22 sept. 2021

LES MONTAGNES DE TITAN

 

 

 

Journal de bord de la station Titan-III. Année stellaire 145.4. 10 h 12 :

 

Cela fait maintenant 5 jours que mes réserves de nourriture sont au plus bas. La viande et les légumes lyophilisées, les fruits secs et les apports nutritifs complémentaires, normalement réservés aux cas d’urgence sont tous épuisés. Il ne reste que quelques boites de soupes en poudre, et l’équivalent de 2 semaines d’eau reconditionnée, issu de la station Titan-I, obtenue grâce au filtrage de l’eau de l’océan intérieur. Les créatures au-dehors ayant complètement détruits les antennes de communication me permettant d’avoir un lien avec les 5 autres stations, je n’ai plus de moyens d’indiquer le siège de la station. Combien de temps pourrais-je tenir encore ? Je l’ignore.

 

Tout dépendra de la résistance des parois face aux pattes des Smilotalpides, mélange de tigre à dents de sabre, tel qu’on en voyait au Pléistocène, sur la Terre, mais porteurs de pattes démesurées, et comportant des griffes semblables à celles des taupes. Sauf que ces griffes ont une dureté équivalente au diamant, leur permettant de creuser des surfaces rocheuses comme on tranche du beurre.  Mais il y a pire que ces monstres de cauchemar : les Lycocides. Ces bestioles aux corps de loups, mais dotés d’une tête de fourmi, ainsi que des pattes propres à cette espèce terrestre, et capables de transpercer des corps comme s’il s’agissait de feuilles de papier. Ces monstruosités pouvant projeter des substances acides pouvant faire fondre n’importe quel corps organique, et des matières parmi les plus solides également.

 

J’ai déjà vu à plusieurs reprises de quoi était capable l’une de ces calamités, et plusieurs de mes collègues y ont laissés la vie de manière horrible, finissant dans leur estomac, croqués comme des biscuits apéritifs. J’entends encore dans ma tête leurs cris déchirants alors que leurs corps étaient broyés en quelques secondes. La seule raison qui fait que je peux encore dicter ce journal, c’est le fait que les parois de la station sont en Q-Carbone, un matériau plus dur que le diamant. Vous n’imaginez même pas à quel point je remercie les scientifiques de génie qui ont mis au point cette bénédiction.

 

Je me rappelle des premiers articles sur Terre qui relatait de cette découverte par une équipe de recherches d’une Université de Caroline du Nord. A l’origine, sa fabrication est venue à la suite de la découverte et l’existence du Q-Carbone à l’état naturel, en plein cœur du noyau terrestre. Une expédition scientifique de grande envergure qui a fait passer le roman de Jules Verne « Voyage au Centre de la Terre » de l’état de fiction à celui de réalité. Sauf qu’il n’y avait pas de champignons géants et de dinosaures en son sein. Mais, en revanche, l’expédition a bel et bien découvert un océan intérieur, quasiment semblable à celui révélé par les précurseurs de nos équipes sur Titan. Un océan où soufflaient des vents contraires pouvant faire passer ceux de l’ouragan Katrina, en 2005, pour une brise légère, tellement ils sont puissants. L’un d’entre eux a été mesuré atteignant les 367 Km/h, capable de balayer des villes entières s’il se formait à la surface de la Terre, voire tout un continent à lui tout seul, en seulement 2 ou 3 jours.

 

A titre de comparaison, Katrina a dévasté la Louisiane durant les 9 jours de son existence. C’est durant cette expédition que le Q-Carbone a été découvert. Devant l’impossibilité d’en extraire des échantillons, faute de matériel adéquat sur place, les scientifiques ont dû se contenter de bribes du minerai, arrachés par les vents, et présents sur une sorte de terre aussi molle qu’un tapis de mousse. C’est à partir de ces minuscules morceaux que le Q-Carbone créé par les chercheurs de l’Université a vu le jour. Et ses capacités, sa résistance, ses multiples utilisations potentielles dans des dizaines de domaines ont révolutionnés le monde scientifique. Si le développement de cette version artificielle du Q-Carbone a été préféré à une extraction en masse du naturel, présent dans le noyau terrestre, c’est pour une raison évidente.

 

Le Q-Carbone fait partie intégrante de la stabilité du noyau de la Terre. Une extraction en grande quantité aurait pu, à plus ou moins long terme, avoir des conséquences sur l’équilibre de rotation de la Terre, voire même de sa structure. Il était impossible d’envisager de risquer de voir s’effondrer la planète sur elle-même, en fragilisant son noyau. D’où l’idée de le recréer de manière artificielle. Et très vite, son utilisation pour les missions d’ordre spatial est vite devenue une évidence. Lors de la mission qui nous a précédés, l’ultime message du dernier survivant a fait apparaître que Titan, malgré ses nombreuses possibilités de colonisation, comportait des risques qui ne pouvaient être pris à la légère. Il fallait trouver des matériaux capables de résister aux éventuelles attaques des créatures peuplant le satellite de Saturne.

 

On savait déjà, grâce au rapport envoyé, que de nombreuses créatures dangereuses peuplait l’océan intérieur de Titan, dont ces sortes de Scorpions géants ayant décimé la quasi-totalité de l’équipe qui avait pour mission de fiabiliser la possibilité d’établir des colonies humaines sur Titan. Une situation devenue urgente, l’effet de serre englobant la planète Terre étant alarmante depuis que la moitié des pôles ont fondus, provoquant une montée du niveau des océans terrestres plus que préoccupante, ainsi que des catastrophes naturelles en pagaille. Des Tsunami dévastateurs, créant un bouleversement des plaques tectoniques, donnant naissance à des éruptions volcaniques de grande ampleur, des tremblements de terre de plus en plus fréquents, des glissements de terrains rayant de la carte des régions entières…

 

 La colonisation de Titan était bien plus qu’une simple possibilité de survie de la race humaine, ailleurs que sur la planète qui avait donné vie à l’humanité. C’était devenu une nécessité absolue pour que l’homme ne disparaisse pas, et fasse partie de l’histoire à tout jamais. Ce matériau, le Q-Carbone, était un vrai miracle pour permettre que la colonisation de Titan, premier choix des scientifiques pour exporter la race humaine, devienne une réalité. D’autant qu’il n’y avait pas que le problème de fonte des pôles. Le soleil donnait des signes évidents de baisse de vitalité. Les vents solaires n’ayant plus la même intensité depuis les derniers relevés des équipes chargées de surveiller son état. Tout ça pour dire à quel point la réussite de notre mission d’établir des stations sur Titan, étudier la flore, l’atmosphère, établir la mise en place de centres d’épuration de l’air, et contrer les attaques des différentes espèces animales sur sa surface et au sein de l’océan intérieur, était une nécessité complète.

 

Mais à ce moment, nous étions loin de nous douter de la dangerosité de ladite population animale, et de sa densité. 6 stations au total ont été érigées. Une sur la surface de l’océan intérieur ; une au centre de la plus grande masse rocheuse, véritable chaine de montagnes concentrée en un seul point ; une à la lisière de la région des immenses dunes de Titan, dans sa région équatoriale ; une autre en plein cœur des plaines, dans les moyennes latitudes ; une dans la région des lacs de méthane ; et enfin la dernière se situant dans une zone constituée de véritables labyrinthes naturels, qui ferait passer le Grand Canyon pour une ébauche, tellement leur complexité est juste incroyable.

 

A ces stations se rajoutent 4 centres d’épuration de l’air, situés aux points cardinaux de l’astre. Cela a pris plusieurs mois pour mettre en place tout ce système d’ingénierie sophistiqué, fruit de plusieurs expéditions s’étant suivies à quelques semaines d’intervalle, peuplées des plus grands spécialistes en matière spatiale et géologique. D’éminents chercheurs en espèces animales, dont de nombreux cryptozoologues ; des grands noms de la flore… Autant dire la crème de la crème de l’intelligentsia humaine, disséminée sur tout Titan. Et pendant ces nombreux mois à élaborer ces stations, rapatrier le matériel permettant de les faire fonctionner, nous n’avons pas remarqué d’incidents notables de la faune avoisinante. A dire la vérité, celle-ci semblait se mettre à l’écart de nos activités, comme si elle nous observait de loin, jugeant de nos capacités à les dominer ou non.

 

C’était une situation qui était plutôt à notre avantage, et qui nous a permis de construire les différentes stations sans grandes difficultés, mis à part quelques attaques d’espèces plus hardies que les autres. Mais il s’agissait de petites créatures sans véritable danger pour nous, car facilement maitrisables. Et nous pensions même qu’en dehors des créatures géantes évoquées dans le rapport de la première expédition, il ne devait pas y avoir de créatures véritablement dangereuses pour l’homme, en termes de puissance et de volonté destructrice.

 

Nous avions tort à un niveau qu’il est difficile de notifier… Une fois les stations opérationnelles, il nous fallait étudier le terrain environnant, et chacune des stations a mis en place des équipes d’exploration. Des équipées facilitées par l’air devenu plus propice à l’établissement de futures villes et cités peuplées de civils, plus propre, n’ayant que rarement le besoin de tenue appropriées, suivant les différentes zones de Titan. C’est surtout la région des lacs et ses émanations de méthane qui posait le plus de problème à ce niveau, et la région des montagnes et ses hautes altitudes, dont la population animale se terrait et avait donc échappée à tout relevé des drones sillonnant le ciel embrumé de Titan. C’était également le cas de la zone des labyrinthes, propice aux multiples cachettes.

 

Ces explorations étaient donc nécessaires pour étudier la faune de ces régions plus propices que d’autres à des espèces pouvant poser problème a la mise en place de la civilisation humaine sur Titan. Et ce fut notre plus grande erreur de croire que nous avions vus toute l’étendue des dangers qui se trouvait sur son sol. Les premiers échos vinrent de la station océanique qui découvrirent que les scorpions géants étaient loin d’être les seuls animaux gigantesques qui peuplaient les eaux de Titan. Des équivalents des mythiques Krakens furent aperçus, détruisant de leurs tentacules les bathyscaphes d’exploration. D’autres créatures géantes semblables à des méduses, des homards, ou des tortues, à des niveaux de dangerosité divers, furent également signalées.

 

Dans la région des lacs, des créatures constituées de méthane liquide sortaient de l’eau, dotées de capacités qu’on aurait cru capable n’exister que dans les romans de science-fiction les plus improbables, capables de noyer leurs proies, en les enveloppant de leurs « corps ». La zone des labyrinthes permit de mettre à jour l’existence de créatures se fondant dans la roche, sortes de golem de pierre aux hauteurs inimaginables, ainsi que des créatures ailées dignes des récits de Lovecraft. La région des dunes était elle peuplée de sortes de crocodiles ou équivalents, maitrisant des capacités identiques aux caméléons, des variations d’iguanes ou de fennecs, et même, aussi dingue que ça paraisse, des animaux semblables aux mythiques dragons, mais avec un corps proche du serpent, se mouvant dans le sable, comme s’il s’agissait d’une étendue d’eau. Chaque zone en fait était le théâtre de découvertes toutes aussi dangereuses les unes que les autres. Et si ces créatures s’étaient révélées discrètes quand nous en étions à l’étape de la construction des stations, elles se révélèrent très vite plus propice à se rapprocher de celles-ci, et nettement moins « timides » quant à leur potentiel d’agressivité.

 

Certains d’entre nous avaient des formations militaires, ce qui a évité des drames à plusieurs de ces expéditions, et limitées les pertes, mais face à des monstres, seule la fuite était envisageable, dès lors que les expéditions tombaient dessus, et l’utilisation des armes ne servaient qu’à distraire ces bêtes monstrueuses, plus que pour espérer leur faire le moindre dégât, au vu de la taille de nombre d’entre elles. Si Titan avait donné des signes d’émerveillement et de semblant de paradis insoupçonné au départ, toutes ces découvertes faisaient se transformer notre projet de colonisation et de vie en succursale de l’enfer, tellement la faune qui nous entourait était un véritable cauchemar sur pattes. La station où je tente de survivre à l’heure où je dicte ce journal ne fut pas exempte de toute cette folie. Et même pire que les autres.

 

Car contrairement aux autres stations où les attaques se sont limitées aux sorties des équipes pour l’exploration, nous avons dû subir, suite, nous aussi, à une expédition extérieure, une attaque pure et simple. Certaines parties de la station n’étant pas dotées de structures en Q-Carbone, car ne renfermant pas des ailes primordiales à une sécurité accrue, ont été littéralement annihilées par les créatures dont je vous ai parlé au début de ce récit. Peut-être que si nous n’avions pas mis en place cette sortie dans les montagnes, je ne serais pas le seul à vous conter ce qui s’est passé. Mes compagnons n’auraient pas été tués les uns après les autres, et surtout je ne serais pas à craindre que les armes naturelles dont disposent les Smilotalpides et les Lycocides parviennent à avoir raison des différentes couches superposées de Q-Carbone protégeant l’aile principale où je me suis réfugié pour leur échapper.

 

 Dire qu’il y avait encore quelques jours, nous ignorions l’existence même de ces bestioles cauchemardesques… Si nous avions su à l’avance ce que cachait les cavités de ces montagnes, jamais nous ne serions allés là-bas. Seulement voilà, nous avions des objectifs à respecter, et nous étions la seule station à ne pas avoir effectué d’exploration. Mais au vu des rapports venant des autres stations, nous n’étions pas vraiment motivés pour découvrir on ne sait quoi dans notre zone. C’est un ordre impératif venant de nos supérieurs de la Terre qui nous ont quelque peu incités à faire comme les autres, malgré les dangers que cela impliquait, ignorant quelles créatures pouvaient se cacher dans notre secteur, et surtout leur niveau de dangerosité. Nous n’allions pas tarder à le savoir…

 

 Le lendemain de l’ordre donné par les instances terriennes, nous avons donc monté notre équipe, dont je faisais partie, et sommes donc allés au cœur des montagnes. Il nous fallut deux jours de marche harassante pour parvenir au sein même de ces montagnes. Une fois arrivés, nous nous sommes demandé si nous n’étions pas sur une autre planète, tellement le paysage qui nous entourait n’avait aucun sens. Entendez par là d’un illogisme total. 

 

Près de la station, dans les strates inférieures des montagnes de Titan, l’air était aride, le sol sec, sans la moindre végétation. Que des rochers à perte de vue, en dehors d’un petit ruisseau, véritable anachronisme naturel. Mais une fois dans les hauteurs, nous nagions dans l’invraisemblable. D’un côté, il y avait une végétation propre à une prairie, et de l’autre une zone envahie par la glace, et soufflée par des vents glacials. On avait l’impression d’un montage photo pour une couverture d’un documentaire du National Geographic. On a d’abord opté pour la partie « verte », qui était plus attirante à nos yeux. Mais cette beauté se révéla trompeuse, car dans ses flancs se cachait la pire des horreurs.

 

Deux jours plus tard, nous avions établi un petit campement au pied d’un pic. Une nouvelle preuve de bizarrerie : alors que nous étions installés au milieu d’une herbe orangée, mais néanmoins dotée de senteurs très agréable, les hauteurs des pics étaient parsemées de glace. Un anachronisme de plus sur cet astre. L’un des membres de notre expédition, Franz, ayant aperçu une petite grotte sur le flanc, près de notre campement, décida de s’y rendre, afin de prélever des échantillons de roche. Plusieurs heures passèrent, et Franz ne revenait pas. Inquiets, surtout connaissant les dangers possibles qui pouvaient se présenter à nous à tout instant, nous décidâmes de partir vers la grotte qu’il nous avait indiqué. Arrivés devant celle-ci, nous nous mîmes à l’appeler, pensant qu’il s’était peut-être juste blessé dans un coin de la grotte, et que son matériel pour nous contacter était trop éloigné de son lieu de chute pour avoir pu nous prévenir de son problème.

 

Mais en fait, nous découvrîmes que son problème était bien plus important qu’une simple chute. Ou plutôt, il n’aurait plus jamais le moindre problème… Au bout d’un instant, nous vîmes sortir de la grotte une créature monstrueuse. Une immense fourmi. Sauf que son corps ressemblait plus à celui d’un canidé. Un loup pour être précis. Mais un corps de loup équivalent à une hauteur d’au moins 10 mètres de hauteur. D’où sortait des pattes gigantesques de ses flancs, dotées de crochets sur toute leur longueur. La tête était, elle clairement celle d’une fourmi, mais avec des yeux plus proches de ceux d’un frelon ou d’une abeille. Et des mandibules où se tenait le corps en lambeaux de Franz. Ce même corps qui semblait fondre, se liquéfier, dont les morceaux liquides tombaient au sol, formant une boue horrible et rougeâtre, où se mêlait une sorte de liquide visqueux et noir. Sans doute la substance issue de la créature qui avait fait fondre le corps de Franz.

 

La créature s’arrêta un court instant, comme pour nous observer, ou nous défier. Puis, d’un coup, elle trancha ce qui restait du corps de Franz en deux, éparpillant les deux extrémités de part et d’autre sur le sol. L’instant d’après, elle ouvrit sa gueule, et émit une sorte de sifflement assourdissant, comme un cri prévenant de son attaque imminente, tel que nous le comprîmes juste après. Elle se mit à foncer vers nous. Pris de panique, sans même hésiter, nous nous mîmes à courir à toutes jambes, afin de lui échapper. Dans la course, je regardais derrière moi, histoire de voir si les autres parvenaient à la distancer. Je vis Anita et Ray se faire dépecer sur place, après avoir reçu à leur tour cette espèce de substance, cet acide. Ils hurlaient de douleur d’une manière tellement atroce que c’était à peine supportable à entendre.

 

Voyant ça, je courais de plus belle, quand j’entendais une sorte de grondement abominable derrière moi. Je me retournais pour voir d’autres créatures du même type se ruer vers ce qui restait de notre équipe. Cependant, elles semblaient s’intéresser aux corps d’Anita et Ray, donnant l’impression de se battre entre elles pour obtenir la meilleur « part ». Profitant de leur querelle, moi et les 4 membres restants de l’expédition parvinrent à augmenter la distance nous séparant de ces monstres de cauchemar. Nous parvînmes presque à la partie surplombant la station, quand descendant des cimes à toute allure, une autre espèce se rapprocha de notre groupe. On aurait dit un de ces tigres à dents de sabre dont j’adorais mettre des posters dans ma chambre étant enfant. Un smilodon.

 

Sauf que celui-là possédait des pattes qui faisaient plus penser à ceux d’une taupe, possédant des griffes énormes, dont chaque pression sur la roche creusait des trous, provoquant des fissures sur la paroi au fur et à mesure de sa course vers nous. Accentuant notre course pour parvenir à lui échapper, nous ne fîmes pas attention à ce qui se trouvait devant nous. Deux autres créatures du même type se trouvaient juste en face. Et sans qu’on ait eu le temps de réagir, celles-ci se jetèrent sur Javier et Trish, les déchiquetant de leurs griffes, lacérant leurs corps, dévorant leurs organes mis à nu, pendant que j’entendais la 3ème créature lancer une sorte de rugissement, juste avant que j’entende les cris de Karol, signe qu’elle aussi était sur le point de perdre la vie. Il ne restait qu’Henrik et moi.

 

Profitant de l’arrêt des créatures, trop occupées à dévorer nos collègues pour prêter attention à notre course, nous nous mîmes à accélérer la cadence, parvenant à la station où les autres membres nous accueillirent. En proie à la panique la plus totale, nous expliquâmes ce qui était arrivé. Les créatures qui peuplaient les montagnes, la mort de Franz, puis des autres, et de la nécessité de se regrouper dans le centre de la station. Quand les autres me demandèrent pourquoi, je leur précisais la teneur acide du liquide projetés par les créatures ressemblant à des fourmis, auquel je donnais le nom de Lycocides, du fait de ce mélange loup-fourmi. Si ces créatures avaient l’idée de venir jusqu’ici, et projetait cet acide contre les parois, qui sait si celles-ci ne fondraient pas elles aussi.

 

 Les autres rétorquèrent qu’il y avait peu de chance que des créatures ayant l’habitude de vivre dans les hauteurs descendent aussi bas, et aussi éloigné de leur lieu de vie. Mais c’était un raisonnement pour des créatures vivant sur Terre. Titan et son environnement, tout comme sa faune, n’avaient rien en commun avec un tel raisonnement. Et malheureusement, ce que je craignais se confirma. Sans doute attirées par la perspective d’obtenir d’autres mets de choix, nous vîmes bientôt toute une horde de Lycocides, ainsi que plusieurs autres Smilotalpides, que j’avais nommé ainsi avec le même raisonnement que l’autre espèce, du fait de leur mélange Tigre à dents de sabre-Taupe, foncer à toute allure vers la station.

 

 L’alarme fut déclenchée, afin de prévenir les autres occupants de la station du danger. Mais le temps que chacun réagisse, les créatures étaient déjà sur place. Il y avait des dizaines et des dizaines de Lycocides, qui, toutes, se mirent à projeter leur acide sur les flancs de la station. Les murs se mirent à fondre automatiquement, laissant des brèches immenses, dont profitèrent les Smilotalpides pour s’engouffrer à l’intérieur de la station, attaquant ceux se trouvant sur leur route, réduisant les corps en bouillie, projetant sang sur les murs et le sol, alors que les autres occupants de la station, en proie à la panique se dispersaient dans toutes les directions. Bien que nous étions dans une région moins soumise aux gaz extérieures, celle-ci n’en était pas démunie pour autant, et bientôt, le méthane et l’éthane envahirent l’intérieur de la station.

 

Ce fut un carnage sans nom. Ceux qui n’étouffaient pas à cause des gaz, n’ayant pas les tenues qu’Henrik et moi portions, suite à notre sortie extérieure, étaient dévorés par les meutes de créatures. Les lycocides déversant leur acide un peu partout, sur les toits où elles montaient, sur les murs, sur le sol, créant toujours plus d’ouvertures, multipliant les morts par dizaines. Partout, Henrik et moi, courant vers le centre de la station, entendions derrière nous les cris mélangés de terreur, de craquements d’os, de gerbes de sang se déversant sur les parois, des murs s’effondrer au passage des créatures géantes. Nous étions tous les deux presque arrivés à notre objectif, et ses contours parsemés de Q-Carbone de différentes couches, espérant que cela serait suffisant pour contrer l’acide des Lycocides.

 

Arrivés au sas d’ouverture de la section, je composais le code d’ouverture. Je me retournais, prêt à dire à Henrik que nous étions tirés d’affaire, quand je vis le visage de ce dernier transpercé par une des pattes de l’un de ces monstres dans un bruit effroyable d’os brisé. J’eus tout juste le temps de lui faire un adieu de la tête, avant de m’engouffrer dans la zone où je comptais survivre à cette attaque. Une fois à l’intérieur, je mettais en place le système d’urgence, et immédiatement, plusieurs parois descendirent du plafond pour se positionner devant le sas me séparant du reste de la station.  Je n’entendais plus le moindre son de ce qui se passait au-delà des parois, et c’était sans doute mieux ainsi.

 

C’est ainsi que je me suis retrouvé à dicter ce journal, pour qu’au moins ceux qui nous relaieront et entreprendront de réparer les dégâts de la station, si tant est que cette station bénéficie d’un renouveau, sache ce qui est arrivé. Et surtout aient connaissance des créatures qui sont au-dehors, prêtes à revenir si jamais elles s’aperçoivent que d’autres morceaux de viande sont à portée de leurs gueules de cauchemar. Le mieux serait sans doute de renoncer à toute reconstruction et surtout de ne plus mettre en place de nouvelles expéditions dans la région. Mais je ne me fais pas d’illusion quant à la compassion de mes supérieurs. Quel que soient les risques, pour eux, cela vaut mieux que l’extinction prochaine de la race humaine quand les pôles auront totalement fondu, et le soleil se sera éteint. Mais échapper à un cataclysme imminent sur la Terre, ou mourir sur Titan de manière atroce par une faune d’une telle ampleur et ultra agressive et meurtrière, je me demande ce qui est le mieux ?

 

 Tout ce que j’espère, c’est que ce journal permettra de savoir comment faire face à ces monstruosités que sont les habitants des montagnes de Titan. Et je me demande aussi ce qu’il adviendra de notre avenir sur Titan si les autres stations subissent des attaques analogues, par d’autres créatures toutes aussi puissantes et destructrices… Sans compter que nous n’avons exploré qu’un seul des côtés des montagnes. Qui sait quelles autres créatures de mort vivent du côté de la partie glacée ? Mais je vais finir ce journal ici. Car la question que je me posais quant à la possibilité que les Lycocides puissent percer les couches de Q-Carbone avec leur acide vient de trouver une réponse. Une réponse qui fait plusieurs mètres de hauteur et qui se rapproche de moi…

 

 

 

Année stellaire 145.6. Heure de la mort du dernier survivant : 16 h 27.

Bilan Pertes de la station : 134 Victimes.

Découverte de nouvelles espèces de Titan : 2.

Analyse de la procédure d’estimation des délais de reconstruction en cours….

 

Analyse terminée…

 

Prochaine Station des Montagnes de Titan opérationnelle dans 3 mois, 22 heures, 14 Minutes et 34 secondes, après mise en place d’une barrière de protection électro-statique au pied des montagnes, pour éviter tout nouveau désagrément…

 

Fin du Rapport interne de l’IA N° 2378-89-S.

 

Prochain Épisode : Les Dunes de Titan

 

Publié par Fabs

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