3 oct. 2023

LE VOYAGE D'HALLOWEEN (Challenge Halloween/Jour 3)


On ne sait jamais complètement tout sur ses amis. Il y a toujours une petite part d’ombre qu’ils cachent, et qu’on essaie de percer petit à petit, au fur et à mesure que l’amitié devient indélébile entre nous. C’est comme une sorte de jeu, un défi qu’on se lance de découvrir le secret se cachant derrière celui ou celle qu’on considère quasiment comme un frère ou une sœur. Vous avez sûrement du tous, à un moment de votre vie, eu cette envie d’en savoir plus que les autres sur votre meilleur ami. Ou en tout cas sur la personne qui compte le plus à vos yeux. Lucian faisait partie de ces amis rares qui vous font aimer la vie chaque jour, et plus encore : il avait toujours de bonnes idées. On se connaissait depuis près d’un an, mais j’avais l’impression qu’on se connaissait depuis toujours. Il était de toutes les fêtes, mettait une ambiance de folie quand on sortait en groupe dans les boites de nuit, et n’avait pas son pareil pour draguer les filles. Un vrai Don Juan. Il avait un don sur ça, c’était certain. Quand je lui demandais comment il faisait, il avait toujours cette même parole énigmatique :

 

 -  Un jour, tu sauras. Et cela changera ta vie à tout jamais.

 

Il s’appelait Lucian. Un prénom d’origine roumaine. Je lui avais demandé plusieurs fois des infos sur son pays, et il était toujours ravi de me partager son expérience et sa vie quand il était là-bas. En revanche, il restait assez secret sur sa famille et le pourquoi de sa présence en France. Il se fermait quand on tentait d’en savoir plus. Lui dont on savait la nature joviale permanente, le voir aussi réservé dès lors qu’on parlait de ses proches, ça faisait bizarre. Mais ça faisait partie de son charme en quelque sorte. Je savais juste qu’il avait été adopté par une famille française, et qu’il était très heureux avec elle. Je les avais rencontré plusieurs fois. Des gens adorables, mais eux aussi, assez réservé, au même titre que Lucian.

 

J’en venais parfois à me demander s’ils n’étaient pas ses vrais parents, vu qu’ils avaient un caractère proche. Mais son amitié comptait beaucoup pour moi, alors je ne voulais pas forcer les choses. Un mois avant Halloween, il m’a demandé si je voulais rencontrer les membres de sa vraie famille, en Roumanie. Je n’en revenais pas. Lui qui avait toujours comme règle d’or de ne pas parler d’eux, il me proposait carrément de les rencontrer, et en plus dans son pays natal. Il me disait que comme on approchait d’Halloween, ce serait le cadre idéal, précisant que dans la région où sa famille habitait, même si cette fête n’était pas célébrée, car ne faisant pas partie du patrimoine culturel du pays, l’ambiance qui s’y trouvait se prêtait parfaitement à l’atmosphère qui faisait la particularité d’Halloween. Bien évidemment, il était impossible pour moi de refuser. J’ai dit oui sans hésitation.

 

Il sortait depuis peu avec une beauté rousse, Karine, qui a également accepté de venir. Quant à moi, Lucian m’ayant indiqué que je pouvais lui demander de venir, j’ai presque supplié Sorya de se joindre à notre petit groupe. Nous ne sortions pas vraiment ensemble, même si je le désirais le plus au monde. A ses yeux, j’étais comme un grand ami, l’un des rares qu’elle avait au sein du commerce où on travaillait ensemble. C’était là qu’on s’était connus. Comme elle était en ville depuis peu, elle ne connaissait pas grand monde, et notre patron n’était pas vraiment un modèle d’accessibilité sociale, si vous voyez le genre. Lui, tout ce qui l’intéressait, c’était qu’on fasse notre boulot. Il n’avait pas de temps à perdre en discussion futile qui lui faisait perdre du temps et de l’argent, selon les termes qu’il employait. Et les autres employés n’étaient guère mieux.

 

Comme on avait le même âge, on a vite sympathisé, et on est devenu amis. Je savais qu’elle vivait seule, mais je n’ai jamais pu aller plus loin que le pas de sa porte. Et bien qu’elle m’ait déjà gratifié de plusieurs baisers chastes sur la joue, je sentais qu’elle avait une sorte de blocage d’un point de vue sentimental. Peut-être avait-elle eu une déception amoureuse, et qu’elle hésitait encore à franchir le pas de nouveau. N’étant pas du genre à forcer qui que ce soit à accélérer les choses, je prenais mon mal en patience. Et puis, on sortait souvent ensemble en quatuor, avec Lucian et Karine. Elle appréciait beaucoup Lucian aussi. Elle disait qu’il lui rappelait son cousin, aussi enthousiaste et exubérant que lui en soirée. 

 

Le contact avec Karine était plus compliqué. Je soupçonnais cette dernière de penser que Lucie avait des vues sur Lucian, et ayant un naturel très jaloux, elle semblait se méfier d’elle, et ne parlait avec Sorya que par obligation ou quand Lucian lui parlait. Comme une sorte de défense automatique pour protéger son « bien ». A vrai dire, je ressentais un peu la même chose que Karine concernant le lien qui semblait s’être établi entre Sorya et Lucian. Quand je les voyait rire ensemble pour des futilités, il y avait une part de jalousie qui me submergeait, mais je ne le montrais pas. Au final, malgré quelques réticences de la part de Karine, voyant d’un mauvais œil la présence de celle qu’elle considérait comme une rivale, même si elle s’en défendait, notre petit groupe pour le futur voyage s’est officialisé. Pour ma part, je vivais seul dans mon petit appartement. Je savais qu’il en était de même pour Sorya. Karine, elle, avait coupé les ponts avec sa famille depuis des années.

 

Au vu de son caractère parfois vindicatif, je n’étais pas vraiment étonné. Il n’y avait que Lucian parmi nous à avoir encore ses parents auprès de lui de manière proche. Et ce n’étaient que ceux l’ayant adopté, comme il le précisait pour justifier de son départ. Il nous avait assuré de leur accord pour le voyage. De toute façon, il avait déjà tout organisé et appelé sa vraie famille en Roumanie. Ce sont d’ailleurs eux qui lui avaient envoyé l’argent nécessaire pour le voyage et les frais de nourriture pour venir les voir. Lucian nous avait dit qu’ils étaient ravis qu’il emmène ses amis, et qu’ils nous attendaient avec impatience. C’était un long week-end de 4 jours. Sorya et moi avions eu un congé, quémandé avec insistance depuis l’annonce de Julian. Curieusement, on a aperçu le premier sourire de notre impassible patron quand on l’a demandé.

 

Ça nous a fait bizarre. Il semblait heureux qu’on parte ensemble. Il a même fait allusion à un voyage de noces, ce qui nous a fait rougir, Sorya et moi, et a fait redoubler son sourire. Bref. Une fois tous rassemblés nos affaires, on a pris l’avion le jour-J. Direction la Roumanie. Concernant Karine, elle squattait chez Lucian et ses parents depuis, n’ayant pas de logement à elle. Avant d’être avec mon ami, elle s’arrangeait toujours pour se faire inviter à droite et à gauche, vu qu’elle était sans grande ressources. Elle nous avait bien dit qu’elle avait un petit boulot, mais elle ne voulait pas en parler. On sentait qu’elle avait honte de l’évoquer. Même Lucian n’a jamais pu en savoir plus. 

 

Quoiqu’il en soit, le voyage s’est passé sans encombre, et on a atterri à l’aéroport international Aurel-Vlaicu, à Bucarest, la capitale du pays. Après ça, on a pris un bus nous menant là où vivait la famille de Lucian. Jusqu’à présent, il avait gardé secret la direction de notre voyage d’Halloween. Il s’était contenté de nous recommander d’emmener tout ce qu’il fallait pour les festivités. Ses parents étaient prévenus pour ça aussi. Bien que cette fête fût étrangère à leurs habitudes, ils avaient accepté de se prêter au jeu, pour faire plaisir à Lucian, et serait costumés à notre arrivée, afin qu’on ne soit pas dépaysés, et la grande maison où ils vivaient serait décorée en conséquence. Lucian ne nous a révélé le but de notre voyage qu’au dernier moment, une fois que le bus se fut arrêté dans une petite ville. On était en Transylvanie, et il avait le sourire aux lèvres en l’annonçant. La Transylvanie. Le pays des vampires. Pour fêter Halloween, on ne pouvait pas trouver mieux. Sacré Lucian. Il nous avait bien eu sur le coup.

 

Mis à part Karine qui surveillait en permanence les faits et gestes de Sorya, afin de vérifier qu’elle ne s’approchait pas de trop près de « son » Lucian, se collant régulièrement à lui en jetant un regard froid à sa rivale, chacun était heureux de cette nouvelle. Ça présageait un Halloween somptueux et des plus originaux. Et la suite fut encore mieux. On avait l’impression d’être dans un classique d’Universal. Lucian nous a entraîné un peu en retrait de la ville, à une centaine de mètres pour être précis. Une voiture semblant sortir tout droit des années 50 nous y attendait. Le chauffeur était le cousin de Lucian. Il nous présenta à lui. Il avait un regard glaçant. Je n’ai rien dit sur le coup, de peur de le vexer, et de fâcher Lucian, mais j’ai ressenti des frissons tout le long du parcours. Et Sorya n’était pas en reste. Il n’y avait que Karine qui ne montrait pas de gêne particulière envers l’étrange cousin.

 

Il y avait autre chose de curieux chez lui. Sa peau était étrangement pâle, et ses yeux semblaient presque luire, alors que la nuit pointait déjà, rajoutant à l’angoisse de la présence du membre de la famille de Lucian. Il s’appelait Drago. Je sais que ça peut paraître idiot, mais j’ai immédiatement pensé à Vlad Tepes, le personnage historique qui a inspiré Dracula. Il n’y avait guère que lui et Lucian qui parlaient, auquel se rajoutait Karine, qui semblait intéresser fortement Drago, au vu des regards qu’il lui lançait, sans que ça offusque le moins du monde Lucian. 

 

Sorya me prit la main pour se rassurer de cette ambiance un peu spéciale, je dois bien l’avouer. La chaleur de sa main me rassurait moi aussi, en plus du bonheur de ce rapprochement inespéré de sa part envers moi, me faisant espérer que ce voyage aurait peut-être une incidence évolutive concernant ma relation avec elle. Au bout d’une heure de ce parcours, on arrivait à la maison des Borgmir, le nom de famille officiel de Lucian. Comme il l’avait dit, sa famille nous accueillait entièrement costumée, et la maison était décorée comme n’importe laquelle fêtant Halloween dans le monde.

 

 Mais l’ambiance qu’on venait de vivre dans la voiture ne me rassurait pas vraiment. On voulait un Halloween particulier, et le fait est qu’on ne pouvait pas avoir mieux. Mais j’avais la bizarre impression que tout ça était peut-être trop réaliste. En plus, la maison avait des allures de manoir. Bon, pas un grand château comme on voit dans les films de vampires, mais assez proche quand même. Lucian nous disait que sa famille était issue d’une ancienne lignée aristocratique. Ils étaient des commerçants reconnus dans la région. Je demandais ce qu’ils vendaient, et pour toute réponse, Lucian me dit :

 

 -  Chaque chose en son temps : tu le découvriras bien assez tôt.

 

Il avait dit ça d’une manière tout aussi glaçante que son cousin. Je me disais qu’il le faisait pour qu’on soit en plein dans l’esprit d’Halloween, ce qui ne m’empêchait pas de frissonner. Et je sentais qu’il en était de même pour Sorya qui me serrait encore plus la main. Les habits de la famille étaient bizarres. Beaucoup trop réalistes pour n’être que de simples costumes commandés à la hâte dans une boutique en ligne spécialisée. Ils donnaient l’impression de sortir d’un musée. Le dîner qui suivit fut tout aussi étrange. Je ne saurais même pas vous dire ce qu’on a mangé exactement. Quand au vin, il était d’un rouge tellement éclatant que je me demandais quel raisin pouvait en être l’origine. Aussi bien moi que Sorya n’avons presque pas parlé, trop traumatisé par ce que nous apercevions autour de nous. Les décorations sur les murs étaient parées de crânes plus vrais que nature, et ce n’était pas tout.

 

Quand les membres de la famille de Lucian ouvraient la bouche pour engloutir cette espèce de bouillie informe contenue dans nos assiettes, je n’apercevais pas d’éléments pouvant démontrer qu’il s’agissait de dents factices. Aucune trace de moulure à la base prouvant sa nature plastique ou siliconée, pas de morceaux de fer ou d’aluminium reliant les fausses dents aux vrais. J’avais l’impression que c’était… de véritables canines. Sorya a eu la même impression que moi, me demandant à voix basse : 

 

 -  Tu ne trouves pas que leurs dents semblent un peu trop réelles ?

 

Je hochais la tête en guise de réponse, n’osant pas parler, de peu d’être entendu par Lucian ou un autre convive. A un moment, celui qui semblait être le patriarche se leva et montrant son verre s’adressa à Lucian, puis à nous :

 

 -  Je lève mon verre à mon merveilleux fils qui m’a tant manqué ces derniers mois. Un an déjà depuis ta dernière visite. Et tu nous as rapporté des mets de choix. Halloween va être très savoureux cette année…

 

A ces mots, je vis Lucian se lever à son tour, invitant Karine à faire de même. Celle-ci, tout sourire, montrant sa joie de se retrouver au sein de sa belle-famille n’eut pas le loisir de goûter à son bonheur. Lucian ouvrait la bouche, laissant voir des canines proéminentes qui semblait pousser sur place. Il arrachait sa peau se révélant être un masque de latex ou un truc du genre, comme on voit au cinéma, ses mains se paraient de longs ongles poussant aussi rapidement que l’avaient fait ses canines, et d’un coup bref, il tranchait la gorge de Karine, provoquant un cri d’effroi de ma part et de Sorya. La malheureuse s’affala sur la table, du sang à profusion coulant de son cou. Le chef de famille fit un geste de la main, et deux membres de la famille se dirigèrent vers Karine, pendant que d’autres personnes amenaient dans la pièce une sorte de structure métallique où fut accroché le corps de Karine, la tête en bas. Au pied de l’étrange ustensile se trouvait une sorte de baquet, recueillant le sang de l’ancienne petite amie de Lucian, causant des cris de satisfaction de la part de l’assemblée. Le père de Lucian reprit :

 

 -  Enfin nous allons pouvoir boire un nectar digne de notre rang. Cela nous changera de ce détestable sang synthétique que nous sommes obligés de consommer toute l’année. Il n’y a qu’à Halloween que nous pouvons profiter de ce délice. Et ce, grâce à toi mon fils. Ta présence nous manque chaque jour, mais c’est un mal nécessaire pour que tu puisses approcher des humains lors de l’année suivant le précédent repas de fête, obtenir leur confiance, et nous les amener pour notre repas annuel.

 

 -  Je vous en prie, père. C’est un honneur pour moi de vous faire don de cette petite récréation gustative chaque an qui passe à cette date. Pour ma part, je profite à satiété de ce breuvage à longueur de temps en France. Nos serviteurs humains, ceux qui se font passer pour mes parents adoptifs, sont de parfaits subterfuges à mes excursions nocturnes. 

 

 -  Et un grand merci à toi, Drago. Toi qui a mis au point ces masques de peau pour Lucian, afin de cacher la pâleur de son teint originel. Ainsi que ce sang synthétique qui nous permet de nous sustenter les autres jours de l'année.


 -  C’est un honneur pour moi de me servir de mes talents de scientifique pour le bien de toute la famille.

 

A la lumière de tout ceci, je comprenais mieux pourquoi Lucian avait fait preuve de tant de mystère autour de sa famille jusque-là. Sa faculté de séduire, troublant même Sorya, ses aptitudes physiques hors normes dont il faisait preuve lors des cours de sport, son endurance à l’alcool et à la fête. Même si je n’avais pas toutes les réponses aux questions que je me posais à l’instant, j’y voyais plus clair. Mais surtout, je tremblais de peur, car je savais que moi et Sorya serions les prochains à nous retrouver sur cet appareil servant à recueillir le sang humain, une fois la gorge tranchée. Simple, mais efficace machine. Lucian se tournait alors vers nous :

 

 -  Je pense que notre petite conversation, s’adressant volontairement à vous, afin de satisfaire la curiosité des condamnés, a dû t’apporter nombre de réponses. En ce qui concerne mes dents, comme tout vampire de notre lignée, elles sont rétractiles. Comme les griffes des chats. Ce qui est bien pratique pour cacher notre nature. Ah, autre chose : nous ne craignions pas la lumière du jour, et encore moins toutes ces babioles religieuses ridicules. Mais ça, je pense que tu l’as compris si tu te remémore tous les instants que nous avons vécu ensemble cette année passée…

 

Une femme prit la parole, que je devinais être la mère de Lucia, vu qu’elle se positionnait à côté de l’autre homme depuis le début :

 

 -  Bien. Une fois que cette petite humaine sera vidée, nous pourrons commencer à festoyer.

 

S’adressant à nous : 

 

 -  Ce sera bientôt votre tour… Ah j’oubliais. Un détail que Lucian a omis. Notre clan est parfaitement capable d’assimiler la nourriture humaine, sous réserve qu’elle soit hachée, et uniquement de la viande. Saignante de préférence. Cela nous permet de compenser le manque de nectar à disposition. Nous ne pouvons pas agir dans notre pays, pour ne pas alerter la population alentour. Nous procédons à ce petit stratagème, à l’aide de notre fils pour nous offrir un peu de plaisir une fois l’an. Votre chair servira de pot-au-feu, et vos os seront de parfaites décorations. 

 

 -  Rajoutons, mère, que nous ne sommes pas le seul clan de Transylvanie. Il existe une centaine de familles comme la nôtre, chacune usant du même type de stratagème pour Halloween. Certaines font un peu plus ripaille, car elles ont plus d’enfants disséminés dans le monde. En ce sens, nous sommes loin de festoyer autant que certaines familles. Mais cela nous suffit. 

 

 -  Bien évidemment, tout ce que nous vous avons révélé ne vous servira à rien, vu que vous allez rejoindre cette jouvencelle dont le sang a presque entièrement été évacué de son corps. C’était un petit amusement de notre part. Le sang coulant par suite d’une peur extrême est encore plus gouleyant. Ce qui fait que le vôtre sera le plat de résistance de notre repas…

 

Je n’eus pas le temps de réagir que déjà plusieurs vampires s’emparèrent de Sorya qui hurlait de terreur, m’appelant à l’aide, alors que j’étais empoigné aussi de mon côté. J’ai eu le réflexe de m’emparer du manche d’une cuillère devant moi, et de l’enfoncer dans un œil de l’un des vampires me tenant. La surprise en résultant fit lâcher prise aux autres, et je parvins à m’enfuir loin de l’attablée. Sans même réfléchir, je visais la 1ère fenêtre se trouvant près de moi et m’y jetais, protégeant mon visage des éclats de verre, et me faisant me retrouver au-dehors. Je me relevais pendant que j’entendais les cris de terreur de Sorya que j’avais lâchement abandonnée à son sort.

 

Mais qu’aurais-je pu faire face à toute une famille de vampires affamées et surpuissants. Jamais je n’aurais pu seul m’opposer à eux, et sauver Sorya. Alors, j’ai couru droit devant moi, sans même savoir où j’allais, ignorant tout de cette région, de ce pays. J’ai erré des jours, me réfugiant dans les ruines qui se trouvaient sur mon chemin, évitant les villes trop proches de la maison d’où je venais de fuir, car craignant que des alliés de cette famille de vampires s’y trouvent, qui se feraient un devoir de me ramener à leurs maîtres.

 

J’ai finalement réussi à rejoindre la frontière hongroise, à l’aide de résidents que je savais ne pas pouvoir être liés aux Borgmir, car bien trop éloignés de la Transylvanie d’où j’avais fui. Dès lors, j’ai pu me servir de mes maigres économies restantes sur moi pour louer un véhicule, la majorité ayant servi pour l’achat des costumes et accessoires que j’avais embarquées avec moi pour le voyage, et restés à la maison de la famille de Lucian dans ma valise. Véhicule qui me permit de rejoindre l’aéroport le plus proche où je pus retirer l’argent nécessaire pour prendre un billet d’avion et revenir en France. J’ai quitté la ville où j’habitais précédemment. C’était trop risqué que Lucian m’y retrouve.

 

Je sais qu’il est forcément sur mes traces aujourd’hui, car j’en sais trop sur lui et sa famille. Bien que je ne pourrais jamais prouver leur nature, et parler de ce que j’ai vécu sans être pris pour un fou, je représentais cependant un danger pour Lucian et les siens. Depuis, je fuis, changeant de ville et d’emploi chaque mois qui passe, afin de ne pas rester trop longtemps au même endroit, et risquer d’être retrouvé par Lucian ou d’autres membres de sa famille, voire des humains aux ordres de celle-ci. J’ignore combien de temps je pourrais vivre ainsi, combien de temps je pourrais leur échapper. J’ai bien pensé à fuir vers d’autres pays plus éloignés de l’Europe, comme les USA ou le Japon. Mais est-ce vraiment une solution ? Je ne sais pas l’étendue de leurs contacts dans le monde. Peut-être peuvent-ils faire appel à d’autres familles vampires pour me retrouver, promettant un tribut s’ils me ramènent à eux, ou leur laissant le loisir de me saigner comme récompense de leurs services ?

 

Afin de laisser une trace de mon expérience, en souvenir de Sorya que j’ai abandonnée, de Karine et des dizaines d’autres victimes avant eux des Brogmir et des autres familles vampires, j’ai décidé d’écrire mon histoire, celle que vous lisez actuellement. Je l’ai fait sceller et déposer auprès d’un notaire. A ma mort, il est chargé de diffuser le contenu de ce journal auprès des journaux cités sur un papier à part de ce journal. Si vous lisez mon histoire aujourd’hui, c’est que j’ai finalement été rattrapé par les Borgmir ou ceux travaillant pour eux, et je leur ai servi de repas. Ce journal, ce n’est pas grand-chose, et vous ne serez sans doute pas nombreux à croire ce qui y est relaté. Je ne suis même pas sûr que tous les journaux que j’ai mentionnés dans mon journal aient acceptés de diffuser mon récit. Mais en tout cas, j’aurais libéré ma conscience, et indiqué que les vampires existent. Et pas seulement en Roumanie, de ce que j’ai pu comprendre pendant mes mois de fuite.

 

D’autres familles dans divers pays existent, avec des méthodes de ravitaillement sans doute différents d’une contrée à l’autre. Mais le résultat est le même. Partout autour de vous, il y a des créatures avides de sang qui vont tenter de faire de vous leur ami, se cachant sous un faux visage fait de peau synthétique, pour masquer leur apparence. Ils useront de différents prétextes pour vous amener à les suivre dans divers endroits, dans le seul but de vous vider de votre sang, afin de satisfaire les besoins de leurs familles. Peut-être vous trouverez-vous la proie de vampires solitaires, qui ne sont pas rattachés à des familles. Tout est possible. Je ne croyais pas aux vampires avant ça, et je n’ai jamais vraiment cherché à savoir comment ils officiaient, ce qu’étaient leurs différents modes de vie, de méthodes pour se nourrir.

 

Oubliez les vieux films et leurs mensonges. Les croix, l’ail, la lumière du jour, et toutes ces conneries inventées par des scénaristes ignorant ce qui en est vraiment, suivant les délires farfelus du roman de Bram Stoker et d’autres romanciers. Les vampires ne craignent rien de tout ça. Ils sont autour de vous, vivent parmi vous, dans le plus grand secret, vous ajoutant sur leur liste de victimes pour nourrir leur clan ou eux-mêmes. Personne n’est à l’abri, et, quelque part, je suis heureux d’être mort avant de voir que notre monde sera devenu le leur d’ici quelques années, ou à plus faible échéance encore…

 

Publié par Fabs

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