15 oct. 2023

SOUS LES RUES DE PARIS (Challenge Halloween/Jour 14)

 


Comment aurions-nous pu imaginer un instant qu’une simple opération de maintenance des égouts allait nous mener à libérer une telle menace, déjà responsable de plusieurs morts, aussi bien parmi nos ouvriers, qu’en surface ? Quand je pense à l’état des victimes, toutes horriblement défigurées après avoir été massacrées de façon horrible, la peau de leur visage arrachée telle un trophée pour ces créatures provenant de je ne sais quelle dimension, je ne peux m’empêcher de penser que je suis en grande partie responsable du chaos à venir. Car c’est bien ce qui s’annonce : un cataclysme qui risque de transformer les prochains JO de Paris en hécatombe à grande échelle.

 

On a pourtant prévenu nos supérieurs hiérarchiques, la mairie des différents arrondissements concernés par les épreuves qui se dérouleront aux abordes de la Seine, et même le Comité Olympique. Ce qui nous a valu des remontrances de la part de mon responsable direct, n’ayant guère apprécié que je prenne cette initiative, en accord avec les survivants de l’horreur s’étant passé sous leurs pieds. L’organisation des JO a déjà dû faire face à de nombreuses critiques d’ordre sanitaire ces dernières semaines. Entre l’insalubrité des eaux, les punaises de lit ayant défrayé la chronique de divers journaux internationaux, les enjeux économiques, et d’autres facteurs faisant que la France est déjà pointée du doigt quant à sa capacité à offrir des garanties de sécurité des participants aux jeux, autant vous dire que notre demande d’annuler, voire repousser la date de la compétition a été très mal accueillie.

 

Le Comité Olympique, par suite de la conversation que j’ai eu avec l’un de leurs responsables, a immédiatement réagi, demandant des explications de la part des organisateurs du bon déroulement des Jeux de Paris. Ceux-ci se sont fourvoyés en explication plus ou moins inspirées pour les rassurer, et leur assurer que la compétition se déroulerait en temps et en heure, comme c’était prévu, et qu’il ne devait pas s’occuper des délires paranoïaques de travailleurs stressés par leur travail en-dessous de la surface, ou dans le désir de créer un canular grotesque, en raison de la semaine d’Halloween dans laquelle se sont déroulés les faits. L’excuse idéale que cette fête. On nous fait donc passer aussi pour des aficionados d’Halloween faisant passer notre désir d’amusement douteux avant notre professionnalisme.

 

Ils nous ont clairement fait passer pour des attardés mentaux, dont l’avenir en tant qu’employés de la ville serait compromis si on n’arrêtait pas de faire circuler de fausses rumeurs selon eux. J’ai même été obligé de signer un document m’engageant à ne plus colporter des ragots pouvant nuire à la réputation de la ville envers le Comité Olympique et les pays participant aux futures épreuves, notamment ceux dont les athlètes sont inscrits à tout ce qui est lié à la natation. Il en a été de même pour mes deux collègues concernés. Ceux ayant survécu à ce qui s’est passé en bas. En gros, ils nous demandent de fermer les yeux sur la mort de nos collègues, ainsi que sur celle des deux SDF et de l’inspecteur des travaux, chargé de vérifier comment se passait l’avancée des opérations sous ma supervision, juste pour une question de fric et de prestige non seulement communal, mais aussi du pays.

 

Pour eux, ça passe avant la douleur des familles, qui ignorent encore à l’heure où je dicte cet enregistrement la mort de leurs proches, sans se préoccuper le moins du monde de toute forme éthique et de compassion. Nous ne sommes que des dommages collatéraux, des numéros sur leurs listes d’employés, des pions jetables qu’on peut balancer aux ordures si on n’en s’en tient pas aux règles de hiérarchie, en termes de communication, et pouvant les mettre dans une position délicate, voire leurs coûter un prochain mandat de maire, de députés, ou toute autre fonction du même ordre. Quel que soit l’époque, quel que soit le pays, le contexte et tout ce que vous voulez, le Dieu Argent sera toujours celui qui aura plus d’importance que le reste.

 

Pendant ce temps, ces créatures pouvant se fondre dans n’importe quel environnement sont toujours là aux aguets, prêt à tuer encore, par pur plaisir. Et c’est bien ça le pire. Peu leur importe le désir de territoire, ce n’est pas ce qu’elles cherchent. Le besoin de nourriture ? Même pas. A aucun moment, je n’ai vu l’une d’entre elles montrer une attitude pouvant faire supposer que leurs victimes servent de nourriture, une fois stockée quelque part. Elles ne font qu’arracher les visages, et les font fusionner avec leur corps, les absorbent ou je ne sais quel processus. C’est comme un rituel de « fin de chasse ». En voyant ça, impossible de ne pas penser aux Predators, et plus encore quand elles se servent de leurs facultés pour ne faire qu’un avec le décor les entourant, nous faisant perdre leur trace. Comme un caméléon tenant debout sur ses jambes.

 

Mais à la différence du Predator, pas de tenue de « chasseur », pas de casque, d’armes, de gadgets high-tech pour réguler leur température, ou s’autodétruire. Non, ces créatures sont bien plus basiques que ça, et c’est ce qui les rend encore plus effrayantes d’ailleurs. Car on ne sait pas leurs motivations véritables, on ne sait rien de leurs origines. Viennent-elles d’un autre monde, comme le laisse supposer ce qui ressemble à un vaisseau où elles étaient enfermées et vraisemblablement endormies, avant que j’actionne leur réveil, ou bien sont-elles issues du cerveau d’un savant aux desseins obscurs quant à l’utilisation qu’il avait prévu d’en avoir ? et si elles sont là, c’est entièrement de ma faute. Parce que j’ai eu la faiblesse d’esprit de vouloir toucher ce foutu bloc de métal dans cette galerie des égouts, fermant le lieu où se trouvait la structure où on les a découvertes, et source d’origine de la pollution présente dans la section de la Seine prévue pour les épreuves de natation. C’est comme ça que tout a commencé, il y a 3 jours de ça…

 

Ça aurait dû être une opération des plus simples pourtant au départ. Moi et mes 6 hommes on avait été chargés de trouver ce qui pouvait bien avoir causé la pollution néfaste dans un des bras de la Seine. A vrai dire, ça ne date pas d’hier, et il a fallu que des tests soient fait pour s’assurer que les athlètes nageurs ne courent aucun risque de contamination ou autres méfaits dus à l’eau du célèbre fleuve emblématique de la ville, pour que les autorités s’inquiètent de ce fait. Comme je vous l’ai dit plus tôt, dès que des enjeux économiques, ou que des répercussions pouvant mettre en péril le prestige national entrent dans la balance, comme par hasard, les ronds de cuir de la ville se décident à prendre des mesures pour régler une situation qui aurait dû être leur préoccupation première depuis des années.

 

Comme ça peut toucher leur fausse dignité, ah ben là, ça devient un problème majeur à solutionner, et qui passe devant la nouvelle couleur de la salle de sports flambant neuve d’un quartier, ou le nombre de vélib à autoriser d’être implantés dans un autre. Mais comme il faut des larbins pour effectuer ce genre de tâches, qui doivent se démerder pour que le problème n’en soit plus un, sans aucune autre directive, ou moyen de mettre fin au « souci », c’est à moi et mon équipe qu’on a fait appel. Il faut savoir que normalement, ce n’est pas notre taf de faire ça. Nous on est spécialisés dans le débouchage de grandes canalisations pour l’eau potable, ou l’entretien de cuves dans des usines de raffinage, ce genre de tâches… Mais comme on coûtait moins cher qu’une entreprise de dépollution, ou des agents chargés d’inspecter et découvrir l’origine d’une fuite de produits toxiques, de combustibles ou je ne sais quoi d’autre, ça intéressait plus la mairie, qui avait déjà dû débourser des millions pour l’organisation des jeux à venir. On n’avait même jamais mis les pieds dans les égouts. C’était aussi une manœuvre astucieuse de la part de ceux avec qui on avait finalement accepté de signer le contrat pour cette opération.

 

Une société officielle dans ce type de besogne, obligatoirement, elle doit établir un rapport qui sera diffusé auprès d’organes environnementaux, souvent mis en ligne, afin d’indiquer leurs constatations et ce qui est nécessaire de faire pour régler le problème pour lequel on les a mandatés. C’est public, les commanditaires de l’étude sont précisés, et quel que soit le montant, quel que soit ce qui doit être pratiqué, la mairie ne peut reculer, et surtout ne peut accuser ladite société d’avoir agi de manière inconsidérée par leurs méthodes. Vu qu’il est également obligatoire d’avoir un représentant du commanditaire présent lors de l’étude à faire, et donc des travaux à effectuer en conséquence. Tandis qu’une petite équipe de prestataires comme nous, non-reconnue comme faisant partie d’un organe officiel dans le domaine, et pour cause, et n’ayant pas de pouvoir administratif ou politique particulier, en cas d’imprévus ou de bévue, on est responsable de tout ce qui se passe.

 

En gros, s’il vient à l’idée de dire que la pollution a augmenté à cause de notre action, même si c’est faux, on n’a pas de recours pour dire le contraire, étant donné que le contrat nous liant à la mairie n’impose pas qu’un représentant, qui aurait pu nous servir de témoin en cas de litiges, soit présent en même temps que nos recherches sur le terrain. Moi et mon équipe on était conscient de ça, mais on n’avait pas vraiment le choix. On était aux portes de devoir se mettre en liquidation judiciaire, et la mairie de la ville était le seul client ayant daigné recourir à nos services depuis des mois. Pour ne pas mettre la clé sous la porte, on n’avait d’autre solution que d’accepter les contraintes à la limite de l’illégal proposé par notre client.

 

D’autant qu’on avait la promesse, stipulé sur le contrat, qu’en cas de réussite de notre tâche, notre entreprise serait remise à flots, et ses dettes épongées. Tout ça a fait que notre méfiance fut endormie, et on s’est plongée à fond dans cette « mission » peu ordinaire. Le but était donc d’identifier ce qui pouvait être à l’origine de la pollution de ce bras de Seine, prendre des photos, et, le cas échéant, mettre en place des mesures pour que le problème n’en soit plus un. A charge pour nous de se débrouiller à notre convenance pour ça, sans que ça porte préjudice à la ville. Si c’était le cas, si nous causions des dégâts majeurs à cause d’une erreur de manipulation de matériel ou autre, ce serait un motif de rupture de contrat, et la ville nierait toute allégation de notre part précisant leur rôle dans l’opération. Autant vous dire qu’on était pas mal stressé avant même de partir. Mais la motivation de voir notre petite entreprise de potes renaître de ses cendres, alors que nous étions sur le point de baisser le pavillon, était plus forte que la prudence. Qui plus est, le fait d’être dans la semaine d’Halloween, cette ambiance de fête, le fait de s’enfoncer dans les entrailles de Paris, ça donnait un petit air d’ambiance propre à cette date attendue par tous les fanas d’horreur. Mais ce qu’on a vécu sous terre, même le plus grand fan d’Halloween n’aurait pas aimé la vivre. Car là, il n’y avait pas de masque, pas de costumes, pas d’artifices à base de faux sang ou autre : ce qu’on a vu, c’était bien réel.  

 

C’est ainsi qu’on s’est engouffré dans les égouts, dont les embouchures se déversaient dans le bras de seine incriminé, sans savoir ce qui nous attendait à l’intérieur, et qui bouleverserait pas mal de choses pour notre avenir. Pas seulement celui de notre petite entreprise, mais aussi pour notre mental et l’unité qu’il y avait entre nous. C’est donc avec une petite boule au ventre, d’autant que nous nous engagions sur un terrain qui ne nous était pas familier, que nous avons pénétré dans ce territoire inconnu qu’étaient les égouts pour nous. Nous étions entrés par l’une des embouchures extérieures propice pour être l’origine de la pollution, du fait d’effluves plus importantes que les autres, explorés au préalable sans que nous détections quelque chose pouvant être la cause de ce pourquoi nous étions venus.

 

Cette entrée était plus longue que les précédentes, et il a bien fallu plus d’une heure avant d’arriver à un carrefour se divisant en deux sections. On a opté de se séparer en deux groupes de 3 personnes, chacune explorant un côté. Les effluves semblaient plus prononcés sur la droite, mais par mesure de sécurité, et pour être sûr de ne rien rater, il me semblait plus judicieux de voir ce qui en était du côté opposé. Ainsi, Abdel, Gérard et moi on a été à droite, pendant que Lucien, Paul et Paolo allaient sur la gauche. On s’était avancé depuis déjà une bonne demi-heure quand on a aperçu une nouvelle bifurcation. Se séparer à nouveau aurait pu être compliqué pour nous y retrouver, alors on a choisi de continuer sur la droite, surtout que les effluves étaient bien plus prononcés dans cette direction, ce qui laissait supposer qu’on s’approchait peut-être de la source principale de pollution.

 

On arrivait au bout quand on vit quelque chose d’inhabituel sur un ressac. Ça ressemblait à une sorte de sphère métallique fiché dans le béton, et en partie immergé sur sa base. Il y avait une sorte de bloc rectangulaire sur le devant, légèrement sur le côté droit. Décidément, j’avais l’impression que tout nous portait sur la droite, et je me demandais si c’était lié, voulu, ou s’il s’agissait d’une simple coïncidence. Abdel me conseillait de ne pas y toucher, que ça pouvait être dangereux : c’était peut-être électrifié ou quelque chose comme ça. Je lui rétorquais que si c’était le cas, on aurait déjà vu des arches électriques à proximité, vu la quantité d’eau dans laquelle se trouvait la sphère composant cette structure, dont la présence ici m’intriguait. J’ai donc été à l’inverse des recommandations d’Abdel, et j’ai posé ma main sur ce rectangle recouvrant la surface de la sphère. Immédiatement, le bloc s’illumina, me faisant reculer.

 

 -  Bordel ! Je t’avais dit de pas y toucher William ! Mais faut toujours que t’en fasse qu’à ta tête !

 

 -  Pour une fois, je donne raison à l’autre tête de mouton…

 

 -  Tu sais ce qu’il te dit le mouton ?

 

 -  Oh oui, vas-y : insulte-moi. J’adore ça…

 

-   C’est pas bientôt fini les deux gosses ? On a autre chose à faire que vos gamineries de cour d’école. Regardez plutôt ça…

 

Le devant de la sphère s’illuminait à son tour, faisant apparaitre le contour de ce qui ressemblait à une entrée, avant de se lever, se fichant dans le métal en hauteur.

 

 -   Putain de merde ! On se croirait dans un film de science-fiction ! On devrait pas rester là : ça me file les jetons ce truc !

 

-   Il a raison : c’est pas clair cette histoire. Prends des photos de ce machin et tirons-nous !

 

 -  Les gars, je comprends que vous flippiez. Je suis pas rassuré moi aussi. Mais il semble évident que cette boule en métal soit l’origine de la pollution qu’on est censé trouver. Regardez l’eau : elle est presque noire opaque, et ça vient de sous ce bidule en fer. Et pis maintenant que c’est ouvert, vous avez pas envie de savoir ce qu’il y a dedans ? 

 

 -  T’as jamais regardé de films d’horreur ma parole ? Tu sais pas que la curiosité, ça mène jamais à quelque chose de bon quand on se retrouve face à un truc pareil…

 

 -  Bande de froussards. Restez-là, les poules mouillées. Moi je vais à l’intérieur…

 

Une fois dedans, j’étais surpris par la profondeur de l’habitacle, allant bien plus loin que ne le laissait penser sa vision de l’extérieur. Je voyais des sortes d’écrans un peu partout, des pupitres de commande et tout ces trucs qu’on voit dans les films SF. J’avais vraiment l’impression d’être dans un vaisseau spatial. Mais comment il pouvait être là ? Les égouts de Paris sont certes anciens, mais pas au point d’avoir été érigés sur les bases d’un tel engin. En plus de ça, si c’était le cas, ça se saurait. La possibilité d’une chute de météorite étant à exclure, il ne restait que 2 possibilités.

 

 Soit ce vaisseau n’en était pas un et avait été construit par l’homme pour je ne savais quelle raison obscure et scientifique ; soit les habitants de cet OVNI avaient la possibilité, avec leur vaisseau, de traverser la matière, le temps, l’espace ou le tout en même temps, et, pour une raison inconnue, avaient eu un problème technique qui les a fait se retrouver fiché à cet endroit, sans pouvoir repartir, coincé dans le mur de ces égouts. Ça me faisait penser au moyen de se déplacer du copain extraterrestre de Supergirl dans la série DC, dont le vaisseau, lui aussi, s’était retrouvée coincé dans les sous-sols de la ville, après un voyage dans le temps, car venant du futur. Même si je doutais rencontrer Mon-El et sa légion ici. Un peu plus loin, j’identifiais ce qui était vraisemblablement la cause de la pollution. Il y avait une sorte de grille au sol, comme celle qu’il y a en surface, devant les bouches d’égout en bord de trottoirs. Un liquide venant d’une pièce devant y coulait. Un liquide noirâtre, épais, comportant des sortes de petites lumières bleues. J’en étais me baisser pour voir la texture de cet étrange liquide quand j’entendis des bruits de pas derrière moi. 

 

 -  William ! C’est bon ? T’as vu ce que tu voulais voir maintenant ? Alors ramène-toi. On a pas été payé pour jouer les astronautes dans un vaisseau alien.

 

C’était la voix d’Abdel. Je me retournais, et tentait de rassurer mon ami.

 

-   Calme-toi. Je veux juste voir ce qu’il y a dans l’autre pièce en face. C’est de là que vient le liquide qui est la source de la pollution. Tu sais, la mission qu’on nous a chargée d’effectuer…

 

 -  Ouais, ben, c’était pas prévu dans le contrat qu’on serait amené à faire un remake de « V ». Si ça se trouve, y’a des reptiliens de l’autre côté. Y’a qu’à prendre un échantillon de ton machin visqueux là, et on se barre. 

 

 -  Des reptiliens… N’importe quoi. Et pourquoi pas la momie de Toutankhamon pendant que tu y est ? 

 

 -  Rigole-pas avec ça, mec. Je te rappelle que j’y crois moi aux surnaturel, aux aliens et tout ça. Je t’ai déjà raconté ce qui m’est arrivé avec ma sœur une nuit, y’a 2 ans de ça ?

 

 -  Au moins une dizaine de fois. Mais ce que vous avez vu, c’était sûrement une sonde météo, rien d’autre. 

 

 -  Ben voyons. Et c’est une sonde aussi le truc dans lequel on est là ?

 

Je voulais répondre à ce peureux d’Abdel quand soudain des sons, comme des râles, se firent entendre de l’autre côté, suivi de bruits de pas. Mais je ne vis rien qui semblait sortir, alors que le bruit s’estompait. Mais je me rangeais du côté d’Abdel : je n’avais pas vraiment envie de savoir quelle était l’origine exacte de ces pas. Je me préparais à repartir quand je fus témoin d’un spectacle qui est resté gravé dans ma mémoire. Abdel se tenait dans les airs, semblant soulevé par une force invisible, ses pieds au-dessus du sol, étouffant, par le fait d’une pression de sa gorge. Mais il n’y avait rien autour de lui. Je tentais de le faire redescendre, quelle que soit la chose qui s’en prenait à Abdel, et c’est là que la chose se montrait, sans doute dû à mon action. Une sorte de géant de près de 2 mètres de hauteur à vue de nez, totalement nu, mis à part une sorte de vêtement entourant sa taille au niveau de ce qui devait cacher son sexe. Comme un pagne que portait les Égyptiens, mais quasiment collé à la peau.

 

Une peau formée d’écailles, entre le gris et le bleu. Ses mains et ses pieds étaient légèrement palmées, sauf sur les deux doigts les plus excentrés. Quant à son visage, il se composait d’une bouche se limitant à une surface très minime, plus petite que celle d’un humain en tout cas, dépourvu de nez et d’oreilles, et doté de sortes de crètes en os sur la tête. La créature semblait me fixer un moment, avant de se retourner vers ce pauvre Abdel. Je n’eus pas le temps d’agir : la créature, tenant le cou de mon ami d’une main, se servait de l’autre pour la placer sur le visage d’Abdel. Et, lentement, lui arracha peu à peu le visage, sans que mon ami ne pousse le moindre cri. Je devinais qu’il était déjà mort, en voyant ses yeux révulsés, et l’absence de mouvements de son corps. La créature, une fois retirée entièrement son visage, le plaça sur sa poitrine, se fondant sur celle-ci, comme avalée. Puis, le monstre relâcha Abdel, s’en désintéressant, pendant qu’une autre créature sortait de la pièce d’où la première était sortie, tout aussi terrifiante. Je ne pouvais plus rien faire pour Abdel, et je parvenais à sortir de ma torpeur pour me ruer au-dehors. Me voyant sortir, haletant, Gérard s’interrogea. Avant même qu’il demande quoi que ce soit, je lui criais : 

 

 -   Cours ! Cours ! Ils ont eu Abdel ! On doit s’enfuir si on ne veut pas finir comme lui !

 

Mais malgré mon avertissement, Gérard eut un moment d’hésitation qui lui fut fatal. J’entendais son hurlement, ainsi qu’un bruit effroyable d’os brisés. Je me retournais. Je voyais les deux créatures sur lui. L’une lui avait arraché les jambes, les laissant suspendues au-dessus du sol, tandis que l’autre, tenant le buste d’une part, fit la même chose que pour Abdel, arrachant le visage de Gérard, avant de mettre ce dernier sur son corps, qui disparut aussitôt. Les deux créatures semblaient se concerter un moment, puis jetèrent les deux parties du corps dans l’eau à leurs pieds. A cet instant, l’une des créatures sauta sur le plafond, imitant la texture de celui-ci, comme l’aurait fait un caméléon, pendant que la 2ème faisait de même en se plongeant dans l’eau. Je me hissais sur les quais et courait comme jamais je n’avais couru, afin de leur échapper.

 

J’entendais des cris rauques dans mon dos, sans doute lancés par ces deux monstres. Elles ne semblaient pas se déplacer plus vite que moi, au vu de la distance me séparant d’eux, me basant sur l’intensité de leurs cris entendus par mes oreilles. Je finissais par rejoindre l’intersection où nous nous étions séparés en deux groupes. Je voyais Lucien, Paul et Paolo qui m’avaient aperçu, me faisant des signes de la main, tout en montrant des visages inquiets quand au fait que je courais à toute allure vers eux. J’avais trop le souffle coupé pour pouvoir les avertir, me contentant de leur faire des gestes, leur indiquant de courir vers la sortie. Lucien et Paolo réagirent immédiatement en entendant les cris des monstres, et je supposais qu’ils avaient vu une trainée se déplaçant dans l’eau. 

 

Ils se mirent à courir également, une fois que j’étais arrivé à leur niveau. Paul a eu moins de chance. A en juger par les cris qu’il poussait, il s’était fait coincer par les créatures. Nous parvînmes finalement à atteindre la sortie de l’embouchure, fuyant sur les quais, et remontant en haut en empruntant les escaliers. Nous parvenions à reprendre notre souffle quand nous vîmes un nageur, sans doute en charge de « tester » l’eau pour les futures compétitions, se débattre rageusement, criant à son tour, avant de s’enfoncer dans les eaux de la seine, d’où il ne sortit plus. Dans le même temps, tour à tout, deux personnes sur le quai tout proche, eurent le même sort que mes malheureux compagnons à l’intérieur, provoquant une panique faisant fuir toutes les personnes aux alentours. Etant à même de reprendre notre course, nous nous mêlions aux fuyards, afin de s’éloigner des lieux le plus possible. Il y a eu d’autres victimes de que certains appelèrent « le tueur au visage », persuadés qu’il s’agissait d’une unique personne, usant d’une combinaison spéciale, se servant de la réflexion de la lumière pour donner l’impression d’être quasiment invisible.

 

Bien que des témoins parlèrent d’un corps transparent n’ayant rien d’humain, les journalistes ne voulurent pas étaler en une la nouvelle d’une créature capable de mimétisme. Il y eut au total 8 victimes des créatures, dont 3 de mon équipe, et un inspecteur chargé de venir aux nouvelles sur l’avancée de nos recherches, de manière discrète, envoyé par la mairie. C’était l’homme sur le quai, qui avait suivi la fin du nageur. Bien que les médias indiquèrent, dans son cas, qu’il s’était noyé, sans pouvoir donner de détails. Il y avait les preuves des visages arrachées des victimes, les corps brisés, la disparition de mes hommes, personne parmi nous n’ayant voulu prendre le risque de retourner là d’où nous nous étions échappés, juste pour récupérer des cadavres. C’est à cause du refus de vouloir tenir compte de mon rapport de la part de mes commanditaires, et des moqueries des autres mairies des arrondissements proches où tout s’est passé, que j’en ai été amené à parler de ce qui nous était arrivé au Comité Olympique.

 

Ces créatures étaient toujours là, quelque part, prêtes à tuer à nouveau, sans montrer d’autres désirs que le plaisir de chasser, et arracher les visages. Les corps des victimes étaient laissés sur place, sans qu’elles montrent d’intérêt à les récupérer. La possibilité qu’elles fassent ça pour se nourrir était donc exclue. Je m’attends à ce qu’il y ait d’autres victimes, et peut-être pas seulement aux alentours des quais. Deux autres, attribués au « tueur aux visages » ont été recensés hier, et ça se passait en pleine ville, dans une petite rue peu fréquentée. Mis à part le massacre sur les quais, les créatures semblent se montrer plus discrètes sur leurs actions. Je pense qu’elles ont besoin de temps pour s’acclimater à leur nouveau territoire. Elles observent nos déplacements, étudient nos coutumes, les endroits les plus propices à des attaques. Je les crois suffisamment intelligentes pour ne pas agir n’importe comment.

 

Si elles ont tué à la sortie des égouts, sur les quais, je pense que c’est uniquement parce qu’elle était dans une frénésie meurtrière telle qu’elles n’ont pas pensé à se montrer prudente sur leurs chasses. Elles sortaient d’un sommeil que je devinais s’être étalée sur des années, des siècles peut-être. Un temps durant lequel elles n’ont pu se prêter à leur activité favorite. En sortant, elles avaient eu ce besoin de « rattraper le temps perdu » en quelque sorte, raison pour laquelle elles nous ont attaquées sans s’interroger où elles se trouvaient, et peut-être sur quelle planète. Maintenant qu’elles ont compris qu’elles se trouvaient sur un territoire vaste, et sans doute suffisamment intéressant pour satisfaire leur instinct de chasseurs, elles vont sans doute pouvoir canaliser leurs pulsions, les modérer, afin de ne pas se faire repérer.

 

Leur capacité de mimétisme leur sera d’une grande aide. Je ne sais pas ce qu’elles sont exactement, comme je vous l’ai indiqué en début de ce récit : aliens, création de l’homme ? Dans les deux cas, elles sont devenues un nouveau type de prédateur rôdant dans les rues de Paris. Et je n’ose imaginer ce qui arrivera quand elles auront fini leur phase d’observation de leur nouveau gibier, nous, les êtres humains, et qu’elles se lanceront dans une série de chasses sanglantes en divers endroits de la ville. Avec Halloween à venir, plus d’autres fêtes, et les JO par la suite, le nombre de la population dans les rues dans les prochaines semaines, les prochains mois va croître, occasionnant une véritable manne de proies pour elles. Je ne peux rien y faire. J’ai parlé de ce que j’ai vu à toutes les autorités possibles, mais on me prend pour un fou, tout comme mes hommes. Finalement, la mairie a rompu notre contrat, vu que nous n’avons pas accompli notre tâche. J’ai cru comprendre qu’une autre équipe similaire à la nôtre a été engagée pour reprendre là où nous nous sommes arrêtés. J’ignore l’importance pour ces créatures que revêt leur vaisseau.

 

Ont-elles besoin d’y retourner pour une raison ou une autre, ou est-ce qu’il ne leur est plus nécessaire ? Il y a le risque que ce soit la 1ère solution qui soit la bonne, et que nos successeurs subissent le même sort que nos amis. Avec sans doute le même résultat de compréhension. Ou alors, ils vont découvrir le vaisseau eux aussi, vide, ils vont prendre des photos, ce que je n’ai pas eu le temps de faire, étant dans l’urgence de sauver ma peau, et que cette fois il y aura des preuves tangibles que quelque part dans Paris, il existe une race de prédateurs prête à bondir sur n’importe qui. J’aurais aimé que ce soit une sinistre blague d’Halloween, un coup monté douteux mis en place par la Mairie ou d’autres au courant qu’on allait se rendre dans les égouts. Si je n’avais pas été témoin, en direct live comme on dit, de mon ami Abdel, j’aurais presque pu croire à cette option, et j’aurais pu en rire après coup.

 

Mais ce dont j’ai été témoin, ce n’était pas un effet spécial pour la fête, il n’y avait pas de fil, de tour de magie. Le sang que j’ai vu, ayant taché ma tenue, il ne venait pas d’une boutique vendant des articles d’Halloween. La douleur d’Abdel, les cris, le craquement des os, ce n’était pas feint, ou du fait d’un bon acteur, et spécialiste du maquillage par-dessus le marché. Ou alors, cet Halloween là va durer TRES longtemps, aussi longtemps que ces créatures, ces prédateurs, seront postés quelque part dans les rues, sur les toits, voir tout près de nous, sans qu’on le sache, profitant de leur faculté de camouflage. J’espère seulement qu’il n’y en a pas, ou qu’il n’y en aura pas d’autres, dont les vaisseaux sont dans d’autres endroits de la Capitale, voir dans une autre ville de France ou d’ailleurs. Parce qu’en ce cas, s’il y a vraiment d’autres créatures de ce type dans le monde, et qu’ils viennent à se réveiller, les chasses ne sont pas près de s’arrêter…

 

Publié par Fabs

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