Blanc. Immaculé. Tout l’univers autour semblait vide, sans vie. Un espace dénué d’existence où s’éveillait Mark, sans savoir ce qui l’y avait amené. Regardant d’abord devant lui, sans comprendre, sans réfléchir, il cherchait vainement un semblant de sens. Puis, au loin, un visage, illuminé par un halo bleuté, s’approchant petit à petit. Ses traits étaient indéfinis, masqués par cette lumière irréelle. Quand celui-ci n’était plus qu’à quelques pas, Mark se risqua à réduire la distance qui le séparait de cet être étrange, seul source matérielle de ce monde incompréhensible.
Mais celui-ci stoppait net sa marche dès que Mark se mit à se diriger vers lui. Avant de s’enfuir. Mark courait dans sa direction pour tenter de comprendre. Seul cet être pourrait lui apporter les réponses qu’il se posait quand à sa venue ici. . Puis, aussi incohérent qu’avait été sa fuite, l’être s’arrêta. Puis se retourna. Attendant que Mark se rapproche. Ce dernier ralentit sa course, et, quand il ne fut qu’à quelques mètres de l’être, il put enfin distinguer son visage. Et soudain, une terreur indescriptible emplit le visage de Mark : cet être, c’était lui !
A ce moment, Mark se réveilla en sursaut dans son lit, trempé de sueur. Il regarda autour, juste pour vérifier qu’il était bien revenu dans son monde. A ses côtés, sa femme le regardait, les yeux encore embués de sommeil.
« Qu’est-ce qui te prend de crier comme ça ? Tu as fait un cauchemar ? »
Mark la regardait, comme rassuré que tout ceci n’était que le fruit de son imagination. Puis sa peur s’enfuit de son visage, confiant de par la présence de son épouse et du reste de son univers, à nouveau familier. Après un léger grognement dubitatif, Sarah se rendormit. Mais, pour Mark, il était désormais impossible de se rendormir. Peur de retourner là-bas, sans doute. De retrouver son double. Mais était-ce bien un autre « lui » ? Sans plus se poser d’autres questions, Mark se leva. 6 Heures. Si ce rêve ne l’avait pas réveillé, il aurait sûrement été obligé de faire une course de vitesse pour aller bosser. Un mal pour un bien. Qu’importe.
Après avoir déjeuné, Mark passait dans le salon. Un détail l’étonna. Le vieux meuble de la mère de Sarah qui trônait depuis 5 ans dans l’angle de la cheminée n’était plus là. Se serait-elle enfin décidée à s’en débarrasser ? Bonne nouvelle. Arrivé au cabinet d’avocats où il travaillait, le bruit intensif des photocopieuses et de l’agitation frénétique des corps en déplacement lui semblait comme un doux murmure, en comparaison de sa nuit bizarre. Aux abords de son bureau, un autre détail, similaire à la disparition du meuble du salon l’intrigua : La porte de l’ancien labo photo, vestige de l’ancienne société, converti en fourre-tout, semblait avoir été murée : on n’en voyait plus la trace.
« Hey, Jonah ! Il y a longtemps que vous avez murée la porte 127 ? »
« Quelle porte 127 ? Elle n’a jamais existée, voyons ! »
Cela faisait trois ans qu’il travaillait ici, et cette porte y avait toujours été. A midi, Mark se dirigea vers son snack habituel. Attablé comme à son habitude, il vit une serveuse qu’il n’avait jamais vue se diriger vers lui, comme gênée, lui demander :
« Excusez-moi. Mais vous ne pouvez pas rester à cette table. Elle est réservée. »
Interloqué, Mark répondit qu’il s’était toujours installé à cette table aussi longtemps qu’il s’en souvenait.
« Je suis désolée de vous dire ça, monsieur, mais cela fait 10 ans que je travaille ici, et c’est la première fois que je vous vois ».
La surprise qui s’affichait sur le visage de Mark semblait se voir assez nettement. Mais, sans chercher la moindre complication, Mark se résigna à s’installer à une autre table.
Le reste de la journée, s’accompagna d’autres curiosités tout aussi troublantes, comme des clients « disparus » de ses listes, d’un collègue inexistant ou encore de la machine à café mystérieusement « déplacée » au 3ème étage d’un bâtiment qui n’en comptait que deux. La tête pleine de questions, Mark se disait que cela s’oublierait après un bon repas à la maison, quand il quitta le cabinet. Arrivé au portail de sa maison, il remarqua que le N° du portail avait changé. Remarquant que ses clés n’ouvraient plus la porte, il se décida à sonner pour que Sarah vienne lui ouvrir. Mais avant que la porte s’ouvre, une voix retentit dans sa tête.
« Element XF1258 : Disparition Immédiate. Processus habituel »
Quel était cette voix ? Et qui en était l’origine ? Mark avait beau tourner la tête autour de lui, personne ! Et quand la porte s’ouvrit, le cauchemar continua. Ce n’était pas Sarah, mais une petite fille d’une dizaine d’années qui ouvrit.
« Vous êtes qui, Monsieur ? Ma maman n’est pas là. »
Monsieur ? Maman ? Qu’est-ce que ça signifiait ? Epouvanté, Mark s’enfuit. Ne prenant même pas la peine d’ouvrir le portail, il sauta par-dessus, et se dirigea vers le poste de police le plus proche. Sa tête semblait exploser de l’intérieur. Tous les neurones la composant se mélangeait, formant un imbroglio d’images toutes plus absurdes les unes que les autres.
Tout en courant, Mark semblait voir autour de lui des commerces s’estomper, des passants devenir transparents, ne restant d’eux que des contours qu’on pourrait effacer d’un simple coup de gomme. Et d’autres voix se faisait entendre :
« Elément XF1456 : Effacement. Réordonnez l’équilibre ».
« Attention ! Sujet en phase critique. Surveillez la vitesse neuronale »
Qui étaient-ils ? D’où est-ce que venaient ces voix ? Tout le paysage autour de lui semblait perdre des couleurs, les feuilles des arbres voyaient leur verdure pâlir, des chemins devenaient des trous béants. Soudain, le soleil lui-même semblait devenir plus pâle, sa lumière moins présente. Les zones d’ombre se raréfiait pour laisser la place à des zones blanches, comme dans son rêve. Puis, il aperçut le poste de police. Il ne semblait pas être encore affecté par le phénomène. Du moins, le croyait-il.
Il empoigna la poignée de la porte. Soulagement. Elle était encore réelle. Il se dirigea vers l’accueil.
« Il faut m’aider. Je ne sais pas ce qui se passe, on a changé le N° de ma maison. Des gens disparaissent. Les couleurs s’estompent. Si vous ne m’aidez pas à comprendre, je vais devenir fou ».
« Calmez-vous, monsieur. Votre nom, s’il vous plait ? »
Donnant son nom au policier, Mark crut défaillir quand ce dernier, relevant la tête de devant l’écran de l’ordinateur, s’adressa à lui et lui indiqua qu’il « n’existait pas sur les registres de la ville ». Cette fois, une terreur sans nom, lui fit quitter le poste en trombe. Sa tête semblait littéralement se déchirer, et Mark tomba à terre, pris de convulsions irrépressibles et vit les murs du poste de police commencer à devenir transparent. Ses convulsions augmentèrent. Il sentait que son corps allait exploser.
« Stoppez Tout ! L’expérience est annulée. Le sujet XP256VW est devenu hors contrôle »
« Message reçu. Annulation de l’expérience. Débranchez le sujet ».
C’est alors que Mark se vit entouré d’un cortège de blouses blanches, un ballet angoissant d’étiquettes se partageant des feuillets à d’autres affairés sur des ordinateurs. Lui-même se retrouvait affalé dans une espèce de fauteuil à cloches d’ où on l’extirpait, pour l’installer sur une table, pareil à celles des futurs opérés.
En passant devant une sorte de grande glace où l’on pouvait voir toutes sortes de chiffres défiler en permanence, comme une immense calculatrice vitrée, il vit sur son bras un tatouage qu’il n’avait encore jamais vu sur lui : « XF256VW ». Sa vie se limitait à ça ? Un numéro. Toute sa vie avait été créée. Mais dans quel but ? Il n’arrivait même plus à parler, le son de sa voix ne parvenait plus à proférer le moindre son.
« Emmenez le sujet à la salle 4 »
« Bien, Monsieur. Salle 4 ».
Les hommes en blanc le dirigeaient vers une porte étrangement grande. Peut-être pour le soigner. Son calvaire allait être enfin fini. Peut-être que là, il saurait le fin mot de l’histoire. Mais en s’approchant de la porte, la peur ressurgit en voyant ce qui y était inscrit : « Salle 4. Expériences Ratées ». Voilà ce qu’il était : un ratage. Et à l’intérieur, il était dirigé vers une autre porte, et là, Mark comprit qu’il n’aurait plus d’échappatoire en voyant ces autres mots : « Incinérateur B ». Comme tout ratage, il allait être éliminé. Non. Il allait être effacé. Comme tout le reste. C’est alors que sortit de sa gorge son dernier cri, celui de la fin de sa vie.
Publié par Fabs
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