne crois qu’en ce que je vois. Et tant qu’on ne m’a pas prouvé l’existence de quelque chose, je mets ça sur le registre des Mythes et Légendes qui font de notre monde un territoire vaste et varié, rempli des mystères les plus emblématiques propres à chaque croyance. 

 

Mais ma position a changé depuis quelque temps. Je ne suis plus si sûr de ce que je crois, ou plutôt de ce que je ne crois pas. Plus précisément de ce que je ne croyais pas, car ma position sur ce fait a nettement changé depuis que j’ai rencontré l’un d’entre eux. Ou du moins sa représentation humaine. De nature, les Dieux sont censés être immense, à la hauteur de ce qu’ils représentent devant les êtres inférieurs que nous sommes face à leurs puissance et leurs pouvoirs. Pouvoirs qui sont loin d’être usurpés, croyez-moi. Pourquoi je vous dit ça ? Tout simplement parce que je les ai vu à l’œuvre ces pouvoirs.  Par l’un d’entre eux. Et pas des moindres, puisqu’il s’agit de Janus, le Dieu aux 2 visages. L’un dirigé vers le passé, l’autre vers l’avenir. Il est connu comme le gardien de l’équilibre de l’humanité et des dimensions. C’est lui qui est capable d’ouvrir les portails reliant les différents mondes représentants le passé, le présent et l’avenir. Tant que ceux-ci restent séparés l’un de l’autre, le monde garde un semblant d’existence. Mais s’ils venaient à se mélanger, ce serait le chaos le plus total. Et c’est bien ce qui s’est passé au sein de la petite ville où je vivais. J’ai bien dit vivait, car aujourd’hui la ville a été rayée de la carte, et l’intégralité de ses habitants ont été anéantis, après avoir sombré dans la folie la plus totale, devenant des meurtriers en puissance, massacrant sans aucun état d’âme tout ceux qu’ils croisaient : hommes, femmes, enfants, animaux, … rien ne leur échappaient. C’est bien simple. S’il fallait donner une représentation de l’enfer sur Terre, TearCity serait le meilleur exemple. TearCity : rien que son nom aurait dû donner une forme d’alerte. Je ne sais pas qui lui a donné son patronyme, mais je me demande aujourd’hui si son destin n’était pas scellé à l’instant même où ce nom a été donné.

 

En anglais, Tears, ce sont les larmes. Et des larmes, il en a coulé en l’espace de seulement quelques semaines. Des larmes de sang pour la plupart. Et tout ça à cause de nous. A force de conflits, de mensonges, de manipulations sur nos voisins, nos amis, nos frères, nos enfants, nous avons provoqué le courroux de ces Dieux qu’on pensait n’exister que dans les livres. Mais je peux vous assurer qu’ils sont bien réels. En tout cas l’un d’entre eux. Janus, dont je vous ai parlé précédemment. Janus, historiquement, est celui qui permet de garder l’équilibre le 1er Janvier. Il ouvre le portail vers la nouvelle année, tout en laissant l’année passée derrière, avec ses erreurs, ses ressentiments, ses souvenirs. Puis il ferme le portail, afin que les effluves de l’année passée n’envahissent pas l’année à venir, et ne perturbe sa teneur, son essence. 

 

Seulement, Janus, à force de voir tout ce que l’être humain est capable de faire à son prochain, il s’est demandé s’il était vraiment nécessaire de permettre aux hommes de ne pas succomber en les aidant à créer une nouvelle année pleine d’espoir, au vu de ce qu’ils en faisaient ensuite, à coups d’actions parfois pire que l’année précédente. Alors, il a eu une idée : mettre l’homme à l’épreuve en lui montrant un aperçu de ce qui se passerait s’il n’empêchait pas de réguler le flux du passé de se déverser dans le présent et l’avenir. Provoquant le chaos le plus total. Mais dans un souci de magnanimité, il a voulu le faire sur un territoire restreint, sous forme de message visuel. Et, comme il me l’a fait savoir, il le ferait chaque année, dans une ville différente, jusqu’à ce que l’homme décide de cesser ses exactions continuelles. Jusqu’à ce qu’il juge que le temps sera venu de ne plus restreindre son champ d’action à une seule ville, mais au monde entier. Autant vous dire que, au vu du mode j’men foutiste de l’être humain, j’ai bien peur que le jour de l’Apocalypse survienne dans quelques années, et s’il ressemble, en version étendue, à ce que j’ai vu à TearCity, ça va être un véritable massacre au sens véritable du terme. 

 

Entendez par là que les évènements auquel j’ai été témoin vont radicalement vous faire changer d’avis sur l’existence des Dieux et leurs pouvoirs. Mais pour mieux comprendre, il vaut sans doute mieux que j’explique ce qui s’est vraiment passé à TearCity. Certains d’entre vous en ont peut-être entendu parler, mais ils n’en ont vu que ce que les médias ont bien voulu faire voir. La réalité était bien pire. Même ceux qui, comme moi, l’ont aussi vécu, ont encore du mal à croire ce qu’ils ont vu sur place, tellement le spectacle était un carnage à tous les points de vue. Et si je vous relate ça aujourd’hui, c’est que le 1er Janvier approche à grand pas. Les évènements relatés date de l’année dernière, mais si vous n’y prenez pas garde, cette année, c’est une autre ville qui va servir de terrain de démonstration à Janus, et j’ignore laquelle.

 

Tout a commencé le 5 décembre 2019 donc, à TearCity, une petite ville perdue de l’Arkansas, avec l’arrivée d’un nouveau psychiatre au sein d’un quartier tranquille de la cité, remplaçant son prédécesseur, qui, à force de soigner les fous, avait fini par sombrer lui aussi dans la folie. Ça c’était la version officielle. En réalité, Janus avait un peu aidé cette folie à s’installer dans ce brave psychiatre. Il avait besoin d’un poste déclencheur pour le plan qu’il avait conçu, et le métier de psychiatre était idéal pour ce qu’il avait prévu. Mais il lui fallait un poste déjà bien fourni en victimes, pardon, en clients. Et c’est là que j’interviens. 

 

Ah, j’ai oublié de me présenter : je m’appelle Clint Carver. Je suis agent immobilier, spécialisé dans la reprise de cabinets dans le domaine de la médecine, et c’est moi qui ai fourni l’élément de base à Janus, à savoir ce cabinet d’où toute cette folie est partie. J’ignore toujours pourquoi Janus m’a confié ses plans, ce qu’il avait prévu de faire subir à la ville. Aujourd’hui, je me dis qu’il avait besoin d’un témoin de ses pouvoirs, de ce qu’il pouvait créer, du chaos qu’il pouvait engendrer, afin que je prévienne l’humanité de ce qui l’attendait si elle ne changeait pas. Une tâche énorme auquel je ne suis pas vraiment sûr de pouvoir parvenir à établir, mais maintenant, avec ce que je sais, je ne peux plus m’y soustraire. Pas avec toutes les horreurs que j’ai vu. J’aimerais autant éviter que cela recommence cette année, dans une autre ville. Pour en revenir à ma relation avec Janus, quand je lui ai présenté ses locaux, j’ai été surpris par le fait qu’il semblait déjà à l’aise en ce qui concerne la constitution des bureaux. Comme s’il les connaissaient déjà. Ce qui était le cas, mais je ne l’apprendrais que bien plus tard. On est très vite devenus amis, du moins c’est ce que Janus avait tenté de me faire croire. Mais c’était bien avant que je découvre ce qu’il était, et ce qu’il projetait de faire.

 

Pour dire la vérité, je ne m’intéressais pas particulièrement à ses activités de psychiatre, étant plus que néophyte en la matière, mais à force de sorties sous forme de tournée des bars, où je pus découvrir les premières prémices de ses capacités, même si, sur le coup, je prenais ça plus pour une résistance assez exceptionnelle à l’alcool qu’à autre chose. Il était capable d’engloutir l’équivalent de 3 tonneaux de bière en une soirée sans qu’il en ressente un seul effet. Il m’avait dit qu’à une époque il avait battu Bacchus lui-même à un concours de beuverie. Sur le coup, j’ai pris ça pour une plaisanterie, mais maintenant que je sais qui il est vraiment, je sais bien que c’était loin d’en être une. Et si lui et Bacchus existent, alors tous les autres Dieux aussi. Sauf que la plupart se sont désintéressé de la question humaine, bien plus occupé par la création d’un autre univers, dans une autre dimension, où ils pourraient à nouveau asseoir leur importance envers d’autres créatures. Seul Janus et quelques-uns sont restés au sein de notre dimension, refusant d’admettre d’avoir été oubliés par ceux qu’ils ont créés.

 

 

Enfin, bref, plusieurs fois, Janus m’a demandé d’assister à une de ses séances avec ses clients. C’était curieux et non professionnel comme demande. Ces séances sont censées être privées, et ne concerner que lui et ses patients, secret médical oblige. Mais lui ne semblait pas être trop préoccupé par cela. Au contraire, il voulait qu’on sache ce qu’il faisait. Un comportement inhabituel pour un professionnel de la médecine, et troublant. Tellement troublant que finalement j’ai accepté sa proposition, et j’ai assisté à une de ses séances. Pour mieux comprendre, depuis qu’il était arrivé, mais je n’avais pas encore fait le lien à ce moment-là, une vague de crimes a commencé à faire parler d’elle. De plus en plus imposante. Au début, ce n’était que des petits délits plus que des crimes graves à proprement parler, mais qui s’intensifiaient de jour en jour. Une semaine après l’arrivée de Janus en ville, le nombre de crimes, allant du braquage avec violences au tabassage en pleine rue augmentait sans cesse, et la police ne savait plus sur quel pied danser. Alors quand j’ai su le contenu de ces séances, j’ai bien vite fait le rapprochement avec la vague de violences qui secouait la ville, mais je ne pouvais pas le prouver.

 

Au début de ladite séance, Janus hypnotisait son patient, mais le truc bizarre, c’était que, contrairement à ce qu’on voit dans les films traitant de cette technique, il n’utilisait aucune artifice ou objet pour concentrer le regard de son patient. Ni pendule, ni montre ou assimilé. Juste son regard. Pénétrant. Profond. Irréel. C’était vraiment flippant quand il regardait son patient de cette manière. Par moment, j’avais l’impression qu’une lumière émanait de son iris. Une lumière légèrement bleutée qui se reflétait dans les yeux de sa « cible ». Comme si un rayon, sous forme de halo luminescent se projetait de ses yeux dans ceux de la personne en face de lui. Et en quelques secondes, la personne était en transe. Ça aussi c’était inhabituel. Je ne me prétendais pas expert, mais je savais qu’il fallait plus de temps que ça pour que quelqu’un entre en transe de manière aussi profonde. Mais le plus inquiétant, c’était après. Janus faisait ressortir ce qu’il y avait de pire en la personne en face de lui. Parvenant à le faire refouler dans ses souvenirs les plus anciens, ses vies antérieures comme il m’avait expliqué. Des existences pas toujours et même rarement tendres et en phase avec la personne que l’on voyait allongée sur le sofa du cabinet de Janus.


Certains vivaient à l’époque romaine, et semblaient même connaître Janus pour lui avoir voué un culte, incluant des sacrifices humains, d’autres étaient des bandits de grands chemins n’hésitant pas à égorger les riches marchands qu’il détroussaient. Ou encore des politiciens véreux recourant au meurtre pour acquérir plus de pouvoir. A chaque fois, des personnalités monstrueuses ressortaient de ces séances. Car oui, je ne me suis pas limité à une seule. Devant l’insistance de Janus, j’ai assisté à des dizaines de ces séances… particulières, où Janus ne semblait pas intéressé de soigner ses patients, mais au contraire, il les poussait encore plus dans leur folie et leur mal, allant même à leur mettre un couteau dans les mains, et leur demandant de le poignarder. Quand l’un d’eux planta Janus, je voulus intervenir, mais il m’en empêcha d’un signe de la main. Me disant qu’il ne craignait rien. Que ça faisait partie de sa thérapie de les pousser dans leurs derniers retranchements afin de mieux les libérer. J’étais loin de m’imaginer ce qu’il voulait dire à ce moment quand il indiquait vouloir les libérer. Pour Janus, ça signifiait faire ressortir leurs pulsions meurtrières cachés au plus profond d’eux, et les pousser à commettre les pires atrocités. Je trouvais sa méthode plus que bizarre et je lui en fis part. Lui demandant comment il pouvait espérer guérir un patient de la sorte, en l’incitant à aller toujours plus loin dans sa folie et ses instincts. Que c’était même dangereux. Qu’ils pouvaient recourir à la violence en dehors de son cabinet, rien que pour obéir à leur thérapie de « liberté » de conscience.

 

Je n’oublierais jamais sa réponse. Il m’avait dit que c’était justement le but recherché. Qu’il se foutait de les guérir. Car, de toute façon, ils étaient comme tous les êtres humains qu’il voulait punir : des bombes à retardement du meurtre et de la violence qui ne demandaient qu’à pleinement s’assumer dans leurs actes cachés dans leur for intérieur. Des mots durs et dénués de toute morale et d’éthique, que j’avais du mal à croire qu’ils venaient d’un psychiatre digne de ce nom. C’est là qu’il m’avait dit qu’il n’était pas un vrai psychiatre. Qu’il était un Dieu déçu du comportement de l’être humain. Et que la meilleure manière de punir les hommes, c’était de leur montrer ce qu’ils étaient réellement les uns aux autres. Que c’était la seule manière de les sauver d’eux-mêmes, en éradiquant les faibles, et en s’auto-détruisant, afin de ne laisser que des éléments de folie pure, s’annihilant en commettant les pires actes possibles, pour ne laisser que les êtres les plus valables. 

 

Ceux qui auraient su comment leur échapper. Que TearCity était un terrain d’expérimentation pour montrer au monde entier jusqu’où la folie humaine était capable d’aller, pour les faire culpabiliser, leur faire peur, leur indiquer le chemin à ne pas suivre, mais que ça prendrait sûrement des siècles pour arriver à l’objectif qu’il s’était fixé. Bien entendu, je ne l’ai pas cru ce jour-là. Je lui ai dit que les Dieux n’existaient pas, mais que par contre lui semblait avoir un sérieux grain pour faire ce qu’il faisait. J’aurais mieux fait de me taire. Je pense qu’en disant ça, je l’ai vexé. Et il a changé. Physiquement. Ses bras se sont mis à gonfler, laissant apparaître ses veines, grossissant à vue d’œil. Ils ont grandi de manière exponentielle, tout comme ses jambes, son corps. En quelques secondes, il avait atteint une taille de géant, dont la tête touchait le plafond. Parlons-en de sa tête. D’un coup, il se mit à la tourner, et je découvris qu’il avait 2 visages. Un doté d’un rictus presque démoniaque, sourcils froncés, aux lèvres noires comme la nuit. L’autre évoquant la tristesse, comme ayant supporté le poids des ans, vieux, blanc, les yeux cernés. J’étais terrorisé de cette vision. Je voulus tenter de m’enfuir, mais impossible d’ouvrir la porte. Il me demanda de sa voix rauque si maintenant je ne croyais toujours pas aux Dieux, et s’il fallait qu’il me coupe une à une toutes les parties de mon corps pour qu’il comprenne qu’il existait, et qu’il était là, devant lui. Je tombais à genoux, les larmes aux yeux, persuadé que ma dernière heure était venue. Contre toute attente, Janus m’indiqua son véritable nom, son origine, son histoire, son but à travers ces thérapies, presque tout, afin de s’assurer ma compréhension et mon attention.

 

Ce jour-là, il me dit qu’il était lassé de cette comédie, et que désormais, il allait accélérer le processus en allant voir directement ses patients chez eux, avec leur famille. Que s’il ne croyait toujours pas en son existence et ses pouvoirs, que je devrais me balader attentivement dans les rues, une fois sorti de ce cabinet, pour voir à quel point l’homme est un animal avide de sang et de puissance, dès lors qu’on fait ressortir ses instincts primaires enfouis en lui. Je transpirais comme jamais j’avais transpiré, envahi par une peur indescriptible face à la créature qui se trouvait en face de moi, et qui remettait en question tout ce que je pensais savoir, explosant en mille morceaux mes convictions d’athée convaincu. Il reprit bientôt peu à peu les dimensions dans lesquelles je l’avais connu, en me demandant à nouveau de sortir afin que je puisse mieux juger de l’étendue bestiale de l’être humain. 

 

Renouvelant ce qu’il m’avait dit que tout ceci était un test pour montrer au reste du monde ce qu’il adviendrait s’il n’équilibrait pas les mondes. Et que ce n’était pas fini. Maintenant, il allait parfaire son plan, en mélangeant les dimensions du passé, du présent et du futur au sein de cette ville, accentuant encore plus la folie déjà présente. J’obéis donc à sa demande, et je sortis du cabinet, pour découvrir toute l’étendue de sa puissance à travers les rues de la ville dans laquelle  j’avais grandi. C’était inimaginable : le ciel était envahi d’un épais nuage noir tourbillonnant où se chevauchait des éclairs de différentes couleurs, et où virevoltaient des bâtiments semblant tout droits sortis des livres d’histoire. Empire romain, moyen-âge, renaissance, japon féodal, époque des colonies, et plus encore. Mais aussi des structures étranges que je n’avais jamais vu, aux formes géométriques improbables. Mais le pire n’était pas en haut, mais dans les rues. Tous les habitants semblaient être en proie à la folie la plus totale, courant sans savoir où aller, se tenant la tête, comme persuadés que celle-ci allait exploser, criant aux « voix » de les laisser tranquille. Ici et là, des hommes, des femmes déambulaient dans les rues, munis de couteaux, de haches, ou d’autres armes de toutes sortes, plus dangereuses les unes que les autres, massacrant toute personne qu’ils croisaient, à coups de tranchage de gorge, de démembrements le sourire aux lèvres, d’autres dévorants des bébés jetés par leurs mères par les fenêtres.

 

Ailleurs, des automobilistes fonçaient sur les passants ayant le malheur d’être sur leur chemin, revenant plusieurs fois sur le corps de leurs victimes, comme pour s’assurer de leur mort. A d’autres endroits, des hommes se battaient à mort, frappant toujours plus fort leurs adversaires, jusqu’à qu’ils gisent à terre. Après coup, ils sortaient une lame pour les découper par pur plaisir, comme des trophées, jetant les morceaux autour d’eux. Plus loin une femme fracassait la tête d’un handicapé en fauteuil roulant contre un mur, avec une telle force que celle-ci se limitait bientôt à une bouillie humaine. Encore ailleurs, un homme armé d’un sécateur prenait pour cible les oreilles des gens qu’ils croisaient, dont il s’ornait en les accrochant à une ceinture macabre, pourvu de dizaines d’autres. Jamais je n’avais assisté à un tel spectacle aussi monstrueux et morbide. Le pire des films d’horreur était le summum de la douceur face à cette succursale de l’enfer sur Terre. J’étais atterré par ce que je voyais au fur et à mesure que je m’avançais dans les rues. 

 

Chaque portion de rue m’offrait encore davantage de morts affreuses, de sang, de boyaux et d’entrailles étalées sur des lampadaires, des bancs, eux-mêmes rougis par des litres et des litres de sang. Même l’herbe avoisinante des parterres fleuris était maculée de morceaux de chair, je trouvais des yeux sortis de leur orbite sur lesquels je marchais par inadvertance, provoquant un craquement morbide sous mes pieds. L’horreur que je voyais n’avait même plus de nom. A chaque pas, j’espérais que j’allais me réveiller, que tout ceci n’était qu’un cauchemar immonde dont j’étais le spectateur privilégié et impuissant. Mais ce n’était pas le cas, et je voyais toujours plus loin dans l’horreur, toujours pire, entre des enfants coupés en deux, dont les deux parties étaient placardées sur des affiches vantant les mérites de la viande, et un couple de vieillards qu’on avaient découpés en morceaux et réassemblés sur le corps de l’autre, formant un puzzle au-delà de tout ce qui pouvait être imaginé dans l’atroce. Et partout des cris venant de toute l’étendue de la ville, en proie à la folie la plus totale, véritable tableau vivant de ce qu’il peut y avoir de pire en ce monde, allant bien au-dessus de la plus horrible des guerres et ses cadavres jonchant le sol. Et pour mieux me désarçonner, aucun de ces fous furieux ne semblaient me voir ou m’approcher, sûrement selon la volonté de Janus qui m’avait expliqué que cette folie était dû à sa faculté de faire mélanger passé, présent et avenir. C’est comme ça qu’il opérait : en faisant se fusionner les esprits des gens de leur vies antérieurs et de leurs futurs, souvent horribles, au sein de leur vie actuelle. En résultait un état faisant dysfonctionner le cerveau, incapable d’assimiler toutes ces données dans un même espace, et formant cette folie que je voyais autour de moi.

 

Explosions de gaz, incendies, murs défoncés à coup de masses, véhicules ravagés par les flammes, avec bien souvent leurs propriétaires à l’intérieur, faisaient aussi partie du paysage mortel formant désormais la ville. Toute personne extérieure tentant de pénétrer en son sein étant immédiatement contaminé par la folie ambiante. Toutes les télés du monde retranscrivirent ces scènes toutes plus horribles les unes que les autres, sans la moindre compassion, fidèles à leur goût du spectacle, et sans état d’âme ni quoi que ce soit qui puisse faire abstraction des dires de Janus. C’est exactement ce type de comportement humain, de voyeurisme abject, qui avait conduit ce Dieu du Chaos à faire ériger ce monument de l’horreur. Devant l’impossibilité de faire quoi que ce soit, et pensant avoir affaire à un virus extrêmement virulent et contagieux, il fut décidé l’éradication totale et complète de la ville. 

 

Et ce malgré l’indignation suscitée par une telle décision. Un périmètre de sécurité de plusieurs dizaines de kilomètres fut mis en place, et la ville bombardée, afin de s’assurer l’élimination de toute traces et d’agents contaminants. Autrement dit : les infectés. Aujourd’hui encore, il est impossible de s’approcher de la ville. Des barricades ont été disposées tout autour de la ville pour parer à toute éventuelle contamination. Mais moi, je sais que tout ceci est inutile. Je sais que Janus n’a pas l’intention de s’en tenir là. Que chaque année, le Nouvel An sera le terrain d’un autre massacre généralisé. Peut-être même que le prochain sera sur une ville plus étendue que TearCity, avec des répercussions encore plus grandes. A ce rythme-là, d’ici quelques décennies de cette épuration, l’humanité se limitera à quelques individus, prouvant les propos de Janus, qui doit bien rire à cette perspective. Tout ça pour dire, maintenant que vous savez toute l’histoire, qu’il n’est pas trop tard pour empêcher l’éradication de notre espèce. Vous savez quoi faire désormais. Et surtout, si vous faites partie des nombreuses personnes à souhaiter une bonne année à vos proches et amis, repensez à mon histoire, et demandez-vous si vous ne serez pas les prochains à subir le sort de TearCity. Ne vous dites pas une bonne année, car vous ne savez pas combien de temps il vous reste à vivre, selon le bon vouloir de Janus, le Dieu aux deux visages, le Gardien du temps passé, présent et futur, le Dieu du Chaos.

 

Publié par Fabs

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