7 avr. 2022

LE CHOIX DU SANG

 


 

Il est des choix dits cornéliens qui peuvent ravager le mental d’un homme, le faisant s’interroger sur l’importance d’une vie par rapport à une autre, quel qu’elle soit, aussi bien animale qu’humaine. Un choix que Georges-Henri ne parvenait pas à se résoudre à faire, car pour sauver une vie qui lui était chère, il devait en sacrifier une autre, l’obligeant à perdre toute crédibilité en matière de défenseur de la cause animale, mettant au feu toutes ses convictions qu’il avait exposé pendant de longues années, lui ayant valu critiques acerbes de ses amis, de ses collègues, et même de gens plus proches. Des personnes qui, bien que comprenant ses idéaux de protection de la vie sous toutes ses formes, avaient du mal à concevoir qu’il mette de simples animaux au même niveau qu’un être humain. Déjà adolescent, ces convictions étaient présentes en lui, après avoir pu observer l’horreur montrée par des expéditions sauvages orchestrées par des institutions telles que la WWF ou Greenpeace au niveau international, pour condamner les méthodes monstrueuses opérées par certains laboratoires, coupables d’expériences sur des animaux, pour permettre un confort à l’homme, ou une avancée dans les sciences humaines.

 

Il revoyait encore ces scènes issues de vidéos circulant sur Internet, ou à travers les médias du pays. Des scènes ayant fait scandale, où était montré des images de singes, le cerveau à l’air, ou à qui on avait greffés des appendices organiques allant à l’encontre de toute éthique. Des souris fluorescentes, par le biais de mélange à leur ADN de produits chimiques de haute toxicité, des chiens, des chats à qui des membres avaient été découpés, modifiés, ayant les entrailles sorties, alors qu’ils respiraient encore, donnant l’impression d’essayer de comprendre pourquoi ils subissaient de tels actes monstrueux, par leur regard où on pouvait lire la pitié et l’incompréhension de la folie humaine. Et tout ça en se servant de l’excuse de la science comme justification. Durant de longues années, ces expéditions dénonçant d’autres laboratoires, appartenant à des groupes financiers de renommée mondiale, des conglomérats pharmaceutiques ayant toute puissance dans le monde médical, soulevèrent indignation et révolte de la part des associations animales, à travers le monde. 

 

A force d’actions d’envergure de cet ordre, et même parfois poussées plus loin, quitte à blesser les instigateurs humains de ces ignominies perpétrées dans ces lieux de morts, le mouvement animaliste finit par monter dans les sondages, lors des élections dans différents pays, bouleversant toutes les spéculations possibles, y compris dans celui où vivait Georges-Henri. Un mouvement qui finit par s’emparer du pouvoir, n’hésitant pas à se servir des documents en leur possession, publiés en masse sur les réseaux, pour montrer toute la corruption dont faisait part les instances gouvernementales qui régissait le pays jusqu’à aujourd’hui. Cela fut long, et dut se parer de nombreux sacrifices, des menaces même de la part des complices de ces politiciens véreux, ne voyant pas le mal dans le fait de se servir d’espèces animales pour mieux faire évoluer la race humaine. Oubliant en cela les ravages que cette attitude avait causé par le passé, et étant à l’origine de la disparition de dizaines, de centaines, de milliers d’espèces, aussi petites soient-elles. Et il n’y avait pas que les actions de l’homme sur l’environnement qui étaient en cause, telles que la déforestation ou l’implantation de l’homme dans des régions peu propices à des cultures intensives, ayant pour résultat une déstructuration d’écosystèmes entiers.

 

Les expériences menées en laboratoire sur des animaux, utilisant des méthodes horribles eurent raison des arguments des castes politiques incriminées, devant reculer en masse face à l’implication populaire dans l’éradication de ces techniques scientifiques d’un autre âge, ne pouvant plus permettre à l’homme de se considérer comme « évolué ». Des conflits armés éclatèrent, causant des morts par dizaines lors de manifestations tournant pratiquement à la guérilla urbaine. En cause de ces pertes humaines, les actions musclées du gouvernement, refusant de perdre la face contre les accusations de ce mouvement animaliste qui menaçait le pouvoir en place. En résultait des conséquences qui transforma radicalement le pays, lors des élections qui suivirent un référendum, mettant déjà les animalistes en tête de tous les sondages, et mettant à bas les positions de ce qui appartenait au passé par leur fait.

 

En quelques années, le mouvement animaliste ayant pris le pouvoir dans la majorité des domaines scientifiques, économiques, sociaux et politiques, le Gouvernement du pays se vit doté de nouvelles lois instituant illégales toute action, de quelque ordre que ce soit, allant à l’encontre du bien-être animal. Les corridas furent interdites, les animaux dans les cirques de même, soumettant ces derniers, allant à l’encontre de ces lois, à des sanctions extrêmement lourdes, allant jusqu’à l’emprisonnement à vie. Les parcs aquatiques et animaliers ne respectant pas les conditions de vie animales imposées par le nouveau gouvernement, les zoos dont les pensionnaires n’avaient pas un espace de vie suffisant, au regard des critères imposés par des dogmes fermes et intraitables, fermèrent les uns après les autres, pendant qu’étaient créés dans le même temps d’immenses réserves animalières, où leurs occupants pouvaient vivre en toute liberté et sécurité, pour pallier aux plus petits zoos, ne pouvant pas, faute d’un budget suffisant, suivre ces règles drastiques, et obligés de laisser partir leur source de revenus, moyennant, malgré tout, une compensation financière.

 

Les braconniers de tous bords, les trafics internationaux d’animaux étaient scrutés à la loupe, par le biais des connections des différents pays ayant vus, eux aussi, les animalistes s’emparer de la tête de toutes les institutions majeures. Et là aussi, les sanctions étaient très lourdes pour les contrevenants. Certains pays n’hésitant pas à exécuter les récidivistes en place publique, et diffuser celles-ci en masse dans les médias, et en direct, de façon à montrer l’inflexibilité et la dureté du mouvement animaliste, qui ne reculerait devant rien pour imposer leurs idées. Bien évidemment, tout ce qui pouvait enfreindre ces nouvelles lois étaient bannis.  Les laboratoires, ceux-là mêmes qui étaient la cause principale de ces changements gouvernementaux dans différents pays, furent les victimes les plus directement touchés. Des services de surveillance interne, afin de veiller à ce qu’aucune expérience ou test ne soit pratiquée sur des animaux au sein de ces bâtiments, furent mises en place. Obligeant les groupes médicaux et pharmaceutiques à recourir à des méthodes alternatives pour mettre au point leurs produits, dépendant auparavant des animaux. La consommation animale, paradoxalement, restait autorisée, mais suivant, là encore, des règles très strictes, en matière de respect de non-souffrance des animaux servant à la filière alimentaire.

 

Bien que ce choix fût contesté en son sein par des extrémistes, le gouvernement dut s’y résoudre, après avoir envisagé d’interdire aussi la viande animale, et après avoir opéré à des séries de tests sur des régions, afin de voir s’il était possible, sur le long terme, à l’humain de vivre complètement sans se nourrir de viande animale. Les résultats des tests furent éloquents, ayant provoqués des morts, des formes de folie, des maladies et autres désagréments accablants. La mort dans l’âme, car cela allait à l’encontre de la fondation même du système animaliste, le Gouvernement n’eut d’autre choix que de laisser certaines espèces animales servir de source d’alimentation. Néanmoins, les conditions d’abattage devaient respecter de manière stricte un processus mis au point, et résultat d’un compromis entre filières bouchère, usines de traitement et de transformation de la viande, et les membres du Gouvernement, afin que toute souffrance inutile soit bannie. Certaines espèces animales furent néanmoins intégrées à une liste, et ne pouvaient donc être utilisées pour la consommation humaine. Là encore, les contrevenants à ce code de déontologie moderne pouvaient voir leurs sociétés fermées purement et simplement, suite à toute entrave à ces règles.

 

Malgré tout, de rares pays ne s’étaient pas soumis à ces règles internationales, et continuaient de vivre comme l’être humain avait toujours vécu, mais voyaient les aides internationales leur être coupées, pour non-respect de l’éthique animale, et les ressortissants de ces pays ne pouvaient circuler hors de chez eux sans signer un accord de respect des protocoles animalistes à l’aéroport, la gare, ou le port du pays où ils se rendaient, et faisant partie du mouvement animaliste mondial. Tout refus pouvait mener à un emprisonnement, voire une exécution publique en cas de comportements violents. En Europe, seuls 7 pays refusèrent de signer le traité d’accord animaliste. Il en fut de même pour plusieurs pays asiatiques et africains, ne voulant pas se soumettre à ces lois balayant leur propre héritage de vie au sein de leurs patries. Des pays devant se limiter à leurs ressources naturelles pour vivre, car n’ayant pas la possibilité de recevoir celles n’existant pas chez eux, de la part des pays ayant, eux, adoptés les lois animalistes mondiales, et augmentant considérablement la misère et une chute de l’économie locale de manière inquiétante.

 

C’est au milieu de ce monde que Georges-Henri avait appris à vivre, et ses convictions très profondes envers la cause animale le firent gravir les échelons au sein du pouvoir animaliste. De simple membre des services de contrôle sanitaire et laborantin, il devint progressivement chef de service, puis régional, ayant sous ses ordres plusieurs équipes chargées de veiller à ce que les règles instituées par le Gouvernement animaliste soient respectées à la lettre, et chassant les rebelles au système. Les zoos, les cirques, les parcs animaliers et bien sûr les laboratoires faisaient partie de leurs prérogatives principales en termes de lieux à visiter régulièrement, et sanctionner tout acte répréhensible. Il était très zélé, et nombre de fautifs finirent sous les barreaux ou exécutés par ses actions de contrôle. Au fil des ans, il était devenu un modèle pour ses hommes, et pour les hautes instances gouvernementales du pays où il vivait. Inflexible, impartial, ne montrant aucune compassion à tout ceux ayant des attitudes mettant en danger les animaux, ou leur faisant subir des atrocités, il n’avait, à priori, aucune faiblesse. Seulement en apparence.

 

Car, comme tout être humain, Georges-Henri avait une faille. Son petit-fils, Marc. Celui-ci était atteint d’une maladie infectieuse très grave, et luttait chaque jour pour sa survie. Les traitements médicamenteux qui auraient pu permettre de continuer à étudier le mal dont il était atteint ayant tous été stoppés, par décision gouvernementale, car les recherches de ceux-ci impliquaient des tests animaux. Et les alternatives pour contrer la maladie de Marc s’étaient toutes révélées inopérantes, au grand désespoir de Georges-Henri, qui ne savait plus quoi dire pour rassurer son petit-fils. Régulièrement, il lui apportait de quoi le réconforter quelque peu dans sa lutte, profitant de chaque journée de pause de son activité, pour la consacrer à Marc. C’est lui qui lui servait de père il faut dire. Les parents de Marc, dont le fils de Georges-Henri, avaient été jugés coupables de non-respect de l’ordre animaliste établi. Ils étaient à la tête d’un laboratoire qui continuaient les tests sur des animaux en secret, dans le but de développer des traitements pharmaceutiques, et falsifiant les rapports de traçabilité, afin de ne pas alerter les équipes de contrôle.

 

En surface, le laboratoire était respectable, mais les sous-sols abritaient une véritable caverne de l’horreur, où Georges-Henri crut défaillir en voyant le sort réservé aux animaux qui s’y trouvaient. Une antre du diable, où lui et son équipe, alertés par une des femmes y travaillant par un mail qu’elle leur avait envoyé, ne supportant plus de se taire sur l’activité clandestine du laboratoire, et ayant dénoncé ses supérieurs. A l’intérieur, Georges-Henri avait vu le sommet de ce que l’humain était capable de faire de pire envers l’espèce animale. Il y avait même des aquariums où des requins de différentes variétés, des poulpes, des dauphins avaient subis des interventions innommables. L’un avait des traces de perceuse ou assimilée à divers endroits du corps, laissant entrevoir ses entrailles et son squelette. Un dauphin avait vu son bec atrophié, comme tranché, pendant qu’un de ses congénères n’avait plus de yeux, laissant à la place des orbites vides où ne subsistait qu’un noir opaque. Un des poulpes n’avait plus de tentacules, et ne parvenait même plus à se déplacer. Et ça, ce n’était qu’une partie de cette chambre des horreurs.

 

Dans d’autres pièces, des chats par dizaines gisaient dans des cages exigües, sans queues, des pattes en moins, le sommet du crâne laissant voir l’os ; des chiens n’avaient plus de langue ou de dents, la truffe creusée, comme évidée. D’autres avaient les corps tellement maigres que Georges-Henri s’était demandé comment ils pouvaient vivre. Il y avait même des animaux protégés. Des tigres du Bengale, des koalas, des anacondas, des hyènes, des geckos, des aras… ce n’était plus un laboratoire, mais une véritable arche de Noé. Sauf que là, Noé était absent, et avait laissé place à son exact opposé, car les animaux ici n'étaient pas là pour être sauvés du déluge, mais voués à une mort certaine, après avoir connu l’enfer. En voyant ça, et plus encore en découvrant que son propre fils était complice de cette monstruosité, Georges-Henri n’avait pu garder son calme, et avait calmé ses nerfs en tabassant, presque à mort, le père de Marc, son petit-fils qu’il aimait tant. Plusieurs hommes avaient dû être nécessaires pour l’arrêter, de peur qu’il tue son fils par ses poings. Sa belle-fille avait hurlé en voyant Georges-Henri déclencher sa fureur sur son mari, mais ses cris n’avaient pas pu l’arrêter, seule l’intervention des propres hommes de Georges-Henri avait pu le faire. Alain, son fils, avait le visage tellement tuméfié que lors de son procès, il avait le visage bandé sur toute sa surface. Il fut condamné, lui et sa femme, à une exécution capitale. Georges-Henri avait tenu à y assister.

 

Pour éviter que Marc, d’une manière ou une autre, étant déjà à l’hôpital à ce moment, ne voie les images de l’exécution, par le biais du portable d’un autre patient ou d’une infirmière, cette dernière ne fut pas retransmise, et se déroula en huis clos, au sein d’un centre de recherches biomédical, situé en périphérie d’une ville avoisinante, et bénéficiant d’une grande pièce, où fut installée un système d’injection létale. Georges-Henri fut nommé tuteur de Marc à la suite de cela, et à chaque fois qu’il rendait visite à ce dernier, il revoyait l’image d’Alain et Karine fermer les yeux, après avoir reçus une dose massive de produits mortels dans leur corps. Quand Marc lui demandait si son papa et sa maman allaient bien, s’étonnant de ne plus avoir de nouvelles d’eux, il devait lui mentir. Lui indiquant que ses parents avaient dû se déplacer loin, dans le cadre de leur travail, et qu’ils allaient être absents pendant un très long moment. Et que pendant ce temps, il s’occuperait de lui. Marc montra une mine déconfite à cette annonce, avant de retrouver un semblant de sourire, disant qu’il comprenait, et qu’il attendrait leur retour.

 

Comment lui dire la vérité ? Comment lui avouer qu’il avait été à l’origine de leur mort, en demandant lui-même l’exécution, quand ses supérieurs lui posèrent la question s’il préférait l’enfermement à vie ou la mort, au vu des actes horribles dont son fils avait été le commanditaire, prétextant que tout ça, c’était pour trouver un remède au mal de Marc ? Même si le fond était bon, ça n’excusait pas d’avoir massacré, martyrisé toutes ces pauvres bêtes, qui n’avaient rien demandé à personne. Il ne pouvait pas pardonner un tel comportement, encore moins de son propre fils. Mais il était loin d’imaginer que ses convictions profondes envers le règne animal allaient être mises à mal dans les jours suivants… La maladie de Marc s’amplifiait, celui-ci avait de plus en plus de mal à respirer, crachant parfois du sang, ses défenses immunitaires ne parvenaient pratiquement plus à opérer dans son corps. Georges-Henri était aux portes du désespoir en voyant son cher petit-fils partir chaque jour un peu plus. Il ne savait plus quoi faire. Il devait masquer ses larmes en permanence devant Marc, pour que celui-ci ne pose pas de questions. Et c’est là qu’il fit la rencontre du Docteur Narras. Un éminent épidémiologiste qui officiait au sein de l’hôpital où se trouvait Marc.

 

Voyant la détresse de Georges-Henri, il l’aborda, lui indiquant qu’il avait peut-être une solution pour sauver Marc. Mais que cela impliquait un choix qui ne lui plairait sans doute pas, du fait de son rôle de chasseur d’ennemis des animaux, et en particulier des laboratoires s’abaissant à effectuer des tests interdits. A mi-chemin entre la surprise de voir peut-être une piste pour sauver Marc, et l’interrogation des propos du Dr. Narras qu’il craignait de comprendre, Georges-Henri demanda au docteur d’être plus précis quant à cette solution. Le Dr. Narras lui dit qu’il valait mieux en parler plus intimement dans son bureau, à l’abri des oreilles indiscrètes. De plus en plus intrigué par le comportement du Dr. Narras, Georges-Henri accepta malgré tout, et suivit le médecin jusqu’à son bureau. Une fois à l’intérieur, il le fit s’asseoir, après avoir fermé la porte à clé, assurant à Georges-Henri que c’était une assurance de ne pas être dérangé. Surtout au vu de la proposition qu’il s’apprêtait à lui faire.

 

Dans un premier temps, il demanda à Georges-Henri de signer un papier où il devait s’engager à ne pas révéler la nature des travaux dont il allait lui parler. Une autre précaution. Georges-Henri refusa au départ une telle condition. Mais devant l’insistance du Dr. Narras, et aussi parce que celui-ci précisa que sans cette signature, il ne lui révèlerait rien, et qu’il en resterait là, Georges-Henri, pensant à la souffrance de son petit-fils, accepta, malgré sa réticence, et signa le papier, sans même lire ce dernier, sans savoir que les clauses le composant le rendait complice de l’activité secrète du docteur, trop curieux de connaitre le moyen de sauver Marc. Le Dr. Narras prit le papier, le scanna avec son portable, et s’empressa de le placer au sein d’un coffre-fort incrusté dans le mur de son bureau, avant de refermer celui-ci. Il indiqua que ce qu’il allait lui révéler devait rester entre eux. Car si Georges-Henri, à la suite de leur conversation, le dénonçait à ses supérieurs, il s’arrangerait à ce que le papier qu’il venait de signer soit rendu public, ce qui pourrait briser sa carrière. Raison pour laquelle il l’avait scanné, et que tout mouvement violent de sa part, entraînerait la diffusion du document. Il avait le doigt posé sur son portable, et il n’avait qu’à presser sur le bouton d’envoi pour déclencher un scandale dont il ne se remettrait pas.

 

Georges-Henri voulut se lever, indigné de ce chantage de la part du docteur, mais ce dernier fit mine d’appuyer sur le bouton d’envoi. Il eut un moment d’hésitation, puis se calma et demanda au Dr. Narras d’expliquer comment il comptait sauver Marc. Satisfait de cette demande, et voyant que Georges-Henri s’était calmé, il lui expliqua alors qu’il était le propriétaire et commanditaire des recherches du laboratoire que Georges-Henri avait démantelé. Le même où officiait son fils, Alain, qu’il avait fait exécuter avec son épouse. Le même où la solution au mal de Marc ne demandait qu’un dernier détail, mais que cela dépendait de la décision de son grand-père, en l’occurrence Georges-Henri. En entendant parler de ce laboratoire de l’horreur, celui-ci vit son visage s’emplir de colère. Le Dr. Narras fit un geste de la main, comme pour indiquer qu’il devait se calmer sous peine d’un petit pressage de bouton, puis continua. Il rajouta qu’un autre laboratoire identique à celui qu’il avait fait fermer existait, pas très loin d’ici. Avec les mêmes recherches concernant le mal de Marc. Il ne manquait qu’un petit détail pour achever le traitement qui pourrait sauver Marc de manière certaine.

 

Mais ce détail impliquait de procéder à un dernier test sur un singe. Un test qui pourrait s’avérer mortel pour le cobaye, mais qui permettrait à Marc d’être sauvé. Et pour capturer ce singe, il avait besoin de ses compétences physiques pour se rendre en Inde, grâce à son réseau clandestin, lui assurant que ne serait révélé, à aucun moment, l’identité de Georges-Henri pour cette capture. C’était aussi une manière de s’assurer du silence de Georges-Henri une fois le traitement mis au point et administré à Marc. Il ne pouvait pas prendre le risque de voir ses petites affaires interdites par le Gouvernement animaliste être rendu publiques. Donc, la capture serait filmée, et la vidéo lui serait envoyée par les réseaux sur un serveur particulier. Un film où Georges-Henri serait l’acteur principal. Ainsi, s’il lui prenait l’envie de prendre des mesures de démantèlement de ce réseau mis au point par ses soins, une fois Marc sauvé, le film serait rendu public, en plus du document, et son nom associé au trafic, tout comme son rôle dans le fait d’avoir accepté que l’expédition soit autorisée, dans le but d’aider son petit-fils, et ce au détriment des lois animalistes.

 

Georges-Henri resta silencieux quelques minutes, avant d’insulter le Dr. Narras de tous les noms possibles, mais celui-ci demeurait impassible à la colère de Georges-Henri. Finalement, ce dernier se calma, et son interlocuteur continua, précisant qu’il savait que c’était une décision difficile, et qu’en connaissance de cause, il lui laissait le temps de réfléchir à sa proposition, en n’oubliant pas de préciser une dernière chose. Le document était sur un blog secret, au cœur du Dark Web. Pour ne pas être diffusé, il devait entrer un code d’accès toutes les 4 heures, afin de le bloquer. S’il manquait ne serait-ce qu’une seule fois de rentrer ce code, le document serait envoyé par mail à plusieurs agences de presse du pays automatiquement. Rajoutant également de ne pas prendre trop de temps pour décider qui de Marc ou le singe devait vivre. Le système de code du blog secret n'était actif que 24 heures. Passé ce délai, même en tapant le code, le document serait envoyé automatiquement. Seule la suppression du fichier de sa main, à l’aide d’un autre code spécifique, pouvait arrêter le processus. Donc, le compte à rebours pour cette décision primordiale était déjà en marche. Maintenant, à Georges-Henri de décider qu’est-ce qui était le plus important pour lui : la vie de son petit-fils ou celle d’un singe avec qui il n’avait aucun lien, même si cela devait briser toutes ses convictions pour le règne animal envers lesquelles il avait été fidèle depuis de nombreuses années ?

 

Georges-Henri absorbait le choc de cette question, ne sachant quoi faire, pendant que le Dr. Narras se levait, après avoir éteint son portable et glissé celui-ci dans sa poche. Il se dirigeait vers la porte, ouvrait celle-ci, et sortait, non sans adresser un dernier rappel sur le fait qu’il n’avait que 24 heures pour décider de qui devait vivre. Georges-Henri ne put empêcher ses larmes de sortir en vagues sur son visage, ignorant ce qu’il devait faire. S’il choisissait de sauver son petit-fils, en participant à la capture de ce singe, en autorisant qu’il serve de cobaye de manière horrible pour élaborer le traitement salvateur, il ne parviendrait plus à se regarder en face, sachant qu’il aurait mis à terre ses convictions, et n’aurait d’autre choix que de démissionner. Car il serait incapable de continuer ce métier après un tel acte. S’il choisissait de sauver le singe, en laissant mourir son petit-fils, il ne s’en remettrait jamais, et savait que sa vie restante le plongerait dans la dépression la plus totale, avec le poids de la culpabilité de n’avoir rien fait pour sauver Marc.

 

Georges-Henri restait ainsi plusieurs minutes, avant de se décider à se lever. Il sortit à son tour de la pièce, et chercha le Dr. Narras dans les couloirs de l’hôpital. Une fois trouvé ce dernier, il lui indiqua qu’il avait fait son choix. Même s’il devait être damné pour l’éternité, il ne reviendrait pas en arrière. Le Dr. Narras souriait, et ensemble ils revinrent à son bureau pour écouter le choix qu’avait fait Georges-Henri…

 

Et vous, à la place de Georges-Henri, quel choix feriez-vous ?

 

Publié par Fabs

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire