25 août 2021

PROJET CRYSTAL SOLDIER (Complainte Pour Un Jeune Monstre-Cycle 2)

 

 


Cela faisait déjà plus d’une semaine que Vladimir était parti aux USA, afin de, selon ses dires, « renforcer ses connaissances sur les sirènes ». Une phrase à plusieurs sens. Au vu des documents que j’avais vu dans son bureau, et dont il ignorait ma petite visite, je savais que je n’étais pour lui rien de plus qu’un sujet à étudier, aux mêmes titres que les fameuses sirènes qui étaient évoquées dans le dossier. J’ai eu l’occasion de retourner dans son bureau, celui-ci n’étant pas fermé à clé. J’ignorais si cela faisait partie de son stratagème pour espérer me donner confiance en lui, en me laissant sciemment découvrir ses objectifs, ou s’il était trop confiant en son autorité sur moi, conscient sans doute de ma relative naïveté, mais le fait est que j’avais pu voir plus en détail ce qu’il projetait de faire vis-à-vis des sirènes, de moi et d’une autre créature nommée « Le Dévoreur de Cœur ». Celle-ci semblait assez proche de ce que j’étais, mais à un autre niveau.

 

Le Dévoreur était seul, face à un monde qu’il ne comprenait qu’en partie. Nous différions sur plusieurs points, mais lui aussi avait une part humaine en lui, le différenciant des véritables monstres qu’étaient Krysta et son peuple. Cette reine sortie de nulle part des océans un jour, et qui avait fini par asservir le pays qui se vantait d’être le plus puissant au monde. Il y avait une certaine ironie dans tout ça. Il y avait d’autres notes concernant le Dévoreur. Un nommé Ryan. Un ancien agent du FBI qui avait succédé à la créature l’ayant précédé, à sa demande, afin de continuer une quête, un devoir, orchestré depuis les premiers pas de l’homme sur Terre. Comme une mission que cette race s’était sentie obligée de suivre, afin de réparer ce qu’elle considérait comme une faute impardonnable. Une race de chasseurs venant d’une planète située au-delà de la galaxie d’Andromède, un endroit encore inconnu par la science des hommes.

 

Sur cette planète, ceux que les premiers hommes ont désignés sous le nom de Dévoreurs, appartenaient à une race nommée les Xénoptians. A l’origine, ils étaient des sortes d’animaux capables de vivre aussi bien dans les océans de leur planète que sur le sol rocailleux qui constituaient 60 % de la surface. Une brisure au sein du noyau de Xénoptia, nom donné à leur monde, a modifié l’atmosphère, qui s’est remplie d’une teneur en azote et en potassium extrêmement élevé, causant une évolution chez les futurs Xénoptians. Leur métabolisme a été bouleversé, au point que ceux-ci ont vu leur système anatomique constitué d’un équivalent des branchies de nos amphibiens, totalement transformé. Faisant d’eux des créatures ne pouvant plus que se mouvoir sur le sol. Cela créa aussi une insuffisance en prostaglandine, molécule constituant en partie les cardiomyocytes, les cellules du cœur. De ce fait, pour survivre à leur environnement devenu nocif, il leur fallait réapprovisionner leur corps de cette molécule, présente dans le cœur, car celle-ci était nécessaire à leur nouveau métabolisme.

 

Dans le même temps, leurs capacités intellectuelles avaient nettement progressées, et créant au fil des années qui suivirent, une civilisation à part entière, et leur permettant de comprendre rapidement leur besoin de se nourrir de cet organe. Cela leur prit du temps avant de découvrir ce fait. Au début, ils pensaient que se nourrir des autres animaux de leur planète leur permettait de survivre. Mais ils découvrirent par la suite que seuls ceux qui mangeaient le cœur avait une espérance de vie plus longue. Dès lors, le cœur devint leur nourriture principale. Au début, je me demandais comment Vladimir avait pu obtenir autant de renseignement sur les origines de cette race. Puis, en parcourant  le dossier, il était relaté qu’il avait eu connaissance des travaux d’un sorcier ayant recueilli une créature mourante qui lui raconta son histoire. Ce sorcier, j’eus du mal à le croire en le lisant, c’était le père de mon créateur. La créature mourante était un dévoreur, n’ayant plus assez de force pour transmettre son pouvoir, et ayant donc relaté son histoire à celui qui était donc, de mon point de vue, mon grand-père, par le biais d’un dictaphone.

 

Mon père hérita de ce dictaphone à la mort de mon grand-père. Mais il ignorait ce qu’il contenait exactement, ne l’ayant jamais écouté, ayant juste des consignes pour mettre le dictaphone dans un lieu sûr. Mais le dictaphone fut volé une nuit par un homme de passage, en quête d’objets de valeur à revendre. Mon père était absent de sa maison cette nuit-là, l’ayant passée avec celle qui devait devenir sa future épouse. Cet homme de passage, c’était Sergueï, le policier qui nous avait retrouvé, Svetlana et moi, il y avait 3 ans de cela. Le même Sergueï qui avait rencontré Vladimir alors qu’il crevait de faim dans la rue. Vladimir l’avait pris sous son aile, l’éduqua, avec l’aide d’Irina, qui était sa petite amie à cette époque, et lui fit passer le concours d’entrée pour être policier. En guise de récompense, il demanda à Sergueï de lui obéir lors de petites « missions » spécifiques, quand il le lui demanderai. Quant à Irina, afin de financer les travaux de Vladimir, demandés par un mystérieux groupe, nommée « La Chambre des 9 », elle eut à charge de trouver un riche propriétaire, le séduire, l’épouser, et s’arranger pour être sur son testament, afin d’hériter de son argent. C’est ainsi qu’Irina fit la connaissance du père de Nastya. La suite, je la connaissais déjà, puisque j’en étais le « héros » involontaire.

 

Toutes ces informations avaient eu l’effet d’un véritable coup de poignard pour moi. Le dévoreur, Krysta, Vladimir, Irina, Sergueï, mon père, le père de celui-ci. Tout était relié à la manière d’un immense puzzle, dont j’était devenu une des pièces maîtresses, tout comme d’autres créatures que Vladimir avait rencontré au cours des années. Je vous ai déjà parlé de cette Jorogumo, mais il y eut aussi un homme relié à la « Chambre des 9 » par ses parents, produits d’une expérience orchestrée par celle-ci, dont la chef de file était la N° 4 du groupe, une certaine Nebula, un nom de code. Cet homme, leur fils, vivant avec sa mère, toujours en vie, dans des bois, près d’une petite ville. Des bois considérés comme maudits par un tueur insaisissable, qui a donné lieu à une légende urbaine locale : Woodsman. Il m’avait bien fallu 3 jours pour emmagasiner toutes ces révélations dans mon cerveau, faisant remonter à la surface des souvenirs douloureux : la mort de mon père, celui de Nastya, et de Svetlana. Toutes ces personnes qui avaient croisées ma route, et pour qui j’avais été leur malédiction.

 

Cependant, Vladimir ne m’avait pas laissé seul en ces lieux. Le jeune assistant de Vladimir, Alexeï, était là pour veiller à la suite du « programme » me concernant. Même si j’avais pu avoir connaissance de toutes ces informations, il manquait l’essentielle : mon rôle à moi, quel était-il exactement ? Qu’est-ce que Vladimir comptait faire de moi dans les détails ? Tout comme  j’ignorais ce qu’il était advenu d’autres créatures indiqués dans les documents trouvés. Je savais que le Dévoreur vivait toujours dans son environnement, tout comme Woodsman continuait sa vie avec sa mère dans ses bois, mais il n’y avait rien d’indiqués concernant la Jorogumo, ainsi que d’autres : un Wendigo, une créature descendante directe de la Bête du Gévaudan, proche du loup-garou, un Bigfoot, un Aswang, un Chupacabra et des dizaines d’autres énumérées dans le dossier. Mais il n’y avait rien sur la nature du « Projet Crystal Soldier ». La seule chose que je savais, c’était que la teneur et le but du projet, qui avait un autre nom à l’origine, avait été chamboulé, suite à la découverte de mon existence. J’étais devenu le point central du projet, et au vu du sort réservé aux sirènes et tritons aux USA, des sujets d’expériences très poussés de ce que j’avais pu lire, je me demandais si, à terme, je subirais un sort analogue, ou si j’étais voué à un rôle plus particulier, raison pour laquelle il prenait autant soin de mon confort et de ma survie.

 

Des dizaines de questions me submergeaient, quand Alexeï entra dans la petite chambre qui m’avait été aménagé, un endroit digne d’un roi de conte de fées, avec tout le luxe propre à un haut dignitaire. Alexeï prit la parole :

 

« Eh bien Viktor, déjà réveillé ? Ce n’est pas à cause de moi j’espère ? »

 

Je le regardais, tentant d’esquisser un sourire, avant de le rassurer :

 

« Non… Non, ne t’inquiètes pas… Je… Je pensais à plusieurs choses…Des choses de mon passé…Se mélangeant à d’autres…Tu ne m’as pas réveillé… Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit de toute façon… Trop de choses m’interrogent… »

 

Alexeï me regarda, alors que j’étais assis sur mon lit, avant de reprendre :

« Tant mieux. Ça m’aurait embêté d’avoir perturbé ton sommeil. Maintenant, si tu as des insomnies, je peux te donner ce qu’il faut pour la nuit prochaine… Je ne sais pas encore exactement quand Vladimir va revenir, mais s’il rentre et qu’il voit que tu as les yeux explosés, et que cela a eu des conséquences pour nos petits tests, il risque de me passer un savon »

 

Je l’observais, comme gêné. Alexeï avait été d’une extrême gentillesse avec moi depuis le départ de Vladimir, presque… comme un frère, toujours d’une attention déstabilisante. Je n’arrivais pas à déterminer si c’était sa vraie nature, ou s’il jouait un rôle lui aussi. J’avais déjà été tellement déçu par nombre d’humains, que je ne savais plus à qui accorder ma confiance désormais. Alexeï s’aperçut de ma gêne :

 

« Tu sais, je ne suis pas comme Vladimir. Je ne joue pas un double rôle tel qu’il le fait avec toi. Je ne suis rien de plus qu’un pion dans son échiquier… Mais toi, sur son plateau, tu es le roi. Et en tant que pion, je me dois d’obéir à tous tes caprices. A partir du moment que ça t’aide à te sentir mieux ».

 

« Même si je te demande de sortir du labo ? »

 

Alexeï fit un grand sourire à ces mots.

 

« Je sais pas pourquoi, mais je savais que tu allais me demander ça. Je te comprends tu sais. Enfermé ici tous les jours, ça doit pas être drôle. Même pour quelqu’un comme toi.. »

 

Sentant qu’il avait peut-être dit des paroles blessantes, il reprit :

 

« Oh…Excuse-moi, je…Je ne voulais pas dire ça… Tu n’es pas… »

« Un monstre ? Je ne t’en veux pas de le penser… Après tout, c’est ce que je suis. Je ne suis pas un humain comme toi et Vladimir… Cela m’a pris du temps, mais j’ai fini par accepter ce que je suis… »

 

Alexeï tenta de rattraper sa gaffe :

 

« Non, Viktor. Tu n’es pas un monstre. Tu es un miracle de la nature. Et je t’assure que je suis sincère… Et je n’oublierais jamais ce que tu as fait pour Nastya… »

 

Je le regardais, comme ne semblant pas totalement comprendre ses propos

 

« Nastya ? Que… Que sais-tu à son sujet ? Pourquoi me parle-tu d’elle ? »

 

Sentant qu’il avait touché une corde sensible, Alexeï reprit :

 

« Ah, excuse-moi encore une fois. J’ai réveillé des souvenirs pénibles, et j’en suis désolé. Mais Nastya… »

 

Alexeï semblait reprendre son souffle, fermant les yeux, comme si l’évocation de Nastya était aussi douloureuse pour lui que pour moi.

 

« Viktor…. Je dois t’avouer une chose… Vladimir m’a dit certaines choses… Sur toi… Et sur ton rapport avec Nastya… Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que j’ai pu découvrir qu’il m’avait menti sur toute la ligne la concernant. Je t’en parlerai, mais à un autre moment. Tu découvriras que Vladimir n’est pas le sauveur que tu crois… »

 

« Ça, je le sais déjà… Je sais que c’est un menteur… Il m’a fait croire des choses… Et j’ai découvert que tout n’était que purs mensonges… J’en viens à me demander s’il a vraiment tenté de sauver Svetlana comme il le prétend… S’il ne l’a pas sacrifiée tout simplement… Dans le seul but de me ramener à la vie… Car pour lui, j’étais plus important pour ses projets que Svetlana… »

 

« Je crois qu’on aura pas mal de choses à se dire bientôt… Sur Svetlana… et sur Nastya aussi… Pour le reste, quelque chose me dit que tu en sais déjà beaucoup… Mais pour l’instant, on va faire nos petits tests habituels… »

 

Laissant un temps d’arrêt, comme pour réfléchir, Alexeï reprit ensuite :

 

« Et après ça, si tu veux, on fera un petit tour dehors, dans le parc… Je pense que tu mérites bien ça… ça sera ton petit cadeau pour être le plus sympa des monstres que je connaisse… »

 

J’acquiesçai de la tête, tout en me levant, et le suivant vers la salle des tests, marchant le long de ces murs blancs qui étaient désormais mon nouveau foyer. Pour combien de temps ? je l’ignorais. J’aurais très bien pu profiter de l’absence de Vladimir, et m’enfuir après m’être débarrassé d’Alexeï. Mais pour aller où ? Errer à nouveau sans but dans ce monde qui ne me comprenait pas ? Je ne trouverais pas toujours des gens qui m’accepterait tel que je suis. Des gens comme Nastya et Svetlana étaient des exceptions, je le savais bien. Mais surtout, c’étaient les paroles d’Alexeï qui me troublaient. Je me demandais bien quel rapport il pouvait avoir avec Nastya en particulier ? Sans compter qu’il avait indiqué que Vladimir lui avait menti sur toute la ligne, la concernant elle et moi… Cela me troublait, m’interrogeait… Je voulais en savoir plus, avant d’envisager de partir. Quelque chose me disait qu’une fois Vladimir revenu, je ne trouverais plus jamais d’occasion. Même si j’ignorais ce qui m’attendrait une fois dehors, cela valait peut-être mieux que retomber dans les griffes de Vladimir. J’ignorais quels étaient ses plans, mais il me devenait de plus en plus évident qu’il valait mieux ne pas attendre de le savoir avant de partir d’ici. Une fois découvert ce que Alexeï avait à me dire, je m’enfuirais…

 

Un peu plus tard, je me retrouvais dans la salle des tests. Cette salle était presque un endroit de torture. A un petit niveau, mais tout de même un lieu de douleurs. Chaque jour, Alexeï me faisait subir ses tests, obéissant en cela aux recommandations de Vladimir. Résistance à la chaleur et au froid dans des conditions extrêmes, au vent. Chaque jour, l’intensité des températures augmentait. Il me transperçait de toutes sortes d’objets, allant du simple couteau, à une lance, en passant par des haches ou des lames de tronçonneuse, en plein milieu de mon corps. Puis des balles de différents calibres, toujours plus destructeurs : pistolet, fusil de chasse, mitraillette. Observant la manière et la vitesse à laquelle mon corps rejetait les projectiles. Puis, il découpait des parties de mon corps végétal, jamais les mêmes, afin de voir comment mon corps réagissait. Celui-ci se régénérant à chaque attaque, quelle que soit la déflagration. Parfois, c’était des coups de masse sur la tête, toujours dans une optique d’observation de ma résistance.

 

D’autres teste consistaient à voir la puissance de mes pouvoirs. Elongation de mes racines, projection d’épines de ronces, émanations sortant des différentes espèces de plantes composant mon corps sur des cobayes animaux. Je détestais cette partie. Alexeï avait beau me prévenir que, connaissant la composition des gaz, il administrait l’antidote à ceux-ci l’instant d’après, cela me faisait mal de me savoir à l’origine de la souffrance de ces pauvres bêtes. Plusieurs fois je lui avais demandé s’il n’y avait pas moyen de vérifier la toxicité des gaz autrement. Il m’avait répondu que c’était soit sur ces cobayes, soit sur des humains. Sélectionnés parmi des prisonniers, grâce aux contacts de Sergueï, qui était monté en grade depuis notre précédente « rencontre ». Mais je savais très bien ce qu’il adviendrait des ces hommes une fois venus ici. Pas que leur mort me dérangeait à proprement parler, car il était certain que, mis au courant de ce qu’il se passait ici, et surtout m’ayant vu, leur destin était scellé. Mais mon cerveau partageait celui de Svetlana. Et elle aurait refusé de me voir faire souffrir des hommes qui ne le méritait pas forcément, ne sachant pas le mal exact qu’avait fait ces prisonniers. Tous ne sont pas en prison pour des raisons mauvaises. Certains y sont pour de simples bagarres de bar, un refus d’obtempérer lors d’un contrôle de police routier, une soirée éméchée ayant conduit à du tapage nocturne… Des faits qui ne justifient pas une mort plus que probable, pour ne pas qu’ils puissent raconter quoi que ce soit à l’extérieur.

 

En ce sens, Alexeï, bien qu’il affirme se conformer au désir de Vladimir, et qu’il ne pouvait prendre le risque de lui désobéir, sans en subir des conséquences, n’était pas si différent de lui à ce niveau. J’entendais presque Svetlana me parler, comme si elle était face à  moi :

 

« Ton rôle est de défendre les beautés de la nature, Viktor. Contre tous ses assaillants. Ces hommes, ces prisonniers, n’en font pas partie. En tout cas, tu ignore s’il l’ont fait. Tu n’es pas un meurtrier… Tu es un justicier des belles choses… »

 

C’étaient des moments troublants. Je ne la voyais pas, ce n’était donc pas un fantôme, mais comme c’était son cerveau qui était en moi, qu’elle se fondait en moi, via mon cristal de vie, c’était comme si nous partagions les mêmes choses, les mêmes ressentiments au même moment. C’était une sensation vraiment…étrange. Vladimir  m’avait dit qu’elle était désormais moi, et que j’étais elle. Mais je ne m’imaginais pas à ce moment que cela pourrait être à ce point. Parfois, je l’entendais fredonner une chanson que je ne connaissais pas. Je l’entendais rire quand je trébuchais dans ma chambre, pour n’avoir pas vu un emballage mis au sol, vestige d’un repas apporté par Alexeï. Et moi, je lui répondais :

 

« Pourquoi ris-tu ? Ce… Ce n’est pas drôle… J’aurais pu me faire très mal tu sais… »

 

Et je l’entendais alors me répondre, tout en riant de nouveau :

 

« Comment un grand gaillard comme toi pourrait avoir mal ? En plus, je te signale que tu es une plante… Une plante un peu spéciale, doté de mon cerveau, mais une plante quand même. Depuis quand les plantes ressentent de la douleur en tombant ? »

 

Et moi, je riais de ma stupidité… Avec elle… Comme si elle n’avait jamais disparu… Comme si elle ne m’avait jamais donné ce cerveau qui est en moi…Était-ce ce que les humains appelaient la folie ? Possible. En tout cas, cela me permettait de converser avec Svetlana… A un certain niveau… Et j’aimais beaucoup ces moments privilégiés avec elle… Même si elle n’était plus là physiquement… Au même instant, Alexeï m’indiqua que les tests étaient finis pour aujourd’hui, et que, comme promis, il allait me faire sortir un petit moment hors du labo. Je dois avouer que j’étais assez impatient de revoir la lumière du soleil, sentir l’herbe sous mes pieds, entendre les conversations des arbres, des feuilles… Ce langage si particulier qui m’avait tant manqué… Je suivais Alexeï jusqu’au dehors. Sur le coup, la lumière m’éblouit un peu. Normal. Mes yeux n’avaient pas été en contact avec elle depuis si longtemps… Le spectacle qui s’offrait à moi était magnifique. Ces couleurs, ces senteurs… Je pensais ne jamais revoir tout ça. Alexeï me laissa profiter de ce moment de plaisir quelques instants. Puis, il vint s’installer à côté de moi, alors que je m’étais assis au milieu d’un parterre de fleurs.

 

« Viktor, je ne vais pas te faire attendre plus longtemps. Je sais que tu te demandes quelle est ma relation avec Nastya… Alors, je vais tout te dire…Je te demanderais juste de ne pas m’interrompre pendant que je te relate toute l’histoire… »

 

« Oui… Je te promets de t’écouter jusqu’au bout… Je t’écoute… »

 

Alexeï m’expliqua alors qu’il était l’oncle de Nastya. En plus d’être son parrain. Il s’était étonné de ne plus avoir de nouvelles d’elle depuis plusieurs jours, alors qu’elle le faisait régulièrement, sachant qu’il s’inquiétait de la savoir vivre avec cette harpie d’Irina, telle qu’il la désignait. Il savait qu’Irina n’en avait qu’à l’argent de son frère, le père de Nastya. Alors, quand ce dernier est mort, il a craint pour Nastya, connaissant le contrat particulier que la mère de Nastya avait mis en place. Il savait qu’Irina avait de fortes chances d’être à l’origine de la mort de son frère, mais il ne pouvait pas le prouver. Nastya l’appelait donc souvent pour lui prouver qu’elle était toujours en vie.

 

Quand elle n’a plus donné signe de vie, il s’est donc rendu au village, craignant le pire. Sur place, il est tombé sur Sergueï, occupé à enterrer les corps des cadavres sur place. Dont Irina. Etant muni d’un pistolet, il a profité de la surprise de Sergueï pour lui arracher des aveux. Ce dernier lui a confirmé la mort de sa nièce et filleule. Que celle-ci avait déjà été enterrée plus loin, sur une colline. Sergueï lui a alors indiqué que c’était moi qui avait tué Nastya, et qu’Irina avait tenté de s’interposer, mais que je l’avais tué aussi. Et aussi que, mon forfait accompli, je m’étais enfui. Sergueï précisa que c’était lui qui avait enterrée Nastya sur la colline, car il savait par Vladimir, l’ancien petit ami d’Irina, qu’elle aimait beaucoup se rendre sur cette colline. Que c’était Irina qui l’avait dit à Vladimir, avec qui elle était toujours en contact, malgré leur séparation. Alexeï apprit plus tard que tout était un énorme mensonge, destiné à le lancer sur mes traces. Sergueï l’avait lancé volontairement sur une fausse direction, pour être sûr qu’il ne me trouverait pas avant lui.

 

Ayant appris par Vladimir, dont Sergueï avait fourni le numéro de téléphone à Alexeï à sa demande, que le meurtrier responsable du massacre du village avait été tué, il s’était senti soulagé sur le coup. C’est alors que Vladimir, ayant eu vent des connaissances en sciences d’Alexeï, lui a proposé de devenir son assistant. Une manière pour lui d’honorer la mémoire de Nastya, selon les dire de Vladimir, maître en manipulation. En fait, il s’était rendu compte que cette « proposition » était surtout une manière pour lui de le surveiller, et vérifier qu’il ne chercherait pas à en savoir plus. Quand j’ai été ramené à la vie, Alexeï a eu l’envie de me détruire, dès que Vladimir aurait le dos tourné, pour venger la mort de Nastya. Malgré les indications de Vladimir que ce n’était plus vraiment le meurtrier de sa nièce, mais un autre totalement différent. Un autre mensonge évidemment, comme il allait s’en apercevoir par la suite. Mais avant de découvrir la vérité, Alexeï ne démordait pas de venger Nastya en me détruisant. C’est lors du départ de Vladimir, celui-ci étant persuadé qu’Alexeï avait réfréné ses désirs de vengeance, qu’il a tout découvert.

 

Il est tombé sur les mêmes dossiers que j’ai lu, et a compris que Sergueï et Vladimir l’avaient embobinés de manière magistrale. En cherchant plus en profondeur dans le bureau de Vladimir, il a pu avoir accès à son coffre. Cela lui prit 2 jours, mais il parvint à trouver la combinaison. Là, il trouva un journal tenu par Vladimir, que celui-ci tenait chaque jour, et relatant le fait que c’était Irina qui avait tué Nastya, et que je n’étais pour rien dans son meurtre. Qu’au contraire j’avais vengé la mort de Natsya en tuant Irina et ses complices. Et que c’était moi qui avait creusé la sépulture de sa nièce. Dès lors, Alexeï s’est juré de tuer Vladimir, le jugeant responsable de tout ça, après avoir appris son rôle dans la relation d’Irina et du père de Nastya. Il a fait mine de ne rien savoir de ses découvertes, tout en prenant part aux tests à mon encontre. L’objectif pour lui étant de découvrir un moyen de piéger Vladimir à son retour, en se servant de moi comme instrument de vengeance. A ces mots, je m’insurgeais, refusant d’être utilisé comme un objet pour satisfaire ses désirs. Je repoussais alors violemment Alexeï, avant de m’enfuir en direction des bois.

 

Mais j’eus à  peine le temps d’atteindre la lisière du bois environnant, qu’une douleur effroyable m’emplit le cerveau. Comme si des millions de piqûres d’abeille avaient planté leur dard directement dans ma tête et que je ressentais l’action de tous ces venins. Je m’effondrais à genoux, submergé par la douleur, ne voyant pas Alexeï s’approcher doucement vers moi. Arrivé à ma hauteur, la douleur s’arrêta aussi soudainement qu’elle était arrivée Alexeï me parla alors :

 

« Tu vois Viktor, parmi les petits secrets de Vladimir envers toi, j’ai découvert qu’il avait quelque peu « amélioré » ton cristal de vie. Il lui a rajouté un dispositif permettant d’envoyer des décharges électro-statiques directement sur les fibres du cerveau de Svetlana qui sont reliées à ton cristal. Provoquant cette grande douleur que tu viens de ressentir. Une manière pour lui de s’assurer que tu resterais sa « chose », et que tu lui obéirais sans discuter. Et aussi pour pallier d’éventuels actes de violence de ta part envers lui ».

 

Je regardais Alexeï, conscient de m’être fait berner par sa prétendue gentillesse. En fait, pour lui, je n’étais qu’un instrument pour se venger. Rien de plus. Pour le reste, je n’étais à ses yeux qu’un monstre comme les autres, malgré ce qu’il m’avait dit.

 

« Pourquoi ?... Pourquoi fais-tu ça ?... A quoi cela t’avancera-t-il de le tuer ? Cela ne ramènera pas Nastya… Il a beau être un être mauvais, sa mort ne t’apportera rien… »

 

« C’est là que tu te trompes. Tu es loin de tout connaitre en psychologie humaine. Le tuer me soulagera, tu n’imagines même pas. Il m’a manipulé, comme il t’a manipulé toi aussi. Tu devrais être heureux de participer au piège que je lui prépare. Et dont tu es l’ingrédient principal… »

 

« Je refuse… Je refuse de faire ça… Je ne suis pas un objet dont tu peux disposer à ta guise… Je sais qu’il n’est pas seul dans le projet qu’il prépare… Si tu le tue, un autre prendra sa place… Cela ne règlera rien… »

 

Alexeï me regarda, un sourire ironique aux coins des lèvres.

 

« Je crains que tu n’aies pas vraiment le choix de m’obéir. Tu vois ce petit boitier ? C’est ce qui me permets de déclencher la douleur que tu as subi tout à l’heure. Tant que je l’ai en ma possession, tu es mon esclave. Et un esclave, ça obéit à son maitre… Que tu le veuilles ou non, tu m’aideras à tuer Vladimir… »

 

Ses yeux étaient pleins de haine, comme rarement j’en avais vu chez les êtres humain que j’avais croisé lors de mon périple. Je savais qu’il avait raison. Tant qu’il avait cet instrument pour me contrôler, je ne pourrais pas m’opposer à son plan. Je devais d’abord découvrir comment lui voler ce boitier… Ou apprendre comment enlever ce dispositif de ma tête. Et ça avant le retour de Vladimir. Mais j’ignorais quand celui-ci reviendrait des USA. Le temps m’était compté. Car rien ne garantissait qu’Alexeï se limiterait au meurtre de Vladimir. Avec ce boitier, je devenais son petit animal domestique, obligé de lui obéir. Dès lors, qui sait quelles autres actes il me ferait commettre à sa place ?...

 

Publié par Fabs

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