Pour bien comprendre tous les éléments, lieus, évènements et personnages de cette histoire, je vous invite à lire bien évidemment les 2 volets précédents, mais aussi les autres récits constituant le MonsterVerse à laquelle cette saga est rattachée, à savoir "L'Empire de Krysta" (et son cycle précédent "Toutes les Sirènes ne Sont Pas Gentilles") et "Complainte Pour Un Jeune Monstre".
Il s’était
passé 10 ans depuis que Ryan était devenu le nouveau dévoreur de cœur de la
route du pêché. 10 ans durant lesquels
il s’était évertué à consolider la légende de la créature qu’il incarnait, et
surtout son rôle. Pendant cette période d’autres souvenirs de la mémoire de son
prédécesseur lui était parvenu par bribes successives, comme les pages d’un
carnet de notes qui apparaissent comme
par magie, alors qu’on n’a jamais rien écrit dessus. Il en découvrait chaque
jour un peu plus sur cette race particulière, existant pour donner un équilibre
au monde. Un équilibre qui risquait d’être mis à mal par l’apparition d’autres
créatures sévissant depuis quelques années sur le territoire américain.
Personne ne sait encore vraiment comment elles sont parvenues à prendre une
telle ampleur sur le territoire, étendant leur race toujours plus loin au fil
des années, semant terreur et désespoir sur leur chemin, asservissant les
humains, contrôlant des villes entières, sans que rien, pas même les autorités
compétentes ne puissent rien y faire.
Il avait
appris ce qu’étaient ces créatures. Des sirènes. Des sirènes mangeuses de
chair, dirigées par une certaine Krysta. Celle-ci semblait être sur le point de
créer de toute pièce un véritable empire. Mettant en place des usines où les humains
étaient parqués, servant de nourriture ou de reproducteurs pour permettre à
leur race de s’amplifier. Cela faisait déjà un moment que Washington avait
lancé des opérations d’envergure contre elles, contre ces créatures. Ces
sirènes et ces tritons qui constituaient la menace numéro 1 du territoire. Mais
à chaque fois qu’une base envoyaient des appareils de mort pour les détruire ou
au moins les empêcher d’avancer plus, celles-ci parvenaient à déjouer toutes
leurs stratégies, plaçant des pièges pour stopper les tanks, se servant de leur
intelligence pour élaborer des traquenards de plus en plus complexe. La faute à
une intelligentsia militaire persuadée de pouvoir les maitriser, et, ne voyant pas le danger, la menace que ces
créatures représentaient, pendant qu’elles continuaient inexorablement les
massacres.
Démembrant,
croquant les chairs, annihilant toute vie, se servant de la technologie humaine
pour parer aux attaques aériennes, en prenant possession de bases militaires
aux dirigeant tellement arrogants et orgueilleux, qu’à aucun moment ils n’ont
imaginé qu’ils pouvaient perdre face à elles. Face à leur rapidité, leurs plans
de combat, leur férocité sans commune mesure. A chaque base, chaque point
stratégique tombant sous leur emprise, elles apprenaient toujours plus pour
contre-attaquer, et avancer sur le territoire américain. A l’heure où cette
histoire commence, près de 20 % du territoire américain est déjà tombé entre
leurs mains. Grâce aux centres de reproduction, leur nombre croît chaque jour. Et il devenait évident que cela allait
en grandissant. D’ici quelques années, la moitié des USA leur appartiendrait. C’est
pourquoi les plus pessimistes avaient pris les devants en lançant d’immenses
chantiers à l’Ouest du pays, construisant de gigantesques murs, des forteresses
impénétrables où pourraient se positionner des avant-postes militaires pour
protéger les villes et territoires se trouvant derrière cette véritable frontière
en devenir contre cette race de créatures contre laquelle ils ne trouvaient pas
de faille. Elles en avaient bien, mais pour avoir réagi trop tard, les humains s’étaient
piégés eux-mêmes en permettant aux sirènes et aux tritons de devenir chaque
jour plus puissants, en s’emparant des armes et technologies des bases,
centres, villes qui tombaient sous leur joug.
Pour l’instant,
la région où sévissait Ryan avait encore été épargnée. Mais cela lui importait
peu. Son rôle se limitait à établir un équilibre entre les humains. A tuer ceux
portant un cœur noir se risquant sur la route du pêché. Sa race n’était pas
concernée par les agissements de ces créatures venues de l’océan. D’ailleurs, Ryan
considérait même l’invasion des sirènes comme un complément à son rôle. Leurs
actions permettait d’étendre la destruction des cœurs noirs humains bien
au-delà de la zone où il se trouvait. L’équilibre voulu par ses ancêtres s’en
trouvait donc avantagée. Bien sûr, des innocents périssaient aussi, mais nombre
de ses aïeuls n’avaient guère été plus complaisants en ce sens, tuant eux-aussi
des personnes qui n’auraient jamais dû être l’objet de leurs chasses. C’était à
une époque où les membres de sa race était plus nombreuse, disséminés sur toute
la planète. Une époque où il était plus facile d’agir et d’établir un vrai
équilibre. Un équilibre forcé, voulu par les premiers représentants de sa race à
une époque où l’homme n’était encore qu’une bête sauvage vivant en clans, se
cachant dans des cavernes pour échapper aux bêtes féroces les tuant sans vergogne
pour se nourrir.
Une époque
où débuta l’histoire des dévoreurs de cœur. La naissance de leur rôle tel qu’il
est suivi par Ryan aujourd’hui. Celui-ci observait en silence l’intérieur de sa
caverne, ses reliques qui avaient augmentés depuis qu’il avait reçu ce « pouvoir »
qui coulait en lui. Il revoyait en lui, comme s’il les avaient vécu lui-même, l’arrivée
de ses ancêtres sur Terre. Car, oui, la race des dévoreurs, à l’origine, n’est
pas de ce monde. C’étaient des chasseurs venus d’une autre planète. En quête de
proie, ils parcouraient les galaxies, afin de satisfaire leur instinct de
prédateurs d’un autre monde. C’est de cette manière qu’ils ont découvert la
Terre. Au départ, elle ne devait être qu’une étape dans leur périple. Mais un
imprévu a changé la donne, et les a obligés à séjourner plus que prévu sur
cette planète. Une simple météorite ayant fait dévier leur vaisseau en le
frappant de plein fouet, obligeant l’équipage fort de ses 40 membres à s’écraser
sur Terre. Fort heureusement pour eux, cet atterrissage forcé n’avaient pas eu
de conséquences pour eux, étant de nature robuste, capable de résister aux
chocs les plus éprouvants.
Leur arrivée
ne passa pas inaperçu. Les autochtones, les premiers homo-sapiens de l’époque,
en les voyant sortir de leur vaisseau en miettes, les prirent immédiatement
pour des dieux, et leur vouèrent ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui comme
les prémices d’un culte. Un culte qui exigeait des sacrifices pour « nourrir »
leurs dieux, dont le mets de prédilection était le cœur. Afin de ne pas s’attirer
la colère de ces dieux, les premiers hommes pratiquaient donc régulièrement le
sacrifice d’un des leurs, en leur offrant son cœur, en guise de remerciement de
les protéger des dangers tout autour. Mais bientôt, le clan dut se rendre à l’évidence
qu’à force de nourrir leurs bienfaiteurs, ils finiraient par enclencher la
disparition totale de leur clan. Alors, des première chasses de membres d’autres
clans furent mise en place pour continuer à profiter de la protection de leurs
Dieux, à qui ils donnèrent, dans leur forme de dialecte abrupt, le nom de « Dévoreur
de Cœur », du fait de leur plat nécessaire à leur existence. Comme vous
pouvez vous en douter, ces chasses n’étaient guère appréciées par les autres
clans qui voyaient d’un mauvais œil de servir d’objets de sacrifice aux dévoreurs.
C’est ainsi qu’éclatèrent
les premiers conflits entre clans. Des guerres mêmes fratricides et sanglantes.
Les crânes étaient fracassés, les corps transpercés de lames de fortune,
fabriquées à partir de pierres tranchantes. Des familles étaient massacrées
sous les yeux de leurs enfants, broyant leurs visages sans la moindre pitié,
écartelant d’autres, sortant les os de leurs emplacements, s’en servant même
comme arme pour tuer d’autres proies. L’un des premiers massacres de l’histoire
de l’homme. Les dévoreurs, témoins de ce spectacle barbare et écœurant, même
pour eux, durent faire cesser les combats en se positionnant en plein milieu des
conflits, montrant leur puissance bien plus grande. Eux aussi durent avoir recours
au départ au meurtre sans concession pour faire valoir leur position d’êtres
supérieurs. Mais ce fut payant. Certains clans s’enfuirent, cessant tout
combats, d’autres acceptèrent de s’allier, et un semblant de paix commença à s’installer.
Les sacrifices reprirent pour nourrir les dévoreurs. Mais à plus grande
échelle. Ceux-ci devinrent plus gourmands. Réclamant toujours plus. Certains hommes
avaient des germes de révolte en eux, mais ils savaient qu’ils n’étaient pas de
taille pour résister aux dévoreurs.
Jusqu’au jour
où la position de force des dévoreurs changea. L’un d’entre eux mourut, écrasé
par un rocher. A partir de là, les clans comprirent que les dévoreurs n’étaient
pas des dieux. Qu’ils n’étaient pas immortels. Et qu’ils n’étaient donc plus
obligés de les servir. Une révolte éclata, et malgré toute leur force, les
dévoreurs durent s’enfuir, au vu du nombre, devant se cacher comme des animaux.
Pendant des années, ils durent se contenter de se nourrir de cœurs d’animaux. C’est là qu’ils s’aperçurent
qu’ils pouvaient opérer à une sorte de fusion avec ces derniers, ces animaux de
la Terre, très différents des espèces qu’ils connaissaient jusque-là, pouvant
transformer leur corps. Plus ils mangeaient de cœur d’une même race d’animal,
plus ils pouvaient prendre une partie de leur forme. Devenant une sorte de mix
entre leur forme originale et celle de leurs proies. Cela leur permit d’échapper
plus facilement aux hommes qu’ils voyaient évoluer peu à peu, mais conscients que
leur arrivée sur Terre avaient changé leur mode de vie, leurs relations entre
eux. Les premiers hommes qu’ils avaient rencontrés se contentaient de leur
territoires, sans chercher à aller vers les autres. L’arrivée des dévoreurs
avait modifié cela.
A cause des
dévoreurs, l’homme découvrit qu’il pouvait tuer autre chose que des animaux
pour se nourrir, se vêtir ou fabriquer des armes pour la chasse. Il découvrit
qu’il pouvait avoir du plaisir à tuer d’autres hommes. Un sentiment qui évolua
encore au cours des siècles, transformant l’homme de manière irrémédiable. Les
dévoreurs, conscients de cela, en ressentirent une honte. Ils se rendirent
compte qu’ils avaient perturbé un écosystème auquel ils n’appartenaient pas à l’origine.
Qu’à cause d’eux, L’homme avait changé du tout au tout. Ils découvrirent peu à
peu tout ce dont il était capable. Ils en furent horrifiés. Ils n’étaient que
des chasseurs au départ. Passant de planète en planète pour traquer des animaux
dépourvus d’intelligence. D’ailleurs, c’était par hasard qu’ils en étaient
venus à manger des cœurs humains. Au départ, ils se contentaient des cœurs d’animaux
autour du territoire du vaisseau où ils s’étaient écrasés. En rencontrant les
hommes qui les avaient vu se nourrir de cœurs, ceux-ci avaient décidés de leur
offrir des cœurs humains. Et les dévoreurs s’étaient rendu compte que ceux-ci étaient
bien meilleurs que ceux des animaux dont ils se satisfaisaient jusqu’à présent.
Tout avait débuté de cette manière. Ce qui suivit échappa à leur contrôle.
Grâce à leurs
nouvelles formes, les dévoreurs observèrent en silence ce qu’ils avaient
provoqués malgré eux chez les hommes. Cette haine, cette colère, cette rancœur qui
emplissait nombre d’entre eux. Ils n’étaient pas tous ainsi, mais les dévoreurs
sentirent qu’ils devaient réparer leur faute. C’est ainsi que leur vint l’idée
d’éliminer les humains porteurs de cœurs tellement noirs de cette haine et de
cette méchanceté dont ils étaient plus ou moins les créateurs. Afin d’apporter
un équilibre à ce monde qu’ils avaient déstabilisé. Afin d’avoir un rôle à ce
monde dont ils étaient des étrangers. Ils découvrirent aussi qu’ils pouvaient
transmettre leur pouvoir. Qu’ils pouvaient semer des « graines » à l’intérieur
d’animaux robustes. Celles-ci grandissaient dans leurs corps, modifiant l’ADN
de leur hôte, pour en faire un nouveau dévoreur de diverses formes. Cela leur
prit plusieurs années, mais ils créèrent ainsi des dizaines de dévoreurs, ils
se dispersèrent à travers le globe, chacun d’eux repérant les cœurs trop noirs des
humains d’instinct, comme s’ils ressentaient leurs pulsations particulières, comme
s’ils les « sentaient ». Il y avait malgré tout une faille à leur
méthode de transmission de pouvoir. Seuls les dévoreurs originaux étaient
capables de « créer » de nouveaux dévoreurs. Ceux qui étaient nés de
ces créations ne pouvaient que transmettre leur pouvoir.
Au fur et à
mesure des siècles, les hommes découvrirent l’existence des dévoreurs, ceux-là
même à qui ils devaient d’être les hommes qu’ils étaient devenus. Une race
belliqueuse, mesquine, avide de pouvoir entre eux. Et ils se mirent à les
chasser. A l’issue du XVIIIème siècle, tous les dévoreurs originels avaient été
tués. Ils ne restaient que ceux qu’ils avaient créés. Ceux qui ne pouvaient que
transmettre leur pouvoir, sans pouvoir donner naissance à d’autres de leur
race. Les chasses des humains envers les dévoreurs s’amplifièrent, les
considérant comme des sortes de démons, créés par des sorcières, que l’Eglise
leur demandait d’exterminer pour ne pas être damnés. Même après la fin de l’époque
de la chasse aux sorcières, les traques contre les dévoreurs, dont le nombre ne
cessait de décroitre au fur et à mesure des années, continuèrent. Certains
dévoreurs prirent des formes diverses au cours des siècles, mettant en place
des légendes, les fameux cryptides. Yeti, Bigfoot ou créatures assimilées
étaient des dévoreurs. Ceux-ci furent peu à peu tués, pas forcément par les humains,
mais par la nature. Eboulements, tremblements de terre, glissements de terrains
eurent raison de ces créatures à l’origine de la nature de l’homme.
S’il existe
encore certains de ces cryptides à travers le monde, ce sont d’anciens dévoreurs
qui, à force d’être obligé de s’isoler pour éviter d’être chassés, de ne plus
pouvoir dévorer de cœur humain, en vinrent à oublier ce qu’ils étaient, leur
rôle, leur nature, leur origine véritable. Ceux qui parvinrent à subsister continuèrent
à assurer ce qu’ils considéraient comme leur rôle primordial pour apporter l’équilibre
à ce monde qu’ils avaient modifiés. Jusqu’à mourir à leur tour sans avoir pu
transmettre leur pouvoir. Certains d’entre eux, au fil des années se rendirent
compte qu’ils pouvaient transmettre leur pouvoir à des humains. Des humains au cœur
pur de toute faute véritable. Comme le prédécesseur de Ryan. Celui-là même qui
avait fait de lui le nouveau dévoreur de ce siècle. Le dernier de sa race existant
sur terre, si on fait l’exception des cryptides ayant oublié ce qu’ils étaient.
Après avoir repensé à ces souvenirs d’un autre âge, Ryan sortit de la caverne.
Il avait senti un cœur noir. Il était temps pour lui de faire honneur à la légende
de nouveau et débarrasser la terre de celui-ci.
Cependant,
quelque chose lui semblait curieux. Ce cœur noir était tout près. Comme s’il se
trouvait extrêmement proche. Trop proche. Il le sentait derrière lui. Comment
cela était-il possible ? Serait-il dans sa caverne ? Mais comment ?
Pourquoi ne l’avait-il pas ressenti plus tôt ? Mais à peine s’était-il
retourné pour comprendre qu’il sentit comme une énorme décharge électrique lui
traverser tout le corps, et il s’effondra au sol. Avant de voir ses yeux se
fermer, il crut apercevoir une silhouette d’un être humain s’approcher
doucement de lui, puis ce fut le trou noir. Quand il se réveilla, il était
attaché à un rocher, dans sa propre caverne. Et devant lui se tenait un homme, assis
sur un rocher, buvant dans un des récipients lui servant pour boire.
« Enchanté…
Dévoreur… C’est bien ainsi qu’on t’appelle ? »
Encore un
peu sonné, Ryan demanda :
« Comment ?
Comment avez-vous fait pour que je ne vous sente pas plus tôt. Je sens votre cœur
noir. Sans doute un des plus noirs que j’ai pu sentir. J’aurais dû vous repérer
depuis des heures… »
L’homme lui
répondit simplement :
« Ah,
ça ? C’est très simple en fait. Simple camouflage en aspergeant mon corps
d’un produit particulier. Ce qui t’as empêché de me sentir trop tôt. Pour ça,
je dois remercier l’un de tes ancêtres, qui avait tenu un journal parlé sur un
dictaphone, expliquant beaucoup de choses sur votre race, vos aptitudes, votre
histoire. Il était très bavard. Et il avait mis au point ce stratagème. J’ignore
pourquoi. C’est curieux. Peut-être voulait-il protéger quelqu’un, un homme, de
ses congénères… Qu’importe… »
Ryan ne comprenait
pas ce que cet homme lui voulait. S’il avait voulu le tuer et mettre ainsi fin
à la race des dévoreurs, il l’aurait déjà fait. Que voulait-il ? Comme pour
répondre à cette question, l’homme reprit :
« Je
suppose que tu te demande pourquoi je ne t’ai pas tué ? C’est très simple : j’ai besoin de toi. Ou plutôt, j’ai besoin de
tes gênes. Ton ADN. Je dois prélever un morceau de ta moelle épinière pour ça. Ça
risque d’être très douloureux. D’autant que j’ai un matériel assez sommaire.
Mais je dois être discret. Je ne peux tout de même pas t’emmener dans un
hôpital ».
L’homme souriait
à l’issue de cette phrase, avant de reprendre :
« J’oubliais,
je suis très impoli. Je me présente : Vladimir Illioutchine. Comme tu le
vois, je suis un scientifique. Mais trêve de bavardage, passons aux choses
sérieuses. »
Ryan vit Vladimir
se lever, et ouvrir une sorte de petite mallette où se trouvait divers
instruments. Dont une énorme aiguille. Du genre à faire peur à n’importe qui. Vladimir
s’approcha de lui :
« Je vais
essayer de faire vite, mais comme je t’ai dit, ça va faire assez mal. Désolé
pour ça… »
Vladimir
sembla réfléchir, avant de reprendre :
« Non,
je rigole. En fait, je m’en fous que tu souffres. Tout ce qui m’importe, c’est
d’avoir ton ADN… »
Vladimir émit
un petit rire sardonique avant d’enfoncer la seringue sur le flanc droit de
Karl, et de relever le piston de celle-ci afin d’en extraire ce qu’il était
venu chercher. Karl avait l’impression de sentir sa vie s’enfuir de son corps,
il avait envie de hurler, mais il ne voulait pas offrir la satisfaction à cet
homme de le voir souffrir. Il voyait en mettant sa tête sur le côté la
substance de son corps remplir la seringue petit à petit, augmentant la douleur
à chaque graduation atteinte. Au bout de plusieurs minutes, le calvaire cessa
enfin. Vladimir semblait satisfait en observant le contenu de la seringue, puis
la rangea dans sa mallette, avant de la refermer. Puis, il se rapprocha de Ryan,
portant avec lui une autre seringue, plus petite.
« Bon, ce
n’est pas que je m’ennuie avec toi. Tu es une créature fascinante, et j’aurais vraiment
aimé t’emmener avec moi pour t’étudier plus en détail. Mais je manque de temps,
et surtout, ça a déjà été assez difficile de venir jusqu’ici sans tomber sur
une de ces autres créatures qui envahissent ton pays en ce moment-même, petit
à petit. Alors, avec toi… Il viendra un
jour où j’aurais besoin de revenir dans ce pays, pour en apprendre plus sur
elles. Mais je sais être patient. Une chose à la fois. »
Vladimir
enfonça la petite aiguille dans le corps de Ryan, qui vit ses yeux se fermer
peu à peu, tout en entendant Vladimir continuer :
« Tu
vas faire une petite sieste. Ça me permettra de partir sans que tu ne puisse
rien me faire. Une fois endormi, je te détacherais et tu seras libre de
continuer à faire ce que tu as à faire. Peut-être qu’un jour on se reverra toi
et moi. Mais ce jour-là, ça ne sera pas seulement pour une simple extraction,
tu peux en être certain. »
Vladimir
souriait à nouveau, alors que le produit de l’aiguille avait été entièrement
déversé dans le corps de Ryan, et c’est tout juste s’il entendit celui-ci dire
encore quelques mots :
« Bonne
nuit. J’ai hâte qu’un jour on puisse se revoir. J’aurais sans doute pas mal de
chose à t’expliquer sur ton rôle dans toute cette histoire, et la manière expliquant
que je te connaisse si bien, toi et ta race. »
Puis, les
yeux de Ryan se fermèrent totalement, et il retomba à nouveau dans une sorte de
trou noir. A son réveil, Vladimir avait disparu, et il était à nouveau libre de
ses mouvements. Il avait du mal à croire qu’il s’était fait berner de cette
manière. Et il repensait à l’aura du cœur noir de Vladimir qu’il avait ressenti
quand ce dernier procédait à l’extraction d’un morceau de sa moelle épinière….
Il avait du mal à croire qu’un cœur aussi noir puisse exister… Mais il se
disait qu’il réfléchirait plus tard à ça. Il ressortit de la caverne pour se
mettre à l’air frais et respirer à pleins poumons, afin d’éliminer totalement l’effet
d’engourdissement qu’il ressentait encore quelque peu.
Dans le même
temps, au commissariat de la ville proche, une voiture du FBI se gara devant
celui-ci. Une jeune femme en sortit et demanda à voir le shérif chargé du poste.
L’agent chargé de l’accueil, une fois vu le badge de la femme, hocha la tête en
signe d’acceptation, et lui demanda de le suivre. Il la mena à un bureau quelques
mètres plus loin, cogna à la porte du bureau, et fit entrer la jeune femme, la
présenta à son supérieur, et referma la porte. Le shérif était plutôt surpris
de la visite d’un agent du FBI ici, alors que le pays était en proie à la
panique la plus totale. Il lui demanda la raison de sa visite. Celle-ci, d’un
air assuré, presque de dédain envers le shérif demanda à avoir accès à tous les
dossiers concernant le Dévoreur de Cœur traités par son prédécesseur, et ami de
son collègue qui avait été chargé de l’enquête de cette légende quelques années
plus tôt. Un temps l’air renfrogné, acceptant mal l’air hautain de la femme à
son encontre, il lui demanda pourquoi le FBI voulait reprendre cette enquête,
après ce qui s’était passé la dernière fois, ayant causé la mort de son
collègue et du précédent shérif.
La femme,
qui répondait au nom d’Agent Missie Calder, lui indiqua que cela ne le
regardait en rien, et que son rôle consistait à obéir à toute demande du FBI,
quelle qu’elle soit. Décidément, le shérif commençait à détester de plus en
plus cette femme, mais il n’avait pas le choix que de lui obéir, et lui montra
l’endroit où tous les anciens dossier de son prédécesseur concernant cette
affaire se trouvaient. Missie passa plusieurs heures à inspecter chaque
dossier, chaque document de l’enquête menée par l’ancien shérif et des agents qui
avaient été mandatés par le FBI pour résoudre cette affaire, et qui s’était
fini par la mort des 3 enquêteurs. Cette simple pensée lui fit verser une petite
larme sur le coin de l’œil. L’un des agents, Ryan, était son frère, et le jour
où elle avait appris la mort de ce dernier, elle avait cru que sa vie s’était
arrêtée. Ou plutôt sa disparition, puisque son corps n’avait jamais été
retrouvé, contrairement à celui du shérif, retrouvé sur la route du pêché. Pendant toutes ces années,
elle avait trimé dur pour obtenir son diplôme d’agent du FBI, avec tout le temps
l’idée en tête de comprendre la disparition de son frère. Elle voulait des
réponses. Plusieurs fois, elle avait fait la requête de reprendre l’affaire
auprès de ses supérieurs, mais ils avaient toujours refusés. Et plus encore
actuellement, alors que le pays était en crise, et qu’ils ignoraient le temps
que cela prendrait pour s’en sortir. S’ils y parvenaient.
Elle avait
bien sûr entendu parler de cette invasion de sirènes et de tritons. Au début, quand
les infos ont commencé à en parler, elle avait pris ça pour une mauvaise
blague. Mais elle avait vu ensuite les images des massacres. Ces corps dont les
têtes étaient arrachées à la main par des créatures de cauchemar. Dire qu’elle adorait
quand son frère lui racontait « La Petite Sirène » quand elle était
gosse… Du coup, comme elle ne pouvait pas avoir l’aval de ses supérieurs, elle
avait décidée de passer outre, et de se rendre ici sans le consentement de ces
derniers. Elle savait qu’elle risquait de lourdes sanctions pour ça, voire être
purement et simplement renvoyée du FBI pour insubordination, mais peu lui importait.
Elle voulait savoir. Par tous les moyens. Et puis, un sourire illumina soudain
son visage. Elle avait trouvé ce qu’elle cherchait. Dans un dossier caché. La
carte numérique de la région avec l’emplacement supposé de la grotte du
Dévoreur de Cœur. Quand elle avait cherché à se renseigner sur cette affaire,
elle avait bien senti que ça dérangeait. Elle s’était sentie dans la peau d’une
version féminine de Fox Mulder. On lui avait juste dit que son frère et le shérif
qui l’aidait dans son enquête était sur la piste d’une grotte où sévissait
cette soi-disant créature. Mais que ça n’avait mené à rien…
Mais maintenant
qu’elle savait où se trouvait cette grotte, elle sentait qu’elle était près de
son but. Elle demanda au shérif de lui adjoindre un co-équipier pour se rendre
à la grotte. Au début, le shérif refusa net qu’un de ses hommes poursuive une
chimère. Qu’il n’était pas comme celui qui l’avait précédé. Le Dévoreur de Cœur,
lui, il n’y croyait pas. C’était juste un Serial Killer très organisé et surtout
un malade mental de premier ordre. Cependant, Missie insista, rappelant son
devoir envers elle de lui fournir toute l’aide qu’elle demandait, sous peine de
sanctions envers lui, si elle rapportait qu’il avait refusé sa demande. Le shérif
marmonna, puis demanda à un de ses hommes d’accompagner l’agent Calder. Ce
dernier, un nommé Spike, la suivit, et ensemble ils se rendirent à la fameuse
grotte. Pendant le trajet, elle sentait bien que Spike n’arrêtait pas de la
dévisager, scrutant son corps de toute part, comme si elle n’était qu’un objet.
Visiblement, il ne devait pas avoir vu une femme depuis un moment. Elle se
retenait de lui dire ce qu’elle pensait de son attitude, alors que celui-ci
pensait être discret dans son mode de prédateur en quête de proie à ajouter à
son tableau de chasse. Mais elle n’eut pas à lui dire quoi que ce soit à ce
sujet, car ils étaient arrivés sur place.
Ils avancèrent
prudemment, tout en observant autour d’eux, scrutant et écoutant le moindre
bruit suspect. Ils entrèrent dans la grotte, toujours avec prudence. Mais rien.
Aucun bruit ne semblait se faire entendre. S’il y avait une créature qui vivait
ici, elle était absente de toute évidence. Rangeant leurs armes, Missie et Spike
s’affairèrent à inspecter l’intérieur de la grotte. Découvrant les reliques
macabres qui y étaient installées, occasionnant un sentiment de dégoût à Spike.
Puis, alors que Missie s’était dirigé vers l’autre partie de la grotte, Spike
vit une ombre bouger dans un recoin de
la grotte. Puis, une silhouette s’avancer peu à peu vers lui. Il demanda à la
silhouette de s’arrêter, mais celle-ci n’obéissait pas. Alertée par les cris de
Spike, Missie revenait sur ses pas, se dirigeant vers la direction où se
trouvait ce dernier. Spike jeta un œil succinct vers Missie, pendant que la
silhouette arrivait dans la lumière. Elle se rapprochait toujours plus de Spike,
qui était dans une panique totale en voyant ce qui se trouvait devant lui, et
découvrant que la légende du Dévoreur n’était pas un conte pour enfant. Il tira
un premier coup de feu, mais la peur lui fit manquer sa cible, finissant dans
le fond de la grotte. Il tira à nouveau, manquant encore. Ses mains tremblaient
tellement qu’il était incapable de viser quoi que ce soit. Missie était
arrivé à son niveau, se plaçant devant son co-équipier totalement paralysé par
la peur, pendant que la créature n’était plus qu’à quelques mètres devant eux.
Soudain, cette dernière s’arrêta net, avant de se mettre à parler :
« Missie ?
C’est toi ? Que… Qu’est-ce que tu fais ici ? »
Missie
semblait ne pas comprendre. Comment cette créature pouvait la connaitre.
« Missie…
C’est moi…. Ryan. Tu… Tu ne devrais pas être ici…. Enfuis-Toi…. Je… Je ne veux
pas te faire de mal… »
Puis,
observant Spike, tremblant comme une feuille, il reprit :
« Par
contre, lui doit mourir…. Son cœur noir me l’impose… »
Missie eut
alors un choc en voyant le regard de la créature. Troublée par les mots de
cette dernière, elle sentait que c’était bien Ryan devant elle, aussi
improbable que cela devait être. Elle ne pouvait pas l’expliquer, mais elle
savait, rien que par son regard, que c’était lui ».
« Ryan ?
C’est…. C’est impossible…. Comment es-tu devenu cette… Chose ? »
« Ce
serait trop long à t’expliquer… Tu dois partir…. Et me laisser tuer ton co-équipier… »
Missie avait
les larmes aux yeux, à la fois pour avoir retrouvé son frère, et aussi pour
avoir découvert qu’il était devenu un monstre.
« Je ne
peux pas te laisser faire ça. Laisse-moi t’arrêter. Et on trouvera une solution »
Ryan la
suppliait, alors qu’il voyait Missie s’approcher, son arme toujours pointée
vers lui :
« Non !
Ne me regarde pas ! Ne regarde pas mes yeux plus encore ! Sinon, tu
vas sombrer dans la folie ! »
Missie semblait
tétanisée, dans l’incompréhension totale. Ryan en profita pour s’éclipser sur
le côté, afin de ne pas plonger son regard dans celui de Missie, et assomma celle-ci,
qui tomba au sol. Karl s’approcha alors de Spike, qui était tombé à genoux, lui
demandant de ne pas le tuer. Mais pour toute réponse, Karl s’avança plus
encore, et d’un coup, plongea sa main dans le torse de l’agent de police, extrayant
son cœur, avant de le ressortir, enlevant toute vie de ce dernier, dont la tête
s’abaissa sur son corps. Il posa le cœur un instant, avant d’arracher un morceau
de tissu de l’uniforme de Spike, afin de s’en servir comme bandeau, qu’il posa
sur les yeux de Missie. Quand celle-ci revint à elle, elle était assise au sol,
les bras et les jambes attachées, avec un bandeau sur les yeux. Ryan s’adressa
à elle :
« Un jour,
je t’expliquerais tout Missie. Pourquoi je suis devenu le Dévoreur de Cœur, mon
rôle, et plusieurs autres choses. Mais pour l’instant, tu dois me promettre de
ne rien dire de tout ça à quiconque. Spike est mort. Je mettrais son corps sur
la route du pêché plus tard. »
Il voyait
des larmes sortir de sous le bandeau de sa sœur.
« Tu
dois partir, maintenant. Je vais détacher tes liens. Mais tu ne dois surtout
pas enlever ton bandeau. Je vais te ramener à la voiture qui t’a emmené ici. Tu
me le promets ? »
Missie,
pleurant toujours plus, hocha la tête. Ryan défit ses liens, comme promis, et
la fit s’installer au volant de la voiture.
« Tu as
entraperçu mon regard. Pas suffisamment pour voir la folie s’installer en toi. Mais
assez pour que nous soyons connectés. Je te promets de te contacter télépathiquement
pour tout t’expliquer dans les prochains jours. Mais aujourd’hui tu dois partir… »
Missie hocha
à nouveau la tête, pendant que Ryan lui recommanda d’attendre quelques minutes
avant d’enlever son bandeau et partir. Ce qu’elle fit. Sans chercher plus à
comprendre. Ryan observait dans la pénombre de sa grotte la voiture s’éloigner.
Il était heureux et triste à la fois. Plus tard, Missie rejoignit la ville, se
dirigeant vers le commissariat. Mais quelque chose lui semblait bizarre. Certes
ce n’était pas une grande ville, mais tout de même : il n’y avait aucune
trace de qui que ce soit dehors. Elle se gara. Et entra dans le commissariat.
Et là, elle crut être entrée en enfer. Devant elle, des dizaines de corps
gisaient au sol dans d’immenses flaques de sang, des bras, des jambes étaient séparées de leur corps, des
têtes écrasées. Les sirènes ! Les sirènes étaient ici ! Sans s’attarder,
elle se retourna, et voulut courir vers la voiture. Mais elle sentit alors une
main traverser sa tête de part en part, projetant ses yeux hors de ses orbites
loin devant, tombant sur le sol. Puis la main de cauchemar relâcha son emprise,
laissant tomber le corps de Missie sur le sol, pendant que l’être responsable
de sa mort, se penchait vers elle, et commençait à la dévorer.
Au même
moment, dans sa grotte, Ryan était aux portes du désespoir. Du fait de sa connexion
récent avec sa sœur, il l’avait vu mourir comme si elle était devant elle, tuée
par cette sirène ou ce triton, il n’était pas sûr. Il resta prostré au sol plusieurs
minutes avant de se relever, levant le poing au ciel, maudissant le clan des sirènes
pour leur acte, et jurant qu’il leur ferait payer leur crime un jour. Il savait
cependant que son rôle se limitait à tuer uniquement les humains au cœur noir.
Quelque chose en lui l’empêchait de tuer qui que ce soit d’autre. De plus, il
ne pouvait quitter la route du pêché. C’était son territoire. Son terrain de
chasse. Et désormais, sa malédiction. Jamais il ne pourrait venger la mort de
Missie. Et il tomba à nouveau en larmes dans la pénombre de sa grotte. Ryan ne le savait pas encore à ce moment-là,
mais d’ici plusieurs années, il allait de nouveau croiser Vladimir. Un Vladimir
différent. Possédant plus de connaissances à même de lui permettre de changer
sa nature. Il modifierait ce qui l’empêchait d’aller à l’encontre de sa nature.
Il lui donnerait la possibilité d’obtenir réparation pour l’acte odieux dont
avait été victime sa sœur. Il serait capable de tuer autre chose que des
humains au cœur noir….
Publié par Fabs