7 oct. 2023

LE SECRET DE STONEHENGE (Challenge Halloween/Jour 7)

 


 

Il y a eu des dizaines de théories sur la signification des pierres de Stonehenge, allant de la plus crédible à la plus farfelue. Sépulture, lieu de culte, extra-terrestre… Pratiquement tout y est passé. Et dans les faits, pendant très longtemps, rien n’a vraiment été établi, jusqu’à ce jour où mes collègues et moi avons compris que toutes ces théories étaient des éléments du puzzle que représente Stonehenge. Elles avaient toutes leurs parts de vérité. Aucune n’était plus vraisemblable que l’autre : c’était un ensemble s’imbriquant d’une manière complexe. Tout a commencé en septembre 2023, alors que j’avais été chargé de corroborer, avec mon équipe, les travaux de Trevor Cox, un professeur et chercheur en acoustique de l’Université de Salford, portant sur les spécificités et la signification de l’un des sites archéologiques les plus connus d’Angleterre.

 

Des travaux qui ont consisté à la reproduction à l’échelle 1/12ème des structures mégalithiques de Stonehenge situées à 13 kilomètres au nord de Salisbury dans le Wilsthire. Cox s’est servi d’une chambre semi-anéchoïque de l’université où il officie, qu’il a fait recouvrir de mousse géométrique, sauf sur le sol. Un assemblage absorbant pratiquement tous les sons, au sein de cette chambre dite « sourde ». Cox a basé ses travaux sur un modèle informatique fourni par l’English Heritage, l’agence gouvernementale chargé de l’entretien de Stonehenge, ce qui lui a permis d’avoir un aperçu de l’état initial du site, au moment où il a été érigé, il y a 4000 ans de cela, entre 3000 et 1100 av. J-C, sur une période allant du Néolithique jusqu’à l’âge de bronze.

 

Les 157 pierres ainsi reproduites à cette échelle réduite, peintes en gris ont été obtenues grâce à des impressions et des moulages 3D. Une fois le tout installé, la pièce disposant de haut-parleurs tout autour de la structure. Ce qui lui a permis d’avoir une idée dont les sons se répercutaient à l’intérieur du cercle que constitue Stonehenge. Il a découvert que cet ensemble circulaire concentriques parfaitement alignés de manière à être en alliance avec les solstices d’été et d’hiver, fonctionnait comme une chambre d’écho, amplifiant les voix émises à l’intérieur, tel un véritable haut-parleur naturel. Les sons au sein du cercle étaient inaccessibles à l’extérieur, rendant confidentiel tout ce qui pouvait se dire à l’intérieur, de manière confidentielle. Ce qui pouvait confirmer que cet « d’enfermement » du son au centre du cercle était bien issu d’une volonté de ne pas être entendu par des non-initiés, et ouvrait la porte un peu plus à l’existence d’un culte privé. La découverte, en 2010, de l’existence de deux haies encerclantes autour du site, qui pourrait être des buissons épineux, ont rajouté à cette supposition. Ce qui fait que Stonehenge a été élaboré dans un désir de bouclier contre les regards et les oreilles indiscrètes.

 

Cependant, la théorie de Cox établit que l’acoustique aurait été modifiée si des personnes s’étaient trouvés à l’intérieur, le corps humain absorbant le son. Ce qui signifierait que, dans un souci de réussite du culte, quel qu’en puisse être son rôle, un nombre restreint d’intervenants devaient se trouver à l’intérieur, pendant que les autres membres du culte étaient à l’extérieur. Ceux-ci avaient vraisemblablement un rôle de gardiens pour éviter que les cérémonies au centre du cercle ne soient interrompues. Cox a publié les résultats préliminaires de ses travaux dans le « Journal of Archeological Science » en 2020, avant d’être interrogé par la BBC en Juin 2023 sur l’avancée de ces mêmes travaux. Le travail de mon équipe était d’opérer aux mêmes analyses que Cox, mais directement sur le site.

 

Un travail consistant à des essais soniques méticuleux sur les pierres et le sol, et l’analyse en profondeur de ce dernier, en utilisant des sondes permettant de détecter des objets particuliers sous terre pouvant avoir servi de « conducteurs » du son au sein du cercle, comme des chants, de la musique ou des incantations, se diffusant sous terre, jusqu’à parvenir à une distance sans doute calculée à l’extérieur parvenant aux membres de ce probable culte qui se trouvaient hors du cercle de pierres. Une sorte de « connexion » entre les personnes à l’intérieur et celles à l’extérieur. Ainsi, les deux groupes gardaient une sorte de « contact » du déroulement de la cérémonie.

 

Mais aucun d’entre nous ne s’attendaient à ce que nous allions trouver dans le sol au cœur du cercle de menhirs de Stonehenge, et qui allait bouleverser tout ce que nous pensions savoir en tant que scientifiques, et modifiant à jamais le devenir de l’humanité. Mais au fait, je ne me suis pas présenté : je me nomme Wesley Durnham, et je supervise l’étude demandée par l’université d’Aberystwyth, là où je suis professeur du département de géographie et des sciences de la terre. C’est au cours de cette étude que nous avons découvert en premier lieu que la pierre d’autel au centre du cercle de Stonehenge n’avait pas l’origine que l’on pensait savoir jusqu’à présent. Les autres pierres composant le cercle viennent de la région galloise de Preseli Hills, là où se trouve d’autres menhirs millénaires à Waun Mawn.

 

Des études ultérieures ont permis d’établir la différence de composition des pierres bleues du cercle et celle de l’autel, composé de grès. Or, jusqu’à présent, on pensait que ce dernier provenait d’une formation de vieux grès rouge, venant de l’ouest du Pays de Galles. Formation qui a été créée il y a environ 400 millions d’années. Comme je l’ai précisé précédemment, Stonehenge a été érigé en plusieurs étapes, et ses ajouts les plus récents datent de 1600 ans avant notre ère. Cependant, nos outils d’étude minéralogique ont pu certifier que la pierre de l’autel ne correspond pas au grès qu’on trouve dans le bassin Anglo-gallois. Sa composition, en grande partie de baryum, un métal de la famille des alcalino-terreux, est étrangère à cette région.

 

Ce grès semble plus proche de celui de Cumbria, un comté du Nord-Ouest de l’Angleterre. Ou encore de celui présent dans les îles écossaises des Shetland et des Orcades. Or, on sait que les pierres de cette région ont déjà servis à des fins rituelles par les habitants. La distance séparant Stonehenge de ces îles est très élevée. Cependant, 2500 ans avant notre ère, période à laquelle l’autel a pu être érigé, les trajets de longues distances étaient déjà en vigueur, comme le prouvent déjà l’acheminement qui a dû permettre de faire transporter les pierres composant les menhirs du cercle de Stonehenge de la région galloise jusqu’au site où elles ont été mises en place. Ce qui représente déjà un record de distance pour l’époque. L’origine encore plus lointaine de la pierre ayant servi pour l’autel allonge encore plus ce record.

 

A la lumière de cette constatation, nous avons concentré l’étude du sol et de la pierre de l’autel, et avons découverts qu’il y avait une cavité sous ce dernier, à environ 3 mètres de profondeur. Cela nous a intrigués, et avons demandé l’autorisation auprès de l’English Heritage de procéder à des fouilles approfondies à cet endroit. D’autant que nos appareils indiquaient la présence d’un corps ferreux de forme rectangulaire nous interrogeant fortement. Les responsables de l’agence gouvernementale étaient eux aussi très curieux de savoir ce que cachait le sol, et la nature de cet objet ressemblant fort à une probable sépulture. De nombreuses rumeurs historiques laissent penser que la tombe du roi Arthur, la figure légendaire de l’Angleterre ayant inspirée nombres de films, série, et livres, serait enterrée sous le site de Stonehenge, celui-ci pouvant être considéré alors comme la mythique Avalon des écrits concernant la légende des chevaliers de la table ronde. Certains suggèrent même que le mythique Graal y serait enterré à ses côtés.

 

Si la présence de cette probable sépulture n’avait jamais été découverte jusqu’à présent, c’est qu’aucune étude en profondeur du sol n’avait été faite avant nous, et encore moins celui situé sous l’autel. Il a fallu que nous découvrions la différence de composition minérale de ce dernier, et pousser nos recherches via des sondes géologiques, pour que nous puissions entrevoir la possibilité d’une découverte archéologique et historique de grande ampleur. Sans doute la plus importante de notre siècle, et pouvant établir l’existence réelle du mythique Arthur, et pouvant donner un sens encore plus profond au culte éventuel expliquant l’origine de Stonehenge. 

 

Nous étions tous excités par tout ceci, et très vite nous reçûmes l’appareillage nécessaire pour permettre de creuser le sol et débuter l’extraction, sans risquer d’abîmer l’autel au-dessus, ni causer des dommages d’affaissement du sol, pouvant mettre en péril le site tout entier. Des études supplémentaires et des essais furent mis en place afin de s’assurer que nous ne risquions pas de désagréger les sous-sols du site, et causer une catastrophe archéologique qui causerait un scandale sans précédent dans le monde. C’est pourquoi nous avons pris notre temps. Est-ce le fait que nous étions en octobre, et qui plus est dans la dernière semaine d’Halloween ? Difficile de le savoir.

 

Mais les évènements qui suivirent l’extraction de ce qui se révéla être bel et bien une sépulture, personne n’aurait pu l’envisager, tellement ce qui suivit entrait dans le domaine du fantastique à un très haut niveau. J’ai émis ma propre hypothèse sur les conditions d’extraction qui se sont déroulés le 24 octobre, soit lors de l’alignement de Saturne et de la lune. Selon sa signification ésotérique, Saturne symbolise le bouleversement du quotidien, la confrontation, l’échec. Son alignement avec la lune accentue ces effets auquel s’y rajoute des sources de conflits intérieurs. Symboliquement, sortir la sépulture ce jour-là pourrait avoir eu un effet néfaste sur ce qui s’est passé après, et dont je me sens responsable par son impact à venir. Surtout LA concernant. Celle qui allait changer ma vie, celle de mon équipe et mettre en danger le concept même de vie sur terre…

 

Les opérations pour extraire l’objet sous terre ont été longues et minutieuses. Nous utilisions des minirobots spécialement conçus pour cela. Leur petite taille était idéale pour creuser le sol, et utilisant une technologie laser, je dirais en fait qu’ils « découpaient » par tranches celui-ci. Ainsi, chaque « morceau » découpé était soigneusement entreposé dans un compartiment à l’extérieur du cercle mégalithique, réfrigéré, afin que sa texture ne se détériore pas, et puisse être remise en place une fois l’extraction faite. Chaque partie de sol enlevé était étiquetée, de manière à ce qu’on puisse la replacer exactement par la suite. L’espace vide causé par l’enlèvement de l’objet serait comblé par de la terre venant des environs. Il fallut plusieurs heures pour que les robots arrivent enfin à la profondeur où se situait la sépulture.

 

Car oui, comme nous le supposions, il s’agissait bien d’un cercueil. Mais sa composition n’était pas du tout ce à quoi nous nous attendions. Alors que nous pensions trouver une sépulture en pierre, propre à l’imagerie que nous avions de la dernière demeure du héros censé se trouver à l’intérieur, il en était tout autre. C’était un cercueil d’un métal qui ne ressemblait à rien de connu, pourvu de signes incompréhensibles gravés tout autour. Un métal oscillant entre le pourpre, l’argent et l’or, avec des aspects faisant penser au zinc, au cuivre et l’étain. Le mot « Orichalque » fut prononcé par l’un de mes hommes. Ce métal mythique évoqué dans plusieurs récits de l’antiquité.

 

Avec le temps, les historiens ont pu déterminer que cette appellation aurait pu désigner un alliage de différents métaux, et notamment le laiton. Mais avec ce que nous avions sous les yeux, je ne savais plus trop quoi penser, et j’avoue que j’ai également pensé au légendaire orichalque, celui des mythes et légendes, plus que ce qu’en ont compris les spécialistes des civilisations disparues, notamment ceux parlant de l’Atlantide, d’où serait originaire ce métal. Il y avait déjà de nombreuses suppositions sur les liens entre la légende arthurienne et l’Atlantide, sur le rapport très proche entre Avalon et la mythique cité engloutie décrite par Platon et d’autres figures historiques. Passé notre surprise, le cercueil métallique fut emmené vers un camion prévu à cet effet, en direction de l’université d’Aberystwyth, pendant que les robots se chargeaient de combler le trou avec la terre amenée à leur disposition, et les plaques de sol précédemment prélevées, afin de redonner son aspect d’origine au sol sous l’autel.

 

Dès cet instant, la question du point de départ du grès composant l’autel était passé au second plan. Une fois tous rejoint l’université, dans la petite pièce où le cercueil avait été disposé, tout le monde voulait savoir si celui-ci comportait en son sein le légendaire Arthur, et si le Graal était auprès de lui. Tout un pan d’histoire et de mythes divers était peut-être sur le point de trouver ses réponses une fois ouvert ce cercueil dont l’aspect ne cessait de nous surprendre. Ses couleurs changeaient suivant l’angle d’orientation de la lumière se reflétant dessus, et nous avions presque l’impression que certains signes changeaient aussi, en s’adaptant à l’intensité de cette même lumière. On sortait complètement de toute forme de logique scientifique, et étions dans l’inconnu le plus complet sur le fonctionnement de ce cercueil qui ne voyait aucune ouverture visible.

De longues heures nous l’avons étudié sous tous les angles, analysant les écritures, rapprochant les signes de toute forme de langage cunéiforme connu. Du plus ancien au plus méconnu. Égyptien, akkadien, sumérien, hittite, élamite, hourrite… On se servit d’un logiciel qui nous avait déjà fort utile, dont la base de données contenant des milliers de signes et langages, y compris les runes nordiques et autres signes cabalistiques, pouvait à partir de ça parvenir à donner une signification à des types d’écriture inconnue. Cela fut long, mais l’IA utilisée parvint à trouver la « clé » des écrits. Nous nous étions aperçu qu’une partie du cercueil se démarquait des autres. Une sorte de petit carré comportant 5 lignes de caractères.

 

Chacun d’eux avait la particularité de s’enfoncer lorsqu’on appuyait dessus, et il devint vite évident qu’il s’agissait probablement du système d’ouverture de la sépulture. Mais il devait y avoir un « code », un sens bien précis à suivre pour les signes sur lesquels appuyer. Là encore, la technologie dont nous disposions nous fut utile. Usant de la « clé » trouvée par l’IA de notre logiciel de déchiffrage, nous l’avons intégrée dans la mémoire d’un petit appareil similaire à ceux dont se servent certains malfrats pour l’ouverture des coffres de banques ou de particulier, pour déterminer la combinaison. Notre « outil » était relié à deux petites pinces métalliques, chargées de remplacer des mains humaines, afin de taper sur les chiffres à grande vitesse. Ainsi, notre petit robot-traducteur composait des centaines de combinaisons possibles en un temps réduit.

 

Une opération longue là encore, tellement le nombre de ces combinaisons possibles était élevé. Au bout de deux heures, le « code » fut cracké, et nous eurent la joie de voir le couvercle du cercueil se soulever, selon un mécanisme très élaboré. Une fois le processus d’ouverture terminé, nous avons alors pu voir ce qu’il y avait à l’intérieur, et encore une fois, notre surprise fut de taille. Ce n’était pas le roi Arthur visiblement. Rien qui pouvait le faire penser, et aucune trace du Graal nulle part. A la place, il y avait le corps d’une femme habillée à la manière d’une princesse égyptienne, sans pour autant avoir le style vestimentaire de cette époque, si ce n’est le pagne, mais porteuse d’une tiare sur la tête, et de multiples bijoux au cou, aux bras, aux doigts et aux oreilles. Tous de la même matière qui composait le cercueil que nous appelions d’un commun accord Orichalque, en référence à son aspect faisant penser au métal mythique.

 

Nous étions subjugués par sa beauté envoûtante, et par la conservation de son corps. C’était comme si elle n’avait été placée dans ce cercueil que depuis quelques jours : on nageait en pleine SF. Et pourtant, nous ne rêvions pas. Autre chose nous bouleversa : une sorte de sigle sur le collier qu’elle portait autour du cou. Il était semblable à plusieurs signes du même ordre sur des lieux et des écrits faisant référence à l’Atlantide. Mais nous n’eûmes pas le temps de nous interroger sur ce que ce signe pouvait bien faire là, au sein d’un cercueil enterré à plusieurs mètres de profondeur de Stonehenge : les yeux de la femme venaient de s’ouvrir… Immédiatement, elle se releva, restant assise, nous observant tour à tour, fixant le moindre des éléments de notre corps. On avait l’impression d’être « sondés ».  Puis, d’un coup, elle agrippa le bras de l’un de nous, continuant à le fixer dans les yeux, pendant qu’une de ses mains touchait son collier qui se mit à briller d’un fort éclat jaune, et projetant un rayon allant se positionner à l’emplacement du cœur de notre compagnon.

 

Nous étions tellement sous le choc, que nous ne pouvions pas bouger un muscle, et nous avons assisté à la lente agonie de la « proie » de cette femme dont nous ignorions la nature. En revanche, ses intentions étaient loin d’être pacifique, cela sautait aux yeux. Lyam, l’homme étant sous l’emprise de la femme, semblait se dessécher sur place, comme s’il se vidait de tous les fluides composant son corps, aspirés par le collier. On voyait le corps de la femme s’illuminer d’un éclat de la même teneur que le collier et le cercueil, et l’éclat de sa peau devenir moins terne, au fur et à mesure qu’elle prenait la vie au bout de ses doigts. Après quelques minutes, alors que nous étions toujours dans l’impossibilité de bouger, comme si un maléfice nous en empêchait, Lyam s’écroulait sur le sol, son corps réduit à celui d’une momie vieille de plusieurs siècles. Et déjà, on voyait Gallagher semblant être « invité » par le regard à s’approcher de la créature, afin d’y subir le même sort horrible…

 

L’un après l’autre, tous les membres de mon équipe se sont trouvés dans le même état que Lyam. Et personne pour nous venir en aide. La pièce où nous nous trouvions se situait dans une aile réservée à notre département, et personne d’autre que nous ne pouvait y avoir accès, en dehors du Recteur de l’université, absent des lieux à ce moment. Nous étions seuls avec cette créature. Une fois mes 6 compagnons « vidés » littéralement, la créature se dressa debout dans le cercueil, et entreprit d’en sortir. Moi, j’étais toujours incapable de bouger, et donc dans l’impossibilité de permettre à cet aspirateur de vie vivant de s’approcher de moi. Une fois positionnée devant moi, elle me parla alors :

 

 -  Ne t’en fais pas : toi je ne t’absorberais pas. Je vous ai longuement sondé tout à l’heure, après que vous m’ayez réveillée de mon long sommeil. Ce dont je vous remercie infiniment.

 

J’étais tétanisé, et pas seulement parce que je ne pouvais pas me déplacer, me demandant ce qu’elle comptait faire de moi. 

 

 -  Tu semble te demander qui je suis, et pourquoi je t’ai épargné ? Je vais répondre à tes questions. Je dois bien ça à celui qui, sans le savoir, va me permettre de sauver mon peuple, grâce au tien.

 

C’est ainsi qu’elle se lança dans un long monologue, m’expliquant son histoire. Elle s’appelait Avalon. Oui, comme l’ile mythique des légendes arthuriennes. Elle m’expliquait qu’elle venait d’une planète située à des années-lumière de la nôtre. Une planète qui se mourrait, la faute à un virus leur empêchant de procréer, et de pérenniser leur civilisation. Un virus ayant été apporté par une météorite s’étant écrasé sur leur planète. Pour éviter l’extinction, une grande majorité des habitants furent cryogénisés au sein des diverses cités de son peuple, uniquement les hommes, car ce sont leurs gênes qui étaient attaquées par le virus.

 

Elle fut choisie par le couple royal de leur planète, avec quelques compagnons femmes, pour trouver une planète et des habitants le plus proche de notre constitution, afin de se faire féconder, et constituer ainsi une nouvelle civilisation de base, composée d’héritiers mâles, qui seraient par la suite emmenée sur sa planète d’origine et constater si le virus ne les atteint pas. Les scientifiques de leur monde pensant que ce virus n’était probablement actif que sur les gênes de leur peuple. Introduire des mâles issus de la procréation d’autres espèces pouvait être la solution et éviter la mort de leur civilisation à petit feu. C’est ainsi qu’elle et les femmes l’accompagnant sont venus sur Terre, et ont créés un continent que les humains ont appelés l’Atlantide. Elle en était la reine, et les femmes commencèrent à se rendre sur les continents avoisinant pour enlever des hommes servant de reproducteurs.

 

Du fait de leurs tenues guerrières, et parce qu’elles traquaient uniquement les hommes, le mythe des Amazones est né. Bientôt, l’existence de ces amazones chasseuses de mâles pour servir d’esclaves reproducteurs se fit connaitre auprès d’érudits, dont un certain Platon. L’Atlantide se vit bientôt rempli d’habitants robustes. Grâce à une technologie issue de leur monde, les femmes pouvaient sélectionner les gênes, et choisir le sexe de leurs futurs enfants. S’il y avait un problème et qu’une fille naissait, elle était exécutée ou jetée à la mer. Certaines mères finirent par se rebeller sur ces méthodes barbares, et quittèrent l’Atlantide, afin de créer leur propre civilisation. Mû fut ainsi né. Avalon n’acceptait pas son existence, d’autant que les habitants de Mû se mêlaient de leurs expéditions et tentaient d’empêcher les enlèvements de nouveaux mâles.

 

La guerre entre l’Atlantide et Mû étant devenu inévitable, un conflit majeur éclata, usant de leur technologie destructrice, et provoquant d’immenses raz-de-marée dévastant les deux continents. Avalon fut la seule rescapée des continents qui s’enfoncèrent dans la mer. Etant désormais seule, son vaisseau englouti avec sa cité, avant même qu’elle ait eu le temps d’organiser un premier « envoi » vers sa planète, Avalon a parcouru les âges, tentant de recréer un peuple, gardant l’espoir qu’il y ait eu d’autres survivantes comme elle. Elle les chercha pendant des siècles. Son peuple pouvant vivre bien plus longtemps que notre race.

 

Son entêtement finit par être payant : elle réussit à retrouver quelques survivantes, ayant pu sauver quelques petits appareils qui leur ont servi à recréer l’Orichalque, le nom qui fut donné par les humains au métal qui servait de base à tous leurs appareils, et qui forgea la réputation de l’Atlantide. Elle vécut à travers divers continents, adoptant une technique différente : elle eut, elle et les survivantes, de nombreux enfants, disséminés dans plusieurs pays, voyageant constamment, et comptant sur ses enfants pour augmenter le nombre de futurs habitants de sa planète. Chacun d’eux était au courant de ses origines, Avalon et les autres ne cachant rien de ce qu’elles étaient à leurs enfants, leur recommandant de garder le secret. Certains d’entre eux en vinrent à mettre en place des cultes afin d’attirer des « fidèles » dans le but de continuer la propagation de la nouvelle race à venir à travers les âges, en attendant de trouver le moyen de contacter leur planète pour que ceux-ci viennent récupérer les futurs nouveaux habitants de leur monde.

 

Des groupuscules comme les Illuminati, ou d’autres sectes se forgèrent de cette manière. Pendant ce temps, Avalon s’est retrouvée en Angleterre, et est devenue celle désignée sous le nom de Fée Morgane. Elle s’est entichée d’un jeune roi, Arthur, et a usé d’un stratagème pour être fécondé par lui, voyant en cette future figure légendaire, le père idéal capable de lui offrir un digne héritier pouvant prétendre à succéder au couple royal de sa planète. Le trône s’obtenant non pas par hérédité, mais par preuve de courage et de force. Quand les deux membres du couple royale meurent, une sorte de concours est organisé, et celui ou celle qui l’emporte sera la base du nouveau couple royal. Mordred est ainsi né. Les évènements qui suivirent furent néanmoins dramatiques. Alors qu’elle avait commencé depuis plusieurs siècles à faire ériger un site qui servirait d’antennes cosmiques pour demander à son peuple de venir sur Terre, celui qui porterait le nom de Stonehenge, elle s’est retrouvée confrontée à Arthur, ayant découvert sa nature, et voulant la détruire.

 

Pour se venger de la traitrise d’Arthur, elle a manipulé Lancelot, se servant de son amour pour la reine Guenièvre, afin de le forcer à se rebeller. Les luttes intestines qui suivirent furent dévastatrices au sein de Kamelot et du camp de Morgane, alias Avalon. Mordred périt, ce qui plongea Avalon dans une profonde détresse. De dépit, elle accentua les attaques et finit par tuer Arthur. Malgré tout, elle n’oubliait pas qu’il fut le seul homme qu’elle avait véritablement aimé, et voulut lui offrir une tombe digne de lui. Un chevalier rescapé la vit mettre le corps d’Arthur sur une barque, et se diriger vers le lointain. Il ne put arriver assez vite sur le rivage pour l’en empêcher. Il demanda alors où elle comptait l’emmener, et qui elle était réellement, ayant reconnu Morgane. Un fort vent ne lui fit comprendre qu’une partie de sa réponse. « Avalon ». Il en conclut que c’était l’endroit où elle l’emmenait, et la légende de l’île mythique parcourut les écrits. Le chevalier devint poète et écrit un long poème qui fit débuter la légende arthurienne.

 

Avalon ne voulut pas me dire où elle avait emmené Arthur : elle tenait à ce que sa tombe reste inviolée, tout comme elle refusa d’indiquer si le Graal existait. Cela faisait partie des mythes qui devaient rester caché. Ses forces périclitant, elle fit construire par ses enfants le cercueil dans lequel on l’avait trouvé. Ce n’était pas un cercueil mais plutôt un équivalent des caissons cryogénisés que l’on voit dans les films de science-fiction. Un outil dont son peuple se servait pour conserver et réparer le corps. Elle demanda à ce qu’on l’enterre avec sa tenue propre à sa planète, sous Stonehenge, attendant que l’un de ses enfants vienne la sortir.  Pour que l’antenne que constituait Stonehenge fonctionne, il fallait attendre une date spécifique, correspondant à une meilleure diffusion du signal. Avalon et son peuple n’ayant pas la même conception du temps que nous humains, ce que nous prenons pour des siècles est peu pour quelqu’un comme elle. Selon ses prédictions, le moment idéal avait été fixé au 31 octobre.

 

Mais la conjonction du jour devait suivre un timing précis qui ne pouvait se faire qu’une fois tous les 100 ans. Elle aurait dû être réveillé depuis longtemps, et se demandait pourquoi aucun de ses enfants n’était venu la sortir de son sommeil. Elle supposait que leur mémoire, avec le temps, leur avait fait oublier, ou que leurs ainés n’avaient pas fait la transmission sur leur nature et leur origine.  Quoi qu’il en soit, elle était ravie qu’on l’ait sortie juste avant la date fatidique, et de m’avoir trouvé. Une fois contacté, les habitants de son peuple viendraient et sauraient déterminer ceux étant les héritiers qui sauveraient leur civilisation, car chaque naissance venant d’un habitant de leur monde s’accompagnait d’un gêne spécifique reconnaissable à l’aide d’un petit appareil. Il serait facile à ceux venant sur Terre de trouver tout ceux amenés à rejoindre sa planète, et les embarquer. De gré ou de force, vu que manifestement le travail de transmission de mémoire n’avait pas été effectué correctement, et que beaucoup devaient ignorer leur nature et leur rôle futur.

 

Après m’avoir confié tous ces renseignements, elle me libéra de l’empêchement que j’avais de me bouger. Pour autant, je ne ressentais pas l’envie de fuir. J’étais fasciné par l’histoire d’Avalon et ce qu’elle représentait. Je savais pourquoi elle avait fait tout ça. Tous ses actes étaient en grand nombre répréhensibles, mais justifiés par le désir de sauver l’avenir de son monde. Alors, quand elle s’est approchée plus près de moi, commençant à m’embrasser et me déshabiller, je me suis laissé faire, sans le moindre signe de rébellion. Je préfère garder pour moi le moment de plaisir qui suivit au sein de la pièce où nous nous trouvions, j’espère que vous le comprendrez. Je ne pourrais jamais oublier ces longs instants de bonheur charnel avec un être venu d’au-delà les étoiles. J’en ai un souvenir impérissable. Par la suite, Avalon s’est dirigé vers son caisson, et a composé un code sur ce qui nous avait permis de l’ouvrir. L’instant d’après, ce dernier s’est mis à fondre, littéralement, se réduisant peu à peu à une bouillie dorée, se mélangeant à la fonte de la table où il était disposé, et s’étalant en flaque sur le sol qui fut en partie rongé lui aussi.

 

Avalon me fit un dernier sourire en m’indiquant que si je voulais venir moi aussi sur sa planète, je serais la bienvenue. Je ne l’ai revue qu’après plusieurs jours, le soir du 31 octobre. Alors que chacun, dans plusieurs pays, fêtaient Halloween, Avalon déclencha le signal. Elle m’a vaguement expliqué en quoi il consistait, et confirmant le rôle sonore de Stonehenge, tel que Cox l’avait déduit, et qui servit de base à nos travaux commandités par mon université. Un message dit sous forme de chant typique de son monde, se répercutant à travers les menhirs du site, et envoyant les ondes loin dans les étoiles, en direction de son monde. Elle m’avait confié qu’il faudrait un peu de temps avant que le signal parvienne jusqu’à celui-ci. Auquel se rajouterait les préparatifs et le voyage jusqu’à la Terre pour venir récupérer l’objet de sa mission : tous ses enfants et ceux des rescapées de l’Atlantide, ceux composant toutes les générations qui ont suivies. Ce qui représentait des millions de personnes. Elle estimait que les premiers vaisseaux seraient là environ 15 à 20 jours après l’envoi du signal, en se basant sur la vitesse des déplacements de ces derniers.

 

Elle m’a dit qu’elle viendrait ce jour-là pour me demander si je voulais la rejoindre, en précisant que son peuple n’étant pas très patient, toute forme d’empêchement de la part des pays pour la récupération des enfants légitimes de son peuple, se solderait par l’élimination des « gêneurs », sans la moindre compassion. Elle et les siens ne voulaient pas d’effusion de sang, ce n’était pas leur but. Ils n’avaient pas l’intention d’annexer notre monde ou de le réduire à un tas de cendres après leur départ. Mais en cas de résistance, ils n’auraient aucun remords à tuer tout contrevenant leur faisant perdre du temps, ni à rayer des villes de la carte si cela s’avérait nécessaire, une fois prélevé leurs enfants dans ces cités. Ils n’étaient pas mauvais de nature. Tout dépendra du bon vouloir des terriens de leur laisser prendre ce qui leur appartient et qui est le fruit du labeur d’Avalon et des autres.

 

Je comprenais bien le message, et je l’acceptais. Halloween ne fut pas comme les autres pour moi. D’abord parce que j’avais été interrogé à de multiples reprises par la police et le recteur de l’Université, pour savoir ce qui s’était passé. Pourquoi les corps de mon équipe étaient complètement desséchés, et l’explication de la disparition du cercueil et ce qu’il contenait. Avec à sa place une immense flaque dorée sur le sol, en partie creusée, comme une sorte d’acide l’ayant rendu dans cet état. Ils ne m’ont pas cru quand j’ai dit que le cercueil avait fondu. Tout comme ils n’ont pas cru un mot de ce que m’avait dit Avalon, son histoire, et la future venue de son peuple. J’ai oublié de lui demander comment s’appelait les habitants de son monde d’ailleurs, le nom de sa planète. Mais elle m’avait dit qu’elle reviendrait pour me chercher. Je pourrais le savoir à ce moment. Ma décision était déjà prise de toute façon.

 

On m’a pris pour un fou, bien évidemment, et on m’a mis sur le dos la mort de mon équipe, et la destruction volontaire d’un vestige archéologique. Même quand plusieurs témoins, des vidéos amateurs diffusées dans les journaux télévisés du monde entier ont montré des lumières intenses venant du site de Stonehenge, et semblant être des sortes d’ondes sonores et lumineuses répercutées par les pierres, ils ont continué à jouer les sceptiques. Les vidéos montraient une silhouette debout sur l’autel, mais ils ne voulaient pas croire qu’il s’agissait d’une femme venant d’une autre planète, ancienne reine de l’Atlantide, et aussi celle qui avait aimé le roi Arthur. La fête d’Halloween s’est arrêtée tout le temps de la « transmission » ce jour-là. Chacun dans le monde étant braqué sur les images d’un Stonehenge lumineux. Quand les lumières ont cessé d’émettre, tout le monde a repris la fête, mettant de côté cet avertissement de ce qui bouleverserait le monde 7 jours plus tard. Plus tôt que les prévisions d’Avalon. La technologie de son monde avait sans doute progressé plus qu’elle le pensait en son absence.

 

Comme promis, Avalon est venu me chercher. Les imprudents de l’asile où j’avais été enfermé ont pu constater de plein fouet la puissance de l’armement Stergron, le nom de la planète et du peuple d’Avalon. J’ai laissé sur place un enregistrement relatant tout ce qui est arrivé depuis la découverte de la présence du caisson d’Avalon dans le sol de Stonehenge. Une fois sorti de ma cellule, nous avons pris le temps de s’installer dans un bureau où j’ai fait cette vidéo, Avalon se chargeant de réduire au silence les impolis voulant jouer les héros. Sauf deux d’entre eux, qu’elle a reconnu être de ses enfants. Ils n’ont pas voulu la croire au début. Elle a alors touché leurs fronts pour leur faire voir sa mémoire, de ce que j’ai compris. Une forme de psychisme courant sur Stergron, et dont sont dotés certains de ses enfants, expliquant des faits de télépathie, et de contrôle des éléments foisonnants sur les sites de paranormal. La télékinésie faisant aussi partie des dons naturels des Stergroniens, il est logique que nombre de ses enfants terriens en aient hérités également.

 

Après ça, Avalon, moi et les deux hommes à la mémoire cachée réveillée, leur ayant prouvé leur lien avec leur « mère », on est sortis tranquillement, en direction de notre destin à Stergron. Connaissant la bêtise humaine, je sais qu’en sortant d’ici, je vais trouver des monceaux de cadavres et de ruines fumantes. L’homme est ainsi fait : il refuse d’accepter l’inconnu, et a toujours des réactions belliqueuses face à l’inconnu, même sachant qu’il n’a aucune chance face à une technologie et des armes les dépassant en tout. Sans parler des capacités de combat hors normes des Stergroniens. Je ne sais pas combien survivront aux répliques de mon désormais nouveau peuple, mais cela m’importe peu. Car désormais, je ne suis plus un habitant de la Terre. Je suis un membre du peuple Stergron. Quelque chose que je regrette ? Peut-être un peu le fait de fêter Halloween, je l’avoue. Avec tout ça, je n’ai pas pu le fêter cette année. Mais Avalon m’a certifié qu’il y avait d’autres festivités tout aussi amusantes sur sa planète.

 

La résistance au virus ? Durant toutes ces années, et Avalon me l’a confirmée, car l’ayant su d’un de ses enfants retrouvés lors de la courte période où on a été séparé, lorsque j’étais enfermé ici, la descendance d’Avalon et des survivantes de l’Atlantide est selon les espoirs de Stergron. Le virus n’a pas d’impact sur les capacités de procréation sur eux. Je me dis que j’ai participé à ce beau dénouement. C’est grâce à moi et la technologie humaine, si Avalon a pu sortir de son sommeil. Le logiciel ayant permis la traduction de départ, c’est moi qui l’ai mis au point. C’est une de mes nombreuses fiertés. Et c’est grâce à ce réveil que tout un peuple va pouvoir renaitre. Celui de la Terre y survivra s’il est suffisamment intelligent pour ne pas opposer de résistance au prélèvement. Et je le sais assez fort pour rebâtir ce qui a été détruit et remettre sur pied leurs infrastructures, leur économie et le reste après le départ des Stergroniens, dont je fais partie.

 

Alors, je te dis désormais adieu, peuple de la Terre. Peut-être qu’un jour, la technologie terrienne vous permettra de découvrir d’autres planètes, de voyager dans l’espace toujours plus loin. Juste un conseil : ce jour-là, ne vous avisez pas de tenter de reprendre nos enfants. Vous le regretteriez amèrement…

 

Publié par Fabs

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