12 oct. 2020

LE BERCEAU




A quoi se résume le bonheur d’un couple ? A un amour mutuel, bien sûr, un partage de goûts communs, une vision d’un avenir où chacun apporte sa pierre au futur édifice. Puis vient le moment de la vie à deux dans le même espace, signe d’une confiance l’un envers l’autre total, et la preuve que l’un ne peut vivre sans la présence de sa moitié, son âme sœur. Et la conclusion se traduit souvent par le désir d’avoir un enfant. Un mélange fusionnel des 2 amoureux, qui assoit définitivement la passion qui se dégage entre eux.

 

C’est à cette étape que sont parvenus Samantha et Travis, après avoir vécu dans leur appartement. Ils en en sont parvenus à la 2ème étape de leur vie de couple en choisissant de vivre dans une maison pour s’épanouir pleinement, et couper court aux nombreux préjugés sur leur union. Préjugés se basant sur le passé de Samantha, rempli de pleurs et de sang, qui l’ont mené vers un asile psychiatrique après le meurtre de ses parents, pour lequel elle avait été jugée coupable. Elle aurait pu leur dire ce qui s’était vraiment passé ce jour-là, mais elle était confrontée à 2 problèmes de taille. Le premier, c’est qu’elle était persuadée que personne ne la croirait sur les évènements qui s’étaient déroulés. Le deuxième, c’était que suite à cela, elle avait perdu l’usage de la parole. La conséquence d’un choc extrême auquel les  médecins les plus réputés ne trouvaient pas de réponse de traitement, car trop ancré en elle. Seul Samantha était capable de retrouver la possibilité de parler à nouveau. Mais quelque chose en elle bloquait cette faculté, comme si cela la rassurait de ne plus pouvoir le faire. Ainsi, elle ne pourrait pas raconter ce qu’elle a vécu, et on ne la jugerait pas pour plus folle que ce qu’on la croyait déjà.

 

Suite à cela, elle est donc restée enfermée 3 ans au sein de cet  hôpital psychiatrique, où chaque membre du personnel la traitait comme la criminelle qu’elle était censée être. Tous, sauf un. Travis, l’infirmier chargé de s’occuper d’elle, de lui apporter ses repas, de la laver le cas échéant, au fil des jours, s’était pris d’affection pour elle. Au départ, ce n’était sans doute que de la pitié. Mais progressivement, cette pitié s’est transformée en amitié, puis en sentiments, au fur et à mesure de leurs longues tentatives de communication. Travis avait même appris le langage des signes à Samantha, plus simple que par écrit. A ce stade, il était clair que Samantha ne pouvait être la meurtrière que lui dépeignaient sans cesses ses collègues. Pour lui, il était impossible que cette petite fille enfermée dans un corps d’adulte ait été capable d’une telle monstruosité. Il avait vu les photos du meurtre de ses parents. Une vraie boucherie. Son père et sa mère avaient eu le visage dévoré, comme grignoté par un animal, pas par un être humain. Leurs corps avaient été éventrés, leurs entrailles dispersées à travers la pièce. On avait retrouvés leurs cœurs disposés sur le mur avec une aiguille à tricoter, dégoulinants de sang. Leurs bras et leurs jambes avaient été écorchés sur toute leur longueur, et la peau ainsi enlevée placée sur les fenêtres, comme on dispose un rideau. Un rideau macabre. Et, comble de l’horreur, ce qui restait de leur crânes semblaient avoir été défoncés par une masse, tellement les os avaient été pulvérisés. Pour Travis, il était impossible qu’une personne de consistance aussi fragile que Samantha ait eu la force de tout cela. De plus, l’état dans lequel elle avait été trouvée ce jour-là, sanglotant et pleurant sans pouvoir s’arrêter, les yeux dans le vide, comme terrorisée, ça ne correspondait pas au profil d’un tueur sans pitié, tel qu’on la désignait.

 

C’est en se basant sur ces incohérences vis-à-vis du comportement de Samantha au sein de l’hôpital, de sa douceur presque angélique en totale contradiction avec la brutalité dont avait été victimes ses parents, que Travis entama une procédure judiciaire pour faire innocenter Samantha et la faire sortir de cet endroit qui n’était pas sa place. La procédure fut longue et pénible, et Travis avait dû se heurter à nombre de violences verbales de la part des autres membres de la famille, qui ne comprenaient pas qu’il veuille faire sortir un tel monstre dans la nature. Mais il avait tenu bon, et il avait fini par trouver un avocat pensant comme lui, et qui parvint à faire reconnaitre que Samantha ne pouvait décemment pas être la meurtrière. Samantha fut donc jugée non-coupable, et relâchée. Une relaxation qui provoqua un tonnerre médiatique initié par la famille de la jeune femme, et qui obligea Travis et Samantha à fuir vers un autre état, afin de protéger l’état mental de cette dernière. Il trouva un appartement au sein de la petite ville de Mackinaw City, dans le Michigan. Un petit village de moins de 1000 habitants, dénué de tous touristes, près de l’océan. Le cadre parfait pour recommencer une nouvelle vie.

 

Au cours de cette période, Travis et Samantha devinrent de plus en plus complices, leurs sentiments de plus en plus forts. Mais Travis ne voulait pas brusquer les choses, ayant toujours en tête la fragilité psychologique de Samantha. Alors, il attendait qu’elle se sente prête avant de passer à l’étape suivante. Une étape qui arriva plus vite qu’il ne l’aurait cru. Au bout de 2 mois de cette vie idyllique, Samantha se présenta à Travis un soir, alors en plein milieu de la rédaction d’un rapport pour la petite clinique locale, où il avait trouvé un emploi. Elle arriva derrière lui, lui tapota l’épaule comme pour lui indiquer de la regarder. Travis se retourna, et sans prévenir, Samantha se dévêtit silencieusement, totalement, et s’approcha de celui qui avait cru en elle, qui l’avait protégée, qui l’avait aimée, elle, la paria que tout le monde désignait comme une criminelle, et elle s’offrit à lui, sans la moindre retenue. Une nuit magique pour les 2 nouveaux amoureux où le plaisir des sens se mélangea à la tendresse commune.

 

Les jours se suivirent, et bientôt Samantha exprima le désir d’autre chose. Une preuve de leur amour naissant. Un enfant. Samantha voulait que Travis lui offre un enfant à chérir, à dorloter, à aimer. Elle qui n’avait jamais eu une vie facile auprès de ses parents, froids et distants avec elle depuis sa naissance non-désirée. Pour Travis, cette demande, il ne pouvait que l’exaucer car il partageait le même sentiment d’agrandir leur famille. Mais était-ce à cause du choc ? Ou bien autre chose de plus profond ? Toujours est-il que Samantha et Travis ne parvenait pas à obtenir ce qu’il voulait. Plusieurs mois passèrent, avec toujours le même résultat décevant. Ils finirent par se résoudre à faire des examens, afin de comprendre. Le verdict fut sans appel : Samantha était stérile. Ils n’auraient donc jamais d’enfant. Pensant que cela anéantirait Samantha, Travis chercha à la rassurer. Contre toute attente, Samantha ne tomba pas en pleurs. Elle comprenait. Elle était triste, mais elle comprenait. Tout ce qui importait pour elle, c’était de vivre avec Travis. Le reste n’avait que peu d’importance.

 

Le mois suivant, Travis arriva à l’appartement avec un immense sourire. Il avait réussi à obtenir l’achat d’une maison. Une belle maison, au bord de la falaise, à la sortie de la ville. Avec un terrain immense. Un peu réticente au début, Samantha ne voulait surtout pas briser le rêve de Travis d’avoir une maison bien à eux. Il lui en avait souvent parlé, mais elle évitait la conversation. Elle ne pouvait pas l’exprimer à Travis, mais vivre dans une maison risquait de lui rappeler le jour du meurtre de ses parents. Et le reste. Mais elle aimait trop Travis pour lui refuser quoi que ce soit. Et une semaine plus tard, ils emménagèrent dans leur nouveau foyer. Ce n’était pas une maison, mais un vrai palais pour Samantha. Une pure maison dans le style victorien, avec des  boiseries partout, un parquet étincelant, des draperies aux fenêtres, des luminaires tels qu’on en voyait dans les contes de fées. Et le 1er étage était tout aussi merveilleux. Cependant, elle sentait quelque chose de bizarre au sein de la maison, une impression qu’elle avait déjà ressenti des années auparavant. L’impression d’un mal insidieux qui la suivait partout où elle allait. Mais elle se disait que c’était sûrement son appréhension de vivre dans une maison qui lui donnait ce sentiment, alors  elle mit ses craintes de côté, et visita le reste de leur propriété.

 

Leur vie était devenu un vrai rêve, comme si ils étaient passés de l’autre côté d’un miroir d’une dimension où le bonheur devient idyllique et parfait. Un bonheur qui allait prendre une autre dimension un mois plus tard. Samantha se réveilla un matin avec une impression bizarre. Pas désagréable, mais bizarre. Puis soudain, elle ressentit une envie de vomir, sans qu’elle comprenne la raison, étant donné qu’elle n’avait pas encore pris de petit déjeuner. Elle se précipita dans les toilettes, heureusement proches, et lui sembla sortir tout ce qu’elle avait mangé depuis des jours. Se remettant à peine de ses émotions, elle eut, sans trop savoir ce qui l’avait poussée à cette idée, de revenir dans la chambre, et prendre un test de grossesse qu’elle avait dans un des tiroirs. Sans réveiller Travis, elle se dirigea à nouveau vers les toilettes, et fit le test. Positif ! Elle n’en revenait pas ! Comment était-ce possible ? Les médecins qui l’avaient examinée avaient pourtant été formels : sa stérilité était irréversible. Alors, comment pouvait-elle être enceinte ? Après tout, elle s’en moquait. Elle courait à vive allure vers la chambre, et réveilla Travis en le secouant frénétiquement, jusqu’à ce qu’il daigne ouvrir les yeux. A peine debout, Travis demanda ce qui se passait pour qu’elle le secoue comme ça. Sans donner plus d’explication, elle montra le test à Travis. Soudain, son visage s’illumina. Il n’en revenait pas. Un bébé ! Ils allaient avoir un bébé ! Il ne comprenait pas plus que Samantha la raison de ce véritable miracle, mais il s’en moquait. Leur rêve allait devenir parfait en tout point, et leur petite famille s’agrandir.

 

Dans les mois qui suivirent, Travis s’attela à transformer une des pièces de l’étage en chambre d’enfant, pour accueillir leur progéniture. Il était comme un gosse, y passant des nuits entières, et refusant que Samantha l’aide, pour ne pas qu’elle se fatigue. Samantha ne l’avait jamais vu aussi prévenant et attentionné. Plus encore qu’il ne l’était d’habitude. Mais elle ne s’en plaignait pas. Au contraire. Elle adorait ça. Au bout de quelques semaines, la chambre était finie. Une merveille. Samantha n’en revenait pas que Travis ait pu transformer à ce point une pièce froide et lugubre en havre de paix enfantin. Il avait tout fait lui-même : ravalement des murs, parquet, meubles, placement des tentures,… et un berceau magnifique. Entièrement fait en bois, drapé de soie, sur un piédestal à double colonne, et pourvu d’un système de balancement dont Travis n’était pas peu fier. Samantha était folle de joie. Mais elle avait encore cette sensation de mal-être qui ne la quittait pas. Une sensation qui s’était accentué ces derniers temps, mais elle n’avait osé en parler à Travis, afin de ne pas l’inquiéter. Il était tellement heureux. Elle ne voulait pas gâcher ça. Mais cette sensation se transforma bientôt en cauchemars récurrent, la réveillant en pleine nuit. Des cauchemars où elle revoyait son père et sa mère se faire massacrer et éviscérer par quelque chose qu’elle ne parvenait pas à identifier. Elle ne voyait que ses yeux. Des yeux profonds, noirs, parsemé de sortes de lignes ressemblant à des veines, et auréolés d’un rouge vif, presque vermillon. Plusieurs fois Travis avait voulu savoir ce qu’était ses cauchemars, mais Samantha ne voulait pas l’inquiéter. Même quand ces cauchemars évoluèrent en menaces physiques au sein de la maison quand Travis n’était pas là. Elle n’arrivait pas à déterminer si elle était éveillée à ces moment-là ou bien si elle dormait. L’impression constante qu’une ombre la suivait, mais quand elle se retournait, il n’y avait rien. Des ombres sur les murs qui semblaient se déplacer, des lumières qui scintillaient. Des petites choses qui étaient sûrement le fruit de son imagination. Elle savait que la nervosité de la grossesse pouvait amener à ce genre d’hallucinations. Du moins, c’était ce qu’elle tentait de se persuader.

 

Puis, le jour de l’accouchement arriva. Samantha ressentit des douleurs plus fortes qu’habituellement, et se força à venir prévenir Travis, occupé sur son ordinateur. Complètement paniqué en la voyant trempée de sueur, se tenant le ventre comme s’il allait tomber, il la prit dans ses bras, et l’emmena jusqu’à la voiture. Sans s’occuper de la vitesse, il fonça vers la clinique où il travaillait et cria comme jamais une fois arrivé pour qu’on prépare la salle pour Samantha. L’accouchement dura 3 heures. Etonnamment rapide pour un premier. Mais Travis et Samantha ne s’arrêtèrent pas à ce détail. Ce qui comptait, c’était qu’ils étaient parents. Quelques jours plus tard, Samantha fut autorisée à sortir pour rentrer chez eux. Le bébé, prénommé Dylan, fut installé dans son berceau au sein de sa chambre créée avec soin par Travis. Une fois endormi, Travis se rendit dans leur chambre, pendant que Samantha continuait de regarder son bébé dormir tranquillement. Soudain, elle sentit comme un souffle de vent envahir la pièce. Instinctivement, elle se retourna et regarda autour d’elle, comme pour chercher d’où venait ce souffle. Mais il n’y avait rien. Elle attendit quand même quelques minutes avant de sortir à son tour, non sans jeter un dernier coup d’œil avant de rejoindre Travis.

 

Les jours suivants, d’autres phénomènes se manifestèrent : claquement de portes, fenêtres qui s’ouvrent sans le moindre courant d’air ; l’impression d’un froid permanent à l’étage ; et toujours cette bizarre sensation d’une ombre la suivant. Cette fois, elle tenta bien de prévenir Travis, mais celui-ci la rassura, en lui expliquant que c’était sans doute du au stress post-natal. Que cela allait passer d’ici quelques jours. Rassurée, Samantha tenta de se persuader que Travis avait sans doute raison. Mais les phénomènes perdurèrent et s’intensifiaient quand Travis était absent. A chaque fois, elle se précipitait dans la chambre de Dylan. Et à chaque fois, celle-ci lui semblait moins lumineuse, comme voilée d’une aura maléfique qu’elle semblait reconnaître de plus en plus. Au bout de plusieurs semaines, ses cauchemars devinrent de plus en plus violents et persistants, rendant Travis inquiet au plus  haut point. Il avait beau la rassurer, cette fois, ce n’était pas suffisant pour Samantha, qui sentait que quelque chose de terrible allait arriver. Plus les jours passaient, plus le voile invisible et maléfique se propageait dans la chambre de Dylan, se rapprochant de plus en plus du berceau, ce qui rendait Samantha à chaque fois plus perturbée.  

 

 Un soir, en pleine nuit, Samantha, comme prise d’un instinct, se rendit à  nouveau dans la chambre de Dylan. Mais à peine avait-elle ouvert la porte qu’elle vit une ombre penchée sur le berceau. Une ombre teintée d’une aura rouge. Au même moment, l’ombre se tourna et dévoila ses yeux et une sorte de sourire à peine perceptible mais mettant Samantha dans tous ses états. Soudain, tout lui revint en mémoire : la nuit où ses parents sont morts, c’est la même ombre qui était présente. La même ombre qui les avait massacrés sous ses yeux. Et elle se souvenait que c’était entièrement de sa faute. Ce soir-là, ne parvenant pas à dormir, elle avait surpris ses parents occupé à invoquer un démon dans une des chambres d’ami, transformée en salle ésotérique. L’intervention de Samantha avait provoqué une brisure dans leur rituel, et le démon invoqué avait été libéré sans qu’il puisse être contrôlé. Les parents de Samantha avaient tenté de faire s’éloigner leur fille, pendant que celui-ci écorchait leur peau, transformant leur visage en charpie, dans une fureur inimaginable, où le sang teintait sur les murs de la pièce, et leurs entrailles finirent en décoration morbide et malsaine, comme un enfant détruisant un jeu qu’il déteste. Samantha était parvenue à se réfugier dans la penderie, entendant les bruits de mastication de la créature des enfers sur le visage de ses parents et sur le reste de leur corps. Elle aurait voulu ne rien voir, mais, mue par un instinct qu’elle ne comprenait pas, elle n’avait pas pu s’empêcher de regarder à travers les lamelles de la porte. Du coup, elle n’avait rien perdu du « spectacle », nouant sa gorge de telle façon qu’elle ne parvenait même pas à proférer le moindre son pour demander au démon d’arrêter, de laisser ses parents tranquilles. Puis, comme s’il l’avait entendu malgré tout, le démon s’était arrêté, avant de se diriger vers la penderie, l’observant à travers les lamelles. Et sans raison, il était parti. 

 

Toutes ces années, Samantha s’était demandée si elle n’était pas vraiment folle, ou si elle avait seulement rêvée cette scène, en se demandant pourquoi le démon l’avait épargnée. Maintenant, elle savait. Il avait deviné. Il savait qu’elle allait rencontrer Travis. Qu’ils allaient emménager ici. Qu’ils auraient un enfant. Peut-être même qu’il a influencé leur départ pour cette ville, pour cette maison. En fait, Samantha venait de comprendre que toute sa vie depuis ce soir où ses parents ont trouvé la mort des mains de ce démon sanguinaire, elle n’avait été qu’un pion. Manipulée de toutes parts. L’objectif du démon était son enfant depuis le début. Pourquoi ? Elle n’osait pas le savoir.

 

Sans se poser plus de questions, Samantha se rua vers l’ombre qu’elle traversa de part en part. Celle-ci la regardait avec un rire sardonique, tout en soulevant Dylan dans les airs. Elle voulut se relever, mais une force la retenait au sol. Et soudain, elle vit l’ombre faire venir à lui des effluves bleutées venant de Dylan et se dirigeant vers la bouche de la créature. Elle aspirait sa vie ! Et elle ne pouvait rien faire. Elle était condamnée à regarder comme avec ses parents. Pour Samantha, c’était comme si sa  propre vie partait en voyant son bébé se faire dévorer sa vie par ce monstre infernal. Ce n’est plus des larmes qui coulaient sur son visage, c’était des torrents. Et quand, au bout de quelques secondes, l’ombre cauchemardesque finit son œuvre, et faisant retomber le corps sans vie de Dylan, la douleur de Samantha lui fit sortir un cri terrible, presque interminable. Comme si toute sa souffrance venait de sortir d’un coup de son être. Pour toute réponse, le démon la regarda de son sourire, puis s’évanouit dans les airs, emmenant avec lui toute l’atmosphère maléfique dont il avait empli la chambre au fur et à mesure des jours, laissant Samantha en proie au désespoir.

 

Ayant entendu ses cris, Travis se précipité à son tour dans la chambre. Voyant Samantha en pleurs assaillie d’une douleur indescriptible, il eut le réflexe de se diriger vers le berceau de Dylan. Et là, il recula, comme pris d’un sentiment horrifié en voyant le corps sans vie de Dylan, les yeux révulsés, la peau asséchée, comme une momie égyptienne. Tétanisé devant ce spectacle, il ne vit pas Samantha, soudain libérée de la force qui la retenait, se diriger vers la fenêtre de la chambre, comme hagarde, ouvrant cette dernière. Elle tira à elle une chaise, monta dessus et sembla regarder l’horizon devant elle, comme pour lui demander ce qu’elle devait faire maintenant. Alors qu’elle montait sur le rebord de la fenêtre, laissant tomber la chaise au sol, Travis se retourna. Voyant Samantha au bord de la fenêtre, il lui cria de ne pas faire ça, qu’ils allaient surmonter ça. Samantha le regarda tendrement, comme pour le remercier de lui avoir fourni ce bonheur toute ces années, et elle sauta dans le vide. Travis tenta de la rattraper, mais il était trop tard : Samantha gisait plusieurs mètres plus bas, empalée de tout son long sur la petite barrière en fer forgée du potager qu’elle avait elle-même mis en place avant l’arrivée de Dylan dans leur vie. Fou de douleur, Travis sortit de la chambre, descendit les escaliers le séparant de la porte d’entrée, et fonça vers l’endroit où se trouvait le corps de Samantha. Elle était là, transpercée de part en part, son sang coulant le long de son corps et de la barrière, dénuée de toute vie. Complètement abattu, Travis mit les genoux à terre, n’arrivant pas à croire que Dylan et Samantha n’était plus de ce monde, et ne comprenant rien à ce qui s’était passé.

 

Soudain, il se releva, comme pris d’un instinct résolu, et se dirigea vers le garage situé un peu plus loin. Il entra dans ce qui avait été son atelier. Là où il avait conçu les plans du berceau qui aujourd’hui était devenu un symbole de mort atroce. Il se dirigea vers un des tiroirs de l’établi, l’ouvrit en sortit un révolver. Il n’avait jamais dit à Samantha qu’il avait cette arme, de peur de l’affoler. Elle avait horreur des armes. Mais il l’avait acquise au cas où ils seraient confrontés à des cambrioleurs, du fait qu’ils habitaient dans un endroit isolé. Puis, il ouvrit le barillet pour vérifier qu’il y avait bien des cartouches, le referma. Il inspira grandement, avant de poser le canon du révolver sur sa tempe droite, ferma les yeux, et pressa sur la gâchette. Le coup partit, faisant entendre un bruit assourdissant au sein de l’atelier, la balle traversant le crâne de Travis. Celui-ci s’effondra immédiatement sur le sol, rejoignant ainsi les êtres qu’ils aimaient le plus au monde. Il n’avait pu se résoudre à vivre sans eux. Et, pour lui, il n’y avait que cette solution pour affronter son chagrin. Il ne saura jamais ce qui s’était passé dans la chambre ce jour-là, mais il ne voulait pas savoir. Seule comptait de vivre avec sa famille dans l’au-delà, et vivre éternellement. Quitte à être damné.

 

Publié par Fabs

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