2 août 2021

PUMPKIN STORIES VII - L'Esprit d'Halloween

 


Un épisode un peu spécial, puisqu’il relate 2 récits parallèles en alternance, avant de se rejoindre pour finalement ne faire qu’une seule et même histoire. C’est la première fois que j’écris une histoire de cette manière, et au final, bien que je l’appréhendais, ça s’est fait beaucoup plus simplement que je pensais. Cette histoire clot la série de Pumpkin Stories, mais je tenais à l’écrire avant d’avoir fini les autres histoires, afin de mieux diriger les autres épisodes dans leur structure. Pour vous permettre de mieux vous repérer, j’ai utilisé une couleur différente pour les 2 récits, pour les différencier, avant qu’ils se rejoignent.


Marion ne vivait que dans le rêve de partir de cette petite ville de l’Amérique profonde, ce trou perdu où elle savait que son avenir se résumerait à ce fast-food qui lui permettait tout juste de payer le loyer de sa maison et de vivre à peu près décemment. Elle maudissait parfois le jour où elle avait décidée de quitter sa France natale pour vivre le fameux « American Dream ». Mais elle se disait aussi que ça ne servait à rien de ressasser les erreurs du passé. Aujourd’hui, elle devait se résoudre à finir son existence dans cette petite bourgade dont les seules animations valables étaient Noël et surtout Halloween. Sa fête préférée. Mais elle était encore loin de se douter que sa passion pour cette célébration, dont l’origine venait de son pays natal, allait transformer sa vie de manière… radicale. Sous la forme d’un client pas vraiment ordinaire qui venait de franchir le seuil de son lieu de travail.

 

Sammy aimait son travail, même si ses expressions faciales pouvaient montrer tout le contraire. Ce n’était qu’un masque qu’il s’était forgé au cours de toutes ces années passées ici, dans cette petite ville qu’il aimait tant, avec ses habitants qu’il connaissait depuis l’enfance, ses commerçants, ses paysages, son étang à la sortie de la ville, près de la ferme des Lording. Un amour qui n’était pas vraiment partagé, sammy passant presque pour invisible aux yeux de nombre d’entre eux. Pour un banquier tel que lui, afficher un sourire trop visible pouvait être mal interprété, donnant l’impression de se moquer des pauvres bougres venus demander un délai supplémentaire pour le crédit qu’ils avaient bien du mal à rembourser. Et ça n’était pas du tout ce qui faisait sa personnalité. Alors, il avait construit ce masque à mi-chemin entre l’impassible et le légèrement souriant qui faisait de lui sans doute le banquier le plus à même de comprendre et aimer ses clients dans le besoin. Il avait toujours une solution pour les aider, quelles que soient leurs difficultés. Mais cette joie intérieure allait bientôt s’effacer à la venue d’un client pas comme les autres, qui allait changer son être au plus profond de lui, par un simple petit objet oublié dans son bureau.

 

L’homme qui venait d’entrer dans le fast-food était tout sauf banal. Son aspect faisait penser à un des protagonistes du film « Il était une fois dans l’ouest », avec son manteau long tout droit sorti d’un western, son chapeau cachant en grande partie son visage, rabattu sur ce dernier, masquant à peine une barbe de plusieurs jours, et tenant une sorte de sac de sport, aussi usagé et sale que le montrait son propriétaire. Il commanda un café. A le voir, Marion se disait qu’il aurait surtout besoin d’une douche, mais elle s’exécuta, en sympathique serveuse dont elle devait donner l’impression. En lui apportant sa commande, celui-ci la surprit en lui demandant si elle était heureuse de travailler ici. Un peu prise au dépourvu, elle lui mentit, affichant un faux sourire. L’homme sourit à son tour, comme s’il savait ce qui en était réellement. Malgré tout, malgré son aspect un peu spécial, l’homme avait le discours facile, et elle devait avouer qu’il était plutôt agréable de l’écouter. Ça lui faisait oublier son mal-être. La discussion dura, jusqu’à ce que l’homme, relevant son chapeau, montrant des yeux à la limite de l’hypnotique, prenne congé en faisant un geste de la main, comme pour lui signifier qu’ils se reverraient. Après son départ, elle remarqua qu’il avait laissé son sac en bas du comptoir…

 

Sammy fut quelque peu surpris en voyant l’allure de cet homme qui venait de faire son apparition au sein de son bureau. Pas vraiment l’archétype du client qu’une banque a l’habitude de voir, donnant plus l’impression d’un clochard ayant perdu son chemin qu’autre chose. Mais Sammy savait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Certains riches clients avaient un degré d’excentricité parfois très extrêmes dans leur attitude. Il laissa donc s’approcher l’homme, véritable cowboy tel qu’on en voyait que dans les séries ou les films de la belle époque où les western parsemait les affiches des cinémas de quartier. Celui-ci salua en hochant la tête, puis déposa son sac sur le bureau de Sammy, d’où s’échappa une poussière en pagaille, manquant de faire perdre le flegme du banquier, qui en avait pourtant vu d’autres. L’homme indiqua qu’il voulait ouvrir un compte pour déposer l’argent reçu pour ses loyaux services auprès d’un riche propriétaire fermier des environs. Sammy, sans se poser plus de questions, lui fit remplir les documents nécessaires, avant de lui demander de le suivre à la salle des coffres pour y déposer son sac et son contenu. L’homme répondit poliment qu’il lui faisait confiance. Qu’il pouvait déposer le sac lui-même, ça n’était pas un problème. Et qu’il avait un rendez-vous urgent qui ne pouvait pas attendre, avant de quitter le bureau, laissant Sammy dans l’interrogation.

 

Marion, voyant le sac, s’en empara, et se dirigea vers la porte d’entrée de l’établissement, espérant voir l’homme mystérieux dans la rue, afin de lui rendre son bien. Mais il n’y avait plus aucune trace de lui nulle part, alors qu’il venait à peine de sortir du fast-food. C’était comme s’il s’était volatilisé en un instant, tel un fantôme. Ne sachant que faire, Marion décida de garder le sac derrière le comptoir, espérant que l’homme, s’étant aperçu de son oubli, reviendrait, lui et son sourire charmeur. Marion rougissait à cette idée. Se grondant presque toute seule d’avoir eu une telle pensée. Après tout, elle ne connaissait rien de cet homme. Mais elle devait reconnaitre qu’il se dégageait de lui une aura vraiment étrange. Finalement, la journée passa sans que l’homme ne revienne. Un peu dépitée, Marion emmena le sac chez elle, se disant que son propriétaire serait peut-être là demain. Ce soir, c’était Halloween, et elle tenait à fêter sa fête préférée, comme chaque année, et il était hors de question de la gâcher pour une histoire de sac. Mais ce sac et son propriétaire l’intriguait, et arrivé chez elle, elle se demandait ce qu’il pouvait y avoir à l’intérieur. Peut-être y avait-il une adresse, un numéro de téléphone pour pouvoir le joindre. Auquel cas, elle pourrait l’inviter à venir ici pour le récupérer…

 

L’homme parti, Sammy se remit peu à peu de sa surprise, en se disant qu’après tout, ça n’avait pas une grosse importance que ce soit lui ou le client qui mette l’argent dans le coffre. De toute façon, pour le récupérer, le client se devait de faire la demande d’ouverture, et il n’y avait que lui qui avait les clés. Et jamais il ne lui viendrai à l’idée de profiter de cette situation incongrue pour se remplir les poches. Il était trop à cheval sur les règles pour ça. Et puis surtout, il ne voulait pas louper les festivités d’Halloween pour un détail sans importance. Il aimait bien trop cette fête et surtout offrir des bonbons et chocolats aux enfants venant frapper à sa porte. Alors, il descendit à la salle des coffres, dans les sous-sols de la banque, afin d’y déposer le sac dans un des compartiments privés, réservés aux clients. Cependant, pendant son court périple, sans trop savoir pourquoi, quelque chose l’attirait vers ce sac. Comme un appel. Il savait que cette idée allait à l’encontre de son professionnalisme, mais plus il avançait, plus cette pensée l’obsédait. Après plusieurs minutes, Sammy arriva devant un des petits coffres où il devait déposer le sac de l’inconnu, après avoir composé le code permettant d’ouvrir la salle des coffres. Et là, ses pensées se remirent à tenter de faire basculer sa raison, l’assaillant d’ouvrir le sac. Il tenta bien de résister, mais la tentation était plus forte que tout, et il ouvrit ce dernier, afin de découvrir la nature de la force qui le forçait à aller à l’encontre de ses règles.


Il ne fallut que quelques secondes à Marion pour se décider à ouvrir le sac, ne pouvant résister à l’appel qui semblait en émaner, lui demandant de mettre de côté ses principes. A l’intérieur, il n’y avait que de vieux habits élimés, tous aussi remplis de poussière que l’extérieur du sac. Et puis, elle découvrit autre chose. Une sorte de petite statuette en argile. Ça semblait représenter une sorte de divinité paienne ou un démon. Le genre d’objet qu’on ne s’attend pas être détenu par un homme tel que celui qui avait franchi le fast-food où Marion travaillait. Elle était fascinée par l’objet, et ne put s’empêcher de prendre la statuette entre ses mains. Au même instant, une lumière d’un rouge étincelant semblant sortir de l’objet irradia l’intégralité du corps de Marion, l’enveloppant, se fondant en elle peu à peu, comme fusionnant avec elle. Elle sentait une force qui s’introduisait en elle, s’emparant de son être, remplaçant ce qu’elle était par quelque chose de tellement puissant qu’il était impossible de le décrire. La lumière s’estompa, s’étant complètement incrustée en Marion. Celle-ci avait désormais le regard vide, les pupilles de ses yeux étaient devenus d’un noir opaque. Elle se releva alors, et se dirigea vers la porte d’entrée de sa demeure, laissant celle-ci ouverte derrière elle, comme si elle savait qu’elle ne reviendrait pas, et se dirigeant vers une destination inconnue, traversant la rue déjà peuplée d’enfants de tout âge, en costume divers pour fêter Halloween, illuminée par les décorations des maisons, sans même y prêter attention.

 

Sammy découvrit au milieu des billets de banque remplissant le sac, une petite statuette. Une statuette représentant une sorte d’être avec une tête de citrouille, aux mains dotées de griffes. C’était la première fois qu’il voyait ce genre d’objet, et il se demandait à quel culte sataniste ou assimilé il pouvait bien se rapporter. Instinctivement, il prit la statuette entre ses mains, et se sentit traversé de toute parts par une lumière rouge sang émanant de la statuette, se déversant dans son corps, comme on fait couler du liquide dans un verre. Il aurait voulu crier ou jeter la statuette au loin, mais sa raison vacillait en même temps que le pouvoir qui s’installait en lui, et il ne fut bientôt plus qu’un corps sans une once d’expression et de volonté. Au bout d’un certain temps, la lumière cessa, ayant rempli sa fonction en s’introduisant dans sa cible. Sammy se releva alors, se dirigeant vers la sortie de la salle des coffres, semblant être appelé par une autre force irrésistible lui enjoignant de le rejoindre au plus vite. Sammy sortit de la banque, sans s’occuper de rien de ce qui se passait autour de lui, malgré les cris et les « Trick’N’Treat » lancés par une ribambelle d’enfants, courant dans les rues de la petite ville fêtant Halloween, les sourires aux lèvres. L’appel était plus fort, et Sammy sortit bientôt de la ville, après l’avoir parcourue de bout en bout, ignorant les bruits des pétards et les cliquetis des cannettes de bière de groupes de jeunes ados.

 

Marion parcourut ainsi son chemin, obéissant à cette force qui la manipulait telle une marionnette humaine, traversant fossés, chemins et prairies, jusqu’à arriver à une clairière, en plein cœur de la forêt jouxtant la petite ville où elle était encore il y avait plusieurs minutes de cela. Au milieu de celle-ci, un homme semblait l’attendre. En temps normal, elle aurait reconnue l’homme qui l’avait tant troublée aujourd’hui. Mais en son état actuel, elle n’était plus elle-même. L’homme vint vers elle, lui tenant la main et lui demandant de s’arrêter. Ce qu’elle fit sans hésiter, comme si un fil invisible enserrant son corps lui demandait d’obéir instantanément. L’homme lui indiqua qu’il devait encore attendre l’autre moitié, avant de commencer la fusion, en esquissant un sourire dénué de toute émotion.

 

Sammy ne savait combien de mètres il avait parcouru, ni pendant combien de minutes, des heures peut-être… Toute notion de temps semblait avoir disparu de lui. Tout ce qu’il savait, c’était qu’il devait répondre à l’appel lui indiquant de rejoindre son objectif. Il atteint bientôt une clairière, située au centre de la forêt, à l’extérieur de la ville. Il ne le voyait pas vraiment, car il n’était plus lui dès l’instant où le pouvoir de la statuette s’était installé en lui, mais devant lui se tenait le client qui était la cause de son état. Ce dernier avait à ses côtés une jeune femme qu’il tenait par la main, comme s’ils l’attendaient afin de concrétiser un cérémonial mystérieux. Il s’approcha. L’homme lui souhaita la bienvenue, et lui prit la main à son tour, la rapprochant de la main de la jeune femme. Dès cet instant, il se sentit encore plus envahi par une force insidieuse, il sentait qu’il se fondait avec le corps en face de lui, comme s’il était, lui et elle, les deux parties d’une pièce s’imbriquant ensemble.

 

Marion sentit son corps se désagréger de toutes parts, semblant se mélanger à cet homme à qui sa main venait d’être jointe. Elle ressentait une impression indescriptible, entre douleur et jouissance, ressentant la fusion qui s’opérait entre elle et sa « moitié ». Une impression qui ne dura que quelques minutes, avant qu’elle et son conjoint d’un soir ne fasse plus qu’un, laissant la place à un être hybride : un corps humain mais aux bras et jambes faits de bois et de paille, comme sont dotés les épouvantails parant les champs pour faire fuir les oiseaux en quête de graines à voler, et une tête de citrouille où figurait un chapeau haut de forme, semblable à ceux des magiciens. Les doigts de la créature étaient faits de friandises : des sucres d’orge, des sucettes, et autres gâteries adorées par les enfants dont ils font la chasse en cette nuit d’Halloween. Au bout d’un instant, la lumière qui entourait le corps disparut, comme si la transformation était complète. En face de la créature, le mystérieux homme à l’origine de tout s’approcha de sa « création », tout heureux de la réussite de son entreprise. Il s’adressa alors à elle, lui demandant pardon. Pardon pour l’avoir exorcisé il y avait 10 ans de ça, lui l’esprit d’Halloween. A l’époque, il pensait qu’il n’était qu’une proie de plus à accrocher à son tableau de chasse de tueur de démons. Mais avec les années, il s’était rendu compte de son erreur. Depuis qu’il avait annihilé l’esprit d’Halloween, cette fête autrefois prestigieuse avait perdu de son éclat. Elle était devenue fade. Pire, à cause de lui, l’esprit d’Halloween ne pouvait plus punir de manière juste ceux qui ternissaient cette fête qui lui tenait tant à cœur. Alors, il avait parcouru le monde pour réparer son erreur, cherchant le rituel permettant de faire revenir le symbole d’Halloween, son protecteur. Le PumpkinMan.

 

Le PumpkinMan reconnut son ancien ennemi, celui qui était parvenu à le terrasser, malgré ses suppliques de ne pas détruire ce qui faisait Halloween par sa disparition. Sa tête de citrouille esquissa un large sourire, montrant sa joie de voir que l’homme qui avait fait de lui un être éthéré, qui ne pouvait agir que par subterfuge, se faufilant dans les esprits des contrevenants à Halloween, ceux qui voulaient souiller son cœur, ce même homme était là ce soir, lui permettant de revivre et lui redonnant sa splendeur et son pouvoir d’antan. L’homme hocha la tête, comme pour s’excuser à nouveau, avant de repartir d’où il était venu, s’enfonçant plus avant dans les bois autour, et disparaissant dans la pénombre des arbres. Le Pumpkinman souriait toujours. Puis, il se dirigea vers la ville, afin de punir de manière plus directe que ne l’avait été ses actions de ces dernières années, les fauteurs de troubles qui ne considéraient pas Halloween à sa juste valeur. Il repensait à l’homme qui lui avait fait redonner son corps. Il connaissait le rituel qui avait permis sa reconstruction. Pour fonctionner, il fallait deux personnes de sexe opposé, aimant tous les deux profondément Halloween et ce qu’il  représentait, mais malheureux dans leur cœur. Leur fusion par le biais de statuette spécialement élaborées pour la circonstance étant indispensable. De leur sacrifice naitrait la renaissance d’Halloween. SA renaissance. Ce soir, le PumpkinMan était heureux comme rarement il l’avait été de toute son existence. Les humains ne cesseraient jamais de le surprendre, et ce soir l’esprit d’Halloween allait resplendir comme rarement il l’avait été…

 

FIN

 

Publié par Fabs

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