27 oct. 2023

LA MAISON QUI VIVAIT-Partie 4 (Challenge Halloween/Jour 24)


 

Ruagh commençait ainsi le descriptif de ce qui constituait les actes secrets monstrueux de chaque membre de ma famille. Chaque minute passée à l’entendre m’a fait découvrir toujours plus d’actes insoupçonnés et inqualifiables de ceux et celles qui ponctuaient mon quotidien de membre de la famille McFerus. J’ai vu Eilidh se masquer la bouche régulièrement pour ne pas perturber les révélations de Ruagh, étant aussi révoltée que je l’étais moi-même de tout ce qu’on apprenait. A dire vrai, je craignais qu’elle n’ait plus si envie que ça de rejoindre cette fratrie de monstres humains, dont l’ensemble des actes étaient bien plus horribles que ceux de la créature qui nous avait fait nous réunir ici ce soir, au sein de cette maison, au sein de ce salon, et nous ayant fait découvrir les perspectives biens sombres qui attendaient l’humanité.


- Par quoi je pourrais bien commencer ? Mmmh…. Je pense que le mieux serait de vous décrire la relation qui unissait, et le mot n’est pas anodin, Roy et Isobel… Préparez-vous à un choc, et dites-vous que la découverte de ce secret par d’autres membres de la famille McFerus, ta famille Craig, même si je sens que quand j’aurais fini de tout vous dire, tu pourrais bien avoir envie de renier ton appartenance à cette dernière, la découverte par certains et certaines des membres de ce qui a rapproché Roy et Isobel disais-je, a déclenché une réaction en chaine.

 

- Quel que soit ce que tu vas m’apprendre, je ne pourrais pas mettre au feu toutes mes années de vie au sein de ma famille Ruagh…

 

Il me regardait avec le même triste qu’il avait quand nous avions insisté pour connaître tous les détails des secrets familiaux des McFerus.

 

- Crois-moi, Craig. Je peux t’assurer que tu vas regretter d’être un McFerus. D’un autre côté, tu comprendras mieux le pourquoi de mon étonnement quand j’ai compris que tu n’avais rien à voir avec tes parents, et tous tes frères et sœurs. A se demander si tu n’as pas été adopté tellement tu es différent d’eux. Je sais cerner les gens, les analyser, et je suis certain que toi, tu es à part…

 

Eilidh, intervenait :

 

- Ruagh, arrête de gagner du temps, et va droit au but. Moi aussi je veux savoir…

 

Il observait Eilidh, arborant toujours le même air de petit garçon battu, souffrant de voir la détresse de son animal de compagnie en proie à mille souffrances.

 

- Excuse-moi, Eilidh. Je… Je dois avouer que j’ai tellement peur de vos réactions que j’hésite à entamer ces révélations. Mais tu as raison : je vous ai trop fait attendre. Je débute les « hostilités » …


Et ainsi, il se lança dans le récit des horreurs des miens. Eilidh et moi on apprit donc que Roy et Isobel, leur complicité flagrante dans tout ce qu’ils entreprenaient en commun ; leurs sourires affichés l’un envers l’autre lors des rares fois où on pouvait bénéficier de leur présence, notamment pendant les dîners de famille nous réunissant tous pour Noël ou les anniversaires de nos parent ; leurs regards pleins de tendresse, rien de tout ça ne montrait l’amour fraternel qu’on attend de la part d’un frère et une sœur. C’était une autre forme d’amour. Un amour charnel et intense…


Oui, vous avez bien interprété le sens de ces derniers mots. Roy et Isobel s’aimaient, mais ils s’aimaient au-delà de toute morale normalement attendue de deux membres d’une même famille, au-delà de toute éthique. Ils avaient une relation amoureuse au même titre qu’en ont n’importe quel couple régissant ce monde. Ruagh m’expliquait qu’il tenait ses renseignements de celui que je considérais comme un frère, voire un second père par le passé. Beathan. Le chef cuisinier dont j’appréciais tant les plats, celui qui m’a appris la cuisine avec patience et que j’avais rendu fier par mon assiduité, à l’insu de mes parents qui considéraient que la place d’un McFerus n’était pas à la cuisine, sauf pour y donner des ordres auprès du personnel. Mon père, ma mère également, avaient su exploiter la force peu commune de Beathan pour des tâches bien éloignées de ses fonctions de cuisine. Sans que celui-ci n’ose contredire les demandes de ces derniers ; par peur de perdre son emploi ; par peur de ne plus avoir le petit commis secret que j’étais à ses côtés la nuit, alors que tout le monde dormait, pour m’inculquer les rudiments d’un cuisinier digne de ce nom.


Beathan, c’était un génie de la cuisine. Je le comparais à Zeff, le mentor du cuistot de l’équipage des Mugiwara, Sanji. Mais en plus « souple ». Sa dextérité, sa patience à m’apprendre, ses sourires à chaque fois que je réussissais un plat, une sauce ou toute autre recette, qu’elle soit simple ou complexe, je ne pouvais pas les oublier. Elles étaient à jamais dans ma mémoire. Et pourtant, c’était le même homme qui s’était rendu complice de « missions » exploitant sa force et sa discrétion, obéissant ainsi à mes parents. Ruagh expliquait qu’il n’a jamais fait ça de gaieté de cœur. Il tenait à son poste, il avait l’amour de confectionner ses plats et de voir les airs réjouis des membres de ma famille après chaque dégustation. D’ailleurs, je l’avais toujours vu sourire. Mais à la lumière de ce que me disait Ruagh, je découvrais maintenant que nombre de ses sourires envers mes parents ; envers Daividh et Fingal ; envers Roy et Isobel ; n’étaient que des masques pour ne pas risquer de dévoiler ce qu’il savait aux membres ne devant pas apprendre ce dont il était le « gardien ».


Car c’était ce qu’il était au fond : un « gardien des secrets », agissant pour l’un et l’autre, sans en parler à ceux et celles faisant partie de la famille ne devant surtout pas l’apprendre. Il était comme un agent secret pour les McFerus, une sorte d’équivalent de l’agent 47, le personnage principal du jeu vidéo Hitman, bien éloigné du gentil chef cuisinier que je pensais qu’il était uniquement. Mais Ruagh m’indiquait qu’il reviendrait ultérieurement sur lui, car il était un peu le fil rouge de nombre des membres de ma famille s’en servant comme un véritable homme de main. Un « effaceur » digne des films de gangsters, le manipulant comme un pantin obéissant, grâce à la pression exercée sur lui et concernant sa petite fille.


Apprendre que Roy et Isobel étaient amants était déjà un choc énorme, moi qui avait toujours vu leur complicité comme le résultat de la collaboration les unissant, du fait du travail de ma sœur top-model. Mais là, j’apprenais aussi que Beathan avait une fille, issue d’un mariage qui avait tourné à son désavantage, se terminant par un divorce. Il avait perdu la garde de cette dernière, et l’emploi au sein de ma famille lui était primordial pour conserver ses droits de visite, un week-end sur deux. Ce qui correspondait à ses congés, laissant la direction de la cuisine à son second ces jours-là. Voyant que j’avais les larmes aux yeux, Ruagh s’interrompait un instant :


- Je t’avais prévenu Craig, et je t’assure que ce n’est rien comparé aux autres révélations que je m’apprête de te révéler. Si tu pleures déjà pour ça, en apprenant le reste, tu vas proprement t’effondrer. Tu veux vraiment que je continue ? 

 

Séchant les larmes qui avaient débuté de se former, tout en observant Eilidh qui trahissait sa surprise d’avoir appris la relation interdite de Roy et Isobel, je prenais une grande inspiration, soufflait, et j’assurais Ruagh de pouvoir supporter ce qui suivrait désormais.

 

- Désolé pour ça, Ruagh. Roy et Isobel… Jamais je n’ai soupçonné que leurs regards qu’ils s’adressaient avaient un tout autre sens que ce que je pensais n’être qu’une forme de tendresse innocente, comme s’en adresse des frères et sœurs par milliers à travers le monde. Je comprends mieux certaines choses maintenant. Mes parents… Ils ont appris cette relation ?

 

- Une chose à la fois, Craig, sinon on va pas s’en sortir… Tu veux qu’on fasse une pose, ou je peux passer à la suite ?

 

- Oui… vas-y… Je vais encaisser, t’inquiètes pas…

 

- C’est toi qui vois… Je continue alors…


Ruagh reprenait le fil du récit. De ce que Beathan lui avait appris, il ne savait pas trop à quel moment Isobel et Roy avaient passé le cap de simples frère et sœur à celui d’amants. Il supposait que cette alchimie s’est imposée à eux à force de travailler ensemble. Roy en tant que photographe, voyait souvent sa sœur dans des tenues dénudées et échancrées, bien que restant assez prude, selon la volonté d’Isobel envers ses clients. Ruagh savait qu’Isobel considérait le studio de son frère comme un quasi-quartier général, une étape lui permettant de se reposer entre deux défilés de mode auquel elle participait également, pour des grandes marques de sous-vêtements et de tenues de plage. Y prenant des douches, y dormant parfois, quand elle était trop fatiguée pour rentrer au sein de son appartement, situé tout près du studio. Une volonté de Roy. Bien avant que les deux collaborent étroitement, et que Roy se lance dans sa carrière de photographe professionnel, ayant la bénédiction de mon père à ce moment, il avait cherché un lieu où installer son futur studio non loin du lieu d’habitation d’Isobel.


A l’époque on a tous pris cette volonté comme une manière pour lui de ne pas perdre de vue celle avec qui il était le plus proche. Tout jeunes déjà, Roy et Isobel faisaient les 400 coups ensemble, de ce que ma mère m’avait appris, en me montrant des vidéos et des photos dans des albums de famille. Je suppose que cette proximité de départ a joué pour beaucoup dans la relation future qui s’installerait entre eux deux. Quand l’un était soupçonné d’avoir commis une bêtise, l’autre servait d’alibi, usant de mensonges pour se protéger mutuellement. A bien y réfléchir, en me remémorant les photos où ils étaient ensemble, collés l’un à l’autre, joue contre joue, il est possible que déjà à l’époque, s’est développé bien plus qu’une simple complicité d’enfants : une attirance dépassant leur compréhension, mais sachant qu’elle allait à l’encontre des convictions religieuses éduquées par nos parents. Ils ont vraisemblablement longuement dû se questionner durant des années sur ce qui signifiait cette attirance l’un envers l’autre, qui n’était pas seulement une forme de relation fusionnelle entre un frère et une sœur somme toute courante dans d’autres familles.


En grandissant, cette attirance a dû germer de plus en plus, à l’insu de tous, et peut-être ont-ils échangés des premiers baisers au détour d’un couloir, découverts leurs corps l’un et l’autre à leur adolescence, en prenant garde de ne pas être surpris, sans pour autant céder à leurs pulsions de se mélanger, car sachant que c’était un cap qu’ils ne pouvaient pas franchir, que c’était mal, comme leur avait appris les textes religieux. En même temps, ils ne pouvaient sans doute pas totalement réfréner cette passion qui les liaient. Quand Isobel a débuté sa carrière de mannequin, malgré la désapprobation de mon père, aussi bien elle que Roy ont compris qu’ils avaient peut-être là l’occasion de franchir le cap qu’ils n’avaient jamais pu dépasser dans l’enceinte du Manoir McFerus. Au-dehors de celui-ci, hors des yeux de nos parents, ils n’avaient plus l’obligation de se conformer aux règles de décence et de morale qu’on leur avait imbriqués dans le crâne.


Ils étaient désormais majeurs, et quand Roy a acquis son studio, il n’était pas impossible de penser que la carrière même de ce dernier ait été motivé justement par le fait de se rapprocher encore plus de sa sœur, en étant un facteur indispensable du métier de celle pour qui il se sentait bien plus proche qu’un simple frère. On peut supposer qu’ils ont fomenté ça ensemble. Isobel a orientée Roy à se lancer dans des études centrées sur la photographie, dans le but de légitimiser leur collaboration future. Le studio de Roy n’était doté que d’un seul lit. Il était aisé de deviner que lui et Isobel le partageait quand elle restait pour dormir. Et même si au départ, le fait de se trouver dans le même lit a pu peut-être se voir perçu comme rien de plus qu’une relation normale entre un frère et une sœur, au fur et à mesure, les deux futurs amants ont dû se remémorer plusieurs épisodes de leur enfance leur mettant en lumière qu’ils s’étaient toujours aimés, sans l’admettre véritablement.


Il a suffi sans doute d’une nuit pour que ce rapprochement au sein d’un même lit finisse par se transformer par une union charnelle, à force de fixer leurs regards, observant leurs corps nus. Non pas comme des frères et sœurs, mais comme des adultes ayant compris qu’ils n’étaient pas comme les autres. Ce qu’ils éprouvaient était bien plus fort qu’une « fusion », un amour fraternel. C’était un amour véritable. Tout ceci n’était qu’une extrapolation personnelle, suivant les explications de Ruagh sur la relation interdite de Roy et Isobel. Je m’imaginais que leur relation s’était construite de cette manière, sans que personne au sein de la famille ne s’en doute. Bien que les signes étaient déjà présents, par leurs échanges de regards, le fait qu’ils se prennent les mains lors des photos familiales de manière très prononcée, pour ne pas dire sensuelle, ou lors de bises très rapprochées des lèvres lors de séances de « remerciements » pour des anniversaires entre autres.


Je percevais l’évolution de l’amour qui avait été le leur, ayant amené à ce qu’ils deviennent des amants ne pouvant envisager de vivre éloigné l’un de l’autre. Ruagh savait par Beathan que Isobel venait au studio de Roy même hors de séances photos dans le cadre de son activité de mannequin. Le même Beathan qui avait découvert leur relation dépassant le cadre fraternel un après-midi, alors que ma mère lui avait demandé de se rendre au studio pour ramener à Roy sa sacoche qu’il avait oublié le matin, lors d’une visite au Manoir. Quand il avait cogné à la porte, n’ayant pas de réponse, il est entré, surpris de ne voir personne. Il s’est alors dirigé vers la chambre de Roy, histoire de voir si celui-ci s’était endormi. Auquel cas, il se serait contenté de poser la sacoche en évidence sur un meuble dans le studio, et serait reparti sans un bruit, laissant Roy dans les bras de Morphée.


Mais ce n’est pas Morphée qu’il a vu enlacé autour de Roy dans sa chambre, dans une position qui ne laissait aucun doute quant à ce qu’il s’était passé, la sueur sur le corps de l’un et l’autre prouvant ses doutes. C’était Isobel. Nue, la tête posée sur la poitrine de Roy, ses jambes enroulées autour de l’entrejambe de ce dernier. Beathan venait de découvrir un secret explosif, mais il n’a pas cherché à déclencher de scandale en les réveillant et les mettre devant le fait accompli de l’interdit dont ils s’étaient rendus coupables. Il a alors refermé la porte de la chambre discrètement, posé la sacoche au sein du studio, et est reparti. De ce que savait Ruagh, en dehors de lui, Beathan n’a jamais parlé de sa découverte à qui que ce soit. Mais quelqu’un d’autre l’a découvert, tout comme lui-même en avait été témoin. Effie. La douce et innocente Effie, qui se révélait être une tout autre personne que celle que je pensais qu’elle avait toujours été, tel que Ruagh me l’annonçait.


- Craig, Eilidh. A ce stade des révélations, je préfère prévenir qu’on rentre dans le vif du sujet. L’histoire de Roy et Isobel, ce n’était que la partie gentillette de ce dont je suis au courant par l’intermédiaire de Beathan. Je n’approuve pas la relation qu’ont eu ces deux-là, je préfère être clair. Mais en un sens, ils n’étaient qu’un homme et une femme s’étant trouvé des affinités autres que celles d’un frère et une sœur. Oui, c’est un péché aux yeux de l’Eglise. Un acte impardonnable. Mais ça reste de l’amour, aussi incompréhensible soit-il… La suite va vous démontrer toute la perfidie, la noirceur d’âme des autres membres de la famille. Et Effie est sans doute l’une des pires…

 

Je m’interrogeais à ce moment.

 

- Effie ? L’éternelle petite fille dans un corps d’adulte ? Celle qui est réservée au point qu’elle n’a jamais consommé son amour avec son petit ami officiel Steven ? Je le sais car elle me l’a dit. Steven a tenté à plusieurs reprises, mais elle a toujours craint de franchir le cap, selon ses propres termes. Et craignait même qu’il la quitte à cause de ça…

 

Ruagh baissait les yeux, avalant une nouvelle gorgée d’eau, après avoir repris sa bouteille, avant de la reposer à sa place. 

 

- Craig, je t’assure que cette image qu’elle s’est donné d’elle est très éloigné de la réalité. Si elle n’a jamais voulu « consommer », ce n’est pas par peur de le faire avec Steven. C’est parce qu’elle voulait se réserver pour quelqu’un d’autre… Quelqu’un de ta famille… Quelqu’un dont je viens de parler, d’indiquer son histoire avec Isobel…


Je tombais des nues à cette déclaration de Ruagh, à l’éventualité qu’Effie, la douce Effie, celle que je considérais être la plus « normale » des membres de ma famille, pouvait être un « monstre » pire que les autres. Et Eilidh semblait être dans le même état que moi. Elle qui avait une complicité très forte avec la benjamine de ma famille. Effie considérait Eilidh comme sa propre sœur, et je voyais à ses yeux qu’elle ne parvenait pas à imaginer cette dernière comme autre chose qu’un petit être fragile, facilement influençable, réservée comme il est rarement permis de l’imaginer.


J’avais toujours trouvé paradoxal qu’une personnalité comme elle puisse être capable d’écrire des romans policiers très violents parfois. Ruagh allait me faire découvrir qu’Effie avait érigée ce masque de douceur qu’on lui connaissait. Ceci dans le seul but de cacher l’objectif qui l’obsédait nuit et jour, faisant de Steven le subterfuge idéal. Le même Steven qui avait été son petit ami officiel avant que ce dernier quitte le manoir. Un départ qui s’était déroulé après que l’état psychologique d’Effie se soit dégradé, du fait de la semaine d’Halloween s’étant achevée par la mort de 3 membres de notre famille. J’avais du mal à croire l’insinuation de Ruagh, et ce fut Eilidh qui posa la question qui me brûlait les lèvres à ma place :


- A…Attends Ruagh… Tu… Tu ne veux tout de même pas sous-entendre qu’Effie avait elle aussi des vues sur Roy ? Son frère à elle aussi ? 

 

Ruagh observait Eilidh, conscient que cette révélation était un énorme choc déjà pour elle. Et je voyais dans son regard qu’il se demandait s’il devait dire le reste de ce qu’il savait sur ma petite sœur, et que j’étais à mille lieues de soupçonner. A la fois victime et bourreau… Ruagh répondait à Eilidh :

 

- Tu as très bien compris. Mais ce n’est que la surface de l’iceberg, je t’assure…. Franchement, je te conseille de bien te caler dans ton fauteuil, parce que ce je vais vous apprendre, à toi et Craig, va vous la faire voir très différente de ce que vous pensiez qu’elle est… Toujours prêts à savoir, malgré cette mise en bouche pas vraiment rassurante sur Effie ?


Eilidh et moi on se regardait alors, s’interrogeant l’un et l’autre si on devait s’arrêter là, si on devait vraiment avoir connaissance du secret se dissimulant derrière celle qu’on pensait être un ange de bonté et de gentillesse. Celle qu’aucun de nous deux n’aurait imaginé être autre chose, et qui allait se révéler être l’une des personnes les plus viles et détestables qu’il m’ait été donné de connaître… Mais nous avions donné à Ruagh l’assurance de vouloir tout apprendre dans les détails, même si cela devait briser l’image que l’on avait des personnes qui faisait partie de notre quotidien. J’interrogeais Eilidh du regard. Celle-ci hochait la tête en guise de réponse. Je m’adressai alors à Ruagh, empli de détermination :


- On est prêts, Ruagh… Même si je dois en souffrir le reste de ma vie, et ne plus jamais voir ma petite sœur comme avant. Dis-moi tout sur elle, sur ce qu’elle est véritablement…

 

Ruagh expirait. Je voyais qu’il aurait sans doute préféré que je lui dise l’inverse de ma déclaration.

 

- Ok. Alors c’est parti. Voilà la vérité sur le monstre caché derrière un visage d’ange qu’est Effie…


Dire que le choc fut rude serait un euphémisme, tellement ce que Ruagh m’apprit sur ce qu’était Effie me fit m’effondrer sur mon fauteuil. J’en ai même pleuré, et Eilidh ne fut pas en reste, car étant très loin d’imaginer l’ampleur de machiavélisme dont avait fait preuve ma petite sœur. Dans un premier temps, Effie fut une victime. Victime de mon père pour être précis, depuis très jeune. A cause de lui, elle a développé une personnalité sombre, la transformant psychologiquement en un véritable monstre insoupçonné. Beathan a appris ces faits de la bouche de ma mère, qui en a eu connaissance de la bouche même d’Effie, alors qu’elle n’était encore âgée que d’une dizaine d’année, entraînant une vengeance sans demi-mesure de la part de ma mère. Sournoise, insidieuse, et origine des déboires financiers de mon père, ainsi que des divers scandales dont il a été la cible, après des révélations sur ses malversations qui ont conduit à donner une réputation exécrable de notre famille.


Je savais que mon père était quelqu’un qui pouvait se révéler intraitable, froid envers ceux qu’il considérait être un danger pour notre famille, et n’hésitant pas à traîner dans la boue journalistes et autres « chercheurs de merde », tel qu’il les désignait. Sans oublier qu’il pouvait recourir à des méthodes violentes envers des « parasites » cherchant à déranger la tranquillité de notre famille, avec la complicité donc de Beathan, comme me l’avait fait comprendre auparavant Ruagh. Ce dernier étant incorporé dans cette liste d’indésirables selon la « liste » de mon père, après qu’il a tenté de pénétrer au sein de notre propriété, dans le but d’en savoir plus sur l’origine des morts s’étant succédé au sein du Manoir McFerus. Mais imaginer que mon père ait commis ces actes horribles envers Effie… Je n’aurais jamais pu avoir ne serait-ce que l’once d’un soupçon à ce sujet. Et pourtant…


Avant qu’il rencontre ma mère, et donc que nous soyons tous nés, mes frères, mes sœurs et moi, mon père a eu plusieurs aventures. Ruagh m’apprenait que l’une en particulier l’a profondément marqué, sans doute à cause de la manière dont son histoire s’est terminée. C’était une avocate, une farouche adversaire à ses méthodes déjà controversées pour s’approprier des biens, usant de techniques financières discutables, à la limite de l’illégal. Plusieurs fois, ils ont été opposés lors de procès médiatisés. Ils se détestaient, mais dans le même temps, ils respectaient la force de caractère l’un de l’autre, s’admiraient même. Ça peut paraître curieux, mais à force de s’affronter, ils en sont venus à se voir l’un et l’autre d’une manière différente de ce qu’ils affichaient en public, lors des procès ou des déclarations aux journalistes. Ces derniers se passionnant pour les nombreuses « piques » que les deux ennemis se lançaient mutuellement l’un et l’autre.


Dans les faits, ils ont découvert un jour qu’ils avaient le même « refuge » pour se remettre d’une longue journée de « combats » au tribunal ou à travers les médias. D’un commun accord, ils ont décidé de s’accorder une pause lors de ces moments de désir de calme, loin des vicissitudes des procès et du reste, buvant un verre en se remémorant les « exploits » juridiques de l’un et l’autre. Aussi incroyable que ça puisse paraître, ces instants de détente les ont rapprochés plus qu’ils ne l’auraient imaginé, et ils en sont venus à devenir amants. Bien entendu, ils ont cachés leur liaison qui se déroulait hors des tribunaux, et tenait à ce que leur rivalité continue d’être lors de leurs journées de travail.


C’était une relation étrange. Amants la nuit, rivaux le jour, et ils appréciaient énormément de vivre ainsi. Jusqu’au jour où Ailsa, l’avocate, s’est retrouvée à l’hôpital, en proie à une maladie auto-immune, qu’aucun médecin ne parvenait à soigner. Elle passait ses journées à passer d’examen en examen, son état s’aggravant chaque jour un peu plus. Mon père venait la voir régulièrement, délaissant parfois ses affaires pour passer du temps avec elle. Il était très épris d’elle, plus qu’il ne voulait se l’avouer. Ailsa appréciait ces visites, et un temps durant, cela contribua même à stabiliser son état, la progression de sa maladie semblant s’être freiné. Mais ce ne fut qu’un répit. Après trois mois d’un combat acharné contre le mal en elle, Ailsa mourut, plongeant mon père dans un profond désespoir. Sur les conseils d’un de ses amis, il a accepté de se rendre à une soirée, organisé par une association caritative.


A dire vrai, ce n’était pas vraiment le type de soirée où mon père avait l’habitude de se rendre, les trouvant ennuyeuses, mais il appréciait l’effort de son ami de vouloir lui remonter le moral et mettre de côté sa tristesse. C’est lors de cette soirée qu’il a rencontré ma mère, ce qui entraîna la suite de l’histoire des McFerus telle que vous la connaissez. Malgré tout, il n’a jamais pu oublier Ailsa, et quand Effie est née, il a été troublé par sa ressemblance avec son amour perdu. Il s’était persuadé que sa fille était la réincarnation d’Ailsa, que c’était un cadeau du ciel. Il était obsédé par elle, la couvrant d’attention, lui offrant des cadeaux somptueux, la couvant parfois trop, comme lui reprochait ma mère. Mais il n’en tenait pas compte. Ma petite sœur a été pendant des années l’incarnation de la joie de vivre : elle n’a pas été toujours la personne réservée que tout le monde lui connaît aujourd’hui.


Un trait de caractère qui s’est effacée à partir de ses 10 ans, sans que personne ne comprenne pourquoi. Plus le temps passait, plus elle affichait cette nouvelle personnalité aux yeux de tous, se plongeant dans l’écriture d’histoires violentes, et obtenant le statut de romancière réputée qu’elle a toujours aujourd’hui. Ce changement de personnalité est dû à mon père. Ma mère l’apprendrait plus tard, mais mon père, obsédé par Effie, a entamé une relation incestueuse avec elle. Il profitait que ma mère soit endormie pour se rendre en pleine nuit dans la chambre d’Effie, afin de procéder à des attouchements sur elle. De plus en plus prononcés au fur et à mesure que ma petite sœur grandissait.


A l’heure où Ruagh m’apprenait ce fait, mon père continue d’avoir cette relation avec Effie, à l’insu de ma mère. Du moins, c’est ce qu’il croit. En réalité, ma mère, à force d’insistance car ayant surprise à plusieurs reprises des pleurs dans la chambre de ma sœur en passant devant sa porte, a fini par obtenir les aveux d’Effie sur ce que lui faisait subir mon père. Dans un premier temps, elle a pensé à demander le divorce. Mais, par peur du scandale, consciente que cela pouvait nuire aux carrières respectives de ses enfants si l’existence de la relation incestueuse de mon père avec Effie venait à être révélée au grand jour, elle a usé d’une méthode plus insidieuse pour détruire mon père. Avec la complicité de Beathan, elle a pu avoir accès à des documents confidentiels, sachant que mon père avait une confiance absolue en notre chef cuisinier, et accessoirement « videur » des intrus se faufilant au sein de la propriété. Comme l’avait subi Ruagh, avant que, quelques années plus tard, après que ce dernier eut donné sa démission, il le rencontre dans un bar et se lie d’amitié avec lui. Beathan s’excusant sur ce qu’il avait fait subir à Ruagh ce jour-là, et devenant son « indic » officiel sur les secrets des McFerus.


Ma mère savait que Beathan ne dirait rien à mon père, car tenant à son emploi, qui constituait une condition indispensable pour conserver ses droits de visites auprès de sa fille selon une décision de justice. Celui-ci se retrouva donc à jouer les « agents doubles », devant redoubler de discrétion pour trahir la confiance que mon père avait en lui, ayant même connaissance des codes de son coffre-fort où se trouvait des preuves de ses malversations. Il fournissait des informations précieuses sur certaines affaires. Pour ne pas « griller » Beathan, ma mère prenait garde de vérifier ces infos auprès des personnes impliquées dans ces malversations d’ordre financières, sachant pertinemment que celles-ci, soucieuses de ne pas être impliqués dans des scandales, ne pourraient faire autrement que d’accepter de collaborer avec ma mère, et accepter de lui fournir des preuves supplémentaires. Ma mère s’arrangeait pour que les « taupes » ne soient pas directement incluses dans les scandales qu’elle lançait dans le secret, en divulguant les secrets de mon père à différents organes de presse.


Une opération minutieuse, visant à détruire à petit feu l’empire de mon père, sans que cela nuise à ses enfants, car ne visant que le principal intéressé. C’était son objectif premier. Cependant, pour que mon père ne soupçonne rien, ni la découverte de sa relation incestueuse avec Effie ; ni les « fuites » aux journaux dont elle était la cause ; ni la complicité de Beathan ; elle a demandé à Effie de continuer à accepter les visites de mon père dans sa chambre. Ne voulant pas contredire sa mère, Effie accepta. A ce stade, on pourrait penser qu’Effie était une victime des actes de mes parents, chacun ne valant pas mieux l’un que l’autre, me faisant découvrir des aspects horribles de leur personnalité. Mais Ruagh me précisait qu’Effie avait un autre secret, et celui-ci était tout autre, révélant qu’elle était la digne fille de mes parents en ce qui concernait le machiavélisme.


Effie a toujours été proche de Roy, lui confiant ses petits malheurs quand elle s’était fâchée avec ma mère, Daividh ou bien Fingal. Parlant de ses passions, des acteurs qu’elle admirait. C’était une relation qu’elle appréciait beaucoup, et Roy s’était toujours montré d’une infime patience pour l’écouter, lui prodiguer des conseils, et lui portant une attention toute particulière au vu de son jeune âge. Cependant, Effie s’est mépris sur la relation la liant à Roy, son admiration pour lui, sa reconnaissance pour sa disponibilité. Quand elle a commencé à subir les attouchements de mon père, elle appréciait encore plus la présence de Roy par la suite. Bien que n’osant pas lui parler de ce que mon père lui faisait, celui-ci la consolait quand il la voyait triste. Il a été le premier à s’inquiéter pour elle quand elle a commencé à montrer son changement de caractère, surprenant tout le monde. Elle lui disait qu’elle avait un secret mais qu’elle ne pouvait pas lui dire ce que c’était, car ça pourrait faire du mal à tout le monde si elle en parlait.


Roy a compris le besoin de se taire d’Effie, lui promettant de ne jamais chercher à l’obliger à lui confier ce secret si elle ne le désirait pas, et étant encore plus présent pour elle, l’emmenant, parfois avec Isobel en balade hors du Manoir, ou au cinéma. Une relation qui a construit des liens très fort entre les 3, Isobel se montrant très attentionnée envers elle également. Effie a fini par développer les mêmes sentiments qu’Isobel pour Roy. Evidemment, comme c’était une attirance interdite, désavoué par l’Eglise, elle a gardé caché l’amour qu’elle avait pour Roy. Elle ignorait alors que le même sentiment se développait entre son frère adoré et Isobel, continuant à voir celle-ci comme sa meilleure amie, en plus d’une sœur. Elle a été très peinée quand Roy et Isobel se sont montrés moins présent au Manoir, voyant ces derniers faire preuve de plus de distance envers elle qu’il ne l’avaient été auparavant. Elle se sentait rejetée du fait de leurs absences répétées, triste quand elle assistait aux disputes les opposant à notre père. Sans compter l’attitude de ma mère, l’obligeant à continuer de subir les attouchements de mon père, et qui ne lui offrait plus la protection qu’elle pensait avoir au sein du Manoir.


Dans le même temps, elle continuait d’éprouver une attirance de plus en plus importante pour Roy, bien que celui-ci n’était plus là. C’est justement son absence qui a accentué son besoin qu’il soit près d’elle. Ruagh me confiait que Beathan avait vu un jour Effie se rendre au studio de Roy, alors que lui-même s’était rendu en ville pour faire des achats de produits frais pour les repas de la famille. Il était très tôt, et Beathan savait qu’Isobel passait plus de temps au studio que son appartement. Ce qui fait qu’il y avait de fortes chances qu’elle soit encore auprès de Roy quand Effie s’y est rendu. Beathan étant pris, il n’a pas eu le temps de se diriger vers elle et trouver une excuse pour éviter que ma petite sœur découvre la relation amoureuse de Roy et Isobel.


Il l’a vu ressortir plus tard, montrant sa colère en tapant sur les murs du bâtiment abritant le studio, avant de repartir en direction du Manoir. Beathan était déjà au courant de ce que subissait Effie de la part de mon père, vu que ma mère lui en avait parlé pour expliquer pour quelle raison elle voulait se venger. Savoir qu’elle avait découvert que Roy et Isobel étaient amants, ce qui avait pu lui faire un choc, sans soupçonner pour autant à ce moment les sentiments qu’éprouvait ma sœur pour notre frère, cela faisait mal à Beathan. Quelques jours plus tard, voulant essayer d’en parler avec elle, et ce, à l’abri des oreilles indiscrètes d’autres membres de la famille, surtout de mes parents, il a surpris une conversation qu’elle entretenait avec Daividh et Fingal.


Il n’a pas pu tout entendre, mais il a parfaitement compris qu’Effie avait révélée à ses deux frères la relation incestueuse de Roy et Isobel. Elle leur demandait de faire en sorte qu’ils mettent fin à cette union, en les harcelant quotidiennement pour les séparer, et précisant de ne pas en informer nos parents. Ça devait rester une opération « secrète », pour éviter toute forme de scandale causant des dissensions au sein de la famille. Effie se gardait bien d’indiquer que c’était dans le but d’avoir Roy pour elle toute seule. Daividh et Fingal, montrant clairement leur dégoût, acceptèrent la « mission », et, à plusieurs reprises, Beathan a surpris les deux jumeaux appelant tour à tour Roy et Isobel pour les inciter à cesser leur relation scandaleuse, les menaçant d’avoir recours à des arguments « frappants » en cas de refus de leur part.


Quand les deux frères eurent quittés la pièce où se trouvait Effie, après qu’elle leur eut demandé ce « service », il a entendu cette dernière se parler à elle-même. C’est ainsi qu’il a compris que si elle avait fait appel à Daividh et Fingal, dans le but, soi-disant, de ne pas créer de troubles au sein de la famille si la relation entre Roy et Fingal venait à se savoir, c’était surtout pour avoir Roy pour elle toute seule. Elle espérait qu’une fois « écarté » Isobel, elle pourrait profiter du désarroi de notre frère pour se rapprocher encore plus de lui, et servir de « remplaçante » à notre sœur dans ses bras. Steven servait d’artifice à ses véritables aspirations d’homme idéal. Elle comptait séduire Roy par tous les moyens, afin d’assouvir ses fantasmes d’union avec lui, en se servant de sa « couverture » qu’était son petit ami officiel Steven, pour que personne ne se doute de sa future relation qu’elle espérait obtenir avec Roy.


Ruagh avait raison… Effie était vraiment machiavélique. Je m’expliquais le visage tuméfié arboré par Roy un jour. Il avait expliqué qu’il était tombé dans l’escalier pour justifier de son œil poché et les bleus sur son visage. Je comprenais mieux aussi les yeux remplis de fatigue d’Isobel quand elle venait au Manoir. Le signe des harcèlements quotidiens de Daividh et Fingal, ceux-ci ricanant en voyant mon frère et ma sœur lors des repas familiaux. Je préférais ne pas imaginer la violence à laquelle mes deux frères avaient eu recours pour « forcer » Isobel et Roy à se séparer. Eilidh ne put se retenir, et se mit à sangloter. Ruagh sortit un mouchoir de sa poche, et lui tendis.


Moi-même, je mettais ma main devant ma bouche pour me retenir d’hurler en comprenant qu’Effie avait tout d’un démon qui ne valait guère mieux que les actes de mon père et ma mère. Un moment j’ai eu pitié d’elle en apprenant ce qu’elle subissait quotidiennement de la part de mon père. J’ai eu pitié en sachant que ma mère, pour préserver ses enfants de tout scandale, et donc moi compris, obligeait Effie à continuer sa relation avec mon père.


Mais le reste, sans doute forgé justement par les actes de mon père, ainsi que l’obligation qu’elle avait de se taire pour permettre à ma mère d’agir dans l’ombre , pour détruire mon père et son empire, je ne pouvais l’accepter. Je ne pouvais comprendre comment Effie en était venue à demander à Daividh et Fingal de recourir à la violence pour briser le couple formé par Roy et Isobel. C’était un cauchemar. Et savoir en plus Beathan impliqué dans tout ça… Ruagh, voyant mon abattement, s’adressait à moi à nouveau :


- Je t’avais prévenu que ta petite sœur était une des pires. Mais à dire vrai, y’en a pas un pour rattraper l’autre. Que ce soit elle, Daividh, Fingal ou tes parents. Malgré leur relation interdite, Isobel et Roy étaient les seuls à ne pas être des ordures. Ce n’est pas pour autant que je peux les considérer comme des gens normaux. Un frère et une sœur qui couchent ensemble, franchement… Difficile d’imaginer un truc pareil, tu en conviens. Et je peux voir à ta mine déconfite que mes révélations t’ont fait comprendre des zones d’ombre concernant ta famille. Des mystères qui t’ont certainement interrogé, sans pouvoir déceler la « clé » expliquant ce qui pouvait bien se tramer au sein du Manoir McFerus…

 

- Je… J’ai envie de vomir… Effie, Daividh, Fingal, mes parents… Tous sont des monstres de haut niveau… 

 

Eilidh, sanglotant encore, intervenait :

 

- Craig, c’est affreux… Ta famille… Je suis tellement désolé pour toi… Jamais je n’aurais imaginé un tel degré d’horreurs…

 

Ruagh, buvant une nouvelle gorgée d’eau, s’enfonçant dans son fauteuil, reprenait :

 

- Vous n’êtes pas au bout de vos surprises… J’ai réservé le meilleur pour la fin… Si je puis dire… L’apothéose des monstruosités dont a fait part ta famille, Craig…

 

- Parce qu’il peut y avoir pire que tout ce que tu viens de me révéler ? Comment ça peut dépasser tout ce que je viens d’entendre ? 

 

Ruagh ricanait nerveusement.

 

- Craig, je t’assure qu’il y a pire… Et là encore, ça implique tes frères. Ainsi que Beathan et même ta mère…

 

- Quoi ? Elle… Elle a fait pire que le fait d’obliger Effie à se prostituer avec mon père ? 

 

Ruagh montrait un air très sérieux tout à coup.

 

- Bien pire… Elle est coupable de l’organisation d’un meurtre. Meurtre commis par Fingal et Beathan, pour couvrir la connerie de ton autre frère Daividh. Et là encore, avec l’excuse de « protéger » ses enfants. Je t’assure que quand Beathan m’a tenu informé de ça, j’ai cru que ta mère était la réincarnation d’une tueuse en série niveau Gold. Tu connais Rosemary et Fred West, ce couple coupable de viols et de tortures de jeunes filles ? Ben ta mère et tes frères, ce sont pratiquement leurs descendants, pour te faire un tableau proche de ce qu’ils ont fait…

 

Eilidh sortait de son silence à ce moment.

 

- Tu déconne Ruagh ? Mme McFerus, une tueuse ? Je… Je ne peux pas le croire… J’ai déjà du mal à accepter qu’elle oblige Effie à continuer de se laisser faire par son père… Mais l’imaginer en tueuse de sang-froid…

 

- Je vous l’ai dit dès le début… Les secrets des McFerus sont une succession d’horreurs les uns mis au bout des autres. Et tout ça, au nez et à la barbe de toi, Craig… Vous voulez connaître le reste de l’histoire ou pas ? Je peux stopper là si vous voulez… Ce qui ne serait pas plus mal, vu les tronches que vous avez…

 

Je reprenais :

 

- Non, Ruagh. On a commencé, et je ne veux pas que tu me dorlotes, simplement parce que tout ça m’a déjà bouleversé à un point que tu n’imagines pas…

 

- J’imagine très bien au contraire, Craig. Je te rappelle que j’ai appris tout ça avant vous. Et si je n’avais pas rencontré Beathan dans ce bar ; s’il ne m’avait pas reconnu ; s’il ne m’avait pas abordé en me demandant de me parler en privé, en s’excusant de ce qu’il m’avait fait, je serais à des années-lumière d’avoir pu imaginer toutes les monstruosités dont s’est rendu coupable ta famille. Ne m’en veux pas, mais je me dis que la présence du Léviathan, c’est peut-être en quelque sorte une manifestation du Karma. Je ne crois pas trop à ces conneries de destin et compagnie, mais faut avouer que tes parents, tes frères et sœurs, ils n’ont pas tous volés leur sort…. A part Isobel et Roy qui ne méritaient pas ça…


Je ne disais rien, et Eilidh non plus. Même aussi durs qu’étaient ses propos, je ne pouvais pas les contredire. Ce qu’avait fait ma famille n’avait pas de nom. En soi, le Léviathan du Manoir pouvait effectivement se voir comme une représentation d’une certaine justice pour punir ce que mes parents, mes frères et sœurs avaient fait. Ruagh m’interrogeait :

 

- Bon, je continue ? Vous êtes prêts à entendre la beauté suprême commis par ta famille ?

 

Je me reprenais, pendant qu’Eilidh me prenait la main, comme pour me préparer à écouter la suite, dans une forme de solidarité aux futures horreurs à découvrir. Je hochais alors la tête pour indiquer à Ruagh de finir le festival des supplices.

 

- Ok, vu que j’ai votre accord, c’est parti pour le final…


Ruagh finissait de nous achever, Eilidh et moi, en nous expliquant la complicité dont s’étaient rendus coupable ma mère, Daividh, Fingal et Beathan. Ça s’était passé lors de la candidature de Daividh au poste de député. Sa réputation de dragueur invétéré n’était plus à faire. Et parmi les membres de l’équipe de sa campagne figurait Catriona, la superviseuse de l’ensemble des opérations, véritable bras droit de mon frère. Elle était très dévouée, et n’a jamais caché son attirance pour Daividh tout le long de la campagne. Ce n’était un secret pour personne. Tout le monde se doutait que ces deux-là étudiaient des « dossiers » supplémentaires en dehors des heures de travail, à l’abri des regards, au sein même du petit bureau de campagne. Ça aurait pu n’être qu’une aventure de plus pour mon frère, sans conséquence. Mais ce ne fut pas le cas. Une fois élu député, Daividh s’en est allé vers d’autres horizons, goûté d’autres gazons, si vous voyez l’image, et a plus ou moins oublié l’existence de Catriona, partie elle aussi reprendre ses anciennes activités qu’elle occupait avant de rejoindre l’équipe de campagne de mon frère.


Cependant, quelques mois plus tard, elle est venue frapper à la porte de Daividh pour lui annoncer qu’elle était enceinte de lui. Au début, il a tenté de lui faire comprendre qu’elle s’était trompée, que c’était forcément un autre qui était le père. Seulement, Catriona n’est jamais sortie avec aucun autre homme après Daividh, et n’a donc pas eu de relations pouvant sortir ce dernier de l’embarras que constituait cette annonce. Il ne voulait pas d’enfants, pas de vie de famille. En tout cas, pas dans l’immédiat. Ce qu’il voulait, c’était s’amuser le plus possible avec le plus de filles possibles, sans attaches aucune, sans obligation de quoi que ce soit d’entamer une relation sérieuse. Et donc sans bébé à s’occuper. Il est même allé jusqu’à faire effectuer un test de paternité, persuadé qu’il ne pouvait pas être le père et que Catriona essayait de le faire chanter pour s’installer avec lui. Ou essayer de lui soutirer de l’argent, maintenant qu’il avait un poste haut placé.


Mais ce n’était pas le désir de Catriona, qui voulait juste que Daividh prenne ses responsabilités et assume ses actes, en reconnaissant publiquement qu’elle portait son enfant. Le test de paternité effectué deux jours plus tard confirma qu’il était bel et bien le père. Il obtint de Catriona d’avoir quelques jours pour réfléchir, lui faisant croire qu’il avait besoin d’un peu de temps pour se faire à l’idée de fonder une famille. Elle accepta, lui indiquant même l’hôtel où elle habitait provisoirement. Comme elle était la fille d’un pasteur, si celui-ci apprenait qu’elle attendait un enfant en dehors du mariage, elle savait qu’il l’obligerait à avorter et l’enverrait dans un lieu où elle devrait se consacrer à une vie de religieuse. Il était très strict sur la morale et tout ce qui était de l’ordre du respect des dogmes religieux. C’est pourquoi, elle avait quitté le foyer familial en apprenant être enceinte, réussissant à cacher les signes de son état. D’où le fait qu’elle logeait dans cette chambre d’hôtel, après avoir fait croire à ses parents qu’elle vivait dans un appartement avec une amie, en cohabitation, pour rassurer son père.


Daividh, paniqué, a parlé de son « problème » avec Fingal dans un premier temps. Cette fois, leurs petits subterfuges habituels d’échanges de rôles ne serviraient à rien, au vu de la situation. Ensemble, ne sachant comment faire, ils parlèrent en privé du souci de Daividh à notre mère. Même si elle n’était pas contre le fait d’être grand-mère, elle ne voulait pas que ça se passe dans ces conditions. Elle a tenté d’appeler Catriona, tentant de négocier avec elle, et s’engageant à payer tous les frais pour l’avortement. Mais la jeune future mère refusait de se débarrasser du bébé en elle. Elle tenait à ce qu’il naisse, et désirait que Daividh assume ce qu’il avait fait en vivant avec elle. Voyant qu’elle n’arriverait à rien avec Catriona, notre mère trouva une autre solution pour écarter le problème. De manière radicale. Craignant qu’une insistance de sa part pour un avortement entraine une déclaration de Catriona en public, dévoilant le statut de père de Daividh, et montrant une image de lui qui pourrait lui nuire, à cause du fait de son refus de reconnaissance de l’enfant, notre mère imagina un plan monstrueux.


Connaissant le lieu d’habitation de Catriona, Beathan fut sollicité, car habitué de nombres d’hôtels de la ville pour y avoir travaillé en tant que chef cuisinier, des années avant d’officier au sein du Manoir McFerus. Dont celui où séjournait Catriona. Fingal fut mis aussi à contribution. Revêtu d’une tenue empruntée dans l’armoire de notre père, fourni par notre mère, Fingal se rendit à l’hôtel, profitant de la nuit et d’un chapeau en partie rabattu sur son visage. Le but était de faire croire à la présence du dirigeant de l’empire McFerus dans les lieux. Beathan fut chargé d’occuper le personnel de l’accueil, pendant que Fingal, discrètement, monterait dans un des ascenseurs, tout en prenant garde qu’on ne reconnaisse pas son visage. Mais s’assurant que sa tenue, elle, soit visible du plus grand nombre de témoins possible. Le stratagème fonctionna, et une fois Fingal rendu à l’étage où résidait Catriona, Beathan le rejoignit peu de temps après. Ensemble, ils se rendirent devant la porte de la chambre de la jeune femme, et cognèrent à celle-ci.


Pensant qu’il s’agissait de Daividh, celui-ci, conformément aux instructions de notre mère l’ayant prévenu la veille de sa venue, Catriona ouvra sans méfiance. Elle n’eut pas le temps de crier quand Beathan s’introduisit en plaquant sa main sur la bouche de la future victime. Il demanda à Fingal de fermer la porte, puis lui demanda de l’aider à bâillonner et ligoter Catriona. Après quoi, Beathan égorgea cette dernière, laissant son corps sur le sol de la chambre. Les deux hommes portant des gants, aucune empreinte ne fut découvert par la suite. Fingal et Beathan attendirent tard dans la nuit avant de sortir de la chambre, enveloppant le corps de la victime enceinte dans des draps, puis se dirigeant vers l’escalier de secours. La connaissance des lieux par Beathan fut déterminante. Il savait que les dirigeants de l’hôtel ne disposaient pas de caméras de surveillance aux étages. Seul le hall en était doté. Ce qui fait que leur descente ne fut pas remarquée, ni enregistrée.


L’escalier de service menait à une petite ruelle peu éclairée, où Beathan, la veille, s’était arrangé pour y garer un véhicule sans immatriculation afin d’y placer le corps de leur victime, avant de se diriger en direction du Manoir. Ce soir-là, notre père dormait profondément, notre mère s’étant arrangé pour lui faire absorber un somnifère inodore, placé dans le whisky qu’il avait l’habitude de boire avant de se coucher. Il ne fut donc jamais au courant des déplacements au sein de la propriété, notre mère ayant désactivé les caméras de surveillance du parc. Une fois arrivés dans celui-ci, Beathan et Fingal s’employèrent à creuser une fosse pour y enterrer le corps de Catriona, dans un recoin du jardin peu fréquenté par les rares personnes ayant l’autorisation de venir au Manoir, lors de fêtes organisées par mes parents. Une fois fait, les tenues utilisées par Beathan et Fingal furent brûlées dans la chaudière, et le véhicule fut plongé au sein de l’étang figurant à l’arrière du Manoir, afin de finir de dissimuler toute trace.


Le jour suivant, le personnel de l’hôtel découvrit des traces de sang sur le sol de la chambre de Catriona, et alerta la police. Une enquête fut menée, et plusieurs témoins affirmèrent avoir vu une silhouette ressemblant à notre père se diriger vers l’hôtel. Grooms et autres membres du personnel des lieux confirmèrent avoir aperçu un homme portant une tenue faisant penser également au dirigeant des McFerus. N’ayant pas d’alibi pour ce jour, et grâce à la mise en place élaborée par notre mère, notre père fut soupçonné de la disparition et du présumé meurtre de Catriona, au vu du sang trouvé dans la chambre de la victime.


Comme l’avait fomenté notre mère, aucun autre membre ne fut soupçonné. Les nombreux témoignages impliquant uniquement mon père, et le soupçonnant d’une relation avec la jeune femme tuée. Le fait qu’elle était enceinte, la silhouette avec les habits de mon père : tout concordait pour la police, sans qu’elle ait à penser qu’un autre membre des McFerus puisse être impliqué. Ainsi, le « problème » Catriona fut résolu de main de maître, et rajoutant une pierre par la même occasion à l’opération « destruction de l’Empire McFerus » par notre mère, sans que celui-ci se doute de quelque chose. En dehors de la silhouette, aucune preuve attestée de la présence de Callum McFerus ne put être établie. Mais le doute subsistait, ce qui était l’objectif de notre mère.


J’étais… atterré de la froideur dont avait fait preuve ma mère pour tuer sans aucun remords une jeune femme enceinte, juste pour réparer l’erreur de Daividh. Ceci en n’hésitant pas à se servir de Fingal et Beathan pour parvenir à ses fins, afin de préserver l’image qu’elle se faisait de nous tous, tout en incriminant sciemment notre père. Eilidh était comme moi : dégoûtée de l’acte de ma mère, de son machiavélisme sans le moindre remords pour que Daividh ne se retrouve pas impliqué dans un scandale ou soit obligé de suivre une voie familiale qu’il ne désirait pas, alors qu’il avait dès le départ été le vecteur de tout ce qui avait suivi. Il n’y avait même pas de nom pour qualifier tout ça, tellement c’était au-delà de tout ce que je pouvais penser de ma famille. Eilidh me serrait la main tellement fort qu’elle aurait pu me briser tous les os, et pourtant je ne ressentais même pas la douleur. J’étais trop sous le choc de tout ce que j’avais pu entendre. Je ne parvins pas retenir mes larmes, et éclatais en sanglots. Je m’étais retenu jusqu’à présent, m’étant juré de ne pas craquer avant de tout savoir. Maintenant que tout avait été mis à jour, toute la pression accumulée s’évacua d’un coup.


- Je t’avais prévenu Craig McFerus. Je t’avais dit que tu aurais du mal à supporter la vérité, tout comme toi Eilidh. Je suis désolé du mal que ça fait, mais si on doit travailler ensemble, autant que vous sachiez tout ce qu’implique notre collaboration. Et les secrets des McFerus font partie de l’équation, malheureusement. Et puis, je rappelle que vous avez insisté pour que je dévoile tout en détail. C’est dur, je le conçois, plus encore pour Craig qui découvre qu’il fait partie d’une famille de véritables psychopathes en puissance. 

 

Je me reprenais peu à peu, tout comme Eilidh qui relâchait la pression de ma main. Je massais celle-ci.

 

- Je… Je suis désolée Craig. Je ne voulais pas te faire mal… J’étais tellement en proie au choc que je ne me suis pas rendu compte…

 

Je l’interrompais.

 

- Ne t’en fais pas. Je suis dans le même état que toi, si ce n’est pire. Et, Ruagh, ne t’en veux pas. Tu l’as dit : c’est moi qui ai insisté pour tout savoir. Je m’en remettrais, mais je ne pourrais plus jamais voir ma famille de la même manière. Que ce soient mes parents, Effie et Daividh, ceux et celles qui sont encore là…

 

Ruagh reprenait :

 

- Si tu veux les preuves de ce que j’avance, je peux te les montrer maintenant…

 

- Non… Je te crois sur parole… Et surtout, je n’ai pas envie d’avoir la confirmation par écrit de toutes ces horreurs qui ont déjà été pénibles à entendre. En revanche, j’aimerais beaucoup avoir la possibilité de parler à Beathan. Je comprends la vraie raison qui l’a incité à démissionner. Il a dit que c’était à cause des morts, qu’il ne voulait pas être le prochain, ce qui était crédible… Mais je sais aujourd’hui que la vraie raison de son départ était tout autre…

 

Ruagh reprenait son air triste.

 

- En effet. Il ne supportait plus de vivre au sein de cette famille de malades. Il a longtemps retardé son départ, à cause de toi, Craig. Il craignait que tu subisses le contrecoup de tout ça si tu venais à l’apprendre sans y avoir été préparé. Et surtout, il ne voulait plus qu’on se serve de lui pour d’autres besognes toutes aussi horribles à l’avenir. Lui, il voulait cuisiner, offrir de la joie sur les visages en donnant des plats qui émoustillent les papilles, en reprenant ses mots. Pas devenir un « nettoyeur » de cette quasi-succursale de la Mafia, qui ferait passer n’importe quel parrain pour un enfant de chœur…


Ruagh soupirait, avant de reprendre.

 

- Quoi qu’il en soit, je suis soulagé d’avoir pu libérer tout ça ce soir. Ça me pesait depuis déjà un bon moment. Et quant à la possibilité de rencontrer Beathan, aucun souci. Je suis sûr qu’il sera ravi de te revoir et d’évoquer les raisons de son départ, sans les détails bien sûr. Je pense qu’une fois suffit. Je lui indiquerais que je t’ai déjà tout dit. En plus de ça, ça facilitera les choses pour les prochaines réunions je pense. Ça paraîtra moins bizarre que vous vous rendiez chez lui pour lui parler, par rapport à moi qui suis plus ou moins « surveillé » de la part des petits espions de ton père ou de Daividh. Je précise aussi que j’ai déjà eu des altercations pas très tendres avec lui et Fingal, venus chez moi pour me signifier de ne plus chercher à s’approcher de votre propriété.

 

- Oh merde… Je suis désolé que tu ait dû subir ça. Et je suis du même avis que toi. Une fois mis en contact avec ce cher Beathan, les prochaines réunions seront plus discrètes. 

 

Eilidh s’incrustait dans notre petit échange.

 

- Je sais pas toi, Craig, mais j’ai bien besoin d’un bon remontant après tout ça. Faut que j’évacue la pression. Et j’ai hâte de rencontrer ce fameux Beathan, celui qui a tout appris des secrets de cuisine à Ruagh… et à toi aussi Craig, de ce que j’ai compris. Je connais déjà les talents de cuisinier de notre hôte de ce soir. Je suis curieuse de savoir ce que tu vaux dans une cuisine, Mr. Craig McFerus.

 

Ruagh s’interposait, profitant de l’occasion pour détendre l’atmosphère alourdie par toutes ces révélations.

 

- Ça serait amusant de faire un petit concours chez Beathan. Il pourrait servir de dirigeant des opérations et juger de ton évolution sur ce qu’il t’a appris Craig…

 

Eilidh rajoutait :

 

- Et moi je me porte volontaire pour goûter vos plats à tous…

 

- Je reconnais bien là la gourmande que tu es.

 

- Même pas vrai…

 

Ruagh riait de bon cœur, ravi que l’ambiance était revenue à un niveau moins dramatique.

 

- Vous savez quoi ? Je vais lui parler de ça aussi. Je suis sûr qu’il sera ravi de jouer les « chefs de chantier ». 

 

S’adressant à Eilidh :

 

- Je te tiens au courant Eilidh. Lors de ma prochaine séance chez le Dr. Reid. Je te dirais quand se voir pour parler de la meilleure manière pour se préparer au retour du Léviathan. Beathan est au courant également. J’aurais bien voulu entendre plus en détail ce que toi tu savais sur d’autres choses, Craig, mais il est déjà tard. Et puis je pense que ça sera mieux d’en informer également Beathan. Ça évitera que tu aies à redire deux fois les mêmes infos. Vous êtes partants, chers nouveaux associés ? 

 

Eilidh et moi on répondait de concert :

 

- Partants… Associé…


Après ça, Ruagh alla chercher un « remontant », selon la demande d’Eilidh. On discuta d’autres petites choses n’incluant pas le Manoir, les McFerus ou le Léviathan. Il nous parla plus en profondeur de ses amis du Paranormal, sa rencontre avec eux, les missions qu’ils faisaient ensemble, ainsi que d’autres petites anecdotes qui achevèrent d’enlever le noir qui s’était installé dans l’ambiance, après l’ensemble des informations dévoilées. Plus tard, Eilidh et moi on partaient de la maison, empruntant le sens inverse de notre « parcours ». Je la raccompagnais chez elle et rentrais au Manoir, masquant à ma famille le fait que j’étais au courant des moindres petits secrets les concernant à la limite du diabolique. Ma mère m’assaillit de question sur Eilidh, sur ce qu’on avait discuté, de comment s’était passé notre soirée… En l’écoutant, je ne cessais de me demander comment elle était arrivée à construire ce masque de fausse tendresse que je pensais être le sien depuis mon enfance.


J’ai eu du mal à dissimuler mon angoisse devant son visage, repensant malgré moi à toutes les horreurs dont m’avait fait part Ruagh ce soir. Ce Manoir était encore pire qu’avant à présent. Il y avait le souvenir de mes frères et sœurs tués par cette créature, ce Léviathan devenu la structure même de notre demeure, et il y avait aussi les autres monstres habitant les lieux. Ma famille et leurs horribles secrets. Je repensais à Effie devant subir à nouveau les assauts de mon père, sans rien dire, à l’insu de Daividh. Je supposais qu’il ignorait ce qui en était, tout comme l’avaient vraisemblablement ignoré aussi Fingal, Isobel et Roy. J’avais envie de la mettre devant le fait accompli, de faire avouer à ma mère le crime dont elle était coupable. Catriona et le bébé dans son ventre. Comment on pouvait arriver à avoir l’idée de tuer une mère et son enfant à naître ? Il y avait peu de meurtriers capables d’une telle ignominie. Et ma mère l’avait fait commettre sans en éprouver le moindre remords. Son visage souriant n’était qu’un leurre pour dissimuler toute la laideur de son âme. Quant aux autres…


Je résistais à cette envie, puis, harassé par la fatigue, je finis par me diriger vers ma chambre, après avoir promis à ma mère que je lui donnerais plus de détail sur ma soirée avec Eilidh dès le lendemain. Elle m’afficha à nouveau son sourire que je me mettais à détester à présent. Car je savais ce qu’il était en réalité. Mais l’heure n’était pas encore à la confronter à ce qu’elle était. Ni elle, ni mon père, ou encore Effie et Daividh. Tous coupables de crimes horribles à divers niveaux. Tous des monstres au même titre que la créature que je voulais détruire. J’étais fatigué de tout ça, et j’avais besoin d’une bonne nuit de sommeil, en espérant parvenir à dormir avec tout ce qui se trouvait dans ma tête. Mais je parvins malgré tout à sombrer dans le néant des rêves, sans que l’image immédiate des horreurs de ma famille ne vienne s’y incruster. Je ne voyais qu’Eilidh, pensant à l’avenir que je pourrais forger avec elle ; une fois que tout ça serait fini ; une fois que cette créature serait anéantie ; une fois que ma famille serait sauvée. Même si je me demandais si elle méritait tant que ça d’être sauvée, au vu de ce que je savais sur leurs véritables personnalités à tous, digne du pire des méchants de films d’horreur…

 

à suivre…

 

Publié par Fabs

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