27 sept. 2021

LA DAGUE DE LA NOIRCEUR

 


 

Les ténèbres font déjà partie intégrante de moi, plus encore que les ombres de la nuit qui m’entoure, alors que je creuse sa sépulture, au milieu des brumes glaçantes de ces bois. Je n’ai plus de larmes, pour les avoir trop fait couler lorsque ceux auxquels je tenais ont été détruits par elle… Mon âme, je le sais, ne se remettra jamais de ce que j’ai subi par sa faute. Toutes ces morts qui ne le méritaient pas… Mon père, ma sœur, Karine... Au début, je ne pouvais croire à un changement si radical de sa personnalité… Mais au fur et à mesure que les victimes grandissaient, mon cœur auparavant si pur, a commencé à se bloquer. Le sang qui l’alimentait ne parvenait plus à avoir le flux nécessaire pour le faire fonctionner de manière rationnelle… J’ai essayé de sauver ceux qui étaient sa cible… Mais au final, ma peur à son encontre n’a rien pu faire face à cette tueuse implacable… Mon amour maternel a été brisé… Et il a fallu que quelqu’un d’autre que moi fasse le choix d’éteindre sa vie… Afin que ne naissent d’autres destins brisés par la perte d’un conjoint, de parents, d’un frère, d’une sœur, d’un fils ou d’une fille… Pour que le fil qui les relie ne soit pas coupé à cause d’elle…

 

Pourtant, au départ, elle n’était pas mauvaise… C’était même la plus adorable des mères. Aimante, coquette, toujours prête à rendre service, attentionné envers mon père et ma sœur… La mère idéale sous toutes ses formes… Et puis, il y a eu l’accident… Cette nuit-là, je l’avais pourtant mise en garde vis-à-vis de la météo… La radio avait annoncé une tempête qui allait déferler sur la région… Mais son bon cœur, son inquiétude au sujet de son père, qui était seul dans sa maison, et qui lui avait exprimé sa dépression au téléphone quelques heures avant, ont eu raison de sa prudence… Alors, elle a pris sa voiture, malgré nos suppliques d’attendre le lendemain, quand le temps serait plus propice à un tel déplacement, loin d’être anodin. Plus de 80 miles la séparait de la maison de son père… Un voyage long et éprouvant, surtout avec le temps qui s’annonçait. Mais elle n’a rien voulu entendre…

 

 Il lui était impossible de laisser son père plus longtemps en proie au démon de la peur et de la solitude… Un démon qui avait pris possession de lui depuis la mort de son épouse, 8 mois plus tôt, et qui le détruisait de l’intérieur à petit feu… Alors, elle est partie… Défiant le tonnerre qui s’abattait sur la région, qui brûlait des arbres par son feu, ravageant des cabanes instables dans les jardins, faisant monter le niveau des rivières, transformant les routes en couloirs d’eau, d’où on aurait presque pu voir surgir le dieu Poséidon en personne… Plusieurs fois, elle faillit verser dans un fossé, à cause des vents violents et de l’état de la route, ressemblant de moins en moins à ce que l’on attend d’un terrain fiable… Était-ce sa détermination ? Ou déjà une pointe de folie qui germait en elle ? Toujours est-il qu’elle semblait, à ce moment-là, protégée par un ange gardien invisible… Comment je peux savoir tous ces détails, me direz-vous ? Tout simplement parce que j’ai été assez fou, moi aussi, pour l’accompagner. Suivant les recommandations de mon père, qui n’était pas à la maison ce soir-là, bloqué par la tempête sur son lieu de travail, car étant plus prudent que quiconque. Lui ayant fait part par téléphone de l’intention de maman de partir sous le déluge, et étant dans l’impossibilité de la faire changer d’avis, il m’avait chargé de veiller sur elle. Arguant du fait qu’en cas d’imprévus, on ne serait pas trop de deux pour parer à toute éventualité, et puis ça doublerait les chances d’appeler à l’aide…

 

Je vous ai déjà dit qu’elle avait le cœur sur la main ? C’est à cause de ça que tout est arrivé… Sur le chemin, à la sortie d’un bois, à moitié enfoncé dans un talus, il y avait un autre véhicule… Un homme au volant, semblant inanimé… Alors qu’à ses côtés, une jeune fille d’une vingtaine d’années le secouait dans tous les sens, les larmes aux yeux… Ma mère a arrêté la voiture sur le bas-côté, bravant la tempête pour tenter de secourir l’homme et la fille. Et là… Tout s’est enchaîné… Ne pouvant ouvrir la portière côté conducteur, qui semblait bloquée, elle s’est alors dirigée vers l’autre porte. En entendant celle-ci s’ouvrir, et en voyant ma mère essayer de se faufiler à l’intérieur, espérant parvenir à ranimer l’homme au volant, la fille, complètement hystérique, sans doute à cause de la peur engendrée par le fait de voir celui qui s’est avéré être son père dans cet état, tel que nous l’avons appris par la suite, s’est mise à s’en prendre à ma mère, pensant qu’elle voulait lui faire du mal, à elle et son père….

 

Ma mère parvint à la contenir un moment, mais cette dernière s’empara alors d’une sorte de dague qui se trouvait dans la boite à gants, et planta la lame dans la poitrine de ma mère, qui s’affala en arrière, du sang coulant de la blessure en abondance… En voyant ça, je sortis à mon tour de notre voiture, me dirigeant vers la jeune fille en prise à une forme de folie, qui s’approchait de ma mère, lui donnant des coups de pied. Je me dirigeais vers elle en trombe, la faisant tomber à terre, alors qu’elle criait à tout rompre, me parsemant de coups moi aussi. J’eus toutes les peines du monde à la maîtriser, lui parlant, la rassurant du mieux que je pouvais… Cela prit du temps, mais finalement, je parvins à mes fins, et cette dernière se calma, me serrant dans ses bras, comme pour chercher du réconfort à ce qu’elle vivait, pleurant encore plus fort. Je réussissais à lui faire entendre raison, et la fis rentrer à l’arrière de la voiture de son père. Ça me semblait plus prudent que de la remettre à l’avant, où elle aurait vu de plus près son paternel toujours inconscient, au risque de la faire revenir à un état de panique incontrôlable. Je pus enfin m’occuper de ma mère, se trouvant dans un état plus qu’inquiétant, avec toujours la lame de cette étrange dague dans le corps. Ma mère me rassura sur son état, multipliant les demandes pour que je ne pleure pas, et me disant d’appeler le 911 tout de suite…

 

Un peu plus d’une heure plus tard, une ambulance arriva, alors que la tempête s’était nettement assagie, transportant ma mère et l’homme au volant. Un infirmier me prit en charge, moi et la jeune fille, afin de savoir les circonstances des faits. Le chemin pour nous mener à l’hôpital le plus proche me parut durer des heures… Mais nous arrivâmes enfin sur place, et là ma mère fut emmenée au bloc opératoire immédiatement, tout comme le père de la jeune fille. Celle-ci étant emmenée à part. Afin qu’elle puisse se remettre de ses émotions dans le calme, sans élément qui puisse lui rappeler son traumatisme qu’elle venait de subir. Quant à moi, j’attendais patiemment dans le couloir, attendant qu’un médecin vienne me rassurer quant à l’état de ma mère. L’attente dura plusieurs heures, ajoutant à mon angoisse. Et puis, une infirmière vint à ma rencontre, m’assurant que ma mère était sortie d’affaire, mais qu’elle devrait faire l’objet d’un repos et d’une surveillance prononcée pour plusieurs jours, avant que je sois autorisé à la voir. Je comprenais et j’acquiesçais de la tête, incapable de prononcer le moindre mot. C’est une patrouille de police qui me ramena chez moi, après avoir enregistré ma déposition, leur ayant assuré que je préférais le faire maintenant, pendant que j’étais encore en état de parler.

 

5 jours plus tard, l’hôpital nous contacta, mon père, ma sœur et moi, alors que nous étions dans un état d’angoisse permanent, nous assurant que ma mère était parfaitement remise, et qu’elle pourrait revenir chez nous d’ici une semaine, le temps pour les médecins de procéder à des observations supplémentaires, afin de s’assurer que tout allait bien. Mais que nous pouvions venir la voir, à condition de ne pas rester trop longtemps, pour ne pas la fatiguer. Mon père pris immédiatement la voiture et fonça vers l’hôpital, m’emmenant avec moi et ma sœur. Ma mère nous accueillit dans sa chambre avec le sourire, ravie de voir que nous étions là. Elle ne se rappelait plus trop ce qui s’était passé, alors je lui expliquais tout. Je lui indiquais aussi, comme nous l’avaient indiqué la police la veille, que l’homme était une sorte de « chasseur de trésor ». Il parcourait le monde à la recherche de reliques rares, supposées posséder des pouvoirs magiques, bien qu’il avouât lui-même ne pas croire ces sornettes. Ce qui l’intéressait avant tout, c’était leur valeur historique, afin de les revendre au plus offrant à de riches collectionneurs. Quand il y eu l’accident qui l’avait fait tomber dans le coma, il revenait d’un voyage en Inde, où il avait pu entrer en possession d’une dague très rare, issu d’un culte d’adorateurs de Kali, la déesse de la destruction. Une dague censée faire ressurgir la partie la plus sombre de la personne qui reçoit sa lame dans sa chair…

 

Sa fille l’avait retrouvé à l’aéroport à son retour en Amérique, et ils étaient sur le chemin du retour chez eux, quand ils furent surpris par la tempête. L’homme se souvenait avoir dérapé sur la chaussée glissante, et qu’il était sorti de la route, puis plus rien ne lui revenait en mémoire. C’est après que nous sommes arrivés, alors que sa fille tentait de le ranimer depuis plus d’une heure… Une histoire qui aurait pu n’être qu’un simple fait divers et s’arrêter là…. Mais ce ne fut pas le cas… Car bien qu’improbable, cette légende tournant autour de cette « dague de noirceur », telle que nous l’avait désigné l’agent de police, était loin d’être une affabulation. L’agent nous indiqua également que des poursuites avaient été engagées contre l’homme, celui-ci, après enquête, s’étant avéré avoir volé la dague venant d’un musée de Calcutta, lors du transfert de celle-ci à l’occasion de la Durga Puja, une cérémonie religieuse dédié à la déesse Durga, dont Kali est une incarnation.

 

La dague était située dans un atelier de restauration, afin qu’elle soit préparée pour la cérémonie, quand sa disparition fut constatée pendant la nuit précédant la cérémonie. Ce qui déclencha un scandale sans précédent dans la ville. Après enquête, la description de la dague, donnée par les dignitaires hindous, correspondait parfaitement à celle en possession de l’homme, et utilisée par sa fille lors de l’incident sur la route, dont ma mère fut victime. Depuis, la dague avait été renvoyée en Inde, et un mandat d’arrêt pour vol aggravé a été proféré à l’encontre de l’homme. Un nommé Karey Nowelsonn. Autant d’infos qui, sur le moment, me semblaient bien moins importante que l’état de santé de ma mère. Et j’étais ravi qu’elle aille mieux. Du moins, c’est ce que je croyais à cet instant. Car, en réalité, dès lors que la lame de la dague a été plantée dans son corps, ma mère n’était plus celle que je connaissais. Sa noirceur a été réveillée du plus profond de son être, annihilant tout ce qui faisait sa bonté d’âme, tout ce qui faisait qu’elle était la meilleure des mères. Une noirceur qui allait faire d’elle la plus effroyable des meurtrières, qui aurait pu faire passer Aileen Wuornos pour un ange de douceur, quant à la cruauté des actes commis.

 

J’ai commencé à remarquer un changement chez elle dès son retour à la maison, mais en fait, j’appris par la suite que son comportement empli de méchanceté s’était déjà amorcé au sortir de son opération, à l’hôpital. Les infirmières chargées de lui prodiguer ses soins journaliers, ou le personnel apportant ses repas faisant les frais de ses accès de colère gratuit pour des broutilles. Par exemple, une infirmière frappée en changeant le cathéter de son bras, une autre insultée parce qu’elle avait ouvert les volets de la fenêtre de sa chambre, ou encore un interne ayant reçu un plat dans la figure, parce qu’il était trop chaud. Il y eut des dizaines de petits incidents de ce genre, mais les médecins n’en avaient pas fait mention, avant que je les interroge sur d’éventuelles observations d’humeur changeante de ma mère, pensant que c’était le résultat de son traumatisme et de l’opération. Et bien qu’elle arborait toujours son sourire devant nous, dès qu’elle pensait qu’on ne la regardait pas, elle n’avait plus rien à voir avec la tendre personne qui avait toujours été ma mère…

 

Je m’étais rendu compte de ce changement en premier lieu par le biais du facteur. Un jour, je vis celui-ci hésiter avant de disposer notre courrier dans la boite aux lettres, semblant être rassuré en me voyant et me donnant les plis qui nous étaient destinés. L’expression qu’il montra l’instant d’après, en voyant ma mère sortir de la maison, mélange de peur et d’anxiété, m’intrigua fortement. Il mit les lettres dans mes mains, avant de partir précipitamment pour effectuer le reste de sa tournée. Ce qui était plutôt inhabituel… Le vieux Trevor avait l’habitude de discuter longuement avec ma mère habituellement, faisant partie d’un petit « jeu » de séduction amical entre eux. Trevor la complimentant toujours sur sa beauté et ses tenues, ce qui avait pour effet de la faire rougir et elle de rétorquer que s’il n’avait pas été aussi âgé, elle l’aurait inscrit sur sa liste de prétendants, quand elle serait au Paradis. Car pour l’instant, elle n’avait qu’un seul homme dans sa vie, et c’était son mari. Ce qui n’empêchait pas Trevor de recommencer chaque jour son petit jeu. Ma mère s’était habituée à ce petit rituel, et trouvait de nouvelles réparties à lui adresser. J’ai eu l’occasion d’assister à leur petit jeu, et je voyais le sourire qui s’affichait sur chacun des deux pendant qu’ils s’y adonnaient.

 

Mais là, ce n’était plus du tout la même ambiance. Trevor avait clairement peur de ma mère, pour une raison que je ne comprenais pas. J’ai tenté un jour de lui demander pourquoi il ne « jouait » plus, en référence à leur petit rituel. Mais il me dit qu’il était trop vieux pour continuer à faire ce genre de petit jeu. Que ce n’était plus de son âge…Et surtout qu’il ne voulait surtout plus contrarier en quoi que ce soit ma mère… Ces dernières paroles furent celles qui m’interrogèrent le plus. Ce n’était même plus de la peur qu’il ressentait. C’était de la terreur. C’est ça : Trevor était complètement terrorisé, rien qu’à la vue de ma mère. J’ignorais ce qui s’était passé entre eux, et quelles paroles avaient bien pu dire ma mère pour mettre ce brave facteur dans cet état, mais visiblement cela le mettait mal à l’aise, rien que d’en parler. Une semaine plus tard, j’appris même que Trevor avait demandé sa mise à la retraite anticipée, sans donner d’explications à ses supérieurs. Et d’autres petits trucs du même genre se passèrent par la suite, avec les voisins, avec qui on faisait souvent des barbecues ou des petites soirées… Et du jour au lendemain, plus rien : plus d’invitations, plus de sourires radieux alors qu’ils étaient occupés à tondre le gazon, plus de petits cadeaux… C’est comme si, d’un seul coup, on était devenus des étrangers pour eux, voire des pestiférés qu’il ne fallait surtout pas approcher…

 

Cette situation devint vraiment alarmante quand des agents de services aussi divers que plombiers, électriciens ou réparateurs du câble, pour des menus travaux, quittaient la maison, sans même avoir terminé ce pour quoi ils étaient venus. Mais ce qui suivit devint bien pire… Ma sœur devint involontairement le déclencheur dans l’escalade de ce changement chez ma mère. Il faut savoir que Cheryl était très populaire dans son lycée. Entendez par là, très courtisée par les garçons. Mais elle ne s’intéressait plus à eux depuis un moment, et ce pour une bonne raison. Elle préférait les filles, mais n’osait pas en parler à nos parents. J’étais le seul à être dans la confidence. Moi et deux de ses amis, dont le geek du lycée, passionné par tout ce qui a trait à la technologie. Détail important, car c’était aussi un de mes amis, et c’est grâce à lui et ses connaissances, et surtout son sens très aigüe de l’amitié, que la fin de cette histoire a eu une issue favorable pour moi. Le deuxième ami de ma sœur à être au courant était en fait une amie. Bien plus qu’une amie en fait. Vous l’aurez compris, c’était celle dont ma sœur était amoureuse. Elle s’appelait Karine et n’avait d’yeux que pour ma sœur. Leur relation a débuté comme beaucoup. Elles étaient dans la même classe, avaient les mêmes goûts, et se sont très vite trouvé nombre d’affinités. Petit détail : Karine était bisexuelle. Ce qui fait qu’elles se sont rapprochées petit à petit inconsciemment.

 

Parlant de leurs « conquêtes » masculine respectives, des défauts et tics de ceux-ci et autres petits secrets qu’on se confie entre filles. Leur complicité était telle qu’elles ne pouvaient concevoir une journée l’une sans l’autre. Une complicité qui s’est transformée en sentiments. Ma sœur se découvrant une propension à préférer la présence d’une fille à ses côtés, plutôt que les garçons. On peut dire que c’est Karine qui a ouvert les yeux à ma sœur sur ce sujet. Une relation dont elles ne pouvaient parler ouvertement, et encore moins afficher leur amour au sein du lycée et ailleurs, à cause de préjugés anti-homo très prononcés auprès des autres élèves. J’ai eu l’occasion de faire quelques sorties avec elles, afin de donner le change, comme on dit, et ne pas attirer trop de soupçons sur leur relation cachée. C’étaient de beaux moments. On voyait qu’elles s’aimaient énormément, et ça me faisait du mal qu’elles ne puissent pas en parler. Mais un jour, cette belle histoire se transforma en drame. Ma sœur ayant un caractère parfois un peut trop franc. Même auprès de ma mère et de mon père. Et surtout, elle a un gros souci en ce qui concerne l’ordre et le rangement dans sa chambre. 

 

Quand ma mère était « normale », ce n’était pas vraiment un souci. Cette dernière considérant que la chambre de sa fille était son « territoire », et qu’elle n’avait pas à donner de conseils de rangement, ni donner des ultimatums pour mettre fin à cette « antre du bordel », comme j’aimais le signaler à ma sœur, ce dont elle était plutôt fière. Un cas, ma sœur, dans plusieurs domaines. Mais un soir, une dispute éclata entre elles, sur le sujet justement du désordre de sa chambre. Le ton monta vite, et ma mère évoqua le fait que jamais elle ne trouverait un garçon qui aimerait une fille aussi dépourvue d’ordre. Sans doute était-ce à mettre sur le compte de l’énervement, mais ma sœur lâcha l’interdit. A savoir qu’elle s’en foutait d’être aimé d’un garçon, puisqu’elle aimait les filles. Et que d’ailleurs elle avait déjà une petite amie. Ces paroles eurent l’effet d’un électrochoc pour ma mère. A ce moment, mon père était présent aussi, et entendit ce « coming-out » plus ou moins forcé. Il fut le premier à lui demander pourquoi elle n’en avait pas parlé avant. Qu’il ne l’aurait pas jugé pour ça. Que tout ce qui comptait, c’était son bonheur, et que jamais il ne lui aurait empêché de vivre un amour, quel qu’il soit.

 

A ces mots, ma mère se figea, portant sa colère sur mon père, qui en prit sérieusement pour son grade, croyez-moi. Mais celui-ci ne voulant pas transformer cette querelle en guerre, préféra battre en retraite, laissant ma mère et ma sœur entre elles, avec moi qui entendais toute leur dispute à travers les murs fins de ma chambre. C’est pendant ce moment que ma sœur indiqua le prénom de l’élu de son cœur, Karine. Par la suite, ma sœur me confia qu’à ce moment ma mère avait esquissée un sourire inhabituel. Presque… démoniaque, selon ses propres mots. Et ce fut le début d’une épopée sanglante de ma mère envers tout ce qui lui déplaisait. Karine fut la première victime. 3 jours plus tard, on vit ma sœur revenir en larmes du lycée, complètement abattue. Elle venait d’apprendre de la part des parents de Karine, qui savaient qu’elles étaient amies, la mort de celle-ci. Retrouvée dans une ruelle… Eventrée, ses boyaux étalés partout : des morceaux plaqués sur les murs et le sol, certains organes dans les poubelles, la tête… écrabouillée par un pavé, trouvé juste à côté. La police n’avait jamais vue un meurtre aussi horrible au sein de notre petite ville tranquille. Et il n’y avait pas que ça : sur l’un des murs, écrit avec le sang de Karine, des propos haineux signifiant les préférences sexuelles de Karine…

 

La nature de l’inscription fut cachée aux médias, pour éviter un scandale, et surtout pour protéger ma sœur, qui avoua sa relation avec Karine à la police et aux parents de celle-ci. Sa surprise fut grande quand ceux-ci lui avouèrent qu’il savait pour leur fille, pour ses préférences en matière de sentiments. Mais qu’ils préféraient ne rien lui dire, ou plutôt qu’ils ne savaient pas comment lui dire qu’ils approuvaient son choix, car seul comptait son bonheur. Et aussi qu’ils regrettaient de ne pas lui avoir avouée plus tôt. Ainsi, ils auraient pu connaitre ma sœur plus tôt. Et ils auraient peut-être pu être en mesure de la protéger contre cet acte monstrueux… Par la suite, les parents de Karine ont quasiment adopté ma sœur. Celle-ci ne voulant plus être à la maison. Elle disait qu’elle était certaine que sa mère avait un rapport avec la mort de Karine. Parce que c’était la seule personne avec moi qui était au courant de leur relation. Et qu’elle savait bien que seule ma mère n’approuvait pas cette relation entre elles. Mon père ne fit pas d’objection à ce que Cheryl vive pendant quelque temps chez les parents de Karine. Au moins, le temps que les choses se calment. Mais ce ne fut pas le cas… Loin de là…Ce fut même pire…

 

Une semaine après que Cheryl se fut installée chez les parents de Karine, la relation entre ma mère et mon père devint catastrophique. Mon père lui reprochant le départ de Cheryl, et aussi qu’il trouvait curieux la mort de Karine, alors que seule notre famille était au courant de leur relation. Ça sonnait presque comme une accusation. Ma mère explosa et frappa mon père avec une telle violence, comme jamais je ne l’aurais imaginé pouvoir le faire. Mon père se retrouva à terre, aussi surpris qu’il était attristé. Indiquant que si sa vie au sein de cette maison devait se résumer à se faire frapper par quelqu’un qui refusait le bonheur de leur fille, qu’il ne voyait pas l’intérêt d’y rester. Ce qui énerva encore plus ma mère, qui jeta tout ce qu’elle pouvait trouver en objets sur mon père. Puis, elle se dirigea vers lui, parvenant à le soulever et le plaquant au mur, lui indiquant que s’il voulait partir de cette maison, ce serait de manière définitive. Qu’il devait bien réfléchir à sa décision s’il ne voulait pas finir dans une tombe dès cet instant. Je hurlais à ma mère d’arrêter ça, de laisser mon père tranquille. Que je ne savais pas qui elle était, mais que ce n’était pas ma mère qui était devant moi…. Elle me regarda alors avec une expression qui me glace encore d’effroi quand j’y repense…

 

Un regard froid, dénué de toute humanité… Comme si elle prête à me tuer moi aussi, parce que je défiais son autorité. J’avais tellement peur que je tournais les talons et me réfugiais dans ma chambre, avec cette peur que cette inconnue qu’était devenue ma mère en vienne à tuer mon père. A partir de cet instant, j’était persuadé que Cheryl avait raison. Que c’était bien elle qui avait tuée Karine. J’entendis les pleurs de mon père dans le couloir, ce qui fit redoubler les miennes, me terrant dans mon lit, sous mes draps, me demandant ce qui était arrivé à ma mère pour être devenu une meurtrière ? Un peu plus tard, je vis mon père venir dans ma chambre, alors que ma mère semblait s’être calmée. Il était parsemé de coups sur le visage, ses habits en lambeaux, du sang coulant le long de ses bras, arrivant sur ses mains, avant de tomber au sol. C’était horrible… Ma mère était devenue un monstre… J’en étais sûr… Jamais ma vraie mère n’aurait fait ça… Je ne sais pas qui elle était, mais elle n’avait clairement plus rien à voir avec l’ange de douceur de mes souvenirs les plus anciens… Mon père s’asseya sur le lit, me disant qu’il avait réussi à parler à ma mère, lui faisant approuver son départ de la maison. Il ne pouvait pas rester ici. Et que le mieux pour moi serait que je vienne avec lui, s’il ne voulait pas je subisse la colère de cette chose qui avait remplacé ma mère.

 

Je lui dis que je ne pouvais pas quitter ma maison. Que je n’avais pas la même force de caractère qu’à lui et Cheryl. Il me dit qu’il comprenait, et qu’il ne me forcerait pas. Qu’il allait aller vivre quelque temps chez un ami. Et qu’il allait contacter la police pour qu’elle fasse une enquête sur maman. Il ne savait pas à quel moment, mais c’était comme si quelque chose avait pris le visage de maman… Quelque chose de maléfique… Quelque chose de Mauvais… Et qu’il fallait accepter le fait que maman ne reviendrait plus jamais. En tout cas, pas comme nous l’avions connu. Et aussi que si jamais je changeais d’avis, il me suffirait de téléphoner ou de venir directement à l’adresse qu’il me donnait dans le même temps, inscrite sur une page arrachée de son agenda. Je hochais la tête en guise de réponse. Mon père me souriait, me caressant la tête comme il avait l’habitude de le faire, puis se relevait et partait. Ce fut la dernière fois où je le voyais…. Et je sus par la suite qu’il n’avait jamais pu parler de ses doutes aux autorités. La semaine suivante, les journaux relataient un double meurtre horrible, qui s’était déroulé… à l’adresse donné par mon père… L’adresse qu’il m’avait fournie pour le retrouver au cas où. Je n’en avais pas eu l’utilité, maman semblant s’être quelque peu « calmée » après l’altercation avec mon père. Et j’avais rangé le papier où figurait l’adresse dans un de mes tiroirs…

 

Pris d’un doute, je regardais le tiroir où j’avais dissimulé l’adresse de l’ami de mon père, où il vivait depuis la confrontation entre lui et ma mère. Il avait disparu… Ma mère avait dû se douter qu’il me fournirait cette indication, et elle avait profité de ce que je sois au lycée pour pénétrer dans ma chambre, et chercher parmi mes affaires… Envahi d’une peur immense, je regardais le flash info relatant le double meurtre, craignant de ce que j’allais y voir et y entendre. Le journaliste parla de deux hommes, tous deux dans la cinquantaine, retrouvés dans un état difficilement descriptible, dont le modus operandi était similaire à celui de Karine auparavant. Les deux corps avaient été éventrés, leurs organes disséminés dans tout l’appartement… Leurs têtes tranchées… Je tombais à genoux en entendant l’énoncé de l’identité des deux victimes… L’un d’eux était bien mon père… L’autre devait forcément être son ami… Qui avait eu le tort de l’héberger, et surtout d’être présent le jour où ma mère avait décidé de cette exécution… J’étais anéanti… Je n’arrivais pas à imaginer que mon père soit… Non, ça ne pouvait pas être vrai… Pourquoi ?... Pourquoi ma mère était-elle devenue ce monstre ?... Et surtout… Je me demandais quel serait sa prochaine victime ?... Moi… Ou bien…. Je me pétrifiais d’un seul coup en devinant qui pourrait subir le même sort. Quelqu’un qui l’avait défiée… Quelqu’un qui selon des dogmes, méritait de mourir, pour avoir osé braver ses principes et sa loi… Ma sœur….

 

Ma sœur était en grand danger… Mais comment faire ?... Je ne pouvais pas prévenir la police… Quelles preuves pourraient-je leur apporter ?... Et je ne pouvais pas la prévenir… Depuis qu’elle avait quittée la maison, elle avait changé de numéro, et n’avait pas eu l’opportunité de me fournir son nouveau numéro. Ou peut-être était-ce volontaire de sa part… De peur que ma mère mette la main dessus et la harcèle… Cependant, ma mère savait où habitait les parents de Karine… Au temps où elle était encore ma mère, elle et la mère de Karine faisaient partie du même club de patchwork. Ma mère avait déjà été plusieurs fois chez eux pour prendre le thé… Le problème était que j’ignorais, moi, où ils habitaient… C’est là que je pensais à Barney, le geek du lycée, et ami de ma sœur. Lui saurait comment trouver leur adresse. Je savais qu’elle ne figurait pas sur les annuaires téléphoniques, étant en liste spéciale pour ne pas que leur numéro et leur lieu d’habitation soit visible à tous… Mais Barney, lui, saurait la trouver….

 

Le jour suivant, je disais à Barney que j’avais besoin qu’il me rende un service. Acceptant d’emblée, car on ne peut rien refuser à un ami, selon ses mots, il fut cependant surpris de ma demande de vouloir connaitre l’adresse des parents de Karine. Pensant que Cheryl l’avait fait. Je lui indiquais qu’en fait, je n’avais pas de nouvelles d’elle depuis qu’elle était partie de la maison et avait emménagé chez les parents de Karine. Et à dire la vérité, cela m’inquiétait… Sans lui dire ce qui en était exactement en ce qui concerne ma mère… Je sentis qu’il paraissait suspicieux, se demandant si ça avait un rapport avec la mort horrible de mon père. Je lui promis que je lui dirais tout une fois que je serais sûr que Cheryl serait en sécurité. Tout comme les parents de Karine, qui étaient eux-aussi en danger si je n’obtenais pas cette adresse. J’avais besoin de leur parler, de les prévenir de la menace qui pesait sur eux. Et que dès que ce serait fait, je lui expliquerais tout en détail. Mais que pour l’instant, je préférais qu’il n’en sache pas trop. Afin que lui aussi ne soit pas mis en danger… Barney sembla réfléchir un instant, encore un peu dans le doute… Et puis finalement, ajouta qu’après tout ce n’était pas son problème de savoir ce que je voulais faire de cette adresse. Un ami est un ami. Et un ami ça rend service sans chercher à savoir ou à comprendre. Et que je pouvais compter sur son assistance. Après les cours on se rendrait chez lui, et il hackerait le service approprié pour trouver l’adresse et lui fournir… Je le remerciais, et nous partîmes en cours…

 

A la fin de la journée, je suivais donc Barney chez lui, et on montait jusque dans sa chambre. Un vrai repaire de geek, avec au moins une dizaine d’ordi, des étagère remplies de jeux vidéo, de mangas, de boites de logiciels dont je n’avais jamais entendu parler, et un gros poster de Matrix au-dessus de son lit… Il s’installa immédiatement au plus gros des ordinateurs, et se connecta sur un site dont je serais incapable de vous dire où on pouvait le trouver, n’étant pas moi-même trop expert en la matière… Raison pour laquelle l’aide de Barney m’était indispensable… Et il fut fidèle à sa réputation… Jamais vu quelqu’un taper aussi vite sur un clavier de toute ma vie. Même le prof d’informatique était un escargot en comparaison…. Et au bout de seulement quelques minutes, il inscrivit l’adresse sur un bout de papier, qu’il me tendit, le sourire aux lèvres, satisfait de m’avoir aidé, et me faisant promettre de l’inviter pour un repas XXL au McDo dans la semaine. Ce que j’acceptais sans même hésiter…

 

Je le remerciais, et partait immédiatement sur le lieu indiqué sur le papier, laissant Barney à ses occupations habituelles d’hacker et de gamer de génie… Je crois que je n’ai jamais couru aussi vite que cette fois-là, à la fois envahi par la crainte d’arriver trop tard, la joie de revoir ma sœur, que je n’avais pas vu depuis plusieurs semaines et la peur d’être pris pour un fou en racontant mes doutes. Enfin, j’était pratiquement sûr que ma sœur me croirait… Vu que c’est elle qui m’a plus ou moins aiguillé sur la piste de maman en tant que meurtrière probable de Karine… Je parcourais la ville, prenant le bus, courant, sautant par-dessus les balustrades se trouvant sur mon chemin, pour arpenter des raccourcis, afin d’arriver à mon but, avant que ma mère n’ait eu l’idée d’éliminer ses prochaines cibles… Puis, je parvins enfin à l’adresse indiquée… Et immédiatement, je fus saisi par le silence oppressant qui de dégageait des lieux. Je sonnais à la porte, mais il n’y eut aucune réponse… Je cognais alors sur la porte, sur les carreaux de plusieurs fenêtres, sans que j’aie la moindre réponse… Pas vraiment rassuré, je tournais la poignée de la porte… Celle-ci n’était pas fermé à clé… J’entrais alors dans la demeure… Le silence qui y régnait était encore plus inquiétant qu’au-dehors… Je n’aimais pas ça… J’avais le sentiment de tomber sur un spectacle morbide…Et ça me terrifiait encore plus…

 

C’est là qu’une odeur me saisit les narines… Une odeur de mort et de pourriture… Mon courage fondait à vue d’œil à mesure que j’avançais, l’odeur devenant de plus en plus forte à chaque pas…. Je m’approchais de ce qui me semblait être le grand salon. C’est de là que venait cette odeur, et je m’accrochais à l’espoir de ne pas y trouver ce que je craignais… Je continuais d’avancer malgré tout, emporté par un désir malsain de curiosité et de besoin de savoir…. L’odeur était devenue insupportable : je masquais mon nez avec un pan de mon sweat, mais même ça ne parvenait pas à complètement empêcher les effluves d’entrer dans mes narines…. Puis, j’arrivais à la pièce tant redoutée… Et… Je… Je ne pouvais même pas imaginer un spectacle plus horrible que celui qui était en face de moi… Je ne savais pas combien de temps je parviendrais à retenir mes larmes, mais je sentais que si je me lâchais, celles-ci se déverserait en torrent tellement la douleur qui m’assaillait était d’une ampleur allant au-delà de tout entendement humain…

 

Je voyais les parents de Karine placardés sur les murs, comme on le fait avec des papillons, leurs ventres ouverts de bas en haut, d’où sortaient leurs entrailles où s’étaient déjà agglutinées mouches et vers en quantité non dénombrables tellement il y en avait… Leurs bras étaient fixés à plusieurs endroit par des piquets en bois, comme on le faisait au moyen-âge sur les portes des pestiférés ou ceux qu’on soupçonnait de sorcellerie… Leurs têtes avaient été tranchées, et positionnées sur la table du salon, tels des trophées de chasse, pourrissant visiblement sur place, montrant qu’ils avaient été tués depuis plusieurs jours, bien avant ma venue. Il y avait plusieurs bocaux contenant du sang sur la table aussi : verres, bols, mugs… Présentés comme s’il s’agissait d’une exposition sataniste… Partout où je regardais, je ne voyais que morceaux de chair, boyaux, organes coupés en deux, fixés sur des meubles en évidence… Mais je ne voyais pas Cheryl…. Quelque part, cela me rassurait… Je me disais qu’elle avait pu échapper à ce massacre en règle… Qu’elle avait pu s’enfuir quelque part… Ayant pu fuir cette furie qui avait autrefois été ma mère… Et puis le silence fut rompu par une voix que je ne connaissais que trop bien… Par le passé, elle me rassurait, m’aidait à m’endormir, inspirait ma confiance…. Aujourd’hui, elle était synonyme de terreur absolue…

 

Franchissant la porte d’une pièce adjacente au salon où je me trouvais, ma mère apparaissait, le sourire aux lèvres, portant une hachette… De celles qu’on utilise pour couper les os des membres de gibier tel que lapins, chevreuil ou je ne sais quoi encore… Sauf que là, le gibier, c’était moi… Ma mère fit un signe du doigt, désignant le plafond, toujours souriante…. Je n’osais pas regarder…. Mon instinct me disait qu’il ne fallait surtout pas que je regarde… Mais la nature curieuse de l’homme fait qu’on ne fait pas toujours ce que le bon sens nous prescrit… Et je regardais au plafond… Et là, je ne pouvais plus tenir sur mes jambes au vu de la vision qui s’offrait à moi… Ma sœur…. Cheryl… Elle était bien là finalement…. Attachée au lustre… Les bras en croix… Son visage… Son visage avait été arraché…Ne laissant que de la chair en putréfaction à la place...Ravagée par une armée d’insectes nécrophage… Ses habits arrachés, pour laisser son corps nu à découvert…Si on pouvait encore appeler ça un corps… Ses organes pendaient comme les fils d’une marionnette macabre… Ses bras et ses jambes avaient été découpés sur toute leur longueur, laissant voir les os du squelette, dégarnis de la chair devant les recouvrir… 

 

Il n’y avait même plus une goutte de sang apparente, quel que soit la partie que je voyais… Ce qui voulait dire… Ce qui voulait dire que le sang dans les récipients sur la table, que je croyais provenir des parents de Karine était celui de Cheryl… Cette fois, je ne pouvais plus retenir mes larmes…. Je m’effondrais… Submergé par la peine et la douleur… Pendant que j’entendais ma mère rire aux éclats, tout en s’avançant vers moi… Lentement, mais inexorablement…Jouant avec la hachette qu’elle tenait en main… La faisant passer d’une main à l’autre… Et ayant toujours ce sourire de démente sur son visage… Je ne pouvais même plus bouger… J’étais tétanisé par la peur… Mon corps ne m’obéissait plus, quoique je veuille faire… Je savais que j’allais parachever son chef-d’œuvre… Que je serais la dernière pièce de son jeu de mort… Son tableau morbide achevant cette pièce de théâtre qu’était son goût du carnage… La dague… Je ne sais pas pourquoi j’y ai repensé à ce moment-là… Sans doute le désespoir… Ou un éclair de lucidité inutile au vu du sort qui m’attendais… Mais j’étais certain que la dague était l’élément qui avait fait basculer ma mère du statut d’ange à celui de créature démoniaque, dépourvue de toute humanité en elle…Oui, c’était évident… C’était la dague...La dague de Kali… Celle qui faisait ressortir la pire partie de l’être humain en lui…

 

Une dague de noirceur… Capable de transformer les hommes en créature vile et implacable… Se complaisant dans le meurtre et la violence… Dans le sang et les entrailles offertes à un Dieu invisible mais omniprésent… L’esprit de Kali… La déesse de la destruction… Celle pour qui tout doit devenir souffrance… Celle qui parvient à donner vie aux tortures les plus abominables… Et devant moi, se trouvait son disciple, son réceptacle en ce monde… Le symbole même de la noirceur la plus totale… Et elle allait faire de moi la touche ultime de sa toile sanguinaire… Du moins, c’était ce que j’avais accepté de devenir, avant qu’un élément inattendu fasse irruption… En la personne de Barney… Dois-je le considérer comme un imbécile pour être venu, ou comme un sauveur atteint de la folie la plus totale lui aussi ? Toujours est-il qu’il a débarqué par la fenêtre située au fond de la pièce, muni d’un couteau japonais de cuisine, ceux dont la dureté et la finesse de la lame n’a pas d’égal, réduisant la vitre en morceaux…Surprise par cette irruption aussi soudaine qu’imprévue dans son plan, ma mère se retourna… Avant de recevoir la lame du couteau en plein milieu de la gorge…

 

Son sang se projeta sur Barney, qui vit bientôt son visage se garnir d’un flot de sang semblant ne jamais tarir. Ma mère lâcha son arme, amenant ses mains à son cou, pendant que le sang continuait de se déverser, et que Barney assénait d’autres coups tout aussi mortels. Ma mère, se tenant le cou, vit ses genoux ployer, avant de toucher le sol, puis elle bascula en avant, son visage atterrissant sur le tranchant d’un des deux côtés de sa hachette qui s’était fichée dans le sol en tombant. Son visage fut pratiquement coupé en deux parties distinctes… L’espace d’un instant, son corps fut assailli de soubresauts tout du long, avant de faiblir peu à peu, puis de stopper… Signifiant sa mort… Barney, maculé du sang de ma mère des pieds à la tête, franchissait le corps inerte de celle qui fût ma mère, se dirigeant vers moi, toujours sous le coup de la terreur… Me demandant si ce que je venais de voir était le fruit de mon imagination, ou bien la réalité… Voyant que j’étais dans un état second, Barney me gifla plusieurs fois, afin de me faire revenir à moi… Avant de me sourire, en me disant sa phrase fétiche… Celle concernant les amis qu’on ne laisse jamais dans la merde… Combien de fois il me l’a dite cette phrase ?... Je ne le compte plus… Mais c’était la première fois que je lui trouvais un sens…

 

C’est ainsi que je me suis retrouvé dans ces bois, grâce à l’ami Barney, qui, une fois de plus, avait accepté ma demande, celle d’enterrer ma mère, ou du moins son corps, à l’écart de tout humain… Lui encore, la nuit tombée, qui m’aida à mettre le corps de celle-ci dans le coffre de la voiture qu’il avait « empruntée » à son père, ce qui allait lui garantir, tel qu’il me l’avait décrit, la punition de sa vie… Mais ça n’avait pas d’importance à ses yeux. Seul comptait d’aider un ami, aussi fous que soient ses plans… On enterrait donc ma mère dans ces bois, après lui avoir tranché la tête et les membres, qui furent enterrés dans des endroits différents du bois. Juste par précaution, pour ne pas que le corps se rassemble, on ne sait comment et recommence ses méfaits. Barney me fit remarquer que ce n’était pas un vampire ou quelque chose du même type. De ce que je lui avais dit de la dague de noirceur, ça ressemblait plutôt à une modification psychologique de personnalité. Ma mère restait humaine malgré tout… Malgré ses actes… Mais je ne voulais prendre aucun risque qu’elle puisse revenir de quelque manière que ce soit… C’était le pouvoir d’une Déesse qui l’avait fait devenir cette meurtrière implacable… On ne pouvait pas savoir ce qui pouvait découler d’un tel pouvoir… Même après la mort…

 

En procédant de cette manière, j’étais sûr que le corps ne serait pas ramené à la vie par le pouvoir qui s’était ancré en elle…Le pouvoir de Kali… Les dieux, les déesses, … Tout ça pour moi, c’était des foutaises, tout comme les zombies, les loups-garous, et tout le reste du bestiaire fantastique connu… Mais c’était avant qu’une simple dague, emplie du pouvoir d’une déesse fasse de ma mère cette… chose… Cet instrument de mort sans la moindre pitié ni compassion… C’était avant que mon père, ma sœur, Karine et ses parents ne subissent ses actes de plein fouet… Et de la pire des façons…Maintenant, je savais que de tels pouvoirs existaient… Je savais qu’il y avait dans le monde des forces qui nous dépassent, nous, simples humains… Je savais que tout le monde ignorait leur existence… Et qu’il fallait quelqu’un pour les contrer… Mais nous n’étions que deux… Et nous n’étions que des lycéens… Ignorant beaucoup de choses sur les pouvoirs de telles créatures… Car si cette expérience m’a bien appris quelque chose, c’était que ce cas n’était certainement pas isolé… Si une déesse avait pu placer son pouvoir dans une dague, alors il n’était pas impossible que les monstres qui remplissent les pages de romans, de BD, de jeux vidéo, ou montrées dans des films et des séries, existaient eux aussi… Pour l’instant, nous n’étions que deux… Mais bientôt, une rencontre allait tout changer pour Barney et moi… Une rencontre qui nous donnerait d’autres alliés, d’autres personnes comme nous qui savaient ce qui se cachait dans l’ombre… Une rencontre qui serait la naissance d’un groupe capable de combattre ces créatures mortelles…

 

A suivre…

 

Publié par Fabs

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