30 août 2021

TELEPHONE MORTEL

 


Au Japon, comme dans d’autres pays asiatiques, certains chiffres sont considérés comme portant malheur. Il est courant de voir dans des hôtels, des hôpitaux, des immeubles, de constater que ceux-ci sont dépourvus de 4ème étage, et c’est la même chose pour les chiffres « dérivés » : 14, 24, 104, … Quand on reçoit la monnaie après avoir payé un commerçant, et que le montant reçu comporte un multiple de 4, c’est signe qu’un malheur va arriver dans la journée. Et il n’est pas rare que certaines personnes préfèrent s’enfermer chez elles, suite à cela, pour éviter de se trouver confrontées à quelque chose de mauvais si elles sortent, quitte à ne pas se rendre à leur lieu de travail, et risquer d’être licenciées. Bien sûr, ce sont des cas extrêmes et isolés. Néanmoins, le chiffre 4 est proscrit dans beaucoup de domaines.

 

Cela est dû à l’écriture et la prononciation de ce chiffre. En chine, cela se prononce « Si » ; au japon, c’est « Shi » ou « Yon » par le biais du Kanji correspondant. Ce son signifie « mort », ou « mourir ». Faisant donc de ce chiffre un présage funeste. Raison pour laquelle plusieurs endroits s’abstiennent de l’utiliser, en particulier ceux propices à voir circuler un grand nombre de personnes, afin de ne pas attirer le malheur sur leur établissement. Cette peur de ce nombre se répercute également sur des numéros de série de matériel électronique, aéronautique, automobile, … Quand on ne peut pas faire autrement que de l’utiliser, par exemple pour des numéros de voitures pour un rallye, ou des bus pour un voyage scolaire, on utilise le Kanji « Kotokubi », qui signifie également 4, mais qui a le sens de « Félicitation », afin de conjurer le sort. Ce préambule est là pour vous faire mieux comprendre le sens de l’histoire qui va suivre….

 

Daisuke Hironaga est un jeune homme de 21 ans qui est un passionné de technologie, sous toutes ses formes. Il passe énormément de temps sur les Réseaux Sociaux, comme Line, l’équivalent de WhatsApp au Japon, mais aussi NicoNico, le YouTube japonais, Mobage, application de partage de jeux de développeurs, et Gree, spécialisée dans les jeux mobiles. Rarement sur Facebook ou Twitter, dont une majorité de japonais se méfient, les considérant comme nuisibles au bien-être, car porteur de rumeurs et fakes trop importants, et agissant sur le moral et les relations. Seul 5, 5 % des Japonais utilisent ces réseaux, contre 80 % aux USA, pour vous donner un comparatif. Daisuke est ce qu’on pourrait appeler un « Geek », un mordu des nouveautés, que ce soit des jeux, des fonctionnalités pour ordinateur dernier cri, des applications de toutes sortes, parfois éphémères, des casques audio aux capacités auditives toujours plus performantes, ou encore des gadgets virtuels, lui permettant une immersion parfaite dans ses jeux en ligne préférés.

 

Et pour pouvoir s’ajouter à la perfection à tout ça, Daisuke a besoin de posséder le must des modèles de téléphones mobiles sortis. C’est pourquoi il se tient toujours au courant pour savoir quel est le téléphone le plus performant du moment, aussi bien en vitesse de réception des messages ou de chargement des pages Internet, qu’en fluidité pour les jeux mobiles. C’est ainsi qu’il est entré en possession du dernier modèle d’Apple, le I-Phone 13, un prototype en fait, avant que l’officiel sorte en masse. Un privilège que Daisuke doit à sa popularité auprès de sites de jeux en ligne, où il bat régulièrement des records en matière de scores, finissant des jeu bien plus rapidement que d’autres, faisant de lui une sorte de star des Gamers. Ce qui lui a valu de se faire approcher par des sociétés voulant bénéficier de sa notoriété pour mettre en avant leurs produits, lors de ses Stream sur les réseaux. Un privilège dont Daisuke se sert pour obtenir des produits bien avant leur sortie officielle, comme le I-Phone 13, offert par l’un de ses sponsors, afin qu’il le mette en avant quand il se connecte.

 

De ce fait, Daisuke a testé l’appareil et a vite été bluffé par la fluidité bien plus rapide que le précédent modèle, au niveau du chargement des pages web, mais aussi pour le lancement des applications. Mais ce qu’il était loin de se douter, c’était que ce téléphone allait le faire plonger dans un cauchemar sans équivalent. Le jour-même de son acquisition, Daisuke s’était empressé de se vanter auprès de ses proches de l’avoir eu bien avant sa sortie, grâce à sa popularité. Montrant, par le biais de captures vidéo, les capacités de son nouveau jouet technologique, faisant l’admiration de ses amis, ses fans et ses frères et sœurs, dont il était devenu le modèle. Mais le lendemain, il apprit le décès de l’un de ses jeunes frères, retrouvé mort dans sa chambre, d’une insuffisance cardiaque. Pour Daisuke, ça n’avait pas de sens. Son frère Toshiro n’avait que 12 ans. Comment aurait-il pu développer un problème cardiaque à son âge, sans que le médecin de la famille n’ait pu le détecter ? A ce titre, ses parents jugeant responsable ce dernier, ils lui intentèrent un procès qui fit la une des médias. Mais ce ne fut pas le seul cas de mort invraisemblable qui arriva.

 

Deux jours plus tard, Daisuke apprit que sa grande sœur, Midori, avait été retrouvé sans vie dans les vestiaires de son club d’Aïkido, dont elle était la championne. Diagnostic : insuffisance cardiaque. Et cette fois, le médecin ne pouvait pas être mis en cause, puisqu’il était sous le coup d’une procédure de radiation de l’ordre des médecins, suite au battage médiatique orchestré par ses parents. Son père étant une personnalité politique importante, cela avait sûrement joué dans la balance. Le lendemain, Daisuke apprenait la mort de 3 de ses amis, et de son oncle d’Osaka. Il adorait son oncle, et sa mort l’avait encore plus affecté. Bien plus que son jeune frère et sa grande sœur, avec qui il n’avait pas vraiment d’affinités, et dont la mort ne l’avait pas perturbé plus que ça. Bien sûr, il avait été choqué de la nouvelle de leur mort, mais pas plus que d’apprendre le décès d’une célébrité au journal télévisé. Le lendemain, de nouvelles morts survinrent. Des amis, des fans, des représentants de sponsors, d’autres membres de sa famille. Une vraie hécatombe. Et tous étaient morts d’insuffisance cardiaque. Comme un virus particulier ne touchant que ceux que Daisuke connaissait, et avec qui il avait été en contact ces derniers jours. Depuis qu’il avait obtenu son nouveau téléphone.

 

Au début, Daisuke crut à une mauvaise blague, se croyant plongé dans un mauvais remake de la saga « Ringu ». Sauf que là, les morts n’attendaient pas 7 jours pour se manifester. Et surtout, Daisuke se rendit compte d’une chose. Tous ceux ayant trouvé la mort, il les avaient appelés avec son téléphone quelques heures avant leur décès. Aussi improbable que cela pouvait être, Daisuke était persuadé que cela avait un lien. Est-ce que ce serait l’œuvre d’un autre Gamer, jaloux de son succès, étant parvenu, d’une manière ou une autre, à hacker son téléphone, et s’en prenant à ceux qui l’avaient appelé ? Une sorte de Serial Killer d’un nouveau genre, en quelque sorte… Mais c’était ridicule… Comment aurait-il pu connaitre les adresses des victimes ? Daisuke n’entrait jamais ce genre d’informations sans prendre la peine de protéger ces données avec les meilleures coffres-forts virtuels, et une protection contre les cyber-attaques irréprochable. Même le meilleur des hackers n’aurait pu pénétrer les pare-feu et autres systèmes de sécurité dont bénéficiait ses différents comptes et son Cloud. C’était impossible. Cependant, cette situation l’inquiétait au plus haut point, et lui qui ne pouvait passer une journée sans passer un coup de fil, il n’osait plus appeler personne, de peur de déclencher de nouvelles morts.

 

Mais cette vague de décès devint encore plus inquiétante quand Daisuke découvrit avec stupeur que le simple fait que des personnes cherchent à l’appeler, même s’il ne répondait pas, se retrouvait dans la liste des victimes quelques heures après. Daisuke ne comprenait plus rien. 8 membres de sa famille était déjà décédées suite à des appels. Pour protéger les autres, il avait envoyé des mails, à partir de son PC fixe, leur demandant de ne surtout pas l’appeler sur son téléphone, que c’était une question de vie ou de mort pour eux. Bien qu’étonnés des dires de Daisuke, tous avaient acceptés de se plier à ses exigences. Comme il ne savait pas si le problème de fuite de données étaient dû à son seul téléphone, ou si cela concernait l’ensemble de ses réseaux, il ne savait pas vraiment quoi faire. C’était comme… une malédiction. Cette pensée déclencha quelque chose dans l’esprit de Daisuke. Une intuition dirait certains. Il repensait à cette vieille superstition du chiffre 4. Celle indiquant que ce chiffre portait malheur s’il était apposé quelque part.

 

Raison pour laquelle hôtels, immeubles ou hôpitaux ne possédaient pas de 4ème étage par exemple. Et c’était pareil pour les numéros de série des appareils photos, de PC, de téléphone ou tout autre matériel technologique. Voulant vérifier son idée, il se rendit dans les paramètres de son téléphone, afin de voir le numéro MEID de celui-ci. Les commerciaux vendant les I-Phone au Japon connaissaient la superstition du 4, et donc qu’il ne fallait pas que ce chiffre apparaisse  dans les numéros de série des appareils vendus sur le territoire. Mais il suffisait d’une erreur, ou d’une personne en charge de la commercialisation des téléphones, ignorant ce détail, pour créer une vague de malheur sur le pays. Et bientôt ses doutes se transformèrent en affirmation. Sur le numéro MEID, le 5ème chiffre était…. Un 4 ! Alors, toute ces histoires à propos de ce chiffre étaient donc vraies ? Daisuke avait toujours pensé que ce n’était qu’une simple légende urbaine comme il y en a tant sur le Net. Ou  bien des racontars de vieux croulants, dont l’origine se perd dans les temps anciens…

 

Mais les faits étaient là. Et les morts aussi. Mais quelque chose de plus inquiétant assaillait alors Daisuke. La sortie officielle de l’I-Phone 13 sur le territoire japonais… C’était aujourd’hui ! Depuis la nuit dernière même en fait, certains magasins ayant fait des ouvertures nocturnes, en vue du rush que cette sortie très attendue au Japon risquait de provoquer. Un grand nombre d’exemplaires s’étaient déjà arrachés en quelques heures seulement dans les points de vente le proposant. Et la ruée avait continué depuis ce matin. Daisuke regardait l’heure sur son téléphone : 14 h 38. Cela faisait donc plus de 15 heures que l’I-Phone 13 était en vente au Japon. Et avec lui, la possibilité que d’autres numéros de série comporte le numéro 4… Et comme pour conforter ses peurs, les journaux, les médias sur les grands panneaux fixés sur les immeubles et les grandes tours de la ville, commençaient à relater une vague de morts à travers tout le pays. Toutes étaient des insuffisances cardiaques… Et ce n’était que le commencement de ce qui s’annonçait comme un véritable fléau comme jamais le Japon n’en avait connu… Pour une simple erreur, pour un simple chiffre, des centaines, des milliers de morts endeuillait le pays, le transformant peu à peu en un cimetière d’une ampleur inimaginable…

 

Était-ce dû à la combinaison du chiffre 4, synonyme de malheur au Japon, et au chiffre 13 du nouvel I-Phone ? Un chiffre qui, lui aussi, est un mauvais présage dans les pays occidentaux, mais aussi au Japon. Car, en plus du chiffre 4, certains établissement publics évitent d’utiliser le chiffre 13. L’association de ces 2 nombres considérés comme funeste au Japon aura peut-être eu comme résultat de déclencher la plus grande malédiction de l’histoire du pays…

Publié par Fabs


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