10 juil. 2021

L'HOMME DU METRO

 


 

Vous est-il déjà arrivé de vous retrouver à attendre le métro et vous rendre compte de la présence d’un petit homme d’allure chétive, assis sur un banc, semblant avoir les yeux dans le vide, comme hagard. Donnant l’impression d’attendre quelque chose. Un homme à priori tout à fait banal. Ce qu’on a l’habitude d’appeler une personne lambda. Une personne qui passe presque invisible aux yeux de tous. A ses pieds se trouve une valise. Elle aussi de facture tout à fait classique. Le type même de valise de bas prix qu’on peut trouver dans n’importe quel magasin d’accessoires offrant des promotions toute l’année. Bref, c’est le genre de personne à qui personne ne prête attention, tellement elle semble insignifiante. Mais il ne faut jamais se fier aux apparences. On ne vous l’a jamais appris ?

 

Je vais vous donner un exemple simple. Certains d’entre vos ont  sans doute entendu parler de la terreur de la jungle africaine ? La marabunta ? Pour les autres, ce nom ne vous est peut-être pas très familier. A moins d’être fana de films d’aventures et parfois de petits films d’horreur où cet animal particulier a tenu la vedette si l’on puis dire. La marabunta en fait est une fourmi. Une fourmi rouge. Je sais : vous allez me dire : mais en quoi une simple fourmi peut-elle être dangereuse ? Comme je vous l’ai dit les apparences sont souvent trompeuses. Car la marabunta est l’animal le plus dangereux qui soit de toute l’afrique, et personne ne fait l’erreur de s’aventurer sur le territoire où elle vit avec ses congénères. Si elle est seule, ne vous fiez pas à la fragilité de son corps. Car c’est un leurre. Un appât. A peine aurez-vous fait quelque pas vers elle, pensant pouvoir passer son territoire sans le moindre souci, qu’une horde d’autres fourmis vont sortir des fourmilières proches dont vous n’aurez pas fait attention. Et en quelques minutes, elles s’abattront sur vous, vous dévoreront, et il ne restera de vous que des os, totalement dépourvu de la moindre trace de chair.

 

Quel rapport avec ce petit homme presque invisible pour la plupart du fait de sa banalité, assis sur un banc de métro me direz-vous ? Vous allez très vite comprendre. Vous n’ignorez pas, en tout cas pour ceux qui ont l’habitude de prendre le métro la nuit, que ces endroits ne sont pas toujours très bien…. Fréquentés. Ils sont souvent le lieu de prédilection de petites bandes de loubards en quête d’une personne avec qui s’amuser. La tourmentant d’abord en passant devant elle, la traitant de noms que la décence m’interdit de répéter ce soir. Puis, la petite bande va s’asseoir sur un autre banc situé à quelques mètres seulement de celui où se trouve le petit homme silencieux. Ils vont commencer par lui jeter une canette de bière en aluminium, préalablement écrasée. Juste pour voir sa réaction, en ricanant chacun à leur tour. L’effet de groupe. Si le chef rit, les autres doivent le faire aussi.

 

Ensuite, le petit groupe va augmenter en puissance ses moqueries, lançant des insultes, jetant des projectiles plus important : un vieux livre usagé trouvé dans la poubelle près d’eux, un morceau de gravât du mur effrité où se trouve le nom de l’arrêt de la station désertée à cette heure avancée de la nuit. Puis vient le moment où le petit groupe va voir l’un de ses membres, le plus hardi, s’avancer nonchalamment vers le petit homme, s’asseyant d’abord à l’opposé du banc où il se trouve, continuant à l’insulter, se moquant de ses habits, de son visage. Celui-ci ne répondant pas, le loubard va d’abord jeter un œil vers ses comparses restés sur l’autre banc, où se trouve le chef de bande, ce dernier observant de quelle manière va se débrouiller le membre de son groupe, attendant qu’il se montre digne de faire partie de sa bande. Alors, le loubard, va se lever, se diriger vers le petit homme, commençant par le gifler fortement, histoire de voir si cette fois il va réagir. Ce qui ne sera pas le cas, restant toujours impassible. Alors, le membre de la bande va frapper plus violemment, passant des gifles aux poings. Déchirant sa veste, sa chemise.

 

Puis sortant son couteau, lui tailladera le bras mis à nu de sa chemise déchirée. Mais le petit homme ne vas toujours pas réagir. L’autre va commencer à s’énerver de ne voir aucune réaction, entendant ses comparses rigoler de son incompétence à ne pas faire réagir sa proie du soir. C’est là qu’il va s’apercevoir que le petit homme à une valise à ses pieds. Il demande à celui-ci ce qu’il trimballe dedans. Et là, pour la première fois, le petit homme va énoncer des mots, disant à son interlocuteur qu’il vaudrait mieux pour lui qu’il ne sache pas ce qu’il y a dans sa valise. Bien évidemment, le loubard va rigoler, regardant ses amis, qui viennent de l’applaudir parce qu’il a enfin fait réagir sa cible. Et puis, il va répondre au petit homme qu’il n’en a rien à foutre de ses conseils. Que s’il veut savoir ce qu’il y a dans cette valise, il ne pourra pas lui en empêcher. Alors, il s’empare de cette dernière, la pose sur le banc, et entreprend de commencer à l’ouvrir, pendant que le petit homme semble le supplier de ne surtout pas ouvrir la valise. Qu’il allait le regretter amèrement. Le loubard, prenant ces paroles pour des menaces frappe à nouveau le petit homme. Si violemment qu’il le fait tomber à terre. Ce qui fait beaucoup rire le reste de la bande.

 

Puis, il ouvre la fameuse valise. Mais là, il ne rit plus. Son visage devient blême en découvrant le contenu. Il s’éloigne d’elle en demandant au petit homme si c’est bien ce qu’il croit. Le petit homme, qui s’est relevé entretemps, lui répond que oui. Ce sont bien des cœurs humains. Et que le sien, comme ceux de ses amis allaient bientôt s’y retrouver à leur tour. Au même moment, le chef de bande, voyant la tête que fait son comparse, se lève du banc où il est assis, et se dirige à son tour vers la valise, afin de vérifier à son tour ce qu’elle contient, étonné de la réaction du membre de sa bande, après que celle-ci ait été ouverte. Lui aussi recule en voyant les cœurs qui se trouvent à l’intérieur, avant de demander au petit homme s’il est un serial killer ou un truc de ce genre. Le petit homme baisse les yeux, répondant que non. Mais que ceux qui l’ont obligé à servir d’appât sont bien pire que de simples tueurs. Le chef demande alors au petit homme que si lui est un appât, qui sont les chasseurs ?

 

Le petit homme relève doucement la tête, en disant simplement « eux ». Au même moment, des rires glaçants semblent envahir tout l’espace où la bande se trouve.  Des rires qui semblent très proches, alors que rien n’est visible. Les rires se font plus nombreux. De plus en plus nombreux. Des rires aigües, surnaturels, irréels. Mais toujours rien pour expliquer d’où viennent ces rires. Et puis, les premières créatures apparurent. Sortant des murs, du sol, du plafond, … De partout. Par dizaines. Elles  n’ont rien d’humain, c’est certain. Le chef de la petite bande de loubards recule jusqu’à rejoindre les autres membres de son groupe, bientôt rejoints par l’autre membre qui avait ouvert la valise. Les créatures semblaient ne pas avoir de forme physique. On aurait dit des ombres. Ça semblait rassurer le chef des loubards. Il se disait que des ombres ne pouvaient rien leur faire. Jusqu’à ce qu’il vit la tête d’un des membres de son petit gang se décoller du reste de son corps, volant dans les airs, avant de tomber au sol, jusqu’à rouler à ses pieds.

 

A ce moment, la terreur se voyait sur son visage, la seule fille du groupe se mit à crier. Pas très longtemps. Son corps fut vite déchiqueté de toutes parts par les ombres vivantes. Celles-ci semblant prendre grand soin de ne pas abîmer la partie où se trouvait le cœur. Puis, ce fut le tour des autres membres de se faire décimer les uns après les autres. Brutalement, sans la moindre pitié. Devenant rien de plus que des morceaux de chair en charpie. En seulement quelques minutes, tout le groupe fut décimé, pendant que le petit homme, qui s’était rassis sur son banc, restait impassible au carnage qui venait de se dérouler. Il entendit alors les créatures dépecer les corps pour retirer les cœurs de leurs victimes, avant de se rapprocher de la valise restée ouverte sur le banc. Tour à tour, comme l’avait dit le petit homme précédemment, les créatures déposèrent les cœurs à l’intérieur de la valise, avant de la refermer. L’une des créatures se rapprocha du petit homme et lui tendit la valise, avant de désigner la sortie du métro. Comme pour lui indiquer que son rôle de ce soir n’était pas fini, et qu’il devait maintenant livrer cette valise et son contenu à un endroit que lui seul et les créatures connaissaient.

 

Le petit homme ne prononça pas un mot, prit la valise, regardant les créatures repartir d’où elles étaient venues, se fondant dans les murs, le sol et le plafond de la station de métro où régnait désormais un silence de mort. Il soupira, comme soulagé que cette soirée se soit enfin achevée, et puis prit la direction de la sortie que lui avait indiqué la créature peu de temps auparavant, disparaissant peu à peu, et ne laissant que des mares de sang, des corps en lambeaux et un silence mortel derrière lui. Il savait que demain soir, il devrait recommencer son rôle d’appât, dans une autre station. Tel était tout ce qu’il était. Et il savait aussi qu’il ne pouvait pas échapper à ce destin.

 

Alors, vous voyez, comme je vous l’ai déjà dit, ne vous fiez pas aux apparences, aussi ridicules et futiles qu’elles semblent être. Méfiez-vous si, un soir, vous vous retrouvez dans le métro, que vous soyez seul, ou bien avec d’autres personnes, et que sur le banc situé à quelques mètres de celui où vous vous trouvez est assis un petit homme qui a l’air insignifiant, le regard semblant fixer le vide, et ayant une petite valise à ses pieds. Si vous le voyez, ne vous posez pas la moindre question. Avant que les ombres arrivent, et fassent de vous leur prochaine victime : FUYEZ !! Fuyez sans regarder derrière vous. Même si vous entendez des cris pendant que vous vous dirigez vers la sortie du métro. Et si après ça, vous voyez sortir le petit homme et sa valise à son tour, ne cherchez pas à le suivre. Ceux à qui ils destine sa livraison sont encore pire que ceux qui ont extrait les cœurs se trouvant dans sa valise. Rentrez chez vous et oubliez les cris de terreur que vous avez entendu en sortant au bon moment. Oubliez le petit homme. Oubliez sa valise. Oubliez…. Tout ! Ce sera la seule manière pour vous de ne pas sombrer dans la folie, et de rester en vie. 

 

Publié par Fabs

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