Les sirènes emplissaient la nuit de leurs sonorités, s’ajoutant aux musiques sortant des bars où se succédaient les groupes et interprètes, en ce jour censé célébrer un festival musical local, et qui venaient de la transformer subitement au second plan. La faute à la découverte d’un meurtre aussi sauvage que sanglant au sein d’un palace qui, jusque-là, jouissait d’une irréprochabilité exemplaire en matière de sélection de ses client triés sur le volet, et faisant tous l’objet de recherches au préalable, afin de vérifier si ceux-ci avaient des antécédents criminels, de quelque ordre que ce soit. Même le plus petit vol à l’étalage durant l’enfance, et fiché par la police, était suffisant pour refuser l’entrée en son sein. Et pourtant, ce soir, ce même Palace était le centre d’une scène de crime comme rarement l’inspecteur Mitch Kramm en avait vu dans toute sa carrière, tellement le spectacle sanglant qui s’offrait à ses yeux était d’une horreur sans nom…
Quand le commissaire du district l’avait sommé de se rendre sur les lieux pour enquêter, il pensait avoir affaire à une classique histoire de vengeance ou bien une femme cocufiée ayant découvert où se nichait son cher mari pour expliquer en détail un dossier à une subordonnée peu avide en charme, d’une manière très « tactile ». Mais ce qu’il y avait dans cette chambre, au 2ème étage de cet antre du luxe à plusieurs niveaux, allait bien au-delà de ce qu’il pensait connaitre sur la brutalité meurtrière. Ça ne ressemblait plus à une scène de crime : il se serait cru au beau milieu d’un abattoir, ou d’une de ces séries gore, où le sang fait figure de décor, au détriment d’un scénario posé et réfléchi. Sauf que là, il n’y avait pas de caméras installées sur les murs, ou au détour d’un meuble, cachées derrière une plante vivace de grande taille. Il n’y avait pas de réalisateur, le script de son épisode dans une main, un verre de bourbon dans l’autre, pour superviser ses acteurs. Ni même des accessoiristes et des maquilleurs s’affairant à rendre le plus réaliste possible le corps ensanglanté décrit sur les lignes d’un auteur, se complaisant dans le morbide assumé…
Non, là, ce que Kramm voyait était bien réel, bien qu’en voyant ce sang étalé un peu partout dans la pièce, que ce soit les murs, le sol, les draps du lit de la chambre ou encore la table de nuit, on pouvait clairement se poser la question s’il ne s’agissait pas d’une mise en scène macabre pour faire les premières pages des journaux à scandale ou des sites spécialisés dans les true crime modernes. En voyant ce « spectacle », Kramm avait du mal à comprendre comment un être humain était capable d’un tel carnage… l’un des policiers, chargé de prendre les clichés pour le compte du coroner, en avait même gerbé dans un coin, tellement la vision de ce corps démembré de partout, dont les morceaux se retrouvaient dans les moindres recoins, avait de quoi lever le cœur à n’importe qui un tant soit peu fragile, émotivement parlant. Il y avait même des parties de cerveau qui avaient été retrouvés sur le carrelage de la cabine de douche, en partie grignoté, comme on mange un bretzel pour accompagner son verre, afin de se soulager d’une journée de boulot bien remplie…
Des os, vestiges de ce qui avait été autrefois ceux d’une main, furent également découvert dans la cuvette des WC, d’autres sur la tablette au-dessus du lavabo. Ça donnait l’impression que la personne responsable de ce massacre, avait terminé son repas dans la salle de bains, tout en terminant de se nettoyer… C’était comme si elle n’avait pas voulu gâcher la nourriture, se délectant de ses moindres morceaux, avant que son estomac crie grâce… Ce qui pouvait expliquer la présence de ce morceau inachevé de matière grise sur le sol, tout près du porte-serviettes. Ces mêmes serviettes, totalement rougies par le sang imprégné, qui gisaient au hasard de la pièce, comme jetées avec dédain, une fois leur fonction achevée auprès de l’auteur de tout ça… Et que dire de ce qui restait du corps en lui-même… Kramm, malgré son expérience de 30 ans, n’avait jamais vu quelque chose comme ça. Il avait déjà eu affaire à des cannibales dans sa carrière, ce n’était pas vraiment nouveau pour lui. Mais aucun n’avait laissé un corps dans cet état-là… On aurait dit l’œuvre d’un animal… pas d’un être humain…
D’ailleurs, était-ce bien l’œuvre d’un homme, tel que le supposait les premières constations du spécialiste ? Ce dernier avait conclu, au vu de la puissance d’arrachage des chairs, et de la façon dont celle-ci avait été mordue, sur la base de rares parties n’ayant pas été ingérées, à l’acte d’un homme de corpulence massive, autour des 70 à 80 kilos, à la dentition particulière. Les traces de morsure indiquaient des dents tranchantes, pouvant faire supposer que le suspect s’était fait limer les dents, les transformants en véritables machines de découpage comme il ne pouvait en exister d’autres. D’autres traces de dents avaient été trouvées sur l’os de la tête, pratiquement « nettoyée » de toute chair. On en avait trouvé aussi sur les os des bras et des jambes, eux aussi ne comportant presque plus de chair sur leur surface. Les organes avaient presque tous disparus de la cage thoracique, à l’exception de la rate et des poumons, ainsi qu’une minuscule partie de l’estomac. Ce qui se trouvait en face de l’inspecteur Kramm se réduisait en fait pratiquement à un squelette, tel qu’en laisse les groupes de piranhas, après qu’un inconscient ait décidé de faire trempette dans une rivière où ils pullulaient…
Cette chambre était ni plus ni moins que le théâtre d’une horreur sans nom. On se serait presque cru à l’intérieur de la grotte d’un fauve, ayant dû changer de lieu, pour échapper à ses poursuivants. D’ailleurs, à ce propos, quelque chose n’allait pas dans les témoignages du personnel du Palace… Plusieurs d’entre eux avaient certifiés avoir vu la victime passer le hall, puis monter vers sa chambre accompagnée d’une très belle femme. Mais personne n’a vu ressortir cette dernière. Des témoignages corroborés par les caméras de surveillance, où on voit effectivement Mr. Tae Jung-Yeung, un industriel coréen, bien connu de la finance, et qui avait ses habitudes en venant pour affaires à Detroit, aux bras d’une splendide femme de type asiatique. Le genre de femme pour laquelle vous pourriez très facilement vous damner pour avoir la chance ne serait-ce que s’asseoir à ses côtés lors d’un dîner mondain. Habillée d’un tailleur très chic, vraisemblablement d’un grand couturier, portant un collier de perles à son cou. On a d’ailleurs retrouvé le collier au pied du lit. Ou plus précisément, on a retrouvé les perles… Le fil les retenant ayant été arraché, disséminant ces dernières sur la moquette. Les perles étaient également gorgées de sang…
Kramm avait remarqué que celle-ci, le temps de quelques secondes, avait tourné le regard vers plusieurs caméras, comme pour vérifier leur position… Ce qui avait permis à Kramm de juger de son exceptionnelle beauté. Une beauté rare… Des cheveux d’un noir presque opaque, parfaitement lissés, signe d’un passage éventuel auprès d’un grand coiffeur. Une peau dénuée de tout défauts, à tel point que c’en était troublant : elle donnait l’impression d’une photo retouchée par Photoshop, tel qu’on en voit sur les couvertures des magazines People. Aucun pli sous les yeux, aucun point noir, aucune tache : la perfection absolue. Ses mains étaient du même acabit, et d’une finesse irréelle, se terminant par des ongles manucurés eux aussi de manière impeccable. Le vernis vert les recouvrant ne montrant aucune faille non plus. En fait, elle donnait l’impression de ces modèles dessinés par les auteurs de comics, symboles de fantasmes inavoués de la part de dessinateurs en mal de relations intimes. Même si ceux-ci ne l’avoueront jamais publiquement… Kramm se demandait comment une telle femme avait pu passer inaperçue en sortant du Palace ? Et surtout pourquoi était-elle partie ? Était-elle une sorte « d’appât », destiné à « ferrer » un riche homme d’affaires, avant de jouer les femmes surprises en voyant débouler un « mari » jaloux dans la chambre, demandant réparation au préjudice subi ?
Tae Jung-Yeung avait la réputation de ne jamais sortir sans un portefeuille bien rempli. Ça pouvait être le mobile du meurtre… L’explication de l’appât semblait le plus plausible, et le « mari » pouvait être l’auteur du carnage trouvé… Ce qui pouvait correspondre aux constatations du coroner… Mais pourquoi un tel carnage si le but était de voler leur victime en ce cas ? La femme avait-elle « participée » au repas ? Et en ce cas, où était passé l’homme ? Kramm avait beau eu regarder les vidéos des caméras de surveillance, il n’avait vu personne d’autre entrer dans la chambre 407, celle de Tae Jung-Yeung… Et il n’avait pas vu quelqu’un sortir de la chambre non plus… Mais là encore, un détail le troublait… A un moment, la vidéo s’était troublée, comme envahi de parasites, empêchant donc de voir ce qui se passait dans le couloir où était installée la caméra. Ça ne durait que quelques secondes. Une trentaine tout au plus, mais ce détail était curieux. Mais Kramm avait beau se creuser la tête, ça ne pouvait expliquer que la mystérieuse inconnue ait pu sortir de la chambre dans un laps de temps aussi court, et disparaitre du couloir sans laisser de traces… Personne n’était aussi rapide… A part Flash peut-être, mais on n’était pas dans une planche de DC Comics…
Et puis surtout, aucune trace d’un éventuel complice… Était-il déjà dans la chambre avant l’arrivée de sa complice et leur future victime ? En ce cas, comment avait-il bien pu entrer ? Les portes étaient sécurisées. On ne pouvait y accéder qu’avec des cartes électroniques. Et même si l’homme avait fait partie du personnel, on l’aurait quand même vu entrer les heures précédant l’arrivée de la femme et de Tae Jung-Yeung… Il n’y avait rien de logique là-dedans, et Kramm sentait son cerveau bouillonner pour ne pas comprendre le sens de tout ça… Il avait besoin de réfléchir plus au calme, loin de l’ambiance de cette chambre, de ce palace. Il indiqua son départ au reste de l’équipe, chargée de prélever ce qui restait de la victime pour des analyses ultérieures par le service scientifique, au cas où des traces d’ADN serait trouvées sur le corps. Le coroner ayant fini son travail, le « corps » allait être récupéré par la suite, pour une expertise plus poussée à la morgue. Ce serait ensuite la brigade scientifique qui prendrait le relai, à la recherche d’indices qui auraient échappés aux différents intervenants sur le site…
Kramm, une fois sorti du lieu de ce crime vraiment déconcertant, prit un taxi, et se rendit à son bar favori. Une fois à l’intérieur, il se rendit à sa table habituelle, commanda un whisky, et se plongea à nouveau dans ses notes prises lors de son passage au Palace… Mais il avait beau se relire, il n’arrivait pas à comprendre le fil conducteur… Il y avait trop d’incohérences pour qu’il parvienne à regrouper tous les éléments… La disparition inexpliquée de la femme, cet homme supposé complice inexistant, ce « brouillage » d’une trentaine de secondes de la caméra, le « nettoyage » quasi-intégral du corps… Rien n’était logique dans cette affaire, et Kramm se disait qu’il n’aurait jamais cru être un jour confronté à une telle énigme, lui qui était considéré comme le « crack des cracks » en matière d’enquêtes. 164 affaires, toutes résolues, au cours de sa carrière… Un palmarès dont il n’était pas peu fier… Jusqu’à aujourd’hui… En comparaison de celle qui venait de lui échoir, toutes ses réussites faisait pâle figure, tellement elles étaient toutes d’un classicisme flagrant… C’était un vrai cadeau empoisonné que lui avait offert le commissaire, Kramm en était conscient. Sans doute ce dernier, au vu de ses antécédents, pensait-il que seul Kramm saurait dénouer les fils de cet imbroglio judiciaire… Mais c’était loin d’être le cas… Mais ce n’était que le début d’une série de meurtres du même niveau…
Une semaine plus tard, une autre affaire aux circonstances analogues parvint entre les mains de l’inspecteur Kramm… Cette fois, ça s’était passé dans une maison de passe des bas-quartiers de la ville. La même scène d’horreur se montrait aux yeux de l’inspecteur. Le corps pratiquement entièrement dévoré, des traces de dents sur les os laissés à la vue de l’équipe policière sur place, du sang disséminé partout, quelques rares morceaux de chair trouvés dans les toilettes, des serviettes gorgées de sang… Exactement le même scénario… Sauf une chose… Cette fois, c’était un homme qui avait été filmé par les caméras à l’entrée des chambres. Une sécurité pour le propriétaire des lieux, qui avait déjà eu affaire à des détraqués envers ses « filles », afin de pouvoir faire intervenir ses hommes, chargés de « montrer la sortie » aux clients ne respectant pas les règles de savoir-vivre, voire agressifs ou violents envers les « donneuses de charme » de l’établissement. Mais là encore, aucune trace de l’homme sortant des lieux par le personnel ou les autres filles, et un « brouillage » de quelques secondes de la part de la caméra… Kramm se demandait s’il s’agissait du même homme qu’on supposait avoir été impliqué dans l’affaire du Palace…
C’était clairement troublant… Le même modus operandi… le même problème de caméra… la même propension à disparaitre… Et un autre élément se rajouta aux soupçons de Kramm… En interrogeant l’une des filles de l’établissement, et en lui demandant si elle avait vu quelque chose de bizarre, même insignifiant, celle-ci lui rapporta qu’elle avait croisé au rez-de-chaussée une fille qu’elle n’avait jamais vu avant. Ça l’avait marqué, parce qu’à sa connaissance, il n’y avait pas de fille asiatique dans la maison… Au début, elle avait supposé que c’était peut-être une amie du proprio… Ou une cliente… Après tout, les maisons comme celle-ci n’étaient pas que l’apanage des hommes… Des femmes aussi cherchaient des moments de plaisir pour assouvir leurs mœurs à l’insu de tous… Pour éviter que leur famille soit au courant de leurs penchants sexuels… Mais elle avait posé la question à son patron, et celui-ci lui affirma qu’il n’avait pas d’amie asiatique qui était venue ici, et que la dernière fois qu’une femme, en tant que cliente, était venue ici, ça remontait à 2 mois…
Pris au vif, Kramm donna une description de la femme du Palace… Et la fille confirma que c’était bien elle qu’elle avait vue… Habillée aussi très chic, ce qui l’avait aussi surprise… Les gens de « grand standing » comme elle n’étaient pas vraiment le type de clients de la maison… Kramm montra un grand sourire… Il tenait une piste cette fois… Remerciant son interlocutrice d’un léger baiser sur la joue, avant de prendre congé, Kramm sortait, pris d’une fougue qui l’avait quelque peu quitté ces derniers temps… Depuis l’affaire du palace… L’homme devait être son complice, et, d’une manière qu’il ne savait pas encore expliquer, ceux-ci profitaient de s’intervertir leurs « rôles » de présence, pour passer inaperçu. Ils devaient vraisemblablement se renseigner sur les lieux de leur « chasse », connaitre les endroits où ils pourraient s’enfuir, délimiter les angles des caméras pour être hors-champ, les horaires où ils seraient le plus propice à se mélanger à d’autres clients… Peut-être qu’ils usaient de costumes leur permettant cela… Pour le brouillage, ils devaient utiliser un appareil électronique… ça n’expliquait pas encore leur rapidité d’action, mais Kramm sentait qu’il tenait quelque chose de concret… Et puis maintenant, il avait deux descriptions de visages et de morphologie qui lui servirait de base pour ses recherches…
Dans les semaines qui suivirent, Kramm enquêta sur 3 autres affaires similaires… Le couple de tueurs semblait opérer en alternance… Un coup, c’était la femme, un coup c’était l’homme qui se faisait « voir ». Et il remarqua autre chose… Tous les meurtres se situaient dans la même périphérie, comme s’il y avait une limite à leur rayon d’action, que ce soit volontaire ou non… Et cela visait à chaque fois des établissements de type hôtelier ou assimilé : hôtels, bordels, chambre d’hôtes… Au vu des éléments en sa possession, Kramm se rendit compte qu’il n’y avait plus que 2 établissements de ce type dans cette périphérie. Lequel serait la cible prochaine ? Il avait une chance sur deux, mais il découvrit aussi qu’il y avait une certaine logique dans le choix du couple… Ils passaient d’un endroit de grand standing à celui plus médiocre la fois suivante… Comme s’ils voulaient quelque peu brouiller les pistes, en faisant penser aux enquêteurs qu’il n’y avait pas de sens particulier envers leurs cibles, qui, elles, étaient toutes différentes… En apparence… Kramm découvrit un autre aspect déterminant… Toutes les victimes faisaient partie d’un forum spécialisé dans le paranormal, et en particulier sur une créature bien définie… Un aswang… Un monstre du folklore philippin… Les victimes avaient toutes conversées de manière très précise avec l’un des membres… Akioka76…
Ce membre avait donné rendez-vous à ses futures victimes en des lieux bien précis, qui correspondaient aux scènes de crime. Dans le cas de la prostituée de la maison de passe, le rendez-vous avait été fixé sur son lieu de travail. Comme le sexe d’Akioka76 n’était pas défini, ça ne devait pas surprendre énormément les victimes en découvrant la personne devant leur donner des renseignements plus approfondis sur ce qu’elles voulaient… A savoir qu’Akioka76 devait leur assurer de leur fournir des preuves de l’existence de l’aswang, au vu des conversations privées qu’il avait pu voir, usant de sa force de persuasion policière pour demander au propriétaire du site de lui donner accès aux MP de certains membres… Et en particulier tous ceux d’Akioka76… Kramm se posait la question s’il était possible que la fameuse Akioka76 n’était pas elle-même une aswang ? Une créature qui, sans savoir pourquoi, avait élu domicile aux Etats-Unis, et avait adapté son mode de chasse à ce territoire, procédant méticuleusement à poursuivre ses proies selon ce système, dans une périphérie bien définie… Elle choisissait ses proies en fonction de leur lieu d’habitat, proche de son territoire, avant de les « appâter », en leur promettant des renseignements exclusifs, des preuves inédites, pour les attirer dans les lieux choisis. Et ce n’était pas tout…
Kramm découvrit également que d’autres meurtres similaires avaient eu lieux dans d’autres villes depuis plusieurs années… Sacramento, Pittsburgh, Los Angeles, Miami et Boston… avec un écart de plusieurs mois entre chaque vague de crimes… A chaque fois durant la période d’hiver… Cette « pause » était peut-être dû à une hibernation, ou quelque chose du même type ? Et du fait de l’écart des villes, et des périodes, personne n’avait encore fait le rapprochement, la similitude entre toutes ces vagues de meurtres… ça semblait invraisemblable pour Kramm, mais d’un autre côté ça expliquait la rapidité pour échapper à la vue de tous, durant le moment du « brouillage » des caméras de surveillance… Il avait déjà vécu des expériences paranormales plus jeune, et il savait que certaines choses ne trouvaient pas d’explication rationnelle. Bien qu’improbable, la perspective qu’un aswang soit présent aux Etats-Unis n’était pas si délirant que ça… Et ça expliquait autre chose d’évident… Il n’y avait pas un homme et une femme… L’aswang pouvait changer de forme… Il faisait partie de la catégorie des métamorphes…
Ce qui expliquait du coup, sa propension à être femme et homme en alternance. Elle changeait son apparence au gré de ses « chasses » … Dans le même temps, Kramm eut une idée : il s’inscrivit sous pseudo sur le site, et chercha à attirer l’attention d’Akioka76, en montrant son intérêt sur l’existence de l’aswang, conversant avec les autres membres aussi, pour que la créature ne se méfie pas en le voyant chercher à converser uniquement avec elle, et endormir d’éventuelles suspicions de sa part. Très vite, le piège mis en place par Kramm porta ses fruits… Akioka76 s’intéressa très vite à l’intérêt de Kramm, alias Steven909, envers l’existence de l’aswang, et lui proposa un rendez-vous à l’un des deux lieux restants de son « territoire ». Un hôtel 2 étoiles, situé à quelques pâtés de maison du commissariat, le lendemain soir…
Ainsi, Kramm se rendit au lieu désigné, attendant la venue de celle qu’il était décidé à arrêter, malgré sa nature particulière… Non seulement il résoudrait une affaire de plus, mais il pourrait révéler l’existence d’une créature supposée n’être qu’une légende… Et bientôt elle arriva… Kramm reconnaissait en elle la femme de l’affaire du Palace, identique en tout point… Sa beauté le figeait sur place… Il n’en revenait pas d’une telle perfection… Il avait beau savoir qu’il s’agissait d’une technique de dissimulation d’apparence, il n’en restait pas moins sous le charme de cette vision, en oubliant presque le but de sa mission… Elle s’approcha, un sourire ravageur aux lèvres, parlant d’une voix douce et sensuelle qui continua de mettre en émoi les sens de Kramm… Elle commença à lui parler de la légende de l’Aswang, soulignant qu’elle possédait dans son petit sac, la preuve flagrante de l’existence de cette créature… Et qu’elle savait que l’une d’entre elles vivait aux Etats-Unis… Dans cette ville… Une manière sans doute de finir d’appâter ses proies, comme elle devait en avoir l’habitude… Après quelques minutes, la femme, qui se faisait appeler Min, invitait Kramm à la suivre dans la chambre d’hôtel qu’elle avait réservée, afin de discuter plus intimement, tout en adressant un regard séducteur envers l’inspecteur, qui avait bien du mal à contenir l’effet que Min avait sur lui…
Min et Kramm entrèrent dans l’hôtel, et, après que Min ai demandé la clé de sa chambre, ils prirent l’ascenseur, et montèrent au 3ème étage, où se situait ladite chambre. Une fois à l’intérieur, et la porte fermée, Min prétexta de se mettre plus à l’aise avant de discuter. Kramm accepta, et la laissa se diriger vers la salle de bains, tout en s’asseyant sur le lit… Était-ce voulu de sa part, et faisant partie de son numéro de séduction ? Sans doute… Toujours est-il que Min ne ferma pas totalement la porte de la salle de bains, et commença à se déshabiller lentement, faisant glisser la fermeture éclair de sa robe, et laissant tomber celle-ci au sol, révélant son corps aux yeux de Kramm, subjugué par la perfection de son corps, comme hypnotisé par celui-ci, et oubliant le pourquoi de sa rencontre avec cette créature meurtrière… Il ne savait pas pourquoi, mais son sens de lucidité semblait s’évaporer au fur et à mesure que Min continuait de se débarrasser de ses vêtements, dégrafant son soutien-gorge, retirant ses bas et sa culotte de soie, livrant son corps totalement dénudé aux yeux de Kramm, qui commençait à ressentir une vague de chaleur à l’intérieur de son corps, comme pris d’une sensation intense de désir, tel un volcan prêt à exploser… Il avait complètement oublié la raison de sa venue ici, ne voyant que le corps de Min comme centre d’intérêt…
Il observait ses courbes parfaites, de la clarté de sa peau éclairée par la lumière de la salle de bains, ses jambes longilignes sans le moindre défaut apparent, à l’arrondi de son postérieur qui montrait des signes évidents d’invitation à le caresser sans interdit. Kramm, sentait venir en lui une érection qu’il ne pouvait contrôler, gonflant le tissu de son pantalon de toile, montrant une envie de sortir évidente… Il tenta de dissimuler cette protubérance gênante, enlevant sa veste, et la posant sur le lieu du délit, afin de le cacher aux yeux de Min quand celle-ci reviendrait… Cette dernière enfilait doucement, d’une façon mutine, un kimono de satin, semblant adresser un regard à Kramm à travers le miroir de la salle de bains, ce dernier ayant de plus en plus de mal à cacher la sueur perlant de son front, signe de son excitation grandissante…
Puis Min revint vers Kramm, lui indiquant qu’elle était prête à lui dire ce qu’il voulait savoir, s’approchant peu à peu de lui, et s’asseyant à ses côtés, plongeant son regard dans celui de Kramm. Ce dernier ne parvenait plus à proférer la moindre parole, tellement il était sous le charme de Min et son regard pénétrant à plusieurs niveaux. Voyant son incapacité à parler, elle se mit à sourire, comme satisfaite de l’effet qu’elle avait sur Kramm, puis, d’un geste lent et précis, enleva la veste placée sur l’entrejambe de ce dernier, la jetant au sol. Elle posa ses yeux sur la protubérance formée par l’érection de Kramm, redoublant son sourire, avant de poser sa main dessus, la caressant délicatement, accentuant encore plus la sensation de plaisir de l’inspecteur, complètement bloqué de tout mouvement par ce geste, comme un petit garçon découvrant l’amour pour la première fois… Min fit glisser la fermeture éclair du pantalon de Kramm, tout aussi délicatement, avant d’y plonger la main, glissant cette dernière sous le tissu du caleçon cachant son sexe, qu’elle agrippa fermement, provoquant une sensation de plaisir à l’inspecteur qu’il ne pouvait plus dissimuler… Voyant cela, Min approcha lentement son visage de ce dernier, déposant un baiser sur le coin de ses lèvres, puis l’embrassant tendrement, pendant qu’elle continuait de le masturber…
Kramm se sentait pris dans une autre dimension où le plaisir avait remplacé toute notion de temps, il n’était plus en mesure de réfléchir, totalement sous le pouvoir ensorcelant de séduction de Min… Celle-ci passant son autre main sous la chemise de ce dernier, après l’avoir sorti du pantalon où officiait son autre main, caressant son torse sensuellement, accentuant encore plus la sensation de plaisir ressenti par celui-ci… Kramm était aux anges d’une manière non-dissimulée, alors que Min approchait peu à peu sa bouche de son oreille droite, et lui susurrant ces quelques mots :
« C’est à votre tour maintenant… inspecteur Kramm… »
A ces mots, Kramm sortit soudainement de sa torpeur, se rendant compte du sortilège dont il était victime, mais il était déjà trop tard pour lui… Min montrait des signes de transformation, son visage ensorcelant devenant gris et rugueux, sa longue chevelure semblant rentrer à l’intérieur de son crâne, laissant une surface lisse, son kimono se déchira de l’intérieur, laissant voir des bras et des jambes de la même texture que son visage, pendant qu’elle pressait le sexe du malheureux Kramm de plus en plus, et plongeant son autre main dans son corps, lui faisant hurler des cris de douleur, et étant dans l’impossibilité de bouger le moindre de ses membres, entièrement sous l’emprise de Min. Les yeux de Kramm laissaient verser des litres de larmes dues à la douleur et la peur, pendant qu’il sentait son sexe exploser sous la pression de la main de Min, qui, l’instant d’après, griffait et creusait la peau de sa jambe, pendant que sa bouche croquait goulument le cou de l’inspecteur, versant des litres de sang après chaque bouchée répétée, visant le visage, les mains, les bras du pauvre inspecteur Kramm, tombant sous les coups des dents et des griffes de Min, qui prenait peu à peu sa forme véritable, sorte de chauve-souris géante, dont les ailes grises et déformées se mirent à apparaitre dans son dos, s’élevant vers le plafond, pendant que Min continuait son repas…
Kramm, avant de voir sa vie s’enfuir définitivement, se demandait pourquoi ses cris n’alertaient personne, mais il comprit vite que cela devait être du également aux pouvoirs de Min. elle devait être capable de créer comme une sorte de barrière, un champ de force autour de sa proie, afin de l’empêcher de faire sortir le moindre son de la zone où elle s’affairait sur sa victime, et ainsi ne pas être dérangé par quiconque pendant qu’elle s’adonnait à la dévorer petit à petit… Kramm ne vit pas la suite, car il avait déjà franchi les portes de la mort, rejoignant ainsi les autres victimes de l’Aswang… Cet aswang particulier, qui avait atterri par hasard aux Etats-Unis, livrée en tant qu’esclave sexuel, alors qu’elle n’était encore qu’un tout jeune enfant de 8 ans. Sa mère avait succombée sous les coups de villageois, qui avaient mis sa nature à jour, suite à de nombreuses morts survenues dans la région. Par la suite, Min fut découverte errant à proximité du village. Ne sachant pas d’où elle venait, et personne ne faisant de rapport avec l’aswang adulte tuée, elle fut prise en charge par un des villageois, membre d’un trafic humain à grande échelle, et envoyant ses « découvertes » dans des pays demandeurs, tel les Etats-Unis.
Arrivé là-bas, elle révéla sa nature qu’elle tenta de cacher plusieurs mois, de peur d’être tuée, profitant de sa vente à un riche propriétaire, avide de plaisirs sexuels envers de jeunes enfants, pour s’emparer de la vie et du corps de celui-ci. Par la suite, par le biais de la télévision, elle s’accoutuma avec la vie américaine, appris les moindres mœurs et s’adaptant à ceux-ci petit à petit en grandissant, se familiarisant avec les réseaux du Net, et découvrant par hasard un forum dédié aux créatures asiatiques, et en particulier aux aswang. C’est ainsi qu’elle eut l’idée de ce stratagème utilisant les désirs de connaissance des utilisateurs du forum à son propre avantage. Un système qui a porté ses fruits, et lui a permis de connaitre les aléas du piratage, ce qui lui permit de se renseigner avec exactitude sur ses futures victimes.
C’est de cette manière qu’elle parvint à découvrir la véritable identité de Steven909, alias l’inspecteur Kramm, et, après recherches, se rendit compte qu’il était sur ses traces… Jouer son jeu, tout en se débarrassant de ce danger pour elle fut bientôt une évidence, et elle mit son plan en place, afin d’attirer l’inspecteur ici. Pendant qu’elle finissait de dévorer Kramm, Min pensait à la prochaine ville, la prochaine étape de son épopée sanglante. Elle pensait se rendre à La Nouvelle Orléans, en Louisiane, afin de prendre de la distance, et empêcher qu’un autre inspecteur zélé ne fasse le rapprochement trop directement avec cette ville-ci….
Un peu plus tard, une fois lavée et nettoyée, elle mit les vêtements masculins placés dans l’armoire la veille, quand elle était venue une première fois dans cet hôtel, afin de repérer les lieux et déterminer les endroits où se situaient les caméras de surveillance, et préparer son départ. Elle brûla ses autres vêtements, et fit disparaitre les cendres dans l’évier de la salle de bains, puis prit sa forme masculine humaine, se munissant de ce petit appareil bien pratique pour brouiller les caméras, obtenu sur un site du Deep Web, puis sortit de la chambre, dirigea son dispositif vers la caméra, son champ d’action portant sur plusieurs centaines de mètres, puis profita de ce temps pour se diriger vers l’ascenseur, grâce à sa grande rapidité de déplacement, quasi-invisible pour un œil humain… Une fois en bas, elle sortit tranquillement de l’hôtel… Le temps que le meurtre de l’inspecteur soit découvert, elle serait déjà en route vers La Nouvelle Orléans, son futur nouveau territoire. Et comme d’habitude, personne ne serait en mesure d’expliquer ce nouveau carnage qui constituait son repas.
L’hiver approchait, et ce serait bientôt le signe pour elle d’hiberner en ce lieu reculé qui lui servait de cachette pour ces périodes nécessaires à son espèce… Elle songeait depuis quelque temps à donner la vie, et jusqu’à présent elle pensait ne jamais pouvoir le faire, en l’absence d’autres membre de sa race… Jusqu’à ce qu’elle rende compte, en cherchant l’identité de Kramm, qu’un autre Aswang, utilisant le même principe qu’elle, et ayant officié à Sacramento et Los Angeles, vivait sur le territoire américain… Elle devait le rencontrer, et ensemble, ils pourraient mettre au monde cette famille qu’il lui tenait tant à cœur de former, loin des Philippines où sa race est trop connue et chassée, au sein de cette Amérique pleine de proies, et bien loin des risques encourus dans son pays d’origine. Une nouvelle ère pour les Aswang était peut-être en train de naître, peut-être y en avait-il d’autres encore, et elle envisageait déjà de les chercher aussi, et faire en sorte de se rassembler, afin de former une unité et une famille propre à se protéger les uns et les autres. Le fondement même des aswang…
Publié par Fabs
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