On est parfois amené à avoir des décisions stupides rien que par le défi que cela représente, ou dans un souci de test de résistance envers ceux qui nous ont donné la vie. Je suis certain que vous avez vous aussi eu une période de ce type. Un moment dans votre existence où votre instinct de rébellion vous a incité à s’opposer aux directives, aux règles institués par vos parents. Le plus souvent dans un but de jeu malicieux, n’hésitant pas parfois à se mettre dans une position de danger volontaire pour voir leur réaction, et découvrir à quel point vous comptiez pour eux, et leur degré de pardon. Une attitude stupide, tel que l’on s’en rend compte en grandissant, mais à un certain âge, on considère presque ça comme un rite de passage institué à notre père, notre mère ou les deux. J’ai fait preuve de la même idiotie immature, et c’est ce qui m’a amené à être où je suis en ce moment, enfermé dans ces lieux sans espérer pouvoir en sortir un jour.
Enfin, pour être précis, une partie de moi est déjà au-delà des frontières de cet endroit maudit, c’est le reste qui est prisonnier de ce parc qui constitue mon purgatoire, ma punition pour avoir osé défier le PumpkinMan. Osé défier son pouvoir de protection de ces lieux et perturbé l’esprit d’Halloween, juste pour obtenir une éphémère satisfaction de voir les visages inquiets de mes parents, m’assurant qu’ils tenaient vraiment à moi, comme ils aimaient me le dire, alors que leurs attitudes semblaient montrer tout le contraire. Mais pour que vous compreniez mieux ce qui m’a conduit à aller à l’encontre de la prudence respectée par tous les habitants de la petite ville où j’habite, je me dois de revenir en arrière. Avant que je devienne l’hôte forcé de ce parc où je partage l’espace avec tous ceux avant moi qui se sont retrouvés piégés ici. Mais eux, ce n'était pas forcément par choix. En tout cas, ils n’ont pas tous pris la décision de se rendre ici.
Certains l’ont fait en suivant leurs amis, ou pour empêcher leur petit frère, leur petite sœur de subir les foudres du PumpkinMan s’il découvrait leur arrogance et leur irrespect en franchissant les limites séparant le territoire des vivants de celui des morts. Je pense que cette dernière phrase doit soumettre votre cerveau à de multiples interrogations sur ce qui m’a conduit à commettre l’interdit, et grossir les rangs des prisonniers du Parc Downer, alors que ce dernier n’avait pas vu de nouveau pensionnaire depuis plus de nombreuses années.
Avant que cette terre devienne maudite à cause de la cupidité de ceux ayant érigé la ville en contrebas, il y vivait une tribu indienne, les Choctaw. Une tribu pour qui les liens avec les esprits et l’au-delà étaient très importants. En contrepartie de la protection de ces derniers, le chef de la tribu s’assurait qu’une offrande soit donnée à l’un d’entre eux, le jour du Samhain. Par la suite, la tribu eut pour voisins une communauté de colons ayant construit leur ville un peu plus bas dans la vallée. Les relations entre les colons et les Choctaw se passait très bien, fraternisant les uns avec les autres. Mais les colons avaient emmené avec eux une maladie qui eut raison de la totalité des Choctaw. Ces derniers, attachés à leur tradition, à base d’herbe médicinale et d’incantations, refusant les remèdes plus efficaces offerts généreusement par les colons, périrent tous en peu de temps. Les habitants de la ville firent creuser des tombes pour les morts, s’attachant à respecter les croyances de ceux-ci, en ne mettant rien en surface pouvant indiquer la présence de sépulture. Les années passèrent, et les générations suivantes finirent par oublier la présence du cimetière des Choctaw. Un promoteur immobilier, désireux d’apporter un attrait touristique à la ville, fit construire un parc d’attractions sur les lieux même où se trouvaient les sépultures des Choctaw, ignorant ce qui se trouvait dans le sol.
Un fait qui provoqua la colère des esprits, et notamment du PumpkinMan, qui s’était porté garant de protéger leurs corps. Mais pendant plusieurs années, le PumpkinMan a été dans l’impossibilité de pouvoir utiliser ses pouvoirs, du fait d’un chasseur d’esprits, et s’est retrouvé impuissant quand le parc a été érigé. Il ne pouvait pas agir de manière directe, mais cependant, il pouvait le faire par l’intermédiaire des esprits des Choctaw, dont le repos avait été perturbé. Peu de temps après l’ouverture officielle du Parc, plusieurs manifestations surnaturelles se firent connaitre, provoquant panique, inquiétude et terreur. Au final, les incidents de ce type devenant incessants, le Parc finit par perdre toute sa clientèle, en plus d’obtenir une publicité désastreuse, et fut obligé de fermer. Plus tard, plusieurs morts furent constatées. Des groupes de jeunes, ou des fanas de surnaturel, cherchant les sensations fortes, s’introduisaient de nuit dans le parc, dont la réputation hantée attirait nombre de curieux. A chaque fois, leurs cadavres étaient découverts à l’extérieur du parc, devant l’entrée. La municipalité de la ville finit par interdire rigoureusement à toute personne de s’approcher du Parc maudit, pour la sécurité de tous.
J’ai appris cette histoire par le biais de forums sur le web, étant moi-même passionné par le surnaturel. Comme je vous l’ai dit plus tôt, mes relations avec mes parents en était à un point que je me sentais délaissé par eux. Ils étaient submergés par leur travail respectif, et je passais au second plan. J’avais l’impression d’être plus un fardeau, ou un étranger à leurs yeux, et je ne savais plus trop quoi faire pour attirer leur attention. Plusieurs fois je leur ai demandé s’il m’aimait vraiment, vu qu’ils étaient plus intéressés par les graphiques des statistiques de leurs sociétés pouvant assurer des rentes monétaires importantes à notre famille, qu’à moi. Ils m’ont assuré que rien n’était plus important que leur fils unique, et qu’ils étaient désolé si je pensais ça d’eux, m’assurant qu’ils feraient leur possible pour que l’on passe plus de temps ensemble, comme un vrai foyer. Mais ils n’ont pas tenu leur promesse, et chaque jour qui passait me donnait l’impression qu’ils s’éloignaient de moi de plus en plus.
Alors, j’ai eu cette idée folle de les forcer à voir en moi autre chose qu’un objet dans leur vie. C’est vraiment la sensation que j’avais. Et en apprenant la réputation maudite de ce parc, ça m’a donné l’idée de faire un truc suffisamment dingue pour qu’il me considère véritablement. Si j’étais le premier depuis des années à entrer et sortir de ce parc, révélant ce que j’y avais vu, j’étais persuadé de devenir une sorte de héros aux yeux de la ville. Et de mes parents. Alors, j’ai profité de la fête d’Halloween, alors que mes parents, pour changer, étaient affairés à s’occuper de la supervision des activités et animations en ville. Je passais devant les enfants costumés, les mini-spectacles de rue, et les maisons décorées, dont les portes s’ouvraient au son des « Trick N’Treat », et je me suis rendu au Parc. Mon exploit aurait plus de valeur en m’y rendant de nuit, et comme tout le monde était plongé dans la fête, personne ne se rendrait compte dans quelle direction je me rendais.
Une fois sur place, j’ai ressenti comme des dizaines de regards portés sur moi, à chacun de mes pas. Une impression bizarre qui se rajoutait à la froideur des lieux, son atmosphère particulière prompte à rendre paranoïaque le plus intrépide des chasseurs de fantômes. D’ailleurs, la réputation du Parc était tellement néfaste qu’aucun spécialiste n’osait braver la malédiction qui englobait les lieux. Même les Ghost Hunters, que j’admirais, ne voulaient pas prendre le risque de s’y rendre, car ils ne voulaient pas se rajouter aux victimes du Parc Downer. J’avais vérifié la météo avant de partir, et normalement le temps aurait dû être tout ce qu’il y avait de plus calme et chaud surtout. Normal, on sortait tout juste d’un très chaud été. L’un des plus caniculaire que l’on ait eu dans la région depuis des années, et qui s’était prolongé à l’automne, en terme d’atmosphère.
Et pourtant, à peine avais-je pénétré dans l’enceinte du parc, qu’un vent glacial soufflait un peu partout, et des nuages gris surplombait toute la surface de ce dernier. Un vrai film d’horreur. Mais je ne voulais pas reculer. Pas maintenant. J’étais déterminé à retrouver de la fierté dans les yeux de mes parents me concernant. Peut-être aussi une forme de preuve de leur amour, en voyant leur inquiétude de prime abord en découvrant que j’étais sorti vivant du Parc maudit. Mais je ne verrais jamais cette étincelle dans leurs yeux. Plusieurs fois, j’aperçus brièvement des formes se déplacer entre les différentes attractions. Derrière la roulotte du marchand de barbe à papa. Au guichet de la grande roue. Ou bien des lueurs aux fenêtres du train fantôme.
Plus j’avançais dans le parc, plus la peur m’envahissait. Mon cœur battait plus fort, mes jambes tremblaient, comme si quelqu’un ou quelque chose les faisaient bouger. Mais c’était mon angoisse montante qui était la seule cause. Et puis, j’entendis son rire. Un rire semblant venir d’outre-tombe, un rire terrifiant. Mon courage ayant ses limites, je me retournais en courant, et décidais de m’enfuir. Tans pis pour mon plan de départ. Cet endroit, ce parc, était encore plus terrifiant que sa réputation, et je ne voulais pas savoir si les rumeurs propres aux fantômes hantant les lieux étaient avérées. Les simples silhouettes que j’avais aperçus me suffisaient pour savoir que j’avais commis une énorme erreur en venant ici. Mais c’est alors que je les vis devant moi, sortant de la pénombre des bâtisses des stands et des attractions. Des femmes, des hommes, des ados qui ne devaient pas être plus âgés que moi, entourés d’un halo oscillant entre le bleu et le noir, les yeux dépourvus de toute vie, avançant vers moi à petits pas. Inexorablement. Je tentais de les détourner, mais à chaque tentative, d’autres venaient de différents côtés, me forçant à changer de direction.
J’étais en proie à une terreur intense. Tout ce qu’on disait sur ce parc était vrai. Les âmes de ceux qui avaient été tués dans ces lieux étaient comme prisonniers, sans espoir de sortie. Et ils n’acceptaient pas que quelqu’un puisse échapper à ce qu’ils subissaient. Alors ils chassaient les imprudents venant en ces lieux, comme une sorte de vengeance de leur propre état, pour avoir fait l’erreur de croire que les histoires entourant ce parc étaient l’œuvre d’illuminés ou de personnes ayant eu des hallucinations, à cause de leur imagination débordante. Très bientôt, j’étais encerclé de toute part. Je voyais leur sourire de me voir acculé, j’étais leur proie, leur moment de plaisir auquel il n’avait pas goûté depuis si longtemps. Etant le seul à avoir eu la stupidité de venir en l’espace d’une dizaine d’années depuis le dernier inconscient à avoir posé les pieds sur ce sol. Résigné, je tombais à genoux, pleurant comme une fillette, pendant qu’une forme différente s’approchait, fendant le cercle des esprits, et s’approchant de moi. Le PumpkinMan. Celui qui était évoqué dans d’autres récits. Le défenseur du respect d’Halloween, sous toutes ses formes. Celui qui veillait à punir ceux qui allait à l’encontre de l’esprit d’Halloween.
Il souriait lui aussi. Sa tête de citrouille semblait luire d’une aura différente des autres. Comme pour montrer qu’il n’était pas de la même teneur que ceux qui m’entouraient. Je sentais sa main se poser sur mon crâne, pendant que j’entendais son rire s’étendre tout autour… Je ne me souviens pas très bien de ce qui s’est passé ensuite. Comme un trou noir dans ma tête. Je sais juste que j’ai vu mon reflet dans un des miroirs du Palais des Glaces du Parc. J’étais devenu comme les autres. Une nouvelle âme perdue ici à jamais. Prisonnier de ces lieux, sans espoir d’en sortir, pour l’éternité. J’ai vu mon cadavre, mon corps physique, en m’approchant de l’entrée. J’ai tenté de franchir celle-ci, mais j’ai ressenti alors une immense douleur en moi, me repoussant. Je savais que je ne sortirais plus jamais d’ici, et que toute tentative était vouée à l’échec. J’observais mon corps au loin, de là où j’étais. Je pensais au désespoir de mes parents en apprenant ma mort, à leur tristesse inconsolable qui en découlerait.
Comme il l’a permis à tous les autres, le PumpkinMan a usé de son pouvoir pour que je puisse écrire mon histoire, en utilisant ma pensée pour inscrire des mots sur une sorte de registre. Mon nom figure sur la couverture. J’ai appris en discutant avec les autres âmes, qu’eux aussi ont décrit ce qui leur est arrivé sur le même type de registre. M’expliquant que le PumpkinMan envoyait ces derniers ensuite, sans qu’ils sachent comment, à un humain. De ce qu’ils ont compris, c’était comme une sorte de rituel entre eux. Une manière de montrer à cet humain qui l’a libéré, qu’il continuait à perpétrer l’esprit d’Halloween, et punir les contrevenants. Donc, je suppose que c’est vous qui me lisez en ce moment. J’ignore ce que vous pouvez faire ensuite de ces récits, mais je tiens à dire que j’ai accepté ma punition. Je sais que j’ai fait du mal aux fondements même d’Halloween, de son esprit de fête en pénétrant en ce lieu interdit, érigé sur les sépultures d’un peuple lié au PumpkinMan. J’espère juste que d’autres ne feront pas la même erreur que moi, car je ne souhaite ce sort à personne, même pas aux personnes que je déteste…
Publié par Fabs
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire